L’art
est-il un langage comme les autres ?
Si
l’art contemporain nous
étonne c’est parce
nous avons l’habitude
de rechercher le message
que délivrent les
œuvres d’art, de
nous demander ce que
l’auteur exprime, ce qu’il
veut nous dire.
Très souvent, cette
recherche d’un sens
passe par l’élucidation de
ce que représente l’œuvre.
Nous avons l’habitude
de lier le
fait de représenter et
celui d’avoir un
sens. Et de
ce fait, même
lorsque l’œuvre ne
semble rien représenter, nous
supposons qu’elle représente
tout de même
une intention, un état
d’âme de son auteur,
qu’elle en constitue
une expression. Une
œuvre comme les Monochromes Bleus
d’Yves Klein, qui
ne font que
présenter la couleur
bleue, nous déconcertent car
l’auteur ne semble
délivrer aucun message
mais seulement exhiber
le matériau pictural
qu’est la couleur.
Avons-nous alors raison d’appliquer de façon
quasi automatique les
notions de message, d’expression, de
code à l’œuvre
d’art et de
considérer ainsi l’art comme
une sorte de
langage, c’est-à-dire comme
la transmission d’un message
d’un émetteur à
un destinataire via
un code ?
Si
l’art est un
langage et délivre
un message, n’est-il
pas plus économique
de passer directement par le langage
verbal plutôt que
par l’œuvre d’art
? Et ne
puis-je pas me passer
des œuvres pour
aller directement au
message qu’elles délivrent
? Mais inversement, si
je ne comprends
plus l’œuvre par
rapport au message
qu’elle délivre, comment
rendre raison de
la communication qui
s’instaure par le moyen
de l’œuvre d’art: communication entre
l’artiste et son
public, communication entre
les spectateurs. Quel type de
communication l’œuvre instaure-t-elle ?
Comment délivre-t-elle un
message si elle
en délivre un ?
Ce questionnement permet
d’éclairer à
la fois l’œuvre
d’art et le
langage courant dans
la mesure où
il nous en
faut analyser les caractéristiques. Dans
quelle mesure
peut-on appliquer les
concepts qui définissent
le langage courant à
la compréhension de
l’œuvre d’art ?
N’est-ce pas laisser
échapper ce qui constitue
l’essence de l’art
que de considérer
l’œuvre sur le
modèle du langage courant ?
Mais n’est-il pas
encore plus dangereux
de comprendre l’œuvre
comme ce qui
échappe à une
compréhension en termes
de langage ?
De telles interrogations nous conduiront
au bout du
compte à redéfinir
la notion de
langage du fait
de son rapport
à l’art.
I
- Peut-on comprendre
ce qu’est une
œuvre d’art au
moyen des concepts
qui structurent le langage
ordinaire ? Au
prix de quels ajustements apportés
à ces concepts ? Dans
un premier temps,
il semble que
l’effort vaille la
peine d’être tenté puisque
l’œuvre instaure bien
une communication entre
un émetteur et
un récepteur, qu’elle véhicule
un sens et
utilise un matériau
comme support de cette transmission.
II
- L’essence de
l’art ne peut
être saisie sur
le modèle du
langage même si
toute œuvre véhicule un
message et fonctionne
donc comme support
d’une cognition. L’art
a en plus
une dimension esthétique
qui ne peut
se réduire au
simple plaisir lié à
l’activité cognitive de
compréhension de son
sens. D’ailleurs, c’est
souvent la part
d’énigmatique dans l’œuvre
qui nous attire.
Il nous
faut donc explorer
cette dimension esthétique de
l’œuvre d’art par
opposition à la
dimension cognitive du langage.
III
- L’art est-il
comme une injonction
adressée au langage
à retrouver sa
vocation première ?
L’art
ne peut pas
être réduit à
une sous-espèce du
langage ordinaire. Il ne peut
être compris à partir
du seul modèle
du langage verbal
ordinaire car ce
serait le réduire
à son contenu cognitif
et négliger la
dimension esthétique qui
fait la particularité
des œuvres d’art.
Cependant,
cette dimension esthétique
n’est pas nécessairement irrationnelle :
il faut se
garder de faire
de l’art le
messager d’un indicible
que le langage verbal
ne pourrait pas
atteindre. Si l’art
permet d’atteindre un
fondement quelconque par l’esthétique
(Etre, durée), cette
fonction ne prend
sens que par et
dans un
discours qui l’explicite.
La contemplation muette
ne suffit pas
à rendre justice à
l’œuvre, pas plus
que le discours
qui voudrait le
remplacer. Mais l’œuvre
est indissociable du langage,
elle est l’objet
par lequel le langage
vient à parler
de l’être. Elle est
l’occasion pour le
langage de retrouver
sa vraie vocation
et de passer
d’un langage descriptif à
un langage spéculatif.
(Extraits de la réflexion de E Buissière,
Prof. De philosophie)
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