mardi 10 octobre 2017

Sujet du Merc. 11/10/2017 : L’art est-il un langage comme les autres ?



           L’art est-il un langage comme les autres ? 

Si  l’art  contemporain  nous  étonne  c’est  parce  nous  avons  l’habitude  de  rechercher  le message  que  délivrent  les  œuvres  d’art,  de  nous demander  ce  que  l’auteur  exprime, ce   qu’il   veut   nous   dire.   Très   souvent,   cette   recherche   d’un   sens   passe   par   l’élucidation  de  ce  que représente  l’œuvre.  Nous  avons  l’habitude  de  lier  le  fait  de représenter  et  celui  d’avoir  un  sens.  Et  de  ce  fait,  même  lorsque  l’œuvre  ne  semble rien  représenter,  nous  supposons  qu’elle  représente  tout  de  même  une  intention,  un état  d’âme  de  son  auteur,  qu’elle  en  constitue  une  expression.  Une  œuvre  comme  les Monochromes  Bleus  d’Yves  Klein,  qui  ne  font  que  présenter  la  couleur  bleue, nous  déconcertent  car  l’auteur  ne  semble  délivrer  aucun  message  mais  seulement  exhiber  le  matériau  pictural  qu’est  la  couleur.  Avons-nous  alors  raison d’appliquer  de façon  quasi  automatique  les  notions  de  message, d’expression,  de  code  à  l’œuvre  d’art  et  de  considérer  ainsi  l’art comme  une  sorte  de  langage,  c’est-à-dire  comme  la transmission  d’un  message  d’un  émetteur  à  un  destinataire  via  un  code  ?   

Si  l’art  est  un  langage  et  délivre  un  message,  n’est-il  pas  plus  économique  de  passer directement  par  le  langage  verbal  plutôt  que  par  l’œuvre  d’art  ?  Et  ne  puis-je  pas  me passer  des  œuvres  pour  aller  directement  au  message  qu’elles  délivrent  ?  Mais inversement,  si  je  ne  comprends  plus  l’œuvre  par  rapport  au  message  qu’elle  délivre,  comment  rendre  raison  de  la  communication  qui  s’instaure  par  le moyen  de  l’œuvre d’art:    communication    entre    l’artiste    et    son    public,    communication    entre    les spectateurs.   Quel type de communication   l’œuvre   instaure-t-elle   ?   Comment   délivre-t-elle  un  message  si  elle  en  délivre  un ?  Ce  questionnement  permet  d’éclairer à  la  fois  l’œuvre  d’art  et  le  langage  courant  dans  la  mesure    il  nous  en  faut analyser  les  caractéristiques.  Dans   quelle   mesure   peut-on   appliquer   les   concepts   qui   définissent   le   langage courant  à  la  compréhension  de  l’œuvre  d’art  ?  N’est-ce  pas  laisser  échapper  ce  qui constitue  l’essence  de  l’art  que  de  considérer  l’œuvre  sur  le  modèle  du  langage courant  ?  Mais  n’est-il  pas  encore  plus  dangereux  de  comprendre  l’œuvre  comme  ce  qui  échappe  à  une  compréhension  en  termes  de  langage  ?  De  telles  interrogations nous  conduiront  au  bout  du  compte  à  redéfinir  la  notion  de  langage  du  fait  de  son  rapport  à  l’art.  
 
I  -  Peut-on  comprendre  ce  qu’est  une  œuvre  d’art  au  moyen  des  concepts  qui structurent  le  langage  ordinaire  ?  Au  prix  de  quels  ajustements  apportés  à  ces concepts ?  Dans  un  premier  temps,  il  semble  que  l’effort  vaille  la  peine  d’être  tenté puisque  l’œuvre  instaure  bien  une  communication  entre  un  émetteur  et  un  récepteur, qu’elle  véhicule  un  sens  et  utilise  un  matériau  comme  support  de  cette  transmission.

II  -  L’essence  de  l’art  ne  peut  être  saisie  sur  le  modèle  du  langage  même  si  toute œuvre  véhicule  un  message  et  fonctionne  donc  comme  support  d’une  cognition.  L’art  a  en  plus  une  dimension  esthétique  qui  ne  peut  se  réduire  au  simple  plaisir  lié  à l’activité  cognitive  de  compréhension  de  son  sens.  D’ailleurs,  c’est  souvent  la  part  d’énigmatique   dans   l’œuvre   qui   nous   attire.

 Il   nous   faut   donc   explorer   cette dimension  esthétique  de  l’œuvre  d’art  par  opposition  à  la  dimension  cognitive  du langage.

III  -  L’art  est-il  comme  une  injonction  adressée  au  langage  à  retrouver  sa  vocation première ?

L’art  ne  peut  pas  être  réduit  à  une  sous-espèce  du  langage  ordinaire.  Il  ne  peut  être compris  à  partir  du  seul  modèle  du  langage  verbal  ordinaire  car  ce  serait  le  réduire  à son  contenu  cognitif  et  négliger  la  dimension  esthétique  qui  fait  la  particularité  des  œuvres   d’art.  
Cependant,   cette   dimension   esthétique   n’est   pas   nécessairement irrationnelle  :  il  faut  se  garder  de  faire  de  l’art  le  messager  d’un  indicible  que  le langage  verbal  ne  pourrait  pas  atteindre.  Si  l’art  permet  d’atteindre  un  fondement quelconque  par  l’esthétique  (Etre,  durée),  cette  fonction  ne  prend  sens  que  par  et dans  un  discours  qui  l’explicite.  La  contemplation  muette  ne  suffit  pas  à  rendre  justice à  l’œuvre,  pas  plus  que  le  discours  qui  voudrait  le  remplacer.  Mais  l’œuvre  est indissociable  du  langage,  elle  est  l’objet  par  lequel  le langage  vient  à  parler  de  l’être. Elle  est  l’occasion  pour  le  langage  de  retrouver  sa  vraie  vocation  et  de  passer  d’un langage  descriptif  à  un  langage  spéculatif.

(Extraits de la réflexion de E Buissière, Prof. De philosophie)

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