samedi 21 juin 2025

Sujet du Merc. 25 Juin 2025 : "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer" K. Marx.

 

"Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières,
                       ce qui importe c'est de le transformer" K. Marx
.  

Pour nombre d’auteurs, cette formulation de Marx viendrait sonner la fin de toute philosophie. Dès lors les penseurs (comme les autres hommes – les philosophes devenant inutiles !) devraient s’attaquer à la transformation du monde.  
Cette analyse, si elle s’adosse à la syntaxe même de la phrase, ne tient en aucun cas compte de l’œuvre elle-même de Marx et de ce qu’il a développé en particulier dans le « renversement » de la dialectique de Hegel. Elle est pratique pour la polémique, mais totalement non opératoire si l’on veut tenter, un tant soit peu, de pénétrer la posture de Marx.   
Rappelons aussi, pour l’histoire, que lesdites « thèses sur Feuerbach » sont une succession de notes prises en 1845 par Marx et publiées en 1888 par F. Engels en appendice d’un texte plus élaboré qui s’intitule « L’idéologie allemande ». Il sera donc utile pour cette discussion d’avoir lu ce texte dans son intégralité (on retrouvera par ailleurs en fin de ce philopiste l’intégralité des 11 « Thèses »).

Mais avant d’aller plus loin ayons à l’esprit les deux thèses suivantes qui aideront à positionner la discussion dans le champ précis dans lequel Marx s’inscrit : celui d’une philosophie matérialiste, tournée vers la pratique :         
                                                                                        Thèse II  
La question de savoir s'il y a lieu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question théorique, mais une question pratique. C'est dans la pratique qu'il faut que l'homme prouve la vérité, c'est-à-dire la réalité, et la puissance de sa pensée, dans ce monde et pour notre temps. La discussion sur la réalité ou l'irréalité d'une pensée qui s'isole de la pratique, est purement scolastique.   
                                                                                          Thèse VIII
Toute vie sociale est essentiellement pratique. Tous les mystères qui détournent la théorie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la pratique humaine et dans la compréhension de cette pratique. 
            

 Acte de décès de la philosophie ? :     
Voyons de plus près le détail de la phrase de Marx : Qui sont ces philosophes ?  Ce sont tous les penseurs qui appartiennent à l'ancienne tradition du matérialisme, tradition à laquelle, en dépit de ses efforts d'innovation, Feuerbach appartient encore ; mais ce sont aussi les penseurs de l'autre bord, les philosophes idéalistes à la Fichte, que Marx comme la plupart des jeunes hégéliens ont suivis un temps, ces philosophes auxquels l'impardonnable négligence des matérialistes en proie à une sorte de délire chosiste, dont le matérialisme intuitif de Feuerbach demeure une manifestation exemplaire, a réservé le droit exclusif d'explorer les voies de la subjectivité et de l'action. Matérialistes et idéalistes, même combat ! De part et d'autre, même souci obsessionnel d'interpréter le monde !

Interpréter le monde, c'est-à-dire élaborer une spéculation à caractère global sur la réalité qui a pour résultat de ramener celle-ci à un principe unique : démarche qui ne peut mettre en avant et privilégier indûment que des abstractions, c'est-à-dire des conceptions prétendant à la globalité, mais qui, pour donner corps à cette prétention, mutilent la réalité en la réduisant à l'un seul de ses aspects présenté comme constitutif de son essence et capable de l'expliquer en totalité. Ainsi « le monde », que les philosophes se proposent d'interpréter, ce n'est jamais qu'un succédané de la réalité effective, un substitut appauvri de celle-ci, un état figé de son développement abusivement élevé au rang de représentant définitif de sa nature essentielle. Et l'interprétation est précisément l'opération qui donne un air de légitimité à cette entreprise de récupération en lui prêtant les apparences de la systématicité et de la cohérence. Interpréter le monde, c'est donc mettre en forme à son propos une théorie censée en épuiser toutes les déterminations, rassemblées dans le cadre d'une « vision du monde » ordonnée et raisonnée, dont la valeur n'est finalement pas supérieure à celle des mythes religieux dont elle cherche à prendre la place : imposture contre laquelle il convient de s'élever avec une nette et entière résolution.

Si la philosophie se contente d'interpréter le monde, elle se condamne à terme à disparaître, chargée d'un opprobre universel, la seule forme d'accord dont elle puisse escompter faire l'objet.

Si la onzième thèse sur Feuerbach décrète ou constate la mort de la philosophie comme telle, elle proclame manifestement l'échec de la philosophie ramenée à une interprétation du monde, ce qui, si l'on persiste à voir un avenir à la philosophie, conduit à programmer la nécessité d'une autre manière de faire de la philosophie, pour laquelle le mot « faire » retrouve sa pleine signification, qui permette de récupérer ce que les procédures interprétatives ont dû fatalement laisser tomber, à savoir la praxis humaine saisie dans sa dimension historico-sociale. La thèse 11, si elle ne l'évoque pas directement, n'écarte donc pas l'idée d'une réforme en profondeur de la philosophie, qui en remodèle les enjeux, ce qui nécessite de nouveaux moyens pour y parvenir.

 Une autre manière de philosopher ? :
Lorsqu'on cite la onzième thèse sur Feuerbach, citation rituellement effectuée à la cantonade sans souci philologique d'exactitude, on a souvent l'habitude de rajouter à son énoncé : « ce qui importe maintenant », et par là de rétablir une césure entre l'ancien et le nouveau, entre des pratiques antérieures et celles qu'il faudrait impérativement leur substituer. Mais, à la lettre, la thèse 11 ne dit pas cela. Elle se contente d'énoncer un ordre des priorités : « ce qui compte », et ceci en quelque sorte dans l'absolu, sans que soit tenu compte de la différence entre hier, aujourd'hui et demain. Ce qui compte, sous-entendu, ce qui compte le plus, c'est aussi ce qui a toujours compté et comptera toujours de cette même manière. S'il y a quelque chose qui compte, et, peut-on ajouter, qui doit compter pour la philosophie, ce serait donc de participer aussi activement que possible à la transformation du monde.

Ceci peut être compris dans le sens d'une réhabilitation au moins partielle de la philosophie, même dans son état antérieur où elle se contentait en pensée d'interpréter le monde, faisant fond sur l'accessoire au détriment de l'essentiel, ce qui est bien sûr regrettable. Les philosophes étaient animés, possédés par le projet d'effectuer une telle interprétation, et ils s'en satisfaisaient en apparence. Mais, en réalité, ne faisaient-ils que cela ? Ne participaient-ils pas eux aussi, de façon biaisée et inconsciente, au mouvement historique de son devenir ?

la onzième thèse, prise à la lettre, ne dit pas : ce qui compte, c'est que le monde se transforme ou soit transformé, mais ce qui compte, c'est de le transformer, ou qu'on le transforme, c'est-à-dire qu'on participe activement à la dynamique de son changement, au lieu de se contenter de le regarder passivement de loin comme s'il s'agissait d'une chose étrangère, objet de spectacle ou de simple consommation : la transformation, est un processus objectivement en cours, auquel manque seulement qu'on s'y associe subjectivement, c'est-à-dire qu'on prenne conscience de la nécessité de prendre part à ce mouvement qui est lui-même, en lui-même, irrépressible, car on ne voit pas comment le monde pourrait cesser, ni même pourrait avoir jamais cessé de se transformer.

Ce qui compte, c'est donc de s'intéresser au mouvement de transformation du monde, d'en faire un sujet de préoccupation, théorique et pratique à la fois, qui passe au premier plan, ce qui constitue précisément le principe directeur de la praxis, par laquelle l'homme entre en confrontation avec les choses et les autres hommes. Or, prendre au sérieux cette confrontation, en faire l'objectif d'une praxis au sens plein et entier du terme, c'est refuser de la laisser se dérouler au hasard, de façon sauvage, mais autant que possible la contrôler et pour une part la diriger, ce qui suppose qu'on prenne connaissance de ses tendances profondes, ce sans quoi on se prive de toute chance d'intervenir efficacement à leur égard. La thèse 8, de la même façon, pose que « tous les mystères qui incitent la théorie au mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la praxis humaine et dans la compréhension de cette praxis », la praxis et sa compréhension rationnelle allant nécessairement ensemble et étant condamnées à être perverties si elles sont conçues séparément, et a fortiori si elles sont renvoyées dos à dos en étant présentées comme exclusives l'une de l'autre.      

  Réforme de la philosophie :
Ce qui est en jeu dans le projet d'une réforme de la philosophie, ce n'est pas l'élaboration d'une philosophie de plus, qui vienne débattre avec les autres sur un même plan qu'elles, mais c'est la mise en place effective des conditions d'une nouvelle pratique de la philosophie, poursuivant d'autres objectifs que ceux traditionnellement assignés à son entreprise : des objectifs faisant passer au premier plan ce qui réellement compte sur le fond, à savoir la nécessité de transformer le monde, c'est-à-dire de prendre part activement à son évolution au lieu de se faire entraîner par elle comme s'il s'agissait d'une fatalité inexorable, d'un déterminisme aveugle.

De ce point de vue, la onzième thèse sur Feuerbach renoue à sa façon avec le programme des philosophies de l'action tel qu'il avait été développé auparavant, par Moses Hess, qui, en reprenant le message que Cieskowski avait résumé à l'aide de la formule: «à la fin sera l'action », qui parodie celle du Faust de Goethe « Am Anfang war die Tat », avait exposé la nécessité la philosophie de se dépasser de manière à rejoindre le terrain de l'action réelle, faute de quoi elle se condamne à disparaître complètement. Mais, tout en reprenant ce programme, la onzième thèse en décale le point d'application : transformer le monde, ce n'est pas agir sur  l'extérieur, par l'opération d'une volonté pure ; mais comme nous l'avons dit, prendre part au mouvement de sa transformation qui, de toute façon, qu'on le veuille ou non, doit avoir lieu d'une façon ou d'une autre ; c'est agir en lui, suivant l'élan propre à une praxis immanente plutôt que prétendre agir sur lui, ce qui serait encore une manière de réactiver les vieux dilemmes de l'objet sujet, de la pensée et du réel, de la théorie et de la pratique, de l'abstrait et du concret, du déterminisme et de la liberté, du matérialisme et de l'idéalisme, ces dilemmes avec lesquels, comme Marx l'avait dit dès la première sur Feuerbach, il faut en finir si on veut redonner sens l'entreprise de la philosophie.

« La philosophie ne serait fausse qu'en tant qu'elle resterait abstraite, s'enfermerait dans les concepts et dans les êtres de raison et masquerait les relations interhumaines effective. Même alors, tout en les masquant, elle les exprime, et le marxisme n'entend pas se détourner d'elle, mais la déchiffrer, la traduire, la réaliser... 

Philosopher est une manière d'exister entre autres, et l'on ne peut pas se flatter d'épuiser, comme le dit Marx, dans « l'existence purement philosophique » « l'existence religieuse », « l'existence politique », « l'existence juridique », « l'existence artistique », ni en général « la vraie existence humaine » (Manuscrits de 1844). 

Mais si le philosophe le sait, s'il se donne pour tâche de suivre les autres expériences et les autres existences dans leur logique immanente au lieu de se mettre à leur place, s'il quitte l'illusion de contempler la totalité de l'histoire achevée et se sent comme tous les autres hommes pris en elle et devant un avenir à faire, alors la philosophie se réalise en se supprimant comme philosophie séparée.

Cette pensée concrète, que Marx appelle critique pour la distinguer de la philosophie spéculative, c'est ce que d'autres proposent sous le nom de philosophie existentielle
 » Merleau-Ponty (Sens et non-sens, Nagel, Paris, 1948, p. 235-237).             

Comme le signale P. Macherey  :     
«L'exigence pour la philosophie de « se supprimer comme philosophie séparée », exigence posée comme condition pour que la philosophie, au lieu de se périmer, s'arrime au mouvement d'un avenir à faire. C'est sans aucun doute possible cette exigence qui animait Marx lorsque, en 1845, il rédigeait ses
« thèses » sur Feuerbach.»». 

P. Macherey,  Marx 1845, Les «thèses» sur Feuerbach»     

Note : de nombreuses citations de l'ouvrage précité constituent la charpente de ce philopiste.

                                                                                                                                                                                                                                                                           Thèses sur FEUERBACH

                                                                 Ad Feuerbach                   
                                                                  K. Marx 1845

                                                                                          1
Le défaut principal, jusqu'ici, de tous les matérialismes (y compris celui de Feuerbach) est que l'objet, la réalité effective, la sensibilité, n'est saisi que sous la forme de l'objet ou de l'intuition ; mais non pas comme activité sensiblement humaine, comme pratique, non pas de façon subjective. C'est pourquoi le côté actif fut développé de façon abstraite, en opposition au matérialisme, par l'idéalisme – qui naturellement ne connaît pas l'activité réelle effective, sensible, comme telle. Feuerbach veut des objets sensibles – réellement distincts des objets pensés : mais il ne saisit pas l'activité humaine elle-même comme activité objective. C'est pourquoi il ne considère, dans L'Essence du christianisme, que l'attitude théorique comme vraiment humaine, tandis que la pratique n'est saisie et fixée que dans sa manifestation sordidement juive. C'est pourquoi il ne comprend pas la signification de l'activité
«révolutionnaire», de l'activité «pratique-critique».

                                                                                     2

La question de savoir s'il faut accorder à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question de théorie, mais une question pratique. C'est dans la pratique que l'homme doit prouver la vérité, i.e. la réalité effective et la puissance, le caractère terrestre de sa pensée. La dispute concernant la réalité ou la non-réalité effective de la pensée – qui est isolée14 de la pratique – est une question purement scolastique.

                                                                                     3

La doctrine matérialiste du changement des circonstances et de l'éducation oublie que les circonstances sont changées par les hommes et que l'éducateur doit lui-même être éduqué. C'est pourquoi elle doit diviser la société en deux parties – dont l'une est élevée au-dessus d'elle.
La coïncidence du changement des circonstances et de l'activité humaine ou autochangement ne peut être saisie et rationnellement comprise que comme pratique révolutionnaire.

                                                                                    4

Feuerbach part du fait de l'auto aliénation religieuse, du redoublement du monde en un religieux et un mondain. Son travail consiste à résoudre le monde religieux en son fondement mondain. Mais que le fondement mondain se détache de lui-même et se fixe en un royaume autonome dans les nuages ne peut s'expliquer que par l'autodéchirèrent et l'autocontradiction de ce fondement mondain. Celui-là lui-même doit donc en lui-même être autant compris dans sa contradiction que révolutionné pratiquement. De telle sorte qu'une fois, par exemple, que la famille terrestre a été découverte comme le secret de la famille céleste, c'est désormais la première elle-même qu'on doit détruire théoriquement et pratiquement.

                                                                                   5

Feuerbach, point satisfait de la pensée abstraite, veut l'intuition ; mais il ne saisit pas la sensibilité comme activité humaine-sensible pratique.
                                                                                  6

Feuerbach résout l'essence religieuse en l'essence humaine. Mais l'essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu singulier. Dans sa réalité effective, elle est l'ensemble des rapports sociaux. Feuerbach, qui n'entre pas dans la critique de cette essence réelle affective, est, par conséquent, contraint : 1. De faire abstraction du cours de l'histoire et de fixer le sentiment religieux pour soi, et de présupposer un individu humain abstrait – isolé. 2. L'essence ne peut donc plus être saisie que comme «genre», comme universalité interne, muette, liant les nombreux individus de façon naturelle.
                                                                                7
C'est pourquoi Feuerbach ne voit pas que le « sentiment religieux » est lui-même un produit social et que l'individu abstrait qu'il analyse appartient à une forme sociale déterminée.

                                                                                8
Toute vie sociale est essentiellement pratique. Tous les mystères qui orientent la théorie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la pratique humaine et dans la compréhension de cette pratique.

                                                                                9
Le sommet auquel parvient le matérialisme intuitif, c'est-à-dire le matérialisme qui ne conçoit pas la sensibilité comme activité pratique, c'est l'intuition des individus singuliers et de la société civile-bourgeoise.
                                                                              10
Le point de vue de l'ancien matérialisme est la société civile-bourgeoise ; le point de vue du nouveau, la société humaine ou humanité sociale.
                                                                              11
Les philosophes ont seulement interprété différemment le monde, ce qui importe, c'est de le changer.

vendredi 13 juin 2025

Sujet du mercredi 18 juin 2025 : Ça m’est égal.

 

                    Ça m’est égal.   

Egalité raciale, égalité des sexes, égalité des individus, égalité de tout, nivellement des attributs de chacun. La morale débonnaire fait accroire que l’homme est transcendentalement identique, ne différant que par les conséquences du choix de ses entreprises ; elle se heurte de fait et d’abord, magistralement, à la diversité première, génétique, en laquelle elle trouve paradoxalement refuge lorsqu’il s’agit de justifier par l’iniquité de la « nature » des aberrations comportementales au regard de cette même nature, telle que l’homosexualité, ou des pathologies psychologiques diverses.

            L’égalité sied bien au monde de l’homme-machine, bien que la réalité des classes indique tout le contraire, et quand dans les discours médiatiques d’une naïveté croissante la contradiction domine. Parce qu’elle est nécessaire. Deux personnes se disant égales mais que dans la réalité tout sépare ne peuvent se retrouver en ce qui, dans l’autre, leur est à fait étranger, et vont donc défendre leur identité en prétendant défendre une « égalité » quelconque ; c’est le cas de nombreuses associations se positionnant pour les femmes ou contre le racisme et qui, dans le fait même d’exister, ne peuvent assurément, bien qu’elles le fassent contre tout bon sens, distiller l’idée d’égalité avec les autres de ces individus qu’elles-mêmes marginalisent.    

            Bien évidemment, tout ceci n’est que confusion conceptuelle, entre les termes d’égalité et d’identité.  Cette dernière, vue sociologiquement comme l’idiosyncrasie, i.e. l’ensemble des différences faisant la singularité d’un individu ou d’un groupe, s’offre à la curée des contradictions entre individualisme moderne (contrat social et anomie : cf. Tocqueville) et multiculturalisme. L’exemple hypothétique ci-dessus renvoie au dilemme aliénant de concilier son double principe individuel d’autonomie et de réciprocité avec le refuge de l’identité culturelle ; sans que cette culture relève d’un patrimoine qui, en tant que sentiment national, s’intègre à une identité qui n’est que propre, elle ne heurte à l’échec de sa définition individuelle ainsi que de la reconnaissance de l’alter ego. En d’autres termes, l’individu se connaît d’abord par ses actes, et situe ses affinités culturelles en conséquence, et non parce qu’il appartient a priori à des catégories sociales. Ceci, lorsqu’on y mêle le droit de chacun d’être traité de la même façon au sein d’un groupuscule politique, s’entend l’égalité, conduit aux écueils que l’on sait.

            Comprendre l’égalité plutôt que l’identité, ce n’est pas moins comprendre la différence. Celle-ci, une fois encore, s’acquiert de la vie même de la personne, des actes qu’elle opère sur le monde, des pensées qu’elle en constitue, tout en étant primordiale et naturelle ; qu’est-ce alors que revendiquer un droit à la différence ? Sinon se placer en contradiction avec les droits de l’homme même, qui instituent l’égalité (telle qu’elle a été justement définie plus haut), sinon nuire dangereusement à cette conception d’égalité, la confondant ? Sexisme et racisme naissent aussi dans l’angoisse de l’indifférenciation, résultat de l’égalitarisme.

            Cet égalitarisme revient à l’égalisation, au possible, des conditions et des moyens d’existence, défendue par Marx, et renvoie à cette notion d’égalité sociale qui ne se satisfait pas de la seule égalité des droits (i.e. devant la loi), laquelle repose sur l’égale dignité des hommes. On pourrait penser qu’il est de bon aloi de dire que le libéralisme critique, à raison, l’égalitarisme, pour ce qu’il sacrifie la liberté individuelle au nom de l’égalité, véritable insulte à l’homme, ainsi que pour ce qu’il entraîne cette confusion que nous avons vue, entre égalité et identité. De sorte que nous aurions aujourd’hui un canevas manichéen trivial pour comprendre l’opposition des courants politiques majeurs, à gauche pris dans un maelström revendicatif égalitariste, à droite enchâssé dans l’individualisme et le pugilat de la libre entreprise. Un philosophe averti de notre temps se doit non seulement de dépasser cette vision polémique de la réalité, mais de ne trouver refuge ni dans l’ésotérisme ni dans la sagesse vaine de l’épochê, de l’égalité de valeur de tout argument, ou, pire encore, dans un radicalisme démagogique infructueux en idées et en actes.

            Il faut peu pour comprendre qu’au départ de l’égalité devant la loi de nos régimes, égalité civique et politique, il y a une loi première, l’état de nature, exposé par Hobbes, penseur de l’Etat moderne. Cette « fiction théorique » comme disent certains, est ce que la raison et la conscience d’Homo sapiens, dans son état de primate social, en font un égoïste qui se le veut, le plaçant en réalité hors d’une organisation communautaire mise en place par l’évolution dans de nombreux taxons animaux, qui pourtant est, elle, bien naturelle. L’en sort le pacte, le contrat social, assurant le pouvoir absolu des potentats, excepté sur la vie des sujets ; dans notre métamorphose démocratique précaire de ce principe, les droits de l’homme ne peuvent se mettre en place que dans la situation d’un Etat auquel les individus peuvent demander des comptes, s’il ne remplit pas ses fonctions morales et pratiques. A la conception holiste des grecs et de Hobbes, où le tout prévaut sur la partie, se substitue une conception individualiste, où l’individu détient la valeur suprême. L’actualité fourmille d’exemples de la dérive individualiste : couples transsexuels, pompiers attaquant en justice les rescapés d’un désastre, droit des enfants à divorcer de leurs parents… Il apparaît qu’individualisme et égalitarisme sont corrélés dans nos démocraties de droit ; sommes-nous condamnés à choisir entre un régime égoïste et un autre, totalitaire ? A moins que le second, d’inhumanité, n’exhorte à éveiller un instinct de conservation altruiste, nous amenant au premier, qui retourne au second par glissement vers ce même égoïste des potentats. C’est la théorie de l’étalon moral.

            Reste que si l’on doit en tous les cas concilier égalité et différence, au nom de la créativité humaine et en égide contre l’homme-machine, il faut distinguer égalité et justice. « L’inégalité sociale n’est injuste que lorsqu’elle prive les individus de jouir de leurs droits » entendra-t-on. Le propos fait la part belle à l’heure de la profusion, que dis-je ! de l’orgie médiatique. Tout ces citoyens que nous sommes, d’Etats occidentaux moralistes, n’avons-nous pas accès aux sources d’informations les plus diverses et les plus contradictoires ? Nos enfants à un enseignement trop souvent conformiste ? Uniformitariste ? L’inégalité sociale est injuste dès lors qu’elle est laissée en pâture à ces fléaux que nous avons vus, qui sont l’individualisme et l’égalitarisme. Pour déplacer le problème, il existe un autre concept : l’équité.

            Elle se singularise de la loi, et se rattache la difficulté de penser la justice. L’équité est d’ailleurs en quelque sorte à la loi ce que l’éthique est à la morale. Elle se rapporte encore à un certain équilibre, que seule une sagesse, et par conséquent, une démarche philosophique, peut atteindre. Quoiqu’il en soit, et sans poser ici le problème de l’équité, ce n’est que d’elle dont il est question lorsque dans des méandres mièvres et réactionnaires, empestant la vanité, on cherche à nous faire avaler de l’égalité à longueur de jour.

Néanmoins, tout comme la fraternité ou la liberté, ces concepts ont été sortis de leur gangue démocratique, puisqu’il est devenu tout à fait insupportable de les penser dans le cadre d’une nationalité. Il n’y a plus de nation, il n’y a plus que individualités, que des animaux raisonnables qu’un avenir consistant en le repentir des erreurs des générations passées fait fonctionner. Des individualités de vies obligées, tirées par la carotte de petits plaisirs épicuriens, ou plutôt captieusement lâchées dans l’espace restreint de leurs pensées fabriquées.

            Pourquoi ? Précisément parce que la morale débonnaire, suite aux atrocités des guerres mondiales, au non-uniformitarisme de la guerre froide et à la libre entreprise, suite à la victoire des régimes polydictatoriaux de frontispice parlementaire, a préféré donner de la voix à la neutralité facile, à une réinvention du message apostolique, sans en oublier l’argument apocalyptique. Homo sapiens, sorti de sa torpeur bestiale par une sociabilité basée sur la contingence d’un langage, par l’usage coordonné de ses mains, semble avoir aujourd’hui autant perfectionné que raréfié les manifestations d’humanité, qui n’appartiennent pas toujours aux élites, bien au contraire. Mais la masse, le vulgum pecus, sorte de crevasse de l’oubli vers laquelle on tente de nous pousser chaque jour, est à la merci d’une communication ininterrompue, parasite, sans compréhension, d’un divorce du travail de la main d’avec la tête. Si tous sont égaux, qu’ont-ils à apprendre les uns des autres ? Pourquoi alors transmettre autre chose que des trivialités ? Que des faits de vie sans plus de substance qu’un nième message sur son téléphone, puisqu’enfin la raison est victorieuse, et la sensibilité morte, vaincue par l’émotivité des foules et la distraction générale ?

 

Pourquoi réaliser quelque chose dans un monde où tout est égal par définition ? Où tout est égal, tout doit nous être égal.

            L’humain, et a fortiori, la culture, doivent faire désormais intervenir une chose avant toute autre : la différence. Ne pas fuir tout ce qu’elle suppose, et ce à travers quoi les civilisations sont déjà passées, parce que le contraire laisserait la voie libre aux plus abominables dystopies.

 

Pourquoi vivre ? Pourquoi être humain ? demanderont encore ceux dont l’endoctrinement est le plus avancé.

 

            Parce que nous ne nous poserions plus la question si ce n’était pas le cas.

vendredi 6 juin 2025

Sujet du Mercredi 11 Juin 2025 : La justice peut-elle faire évoluer l’esprit de vengeance ?

 

La justice peut-elle faire évoluer l’esprit de vengeance ?

·       Les philosophes et le rôle de l’État, du droit et de la justice

Dans la préface du traité politique, Robert Misrahi résume l’idée de Spinoza selon laquelle l’état de nature est ce qui existe avant le contrat social. « Dans l’état de nature il n’y a pas de loi civile car il n’y a pas de société pour les constituer. Mais il existe des lois naturelles qui sont inapplicables puisque chacun se les représente comme il veut. En effet, si chacun a droit à tout puisqu’il n’y a pas de loi civile qui limite ses droits, les autres ont aussi droit à tout ; cela peut vite déboucher sur le droit à rien puisque chacun peut utiliser ses droits contre autrui. C’est donc le caractère incontrôlable du droit naturel qui va faire que l’état de nature va devenir invivable et qu’il deviendra nécessaire de passer à l’état de société qui peut être créé à travers le contrat social. »

Pierre-François Moreau, quant à lui, explique dans une conférence à l’école de commerce de Lyon1 que « le contrat social constitue la caractéristique d’un ensemble de doctrines qui ont essayé de rendre compte de la société politique entre le 17ème et le 18ème siècle. C’est un concept qui est au centre de toutes ces doctrines politiques. Chez Hobbes, Locke, Pufendorf, Rousseau et d’autres encore, on explique la société par un contrat : on ne considère pas que les hommes soient naturellement sociaux, mais qu’ils sont d’abord des individus et que pour expliquer cette société, il faut se rendre compte de la façon dont ces individus ont décidé volontairement de vivre ensemble et de se donner des institutions qui rendent visible l’union de ces individus séparés en un tout qui est la cité (la société politique). Ce modèle étant celui de nos sociétés modernes. ».

 

·       Du contrat social au système judiciaire

En France, l’État assure les fonctions régaliennes dont celle de définir le droit et de rendre la justice dans des tribunaux censés être égaux pour tous et assurant la défense des droits des citoyens. Les juges sont invités à y prononcer des jugements conformes à leur conscience et obéissant uniquement à la loi. La justice répond en ce sens à un idéal philosophique et moral qui renvoie à la notion d'égalité entre les citoyens et d'équilibre dans leurs relations. Mais comment être sûr qu’un juge aura le discernement pour exercer avec droiture ?

·       La vengeance s’affranchit des institutions judiciaires :

L’histoire du monde regorge de situations dans lesquelles des personnes en proie à des croyances, des peurs, un esprit de vengeance, de conquête, voire de grégarisme ou de rejet, ont contourné les formalités judiciaires.

C’est ainsi qu’une juridiction relevant du simple droit canonique fut l’alibi pour la torture et le bûcher ou qu’un tribunal irrégulier permit de lyncher des êtres humains au moment de la guerre d’indépendance des États-Unis. C’est également de cette manière que la question de savoir si les Espagnols pouvaient se servir du « droit de conquête » pour mettre en esclavage, tuer ou convertir par la force les populations indigènes dont on remettait en question le statut de leur humanité et la légitimité de la possession de leurs territoires, fut tranchée par un débat politico-religieux. La position de Sepúlveda dans la controverse de Valladolid s’est en effet reposée sur un fondement métaphysique du droit en invoquant à la fois la loi divine et la loi de la nature.

De nos jours, le recours à la vengeance perdure par exemple à travers la vendetta ; un code de l‘honneur
qui implique, par obligation de solidarité, tous les parents ou les membres d’un clan dans un processus vindicatif. Par ailleurs, l’utilisation de la vengeance se nourrit souvent de la résistance à une domination politique ; le sentiment d'injustice, d'inégalité de traitement étant souvent à l'origine de cette forme de justice privée, considérée comme primitive, tout comme les conflits tribaux et/ou ethniques qui semblent se jouer de faiblesses structurelles (faiblesse des États, lenteur des institutions …)

C’est ainsi que le  8 juin 1993, Christian Didier tue de cinq balles René Bousquet, haut fonctionnaire français, antisémite et collaborateur avec l'occupant nazi,  alors qu’une instruction est enfin en cours pour crimes contre l’humanité, mais après des années de liberté sans contrainte. Christian Didier aurait voulu venger les victimes des meurtriers nazis, tuées dans sa ville. Même si certains ont soupçonné C. Didier de vouloir simplement être célèbre, les raisons de ce crime auraient peut-être trouvé moins de légitimité auprès de la population si le procès du collabo avait eu lieu plus tôt.

De tout temps, la justice a été exposée à la critique de l’opinion publique. Les décisions des tribunaux sont souvent contestées et vécues comme injustes ou insuffisantes. Les juges sont alors considérés comme hors sol, corrompus, voire politiquement orientés, ce qui serait supposé altérer leur raisonnement. Il est vrai que certains événements nous amènent parfois à constater des dysfonctionnements dans la conduite de l'instruction comme par exemple, dans l’affaire d’Outreau. On peut également observer une méfiance au sujet de peines d’une justice considérée à deux vitesses, consistant notamment à plus de clémence pour des personnalités politiques ou médiatiques. La frustration des citoyens engendrée par cela nous offrant au moins le plaisir de voir refleurir certains classiques sur les réseaux sociaux : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »  Les Animaux malades de la Peste (J. de La Fontaine).

Dans une interview, un ancien président de cours d’assises explique la différence de traitement entre une personne prise en flagrant délit pour possession de cannabis et un homme politique qui détourne des fonds publics, par la différence entre les types d’infraction. Le consommateur de drogue lambda sera déféré, et passera en comparution immédiate devant le tribunal, parce que la situation pose un risque de problème d’ordre public, alors que la délinquance financière ne poserait pas les mêmes problèmes. Mais quand Johnny Halliday déclarait à la presse "La cocaïne, j'en prends pour travailler ", nous n'avons pas vu la police arriver, saisir la cocaïne, le placer en garde à vue, et le faire passer en comparution immédiate.

Bien que la justice soit faillible, la volonté que les jugements restent équitables devrait maintenir nos esprits en alerte, afin que les manquements ne puissent servir d’arguments à de sombres idéologies, comme cela s’est vu, par exemple, lors de la dégénérescence progressive du système judiciaire sous le régime nazi.

 

·       La vengeance selon certains philosophes :

Si Montesquieu (Mes pensées) 2, donne partiellement raison à Aristote « la vengeance est la seule façon que la Nature nous ait donnée pour arrêter les mauvaises inclinations des autres », il précise néanmoins que la vengeance est animée par la passion qui implique de la subjectivité : « un homme dans la passion, n'est guère en état de voir au juste la peine que mérite celui qui offense ». En cela, il est rejoint, entre autres, par Hegel2 (Propédeutique philosophique) qui distingue la vengeance de la punition et préconise de préférer « l’œuvre d’un juge ». « La vengeance n’a pas la forme du droit, mais celle de l’arbitraire, car la partie lésée agit toujours par sentiment ou selon un mobile subjectif. Aussi bien quand le droit se présente sous la forme de la vengeance, il constitue à son tour une nouvelle offense, n’est senti que comme conduite individuelle, et provoque inexpiablement, à l’infini, de nouvelles vengeances ». 

 

La justice est donc censée décentrer le problème de la victime en cherchant à connaître les responsabilités respectives et en essayant de trouver une solution de réparation adaptée en évitant le chacun pour soi, mais réussit-elle toutefois à apaiser l’esprit de vengeance en toute circonstance ?


1 https://www.canal-u.tv/chaines/ens-de-lyon/la-philo-par-les-mots/le-contrat-social

2 https://www.philo52.com/articles.php?lng=fr&pg=878

samedi 31 mai 2025

Sujet du Merc. 04 Juin 2025 : COMMENT EPICURE ARRIVE-T-IL AU BONHEUR ATARAXE ?

 

          COMMENT EPICURE ARRIVE-T-IL AU BONHEUR ATARAXE ?

Oui, en définitive, n’est-ce pas « le comment » qui compte pour arriver au bonheur ? Afin de sans cesse pouvoir s’y référer pour ne pas perdre son chemin.

 Pour Epicure, le bonheur c’est l’ataraxie. C’est l’absence de tous ces troubles qui assaillent communément l’âme, l’esprit des hommes. Et cela de leur propre chef parce qu’ils s’inventent de puissants dieux qui les terrifient. S’ils se libéraient d’eux, ils se libéreraient des troubles majeurs qu’ils leur occasionnent, les privant ainsi du bonheur. Les hommes sont également assaillis par la peur de mourir, de la maladie, des revers de fortune… Ils craignent tout cela ainsi que le(s) dieu(x) tout en espérant son secours et son pardon ? C’est tout simplement la peur de vivre, de la souffrance, de l’agonie. Et, en fin de compte, les hommes ont tout simplement peur d’avoir peur. Pour échapper à toutes ces peurs, ils s’abandonnent à une force supérieure pour, espèrent-ils, qu’elle prenne soin de leur destinée. C’est le fatalisme.

 Philosophiquement, c’est la double croyance dans la providence divine de l’idéalisme platonicien et dans le finalisme d’Aristote, selon lequel les dieux créent et ordonnent le monde précisément en vue de la meilleure satisfaction des hommes. De sorte que, même sans se l’avouer, souvent nous vivons dans la croyance d’une « religion », quelle qu’elle soit. Cela implique la superstition majeure de(s) dieu(x), d’idées parfaitement illusoires.

 C’est l’abandon de toute rationalité humaine, alors même que c’est là tout ce que nous avons pour vivre loin de troubles délétères. La raison n’est-t-elle pas la seule fondation stable dont nous disposons pour élaborer des remèdes aux maux qui nous tourmentent ?

 Alors ça, c’est vite dit. Encore faut-il le montrer dans le détail et de façon persuasive pour tout un chacun. Pour qu’on comprenne enfin. Et l’applique. Mais comment faire ?

 Epicure s’explique. Enfant il suivait sa mère qui exerçait des rites propitiatoires auprès des pauvres. C’était pures superstitions. Comme une providence néfaste. Epicure en percevait toute l’absurdité et les dangers pour les récipiendaires. A l’école, il percevait l’inanité du récit de la création du monde par les dieux à partir du chaos et du néant. A vingt ans, il est expulsé en tant que colon athénien de son île natale de Samos. Il mène alors une vie errante faite de pauvreté frugale en compagnie de toujours plus d’amis. Dans leurs débats ils n’excluent personne. Ni femmes ni enfants ni esclaves ni étrangers. Personne. C’était une révolution. Ensemble, ils se demandent ce qu’est ce monde, là devant eux, dont ils font partie. Disposant des découvertes philosophiques fondamentales les précédant sur trois siècles depuis Anaximandre, ils savent que le monde est à la fois stable et changeant. Ils en tirent 1) une physique fondée sur les atomes et les agrégats, 2) une théorie de la connaissance reposant sur les sensations, 3) une éthique fondée sur la libération de toute crainte et 4) une politique, loin du tumulte des foules. Le tout conduit à l’ataraxie.

 1. Concernant la physique et en accord avec Démocrite, ils arrivent à la reconnaissance que l’ultime particule de matière stable ne peut être que celle qu’on ne peut plus diviser. Car, sinon, le monde se réduirait au néant. Rien n’existerait plus. Et, certes pas nous, nous les hommes. Ni donc la possibilité de percevoir et de penser ce monde. Ils concluent que cet irrationnel-là serait absolu et nous plongerait dans les affres du recours aux dieux, dans des troubles sans fin et donc dans l’impossibilité de tout bonheur humain.

 Ce substrat matériel stable et insécable, c’est l’a-tomos, les atomes qui forment le substrat matériel de base. Parce que parfaitement stables, les atomes sont immuables et donc éternels. Or on constate que le monde est changeant et qu’il évolue sans cesse. Pour cela il faut que les particules stables (atomes) se déplacent et se rencontrent pour s’unir en agrégats divers entre eux. A cet effet, il faut deux choses. Certes du vide où se déplacer dans un espace lui aussi immuable et éternel et donc illimité dans l’extension infinie du temps éternel. Il faut aussi une déviation, impromptue parce que due au hasard inhérent aux atomes. C’est un mouvement de côté des atomes qui les fait se rencontrer en un instant et en un lieu indéterminé pour former des agrégats, dès lors composés uniquement de matière. Ensemble ces agrégats forment divers mondes parce qu’ils sont en mouvement. Et donc en évolution perpétuelle. Ce mouvement est lui aussi en déclinaison, due à son tour au hasard inhérent aux atomes qui composent ces mondes. Les agrégats finissent par se disloquer par les chocs de leurs mouvements pour se recomposer à nouveau. Ces changements conduisent à la formation de mondes temporaires et multiples. Et toujours uniquement matériels.

 Les hommes faisant partie intrinsèque du monde sont donc eux aussi strictement faits de matière. Mais malgré cela, souvent ils croient déroger à leur (pseudo) dignité fondée sur la conviction fausse d’avoir une âme, un esprit éternel et tout spirituel. Et en cela totalement distinct de leur corps fait de matière. Dur, dur d’accepter la simple matérialité des faits. Mais foin des croyances hors-sols d’une âme, d’un esprit non matériel. Car cette fiction ne plonge-t-elle pas ceux qui s’y adonnent dans des troubles dévastateurs de toute possibilité de bonheur humain ?

 Epicure fonde donc rationnellement son éthique sur une physique soigneusement conçue. Il commence par reconnaître que le caractère immuable et indestructible des atomes dérive de leur solidité, c’est-à-dire de l’absence de vide en leur sein. Cela entraîne leur extrême sensibilité aux chocs et donc l’éternité de leur mouvement, même lorsqu’ils se trouvent à l’intérieur des agrégats.

 Le nombre de formes des atomes est très grand mais pas infini car sinon les qualités sensibles des agrégats seraient elles aussi en nombre infini et ceux-ci seraient éternels (ce qu’ils ne sont pas). La limitation du nombre des formes des atomes entraîne aussi celle de leur taille. Finalement poids, formes et tailles sont les seules qualités des atomes. Les autres qualités sensibles sont celles des agrégats et elles dépendent de la position des atomes qui les composent.

 Ces caractéristiques des agrégats se retrouvent dans tous les mondes qu’on peut raisonnablement imaginer dans l’infinité éternelle de l’univers. Ces mondes, identiques au nôtre ou dissemblables, sont tous destinés à se désagréger pour se recombiner en d’autres mondes. Mais aucun de ces mondes n’est éternel puisqu’ils sont faits d’agrégats transitoires. Le(s) dieu(x) sont eux aussi des agrégats. Mais ils appartiennent, eux et eux seuls, à une catégorie unique puisque leur totale et éternelle béatitude suppose qu’ils sont immortels car indestructibles. Ils échappent donc aux lois de notre monde (et de tous les autres mondes) qui règlent la vie et la mort. Cette différence du monde divin est capitale. Le(s) dieu(x) ne subissent aucune perturbation dans le parfait équilibre atomique qui est le leur. Il s’en suit qu’ils ne connaissent aucune passion perturbatrice de leur sérénité. Ni colère ni haine ni pitié. Ils n’ont donc nulle colère ni amour pour nous. Ils ne s’intéressent pas à nous.

 Les dieux sont dotés d’un corps car le corps, tout matériel, est l’instrument du bonheur. Bien que d’une constitution particulière, il est pourtant semblable au nôtre. Enfin les dieux ont à leur disposition tout ce qui est nécessaire au bonheur. Ainsi comblés de tous les biens et assurés que rien ne leur fera jamais défaut, ils jouissent du parfait bonheur.

 Bref, la physique épicurienne présente une vision matérialiste de l’univers, assimilé à la multitude des atomes animés d’un mouvement éternel dans le vide infini. Sinon tout y est matière. Rien ne naît de rien car tout naît à partir d’atomes et rien ne retourne au néant puisqu’il ne saurait exister. La mort est une simple décomposition de notre agrégat en ses atomes constitutifs. Ceux-ci subsistent puisqu’ils sont éternels. A notre mort nos atomes se dispersent pour reformer de nouveaux agrégats. En conséquence tout est connaissable et explicable. Il n’y a pas de mystères insondables. La nature est un mécanisme qu’on peut connaître. La science est démystification.

 L’âme elle-même est matérielle. Elle est un agrégat composé de particules subtiles disséminées dans l’agrégat de notre organisme. Les opérations mentales se résument donc elles aussi à des déplacements d’atomes. Ceci conduit au deuxième volet de la philosophie épicurienne.

 2. C’est la théorie de la connaissance. Elle se fonde et se fie aux sensations. Pour Epicure, le bonheur étant un état de sécurité sereine, celle-ci s’obtiendra d’abord par la connaissance. Pourquoi ? Parce qu’elle est le préalable et le fondement de toutes les autres activités humaines. En ceci qu’elle rétablit un contact confiant avec la réalité. La connaissance basée sur la physique est apaisante et nous fortifie. Elle nous apprend qu’il ne faut pas craindre les dieux.

 Le premier intermédiaire du contact de l’homme avec la réalité est la sensation. C’est sur la véracité des informations sensibles qu’elle fournit qu’Epicure fonde son système. La véracité des sensations tient à deux raisons :
1) nous sommes dans l’impossibilité de démontrer qu’elles sont erronées et
2) elles procèdent par le
contact physique et prouvent ainsi leur capacité à nous faire connaître la réalité telle qu’elle est. Le martèlement continuel des atomes à l’intérieur des objets émet sans cesse des « simulacres » de l’objet. C’est comme l’émission de « fractales » conservant une structure identique à celle de l’objet dont elles émanent. Ces simulacres d’objet se meuvent à très grande vitesse car, leur constitution étant très ténue, ils ne rencontrent que peu d’obstacles sur leur parcours.

 Les simulacres expliquent les rêves et l’imagination. L’esprit ou l’âme restent réceptifs aux simulacres déjà reçus, ce qui explique qu’on puisse en rêver. Si des défunts nous apparaissent dans nos rêves, c’est que des simulacres émanés d’eux avaient atteint notre esprit et s’y étaient imprimés. Nos sens assoupis pendant le sommeil ne parviennent pas à corriger cette rémanence de simulacres mélangés. Mais, quoi qu’il en soit, les opérations de l’âme ou de l’esprit traduites en pensée restent bien matérielles, atomiques.

 Selon Epicure, ceci montre tant la puissance que la faiblesse de l’âme ou de l’esprit et de leur produit, la pensée. Nous pouvons nous représenter l’idée de(s) dieu(x), d’un fantôme ou d’un centaure. A nouveau, le hasard a rapproché des simulacres déformés ou usés d’un cheval et d’un homme pour former un simulacre composite. Ainsi la physique des simulacres explique-t-elle les mythes et d’autres fictions. L’important est de retenir que la raison peut vaincre l’imagination quand elle nous effraie. Et qu’inversement, l’imagination, créée par l’effet de simulacres, peut nous aider à lutter et vaincre souffrances et douleurs.

 Outre la sensation, il y a deux autres critères de vérité. Ce sont les affections (le plaisir et la douleur) qui concernent le domaine de l’éthique (cf 3.). Il y a aussi les prolepses ou anticipations qui sont étroitement liées au domaine de l’activité de la connaissance. Ce sont des espèces d’idées générales qui se fixent progressivement dans l’esprit, à la suite d’innombrables perceptions par les sens d’un même type d’objet (exemple, divers véhicules). Ces idées sont liées à un mot qu’il suffit de prononcer un certain nombre de fois de sorte que, grâce à la prolepse ou anticipation correspondante, on parvient à penser l’objet que ce mot désigne pour nous. Ainsi peuvent être ressaisis, parmi les simulacres qui frappent l’esprit, ceux qui correspondent à l’objet. Il pourra ainsi progressivement être pensé.

 Dans la philosophie épicurienne, rigoureusement matérialiste, l’âme ou l’esprit eux-mêmes sont matériels, corporels. Il s’en suit que les actes et comportements humains correspondent eux aussi à des mouvements particuliers des atomes qui composent l’âme-esprit. Le principe de liberté du mouvement des atomes fait ainsi admettre ce même principe chez l’homme, au moins en partie. Contrairement au strict déterminisme de Démocrite de la causalité nécessaire où tout effet a une cause et où la liberté n’existe pas, le monde d’Epicure est régi tant par le hasard que par la nécessité. La nécessité est celle de la chute nécessaire des atomes. Le hasard, l’imprévisible et une liberté relative viennent eux aussi des atomes dont tout est fait. Ils s’expriment par la déclinaison du mouvement atomique. Les hommes, constitués d’atomes, ont donc eux aussi des degrés de liberté et d’imprévisibilité dans un monde où intervient également la causalité, qui les détermine pour une autre partie.

 3. L’éthique épicurienne, c’est se libérer de toute crainte. Essayons d’arriver, oui par nous-mêmes, à cette proposition d’Epicure. Il suffit de poursuivre selon sa méthode développée jusqu’ici. Nous avons vu que sa théorie de la connaissance dérive rationnellement de sa physique fondée sur le principe de la fidélité aux sensations, l’une et l’autre étant elles aussi parfaitement rationnelles.

 La conséquence nécessaire et logique de l’atomisme est que, à la condition expresse que rien ne le trouble, tout ce qui existe se trouve nécessairement dans la plénitude de son être. C’est-à-dire dans sa puissance à exister, mobilisée et amplifiée par le plaisir. En effet, nous sommes des êtres de plaisir et donc constamment mus par le désir d’en avoir. Néanmoins ce n’est que quand notre corps possède tout ce qui lui est nécessaire (et ce strict nécessaire est peu de chose) qu’il jouit du plaisir dans une quiétude qui vient du parfait équilibre des atomes qui le composent.

L’éthique, c’est-à-dire les valeurs universelles de vie, ne peut donc aller que dans le sens de cette quiétude. Il s’agit d’assurer la paix de l’âme, constituée d’atomes, en dissipant les terreurs de l’esprit. Mais comment faire ? En tirant, par la raison, toutes les conséquences de ce qui précède. Dès lors n’est-il pas temps de philosopher par nous-mêmes pour transformer nos vies vers le bonheur ataraxique, cette réduction au maximum possible de tout trouble de l’esprit ?

 Chiche. Allons-y ...

 Mais cette transformation de vie vers le strict nécessaire assurant l’ataraxie ne constituerait-elle pas une totale révolution par rapport à nos vies actuelles poussées à la satisfaction de toutes les pulsions, de tous les plaisirs ? Les drogués que nous sommes peuvent-ils y parvenir ? Courage ! Simplicité. Pourtant les contemporains affirment souvent que tout est « compliqué ».

 

vendredi 23 mai 2025

Sujet du Merc.28 Mai 2025 : La conscience porte-parole de l’inconscient.

 

La conscience porte-parole de l’inconscient

   Pour beaucoup de philosophes la conscience est un processus mystérieux, métaphysique, indépendant de notre matière charnelle. Bergson pensait que l’évolution de la matière était guidée par une conscience immatérielle antérieure à la vie alors qu’elle émerge de l’activité de la matière.

   Apprendre c’est inconscientiser : Tout apprentissage consiste à confier à l’inconscient l’essentiel de la réalisation d’un processus. L’inconscient est une épargne de la conscience. Dans toute pensée ou action volontaires seul le but à atteindre est réellement conscient tandis que les différentes étapes pour l’atteindre sont inconscientes. Pour réussir une action complexe il faut simplifier l’ordre conscient donné à notre corps.

1- Les réflexes inconditionnels sont offerts par la mémoire génétique = kit de survie d’origine génétique. Exemples : Réflexes de retrait. Salivation. Réflexe d’étirement dit myotatique contraction d’un muscle en réponse à son étirement. Il maintient le tonus musculaire pour tenir debout. Ces réflexes constituent une intelligence inconsciente, animale, froide, très précises et efficiente ; ils constituent une sécurité qui épargne la conscience.

2- Les réflexes conditionnels épigénétiques nécessitent un apprentissage, c’est-à-dire un conditionnement ; nous n’avons aucun effort particulier à fournir pour qu’ils s’installent en nous. Ils correspondent à la mise en place de la mémoire procédurale épigénétique ou mémoire de nos automatismes. Ils furent décrits dès 1902 par Ivan Petrovitch Pavlov. Au cours du conditionnement, des liaisons nerveuses du cerveau, des synapses, sont modifiées et deviennent fonctionnelles ; elles relient des centres nerveux où se forment des coalitions de neurones, qui n’étaient pas connectés au départ.

3- Les comportements motivés furent analysés en 1953 par le psychologue américain Burrhus Frederic Skinner avec sa Boîte à problèmes. Un animal placé tout seul dans une boîte à problèmes apprend de lui-même à appuyer sur le levier distributeur de nourriture et à éviter celui qui distribue des décharges électriques. Ceci montre que l’apprentissage fait intervenir des renforçateurs qui sont soit des punitions soit des récompenses qui agissent comme agents de sélection pour favoriser les comportements les plus avantageux et éliminer ceux qui ne sont pas favorables. Ainsi le système nerveux et tout le corps est modelé par l’environnement, et par notre instruction et notre éducation. Ce modelage est guidé par les émotions ; c’est donc un modelage affectif.

Conclusion : Notre animalité est génétique tandis que notre humanité est épigenétique.

   Les travaux de Pavlov et Skinner ont abouti à la conception du béhaviorisme qui considère le cerveau comme une boîte noire. L’erreur des béhavioristes est d’avoir voulu écarter l’idée d’introspection.

    Ces réflexes conditionnés et motivés illustrent notre plasticité cérébrale et donc mentale. Nous sommes donc dotés d’une intelligence animale sur laquelle nous pouvons installer toutes nos fantaisies humanisantes. Notre esprit est construit par nos sens. Nos sens sont à l’origine de notre essence et donc des sens qu’on accorde à notre vie.

   L’inconscient devient l’artisan de notre mémoire et donc de notre connaissance : Henri Laborit : « Oublier son corps c’est savoir s’en servir. La conscience se bâtit sur l’inconscient. » L’information enregistrée et mémorisée dans le cerveau n’est pas toute directement utile mais, grâce à des associations d’idées, à un jeu intérieur, elle permet de créer des gestes mentaux prémonitoires permettant une anticipation des comportements futurs. Henri Laborit a montré à quel point l’isolement, la privation sensorielle et l’agression sans possibilité d’agir provoquent ce qu’il appelle une inhibition de l’action

   Épigénèse d’une étreinte spirituelle : Il n’y a pas d’immaculée conception de la pensée, ni de la conscience qui nous la révèle ; il faut que nos capteurs sensoriels soient fécondés par des informations pour aboutir à des pensées connaissantes. La conscience peut se concevoir comme une sorte de perception sensorielle. Selon cette idée les neurones dont l’activité sont à l’origine de la prise de conscience, agiraient comme des capteurs sensoriels à l’origine de notre pensée consciente. Le corps entier est l’organe de nos pensées et de notre conscience qui révèle l’unité de notre organisme ; en effet ce sont les capteurs sensoriels répandus dans tout le corps qui apportent leurs informations aux neurones de la conscience.

Émergence de la conscience : La conscience ne fait pas intervenir tous les neurones mobilisés mais seulement ceux qui sont en bout de circuits et qui sont ainsi plus stimulés que les autres jusqu’à dépasser un certain seuil de conscientisation. Ce sont les neurones sensoriels de la conscience. Ces neurones qui sont en bout de chaîne sont les porte-parole de ceux qui les ont stimulés.

   La conscience résulte de l’interaction organisée de milliards de milliards de molécules au sein de neurones spécifiques qui sont activés jusqu’à franchir un seuil quantitatif et qualitatif ; elle émerge d’une multitude d’inconscients actifs et discrets.

   L’être humain par rapport aux autres animaux est caractérisé par son incomplétude. C’est parce qu’il y a des pages blanches, vierges, dans notre livre charnel, la tabula rasa, à la naissance, que nous pouvons écrire notre histoire. La conscience est synthétique ; elle ne peut être consciente que parce que l’essentiel de ce qui se passe dans le corps est inconscient. Le silence de la plupart des neurones nous permet d’entendre la parole signifiante de la conscience. Nous avons accès à la conclusion, au résultat attendu, et non pas à toutes les activités qui participent à son élaboration. La chair est la porte-parole et la conscience : sa parole. Autrement dit, c’est parce qu’il y a une conscience non communicante, silencieuse, que la conscience unifiante devient audible. Le corps entier aux pouvoirs spiritualisants devient communicant grâce à tous ses langages charnels.

   Parmi les cent milliards de neurones du cerveau, il faut distinguer trois types : sensoriels, intermédiaires et les moteurs. La conscience est le résultat d’une collaboration organisée entre ces trois catégories de neurones ; ce sont les neurones intermédiaires qui sont le plus importants chez l’homme. Les animaux ont souvent des capacités sensorielles et motrices beaucoup plus sensibles que les nôtres. Les biologistes ont mis en évidence les corrélats neuronaux de la Conscience. L’arrière du cortex est dédié surtout à la réception sensorielle, l’avant à la commande et entre les deux se situent les aires d’association qui, comme leur nom l’indique, les mettent en relation. Ces aires d’associations sont très développées chez l’homme par rapport aux animaux non humains.

   On peut résumer la conscience en disant que ce sont les aires du cortex cérébral situées à l’avant du cerveau qui regardent les aires sensorielles situées à l’arrière ; l’avant est le porte-parole de l’arrière. Le lobe frontal contrôle nos comportements complexes, la prise de décision, la planification, la coordination motrice volontaire, la maîtrise du langage et la créativité. L’arrière du cerveau informe l’avant et le lobe antérieur traite cette information pour prendre les décisions adaptées conscientes.

   Toute prise de conscience est générée par une coalition de neurones, une constellation, un réseau spécialisé qui constitue un encodage.

   La conscience est une création de l’inconscient. L’inconscient est soit en résistance contre la conscience, soit il abonde en sa faveur. Il faut utiliser notre conscience comme un levier pour activer l’inconscient qui nous est favorable et nécessaire.

   Pour Francis Crick, découvreur de la structure de l’ADN et son collègue Christof Koch, la conscience serait un phénomène de seuil atteint grâce à la coalition de neurones capables d’atteindre le seuil.

   L’Américain Gerald M. Edelman, désigne la sélection des neurones de darwinisme neuronal, le Français Jean-Pierre Changeux, parle de darwinisme des synapses. On peut parler aussi de darwinisme mental. C’est un processus d’évolution darwinienne du comportement car l’individu réagit au hasard puis l’environnement sélectionne les comportements adaptés.

   La conscience émerge d’un processus neuronal qui est à l’origine de la mémoire. Les neurologues ont constaté que des interactions réciproques de groupes de neurones localisés entre le cortex et les thalamus, dans les deux sens, jouent un rôle important.

   La conscience nous permet de comprendre l’intuition, la simplexité, les compétences des autistes Asperger, gestion mentale : Comme pour la conscience beaucoup de philosophes se plaisent à croire que l’intuition est une pensée mystérieuse, métaphysique qui ne pourrait être qu’un don d’origine divine. En réalité c’est une pensée complexe essentiellement traitée et mijotée par l’inconscient et qui surgit comme par magie dans notre conscience en s’exprimant en toute simplicité. La simplexité est la capacité de réaliser simplement un processus complexe.

   Les autistes Asperger fonctionnent essentiellement de façon inconsciente.

   La gestion mentale étudiée par Antoine de La Garanderie permet de comprendre les gestes mentaux, visuels, auditifs, kinesthésiques.

   Le travail inconscient des rêves joue un rôle fondamental pour l’imagination, la mémorisation et l’élaboration d’une conscience efficiente et préventive.

   L’inconscient est à l’origine des archives mémorielles de la pensée dans lesquels la conscience puise l’information nécessaire pour la compréhension des activités du présent.

   La solution c’est la CONFIANCE en notre INCONSCIENT !

Sujet du Merc. 25 Juin 2025 : "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer" K. Marx.

  "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières,                         ce qui importe c'es...