Faut-il pleurer, faut-il en rire ?
CAFÉ-PHILO
Textes mis à la disposition du public dans le cadre des rencontres du café philosophique de Montpellier.
vendredi 25 décembre 2020
jeudi 5 novembre 2020
Aliénation : comment ça marche ? FILM CENSURE !
LA CENSURE DE YOUTUBE AYANT SUPPRIME LE DOCUMENTAIRE CI DESSOUS, NOUS DIFFUSONS LEPOINT DE VUE DE NOAM CHOMSKY :
CENSURE CENSURE CENSURE CENSURE CENSURE CENSURE
Vous vous demandez sûrement comment ça se fait que ceux qui étaient vos amis il y a peu, ces personnes avec qui vous partagiez les mêmes valeurs… puissent maintenant avoir perdu tout contrôle de leur raison..
vous leur expliquer les chiffres, leur apportez des études, des faits. Mais les yeux restent vides, rien ne se passe.
Et vous vous dites: c’est pas possible ! Ils dorment ! En réalité, vous n’avez pas si tort que ça. En réalité, le monde est sous hypnose…
Avez-vous déjà entendu parler de l’ingénierie sociale ?lundi 19 octobre 2020
INTERRUPTION DU CAFE PHILO POUR CAUSE DE COUVRE-FEU
Suite aux décisions gouvernementales et à l’application d’un
cessez-le-feu sur l’agglomération de Montpellier le café-philo se voit
contraint d’interrompre ses rencontres hebdomadaires.
Le programme des sujets en cours reste le même, il sera
simplement décalé dans le temps.
Nos rencontres reprendront dès que les autorités le
permettront.
Merci
dimanche 18 octobre 2020
Sujet du Merc 21 Oct. 2020 : La philosophie n'est-elle que politique ?
La philosophie n'est-elle que politique ?
Je pose
cette question, ce soir, à l’évidence provocatrice parce que j’ai ressenti dans
ce café philo, de la part de certains participants, fréquemment un arrêt, une
interprétation, un débat ayant une tendance plutôt politicienne.
Ok, nous
sommes des êtres humains sociaux et nos sociétés sont gérées par des
politiques. « Tout est politique ». La « polis » qui
concerne l’ensemble des citoyens vivant sous le même régime et les mêmes
lois ; que ce soit en démocratie ou en dictature ; sous un empire,
une royauté ou une république.
Les Grecs
appellent philosophie l’ensemble des connaissances humaines vers la recherche
de la sagesse. Le but de la philosophie est la clarification logique des
pensées.
« Quand le passé n’éclaire plus le présent,
l’esprit marche dans les ténèbres » selon Alexis Tocqueville. La
politique s’occupe de l’existant, du présent alors que la philosophie cherche
un idéal universel, basé sur le juste, le légitime, le sage.
La politique n’a pas d’identité propre : elle est la croisée de
l’histoire, de la sociologie, de l’économie, du droit, de la justice. Elle
produit continuellement des propositions qu’elle tente d’imposer. Le philosophe
essaye de rendre claires ces propositions. La recherche d’un éclaircissement.
Prenons un
exemple : la guerre et/ou la paix.
Victor Hugo nous explique qu’entre
la logique de la politique et celle de la philosophie, la politique peut nous
mener à la guerre tandis que la philosophie fait tout pour aboutir à la paix.
En fait la guerre n’est jamais éternelle et il faudrait d’abord débattre
comment trouver la paix avant de déclencher la guerre. Si les belligérants
réfléchissaient des conséquences de la guerre avant de la déclarer il
paraît évident que nous pourrions peut-être tenter d’éviter cette
horreur ! Or rarement, les déclencheurs de guerre donc des politiques sont
morts dans leur guerre (voir l’histoire) même si parfois ils subissent les
conséquences de leurs défaites (Napoléon, Hitler).
Mais d’autres sont morts tranquillement dans leur lit (Franco, Staline, Mao etc…) alors qu’ils sont responsables de millions de victimes.
Bon, j’en
conviens c’est un peu simpliste mais nous allons en discuter. J’ai besoin,
envie de « discutants » et non de militants !
Alors
revenons vers la philosophie. Durant son procès Socrate proclame : « Sachez le bien, Athéniens, si depuis
longtemps je m’étais adonné à la politique, il y a longtemps que je serais
mort. ». Socrate ne vote pas et Platon dans « La
République » affirme que Socrate n’est pas un politique. Il cherche plutôt
à définir la justice pour savoir ce qu’est un homme juste qui pourrait l’amener
vers la sagesse.
Pourtant depuis Socrate et Platon
(450 av J.C.) nous sommes orientés et éduqués par des philosophes qui incarnent
une philosophie politique : -Aristote (350 av J.C.) -Epicure (270 av J.C.)
-Thomas d’Aquin (1250) –Montaigne(1580) -Spinoza (1630) -Descartes (1640) -Rousseau (1750) -Kant (1800) -Hegel (1800)
-Tocqueville (1830) -Fourier 1830) -Kierkegaard (1840) -Proudhon (1840) -Marx
(1850)-Bergson (1870)) -Nietzche (1880) -Heidegger (1940) - Sartre (1950) -Aron (1950)
-Camus(1950) –Deleuze (1970) –Derrida (1980)…une liste non exhaustive,
bien entendu, d’autant que certains peuvent être considérés comme des
théoriciens et non comme des philosophes !
Aussi pour
tenter de comprendre que la philosophie ne doit pas être que politique
redonnons encore la parole à Socrate :
« N’oublie jamais que tout est éphémère alors
tu ne seras jamais trop joyeux dans le bonheur et trop triste dans le chagrin ».
Et
continuons avec Albert Camus : « Il
n y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux. Juger que la vie vaut
ou ne vaut pas d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la
philosophie. » (Le mythe de Sisyphe)
Et pourquoi
pas Baruch Spinoza (bien entendu ! ) : « Personne ne peut vous enlever votre liberté de penser. Vous pouvez être
conseillé, éclairé par d’autres mais ne laissez jamais quelqu’un penser pour
vous. »
lundi 12 octobre 2020
Sujet du 14/10/2020 : La guerre est-elle la continuation de la politique par d’autres moyens ?
La guerre est-elle la
continuation de la politique
par d’autres moyens ?
Le rabâchage habituel sur la guerre c’est
qu’elle est née de la « nature humaine », cette fameuse (fumeuse)
« nature humaine » qui nous enseigne (matraque) que l’homme est
égoïste et violent …. depuis toujours. Alors avant d’aller plus loin il semble
utile de jeter à la poubelle des croyances ce qui doit y être jeté : tout
discours non scientifique (c’est à dire non adossé à des faits) qui fait
« l’air ambiant » de tout discours sur la guerre.
En 2004 un anthropologue, R Brian Ferguson écrit « La guerre, selon les anthropologues, est un
type de violence potentiellement mortelle entre deux groupes, quels que soient
la taille de ces groupes et le nombre de victimes. Mais dans quelle mesure une
définition aussi large de la guerre ou, plus précisément, des cas de conflits
dans les sociétés humaines primitives peut-elle éclairer la genèse et les
enjeux des guerres modernes et des conflits qui ont éclaté en Iraq, au Kosovo,
au Rwanda, au Vietnam ou encore en Corée ? »
( Naissance de la guerre – Mensuel N° 373)
De nombreux autres anthropologues
étazuniens dont, Lawrence H. Keeley, archéologue de l'université de l'Illinois,
Steven A. LeBlanc, archéologue à l'université de Harvard déclarent : « La guerre est semblable au commerce et aux
échanges. C'est quelque chose que font tous les hommes. », « tout le monde a fait la guerre à toutes
les époques », pourquoi ? : pour eux, les peuples primitifs ne
furent jamais de « vrais conservateurs
». Ils dégradaient leurs ressources, et lorsque la population augmentait, ils
manquaient de nourriture, ce qui déclenchait des guerres, bref, du Malthus, à la sauce ethnographique !
Et R B Ferguson de
conclure : «Si la guerre était
courante dans les temps anciens préhistoriques, les abondants vestiges
archéologiques devraient en contenir les traces. Or, il n'en est rien. La collecte des données archéologiques, en
revanche, est riche d'enseignements. Elle révèle que la guerre n'a pas toujours
existé : elle est apparue il y a moins d'une dizaine de milliers d'années, à
des dates très différentes selon les continents et les régions Et nous ne
sommes pas dans un cas où « l'absence de preuve n'est pas la preuve de
l'absence ».
Le cadre étant posé reste à savoir
pourquoi la guerre est née à l’aube du néolithique (- 7000 en ce qui concerne
l’ouest européen). Plusieurs facteurs peuvent être mis en corrélation :
climat tempéré, passage du stade cueilleurs-chasseurs nomades à celui
d’éleveurs agriculteurs sédentarisés, accroissement de la population,
développement inégal des moyens de production de nourriture, pré-organisation
en micro cités (naissance du politique et du religieux comme associé du
politique) …….
Alors, foin des fables et mythes
ambiants sur notre prétendue « nature humaine » agressive !
L’archéologie, l’anthropologie entre autres sciences nous renvoient une image
de notre histoire bien différente.
Pour que la guerre apparaisse il faut
certaines conditions historiques, tout comme pour le moteur à explosion ou la
fission de l’atome. La guerre, telle que nous la connaissons nait avec le politique,
avec la gestion d’un territoire, des ressources, d’humains, réunis pour la
première fois en grand nombre (plus qu’une tribu primitive).
C’est ainsi que Carl von Clausewitz
(1770-1831) pourra déclarer dans une formule synthétique : « La guerre n’est que la simple continuation
de la politique par d’autres moyens. ... car le dessein politique est le but, la guerre est le moyen, et un
moyen sans but ne se conçoit pas. »
Grand militaire
et grand théoricien de la guerre, Clausewitz raisonne aussi, et c’est là sa
pertinence, en dialecticien. Il ne subordonne pas la politique à la guerre ou
l’inverse. Pour lui le phénomène « guerre » est un des éléments d’un
processus général comme le montre assez bien A D Beyerchen : « l'interprétation
non linéaire de Clausewitz nous oblige à approfondir notre compréhension de sa
maxime sur les rapports entre guerre et politique. L'idée que « la guerre est
simplement le prolongement, par d'autres moyens, de la politique » est souvent
comprise comme consacrant le privilège d'un continuum d'ordre temporel:
d'abord, la politique établit les objectifs, puis vient la guerre, avant que la
politique ne reprenne les commandes au moment où le conflit prend fin. Toutefois, dans une telle perspective, la
politique est traitée comme quelque chose d'extérieur à la guerre: c'est un
artifice produit par un modèle séquentiel linéaire. La politique est une
affaire de pouvoir, et les boucles rétroactives qui mènent de la violence au
pouvoir comme du pouvoir à la violence sont un aspect intrinsèque de la
guerre.
Cela ne signifie pas simplement que les considérations politiques pèsent
toujours sur les commandants militaires, mais que la guerre est par définition
un sous-ensemble de la politique et que tout acte militaire aura des
conséquences politiques, indépendamment du fait que celles-ci aient été voulues
ou non, voire même qu'elles soient sur le coup évidentes »
Au fond il est nécessaire de
comprendre la guerre et de ne pas en faire « une acte de folie des hommes ». Il faut, au contraire, la réhabiliter
comme fait politique, moyen politique. C'est-à-dire pratique humaine liée à des conditions concrètes, une situation
concrète.
Si nous observons alors quelques
éléments des guerres modernes :
1
la décision d'entrer en guerre dépend de la poursuite d'un intérêt
propre à ceux qui prennent effectivement la décision. Un conflit peut être
relié au problème des ressources alimentaires de base, mais il peut tout aussi
bien éclater à propos de biens accessibles uniquement à l'élite. La décision dépend
du rapport entre le coût de la guerre et d'autres risques potentiels, menaçant
la vie et le bien-être. Et de manière plus définitive, de la position dans la
hiérarchie politique interne : Présidents, dirigeants favorisent souvent la
guerre, car la guerre favorise les dirigeants.
2
Bien sûr, ceux qui poussent à la guerre ne font jamais état de leurs
propres intérêts. Les arguments qu'ils invoquent sont ceux de dangers et de
bénéfices collectifs. Ceux qui prônent la guerre la définissent toujours en
termes de valeurs élevées à défendre, qu'il s'agisse de la nécessité de
répliquer à des actes malveillants, de défendre la seule vraie religion ou de
promouvoir la démocratie. C'est comme cela que l'on convainc les indécis et que
l'on construit un engagement émotionnel. Et toujours, c'est l'autre camp qui,
d'une manière ou d'une autre, a amené la guerre.
Ces roulements de tambour requièrent bien entendu
en préalable des manipulations cyniques, dont les mass média sont les vecteurs.
(Algérie, Vietnam, Iraq …)
Intérêts réels et intérêts symboliques
s’entremêlent car la guerre requiert de la chair humaine.
Apprécier Clausewitz c’est balayer les mythes
creux sur la guerre et mettre la politique aux postes de commande.
C’est balayer l’irrationnel apparent (et ressassé
par tous les manuels d’histoire). Clausewitz est certainement un des auteurs
qui permet de penser le politique dans sa version apparemment inavouable et soi
disant « incompréhensible » : la violence institutionnalisée.
Du même mouvement si la guerre est un moyen de la
politique elle doit être accessible à la raison. A ce titre a nous de reprendre
la politique en main et de cesser d’user de ce moyen. La guerre est née d’un
stade social de l’humanité. Il n’y a aucune raison que ce « moyen »
de la politique perdure sauf à penser et dire que l’histoire serait un
« éternel retour ». Un destin tragique auquel l’humanité serait rivé
à jamais.
Blog du café philo
http://philopistes.blogspot.fr/
mardi 6 octobre 2020
Sujet du Merc. 07 Octobre 2020 : La théorie du complot ... Chomsky et l’intelligentsia française …
La théorie du complot
Chomsky
et l’intelligentsia française …
Ce sujet commence par une anecdote.
On se rappelle que le Pr Redeker avait -parait-il- fait l’objet d’une
« fatwa ». Sa vie étant en danger il fut déchargé de son poste
d’enseignant et nommé « quelque part » au CNRS. Mars 2008
épilogue ? de « l’affaire » Redeker : « Le professeur agrégé de philosophie
Robert Redeker a été limogé (Mars 2008) à grands coups de pieds au fondement
après avoir publié dans le quotidien "Le Monde" une tribune
"très violemment anti-Marion Cotillard", a-t-on appris ce matin
auprès du ministère de l'Education nationale.
Le
ministre de l'Education nationale Xavier Darcos, mis au courant tard dans la
nuit ("après une soirée de folie chez Borloo") du contenu de cette
tribune, a "pris immédiatement un décret mettant fin aux fonctions du
professeur" qui a usé de "termes tout à fait inacceptables" et
violé son "devoir de réserve", explique-t-on de même source.
Robert
Redeker a notamment déclaré, dans un texte publié hier soir dans "Le
Monde", que Marion Cotillard , "en
mettant en doute la version officielle des attentats du 11 septembre 2001
contre les Twin Towers de New York", a "offert un puissant amplificateur à "la théorie du complot""
qui "voit les juifs (appelés
américano-sionistes) derrière la manipulation".
Le
ministre de l'Education nationale a précisé que: "Certes, Marion Cotillard divague". Mais que, pour autant:
"Jamais elle n'a tenu de propos à
connotation antisémite". Et que par conséquent: "Redeker délire - et ce n'est malheureusement
pas la première fois, et moi, je vous le dis franchement, ça me fout des jetons
gros comme ça de penser que c'est à ce mec-là qu'on prétend confier l'éducation
de nos enfants à la philosophie".
L'affaire
est en effet jugée d'autant plus sérieuse, au ministère de l'Education
nationale, que Robert Redeker a déjà "sauté
à pieds joints sur le devoir de réserve qui s'impose à tout serviteur de
l'Etat, en publiant naguère dans un autre journal patronal un long vomissement
haineux".
(Et de
fait: l'enseignant limogé avait, on se le rappelle, donné libre cours, dans
"Le Figaro", à d'effroyables pulsions islamophobes.)
« Sorti à Paris en 1993 sous
le titre Chomsky, les médias et les illusions nécessaires, le documentaire de
Peter Wintonick et Marc Achbar (Manufacturing Consent : Noam Chomsky and the
media) a permis de constater que, malgré les précautions des auteurs,
l’assimilation de leur travail sur les médias à une « théorie du complot » est
aussi ancienne que récurrente. Pas une réunion publique filmée par les
réalisateurs ne semble se tenir sans qu’un participant n’entreprenne de
demander des comptes à Chomsky sur les délires paranoïaques qui lui sont
imputées. Alors, de débats en conférences, le linguiste répète. « Une des
données structurelles du capitalisme entrepreneurial est que les “joueurs”
doivent accroître leurs profits et leurs parts de marchés — s’ils ne le font
pas, ils seront éliminés de la partie. Aucun économiste ne l’ignore : ce n’est
pas une théorie du complot de le souligner, c’est simplement prendre en compte
un fait caractéristique de cette institution ».
Mais rien n’y fait. En 2002, l’éditorialiste Philippe Val, patron d’un
hebdomadaire satirique longtemps classé à gauche, Charlie Hebdo, inquiet de
l’influence radicale de Noam Chomsky, entreprend de la contrecarrer dans trois
éditoriaux successifs, d’autant plus vindicatifs qu’ils fourmillaient
d’erreurs. La transcription en français d’une des conférences du linguiste,
donnée onze ans plus tôt , a suffi à Philippe Val pour aboutir à ce verdict : «
Pour lui [Chomsky], l’information […] n’est que propagande ». Une fois de plus, Chomsky rabâchera alors :
« Je n’ai jamais dit que tous les médias n’étaient que propagande. Loin de là.
Ils offrent une grande masse d’informations précieuses et sont même meilleurs
que par le passé […] mais il y a beaucoup de propagande ».
Il n’est pire sourd... Au même moment, Daniel Schneidermann, journaliste
spécialisé dans l’observation des médias, « résume » à son tour « la thèse
[...] du linguiste Noam Chomsky » : « Asservis au lobby militaro industriel,
obéissant au doigt et à l’œil à des consignes politiques, ils [les médias]
n’ont de cesse de débiter des futilités au kilomètre, pour empêcher “la masse
imbécile” de réfléchir à l’essentiel. »
En 1996, Edward Herman avait pourtant lui aussi précisé les choses : «
Nous avons souligné que ces filtres fonctionnement essentiellement par
l’intermédiaire des actions indépendantes de nombreux individus et
organisations, qui peuvent parfois, mais pas toujours, avoir des points de vue
similaires et des intérêts communs. En bref, le modèle de propagande décrit un
système de traitement et de régulation décentralisé et “non-conspiratonniste”
s’apparentant à un système de marché, bien que le gouvernement ou un ou
plusieurs acteurs privés puissent parfois prendre des initiatives et mettre en
œuvre une action coordonnée des élites sur un sujet précis ».
« Si je parlais de l’Union Soviétique, complétait Chomsky, et que je
disais, “regardez, voici ce que le bureau politique a décidé, et ensuite le
Kremlin a fait ça”, personne ne qualifierait cela de “théorie
conspirationniste” — tout le monde comprendrait que je parle seulement de
décisions planifiées. Seulement voilà, ironisait le linguiste, « ici, personne
ne planifie jamais rien : nous agissons guidés uniquement pas une sorte de
bienveillance universelle, en trébuchant de temps en temps ou en faisant
parfois des erreurs. […] Dès que vous décrivez des réalités élémentaires, et
attribuez une rationalité minimale aux pouvoirs en place […] c’est une théorie
conspirationniste. »
C’est peine perdue. En 2004, Géraldine Muhlmann publie Du journalisme en
démocratie. Le livre, qui lui vaut aussitôt un déluge de critiques louangeuses,
résume les 400 pages de Manufacturing Consent en une douzaine de lignes
attribuant doctement aux deux auteurs un « schéma public innocent /
journalistes malfaisants, le premier étant pris en otage par les seconds ».
Au nombre des louanges que lui vaut ce résumé particulier, Géraldine
Muhlmann reçoit ceux de Philippe Corcuff. Cet universitaire lyonnais a fait de
la « complexité » une de ses marques de fabrique (au point qu’il est sans doute
l’un des seuls au monde à avoir compris le sens et l’intérêt du concept,
assurément complexe, de « social-démocratie libertaire » dont il est l’auteur).
Il découvre pourtant à son tour en Pierre Bourdieu, en Noam Chomsky (mais aussi
en Acrimed et en PLPL) une « rhétorique du “complot” » qui valorise «
l'intentionnalité de quelques acteurs “puissants” » . Il a fallu assurément que
Philippe Corcuff empile tous ses talents de maître de conférences en science
politique, de militant de la LCR et de membre du conseil scientifique d’Attac
pour que l’analyse « structurelle » des médias se voit ainsi ramenée à la «
rhétorique de quelques acteurs ». Cette prouesse lui a valu d’être à son tour encensé
par Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde, qui désormais
s’inquiète lui aussi de « cette vision du monde » dans laquelle « il n’y a
place que pour des machinations individuelles » .
Chomsky a un jour expliqué le
sens des attaques dont il est la cible : « Le problème est que tout commentaire
analytique de la structure institutionnelle du pays est une menace si
importante pour la classe des “commissaires”, qu’ils ne peuvent même pas
l’entendre […] Donc, si je dis qu’il n’y a pas de conspiration, ce qu’ils
entendent c’est qu’il y a une conspiration […] C’est un système de croyances
très verrouillé ».
Ce verrou demeure en place. En janvier 2005, le philosophe libéral et
ancien ministre de l’éducation Luc Ferry fustigeait l’analyse du capitalisme
qu’il imputait aux contestataires. Il résumait par contraste sa vision d’un «
système » social enfanté de façon « automatique ». Son analyse élargissait au
plan de l’économie mondiale la description apaisante et désarmante d’un ordre
spontané qu’on oppose aux travaux de Chomsky et d’autres sur les médias :
« Les altermondialistes s’égarent
considérablement parce qu’ils s’imaginent que derrière ces phénomènes
mondialisés — le jeu des marchés financiers, les délocalisations, la
désindustrialisation de certains pays, le fait que les identités culturelles
soient balayées par une américanisation du monde qui uniformise les modes de
vie et donc détruit les cultures locales — il y a des gens qui contrôlent la
chose et qui tirent les ficelles. Et qu’ils ont été formés en gros à l’école de
Chicago, que ce sont des néolibéraux, que ce sont des méchants. Et on retrouve
l’idée marxienne que derrière les processus qui gouvernent le monde, il y a des
puissants. C’est le mythe des deux-cents familles. On retrouve les images
d’Epinal avec les financiers à cigare et chapeaux haut-de-forme. Or, le vrai
problème, si vous voulez, c’est exactement l’inverse. Quand vous regardez, par
exemple, les délocalisations, ce qui est très frappant c’est que personne ne
contrôle, personne n’est derrière. Ce sont des processus absolument
automatiques. Il n’y a pas d’intelligence derrière. »
Il n’y a en tout cas rien de très neuf dans ce genre d’exposé d’un ordre
social « automatique » sur lequel la volonté collective n’aurait aucune prise.
Dès 1932, Paul Nizan dévoilait dans Les Chiens de garde les dessous d’une telle
analyse : « Quand les idées bourgeoises
furent regardées comme les productions d’une raison éternelle, quand elles
eurent perdu le caractère chancelant d’une production historique, elles eurent
alors la plus grande chance de survivre et de résister aux assauts. Tout le
monde perdit de vue les causes matérielles qui leur avaient donné naissance et
les rendaient en même temps mortelles. La philosophie d’aujourd’hui poursuit
cet effort de justification ».
D’autres que les philosophes ont relayé cet effort-là. Sa fonction de
légitimation est suffisamment essentielle pour qu’il soit devenu illusoire
d’imaginer qu’un jour l’argumentation et le respect des textes en auront raison.
Noam Chomsky et ceux que son travail de dévoilement inspire n’ont donc pas fini
de répéter que leur entreprise intellectuelle « est à l’opposé d’une théorie de
la conspiration. Ce n’est rien d’autre qu’une banale analyse institutionnelle,
le type d’analyse que l’on fait spontanément lorsqu’on essaie de comprendre
comment marche le monde ».
lundi 28 septembre 2020
Sujet du Merc.30/09/2020 : « Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jour votre ouvrage » A. D. de SADE
« Anéantissez donc à jamais tout ce
qui peut
détruire un jour votre ouvrage »
A. D. de SADE
Nous sommes en 1795 et le citoyen
Sade, libéré depuis 1789 de La Bastille, participe aux événements
révolutionnaires. Mais les choses ne se déroulent pas à son goût :
« Je ne le cache point , c’est avec
peine que je vois la lenteur avec laquelle nous tâchons d’arriver au but ».
Sade voit la révolution sombrer
dans le formalisme et les factions, dans ce qui sera bientôt la
« terreur ». Il voit la résurgence du clergé, ou plutôt la naissance
d’une forme cléricale de la république. C’en est trop pour lui qui rejette le
catholicisme dont « les dogmes
absurdes, les mystères effrayants, les cérémonies monstrueuses, la morale
impossible de cette dégoûtante religion [ ne peuvent ] convenir à une
République ».
Lui qui refuse, aussi, ce qu’il
appelle le « théisme pur » et qui déclare « on est revenu de ce fantôme, et l’athéisme
est à présent le seul système de tous les gens qui savent raisonner. A mesure
que l’on s’est éclairé, on a senti que, le mouvement étant inhérent à la
matière, l’agent nécessaire devenait un être illusoire et que tout ce qui
existait devant être en mouvement, par essence, le moteur était inutile ».
Alors Sade se révolte il écrit un
texte : « Français encore un effort si vous voulez être républicains »..
Comment une nouvelle société, peut-elle
s’édifier après son acte fondateur ? C’est la problématique posée par
Sade. Pour lui les choses sont claires il faut « anéantir à jamais tout… ».
Il nous faudra éviter le
contresens, la lecture de premier niveau de Sade. Sade se félicite de la
destruction des symboles religieux et de la monarchie, pour lui c’est un acte
nécessaire mais pas suffisant car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, et
c’est pour moi une des dimensions du sujet, Sade nous propose une éthique.
Parler d’éthique ou de morale
avec Sade peut sembler incongru, inopportun, et pourtant écoutons le
citoyen-marquis de Sade :
« Français, je vous le répète,
l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et de l’encensoir.
Songez qu’il vous est impossible de l’affranchir de la tyrannie royale sans lui
faire briser en même temps les freins de la superstition religieuse : les
liens de l’une sont trop intimement unis à l’autre pour qu’en laissant
subsister un des deux vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui que
vous aurez négligé de dissoudre. Ce n’est plus ni aux genoux d’un être
imaginaire, ni à ceux d’un vil imposteur qu’un républicain doit fléchir ;
ses uniques dieux doivent être maintenant le courage et la liberté. ».
Deuxième contresens à éviter. Ne
voir là qu’une histoire ancienne et des propos historiquement datés. Sade nous
rappelle à l’ordre :
« Je viens offrir de grandes idées : on les écoutera, elles seront
réfléchies ; si toutes ne plaisent pas, au moins en restera-t-il
quelques-unes ; j’aurai contribué en quelque chose au progrès des
Lumières, et j’en serai content ».
Que l’on comprenne bien Sade. Il
est l’homme d’une époque certes, mais– et à lire son œuvre on s’en persuade
vite – c’est un philosophe qui écrit pour les temps à venir. Il se revendique
des Lumières et c’est de cela que l’on peut, peut-être, discuter.
Quoiqu’il en soit, Sade
veut délivrer un enseignement.
Sade est l’idéologue d’une utopie qu’il sent toute proche. Lui qui participe
aux comités révolutionnaires déclare :
« Français, vous frapperez les premiers coups : votre éducation
nationale fera le reste, mais travaillez promptement à cette besogne….
Remplacez les sottises déifiques … par d’excellents principes sociaux …
qu’ils (vos enfants) soient instruits de leurs devoirs dans la société ; apprenez-leur
à chérir des vertus dont vous leur parliez à peine autrefois ».
« Mais si, par crainte ou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis,
si l’on laisse subsister les bases de l’édifice que l’on avait cru détruire, qu’arrivera-t-il ?
On rebâtira sur ces bases, et l’on y placera les mêmes colosses, à la cruelle
différence qu’ils y seront cette fois cimentés d’une telle force que ni votre
génération ni celles qui la suivront ne réussiront à les culbuter ».
Plus de 200 années se sont écoulées. L’ouvrage
révolutionnaire de 1789, l’idéal éthique des Lumières est-il toujours
debout ; ou des « colosses » nouveaux se sont-ils
« cimentés » en lieu et place.
L’avertissement de Sade est-il
inactuel ?
la
philosophie « n’est point l’art de consoler les faibles, elle n’a
d’autre but que de donner de la justesse à l’esprit et d’en déraciner les
préjugés » A. D. de Sade
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Racialisme et question sociale. Depuis le 25 Mai 2020, date de l’assassinat par la police de George Floyd à Mi...
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