samedi 11 janvier 2025

Sujet du Merc. 15 Jan. 2025 : Jean Cardonnel et le café philo de Montpellier.

 

Jean Cardonnel et le café philo de Montpellier.

Texte lu le 18 Mai 2005 lors de la 500 ième édition du café philo.


Le Père jean Cardonnel fut un des animateurs du café philo de Montpellier. Prêtre dominicain, il a publié de nombreux ouvrages. Dans les années soixante il participe aux thèses de la « théologie de la libération » soutenues par Dom Helder Camara l’archevêque de Recife (Brésil). En 2002 il est exclu de son couvent de Montpellier par les supérieurs de son Ordre.
Il sera animateur du café philo de Montpellier en 2005 et 2006. Il décède en 2009

Ce soir vous m'avez fait vivre une espèce de régal, c'est à dire une ouverture d'appétit. Je voudrai simplement contribuer à l'ouverture de l'appétit. Vous savez que ça ne sert à rien de proposer une nourriture, à tous les niveaux, à des types qui s'obstinent à n'avoir aucun, aucun, aucun appétit.
De sorte, que si je me permettais d'être légèrement vulgaire, je dirai que mon mot c'est plutôt une espèce d'amuse gueule mais pas du tout au sens ou nous devrions faire la gueule, plutôt un amuse visage, un amuse figure, c'est-à-dire cette passion, là dans un monde, où on voudrait nous faire croire qu'il n'y a que des gueules à montrer alors qu'à la place, sur les ruines des gueules, s'épanouissent des visages, des visages qui se parlent les uns aux autres.

Et alors qu'est ça signifie ça ? : une chose tellement simple nous n'en finirons jamais d'essayer d'épuiser le sens d'une parole de quelqu'un que j'ai toujours aimé profondément sans jamais le rencontrer et dont le suicide m'a laissé inconsolable, Romain Garry, Émile Ajar. Il dit dans un de ces livres, propos qui pour moi résume tout : " le pire qu'il puisse arriver à la question c'est la réponse".        

Alors la philosophie, et nous sommes là au carrefour, au nœud, la philosophie, ça consiste à être impitoyable pour la constitution séculaire des réponses, des idées toutes faites, des idées reçues ; la philosophie, la recherche philosophique c’est la grande offensive de l'humanité contre les acquis.

 Je voudrai vous dire ce qu'est la joyeuseté de l'aventure philosophique. Parce qu'il faut substituer à cette caste minable des intellectuels, les aventuriers de la pensée. Et les aventuriers de la pensée c'est exactement ça, c'est substituer aux réponses établies la communauté de nos questions, il n'y a pas d'autre réponse que la convergence la mise en débat, la mise en comment de nos questions.

 Vous savez, grâce à vous, ce soir au café philosophique, je vais perdre le peu de retenue qui me restait. Ça c'est une chose tellement simple ; mais la plus difficile à vivre, c'est là où se rejoignent l'ascèse et la mystique.

 Vous vous rappelez le Dr Knock, joué par louis Jouvet quand le Dr Parpalet , le vieux médecin de campagne dit au Dr Knock : " il me semble Dr que dans votre système l'intérêt du malade est subordonné à l'intérêt du médecin ", j'entends toujours Louis Jouvet dire : "vous oubliez, docteur, qu'il en est un qui les dépasse tous les deux, c'est celui de la…médecine "   et vous pouvez continuer comme ça : "Monsieur le ministre il me semble que l’intérêt de l’enseigné est subordonné à celui de l'enseignant ». « Vous oubliez jeune ou vieux soixantehuitard qu’il en est un qui les dépasse tous les deux, celui de l'enseignement " ,  "Messieurs les dirigeants il me semble que dans votre système l'intérêt du gouverné est subordonné à celui du gouvernant , vous oubliez qu'il en est un qui les dépasse tous c'est celui du ….  Gouvernement ".

 La philosophie, et je vois à vos visages que vous le sentez, c'est la mise en question d'absolument tout. Dans le catholicisme il y avait un jour un vieux monsieur qui était affolé par mes mises en question , il me dit: "mais enfin mon père il y a des choses que ne souffrent pas la discussion, il y a Dieu, il y a Jésus Christ, il y a la vierge Marie, il y a l'église, il y a le pape, il y a Rome " , je lui ai dit :  Monsieur, vous allez me comprendre tout de suite, pour moi il y a une chose que je ne remets jamais, jamais, jamais en question, c'est l'exigence de l'universelle mise en question d'absolument tout.           

Voilà le dilemme, l'alternative de notre vie ou bien nous nous mettons en question avec notre monde, ou bien nous mettons le monde à la question et ça s'appelle, (mon ordre en sait quelque chose - NDLR : J. Cardonnel était Dominicain, Ordre monastique créateur de l’Inquisition) ça s'appelle la Sainte Inquisition. Il faut choisir entre la mise en question et la sainte inquisition.

 Il n'y a pas d'un coté la réalité et de l'autre l’utopie toute histoire est l'incarnation d'une utopie.

 Et nous il y a plus de vingt siècles, parce que le christianisme n'a pas arrangé les choses, il y a plus de 20 siècles que ce que nous appelons la réalité c'est l'utopie de l'horreur dont il nous arrive parfois même à nous, au café philosophique, de dire - après avoir beaucoup cogité - :  "qu'est ce que vous voulez…c'est comme ça !».

 Alors vous savez ce que c'est un café philosophique ?  - ou plutôt toute la vie maintenant, parce qu'il n'y a pas le moment du café philosophique puis autre chose :  c'est la mise en question courageuse d’absolument tout - y compris de celui qu'on appelle blasphématoirement Dieu - et qui souvent n'est que l'idole monothéiste -, c'est la mise en question de tout, c'est-à-dire que c'est la victoire - c'est ça la recherche philosophique ! -       

C'est la victoire de la question cruciale, sur la solution finale.

 Et maintenant en avant !

  Jean Cardonnel 10 Mai 2005   -    500ième édition du café philosophique de Montpellier.

vendredi 3 janvier 2025

Sujet du Merc. 08 Jan. 2025 : LE VIVRE AVEC pour pouvoir VIVRE ENSEMBLE est-il une des solutions ? : face au chaos qui nous arrive !

 

LE VIVRE AVEC   pour pouvoir VIVRE ENSEMBLE
est-il une des solutions ? :  face au chaos qui nous arrive !               

 

Au cours des siècles nous n’avons jamais voulu Vivre Ensemble !

Nous avons toujours défendu individuellement nos nations et nous avons plutôt essayer d’imposer nos idées, nos pratiques, notre religion en particulier durant la colonisation !

Nous avons souvent pensé que les envahisseurs étaient des barbares, des sauvages primitifs incultes et non civilisés selon nos mœurs.

Nous avons parfois « joué » à être empereur ou comme Saint (!)Louis (par exemple) à vouloir s’imposer (au nom du catholicisme) dans un pays ou une autre religion était pourtant majoritaire.

 

Pourtant les philosophes ont TOUJOURS « travaillé » sur le VIVRE ENSEMBLE.

 

Pour ARISTOTE seule « l’amitié vertueuse » est véritable et essentielle au bonheur car elle permet un développement positif et une réalisation personnelle, authentique.Elle constitue un fondement solide pour la société.

 

Pour MONTAIGNE, dans ses Essais, il offre une réflexion profonde sur le concept du VIVRE ENSEMBLE. Il promeut une société valorisant les liens sociaux sans les réduire à une fusion communautaire. Il défend les valeurs fondamentales telles que la tolérance et le respect.

 

Pour John LOCKE, philosophe du XVII -ème siècle,  le Vivre Ensemble repose sur l’idée que l’Etat doit protéger les droits naturels des individus, notamment la liberté et la propriété. Il voit l’état de la nature comme un état de paix où les individus par la RAISON, respectent les lois naturelles. Il propose un contrat social où les citoyens consentent à former un gouvernement pour garantir leurs droits, en prônant la séparation des pouvoirs pour éviter le despotisme.

Même si ROUSSEAU va dans le même sens, par contre il décrit l’état de nature comme un état d’harmonie et de bonté innée où les hommes sont naturellement pacifiques ,bons et heureux !

 

Pour HOBBES l’état de nature est un état de guerre « chacun contre chacun ».aussi Vivre Ensemble implique une soumission absolue pour éviter le chaos inhérent à la nature humaine (Le Léviathan 1651).

 

Karl MARX aborde le concept du Vivre Ensemble à travers l’idée d’une société coopérative où l’émancipation des travailleurs est centrale. Il souligne que le communisme ne doit pas être perçu comme un idéal statique mais comme un mouvement dynamique visant à abolir les conditions d’exploitation.

Marx envisage une société où le libre développement de chaque individu est conditionné par le développement collectif affirmant que « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » doit être un principe fondamental.                                                                                                                                                                 
Ainsi le Vivre Ensemble devient un processus de transformation sociale, où la production matérielle est réalisée en coopération permettant une vie collective épanouissante.

L’aliénation dans une société de Vivre Ensemble se manifeste entre l’individu et le produit de son travail. Dans le système capitaliste, le travailleur devient un simple rouage, perdant sa créativité naturelle et son autonomie.

 
Jean-Paul Sartre a profondément influencé la notion du Vivre Ensemble par ses idées sur la liberté, l’engagement et la responsabilité individuelle.                                                                                                                                 

Il souligne l’importance des relations humaines et de la solidarité face à l’absurdité de l’existence et de la mort.

Par contre Albert CAMUS affirme que la vie, bien qu’absurde peut et doit être enrichie par des relations authentiques et un engagement envers autrui. LE Vivre Ensemble vise à créer des liens sociaux, à rendre la Culture accessible à tous, pour renforcer le tissu social et l’inclusion.

 Enfin la philosophe contemporaine Fabienne BRUGENE qui a écrit « L’Ethique du Care » (2021) suite à « Une voie différente » (1982) de Carol Gilligan nous dit clairement afin d’atteindre le Vivre Ensemble, il est nécessaire d’éduquer les générations futures à l’empathie. En fait, nos démocraties actuelles méprisent le rôle des émotions. Elles sont perçues plus comme un danger que comme une chance ! Ces démocraties devraient se donner pour objectif : apprendre et cultiver l’EMPATHIE, par le biais d’un programme continu de l’éducation nationale. En France on considère encore que l’empathie (c’est-à-dire : le VIVRE AVEC) est une naïveté.                                                                                   


La pratique de l’empathie installe la possibilité d’un lien de confiance, d’un commun d’une société ouverte. Elle permet d’aimer ceux qui nous approchent comme l’écrit J.J. ROUSSEAU dans « L’Emile ».

Exister c’est aussi, sentir et penser avec les Autres… ses défauts et ses désirs différents en respectant et en appliquant les lois votées démocratiquement.  

Je me permettrais d’ajouter que pour appliquer fondamentalement le VIVRE AVEC il est nécessaire et important d’appliquer politiquement la LAÏCITE.                                                                                                                                  
C’est-à-dire, essayer d’accepter l’Autre tel qu’il est, avec ses compétences, ses limites, ses défauts, ses qualités, ses croyances, ses désirs.                                                                                                                                                              
Les difficultés sont énormes car leurs causes sont liées aux croyances contraires (voire opposées), aux cultures distantes, aux langues diverses, aux gouvernances distinctes.                                                            
Il faut aussi considérer le pouvoir et la responsabilité des médias, des réseaux sociaux.                            
Comme pour l’empathie, la laïcité devrait être aux programmes de l’éducation nationale dès le primaire et le secondaire avec des enseignants formés pour ces matières.  

SPINOZA nous propose une vision du VIVRE ENSEMBLE fondée sur le désir, la joie, l’amour, en favorisant des interactions basées sur la compréhension mutuelle, il encourage un VIVRE ENSEMBLE en réorganisant nos affects à l’aide de la RAISON.

Le Vivre avec est étroitement lié à la Révolution moléculaire, c’est-à-dire à la multiplicité des Alternatives. Au-delà du Vivre Avec , on peut parler au moins d’une tentative de coexistence .

Donc le souci de mieux faire, de mieux agir. La base n’étant ni la concurrence, ni la domination, ni le libéralisme mais le Partage et la Fraternité.

L’intelligence humaine remise au service social, culturel, économique et politique du Vivre Ensemble (qui s’oppose au nombrilisme humain).   Être informés et éduqués   que le Vivre Avec ne concerne pas que les humains.                                                                                                                                         
Nous ne sommes qu’UN des éléments de la Nature (parmi des milliers et des milliers).           

 Donc en priorité, apprendre à Vivre Avec tous les autres éléments ; à les connaître, à les respecter.  Or, les premiers de ces éléments sont ceux qui nous ont permis de naître et de vivre : l’Eau, l’Oxygène, l’Hydrogène, le Carbone etc.         
                                                                                                                       

 Le Vivre Avec doit aussi et d’abord s’appliquer à tous les niveaux à la Biodiversité de la Nature : (par exemple les vers de terre qui ont disparu à plus de 50%et des insectes à plus de 75% dans certaines régions, dû aux pesticides et à la pollution de l’air et de l’eau, dont nous sommes directement les responsables !)   .

Enfin, je vous annonce que malgré tous nos progrès techniques   et scientifiques, si nous n’arrivons pas, malgré notre intelligence, à réaliser cette Révolution moléculaire nous disparaitrons dans peu de temps.

Resterons alors des arbres, des fleurs, des vers de terre, des abeilles, des insectes pour reconstruire et continuer une Terre de VIE jusqu’à la naissance d’une nouvelle humanité plus adaptée…

 

dimanche 15 décembre 2024

Sujet du Merc. 18 Déc. 2024 : "Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux." Nietzsche

 

"Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux."  Nietzsche

Ferry, Deleuze, Foucault, Onfray …. Tous les modernes saluent Nietzsche comme le penseur d’un passé mythique (essentiellement grec) et d’un futur qui ne cesserait de confirmer ses vues.   
Loin de ce dandysme officiel, n’est-il pas temps de quitter les rivages de l’innocence et de replacer Nietzsche dans ce grand courant anti-Lumières qui s’évertue à brouiller les cartes en s’adossant sur le style pour mieux masquer le fond de la réflexion nietzschéenne ?         
Il faudrait des livres pour cela. Nous commencerons par cette remarque sur Socrate. Que reproche donc Nietzsche à Socrate ? :  
«Avec Socrate, le goût grec s'altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement ? Avant tout c'est un goût distingué qui est vaincu ; avec la dialectique, le peuple arrive à avoir le dessus.        
Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. On mettait la jeunesse en garde contre elles. Aussi se méfiait-on de ceux qui présentent leurs raisons de telle manière. Les choses honnêtes comme les honnêtes gens ne portent pas ainsi principes à la main. Il est d'ailleurs indécent de se servir de ses cinq doigts.            
Ce qui a besoin d'être prouvé ne vaut pas grand-chose. Partout où l'autorité est encore de bon ton, partout où l'on ne "raisonne" pas, mais où l'on commande, le dialecticien est une sorte de polichinelle : on se rit de lui, on ne le prend pas au sérieux.

—Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux. ». On ne choisit la dialectique que lorsqu'on n'a pas d'autre moyen. [...] Il faut qu'on ait à arracher son droit, autrement, on ne s'en sert pas. C'est pourquoi les Juifs étaient des dialecticiens » (Le crépuscule des Idoles)           
Que faut-il entendre par « dialectique » ? Dans le contexte de la citation, c’est cette forme d’expression, de discours contradictoire qui sert à faire émerger la vérité, la raison. Socrate, d’après Platon était passé maître dans cette discipline et ses dialogues font partie des grands moments de la naissance d’une philosophie qui n’est plus celle d’un auteur particulier, mais bien celle de l’agora, de la foule qui parle, s’exprime et du coup apprend à connaitre les chemins du raisonnement.    
Nietzsche a très bien compris cela « avec la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus » nous dit-il, et il continue dans sa conception de la philosophie : « Ce qui a besoin d'être prouvé ne vaut pas grand-chose ».

Nietzsche synthétise de manière remarquable tout les courants philosophiques qui vont lui succéder. Il tente de déconstruire les efforts des Lumières et leur quête de connaissance de vérification. Il prône le dogme et l’asservissement à « l’autorité » (au contraire d’un Descartes).    

C’est Deleuze, et ses successeurs, qui développerons le mieux cette « philosophie » qui est devenue l’arôme spirituel de la « « nouvelle philosophie :
« …Les connaissances philosophiques d'un auteur ne s'évaluent pas aux citations qu'il fait, ni d'après des relevés de bibliothèque toujours fantaisistes et conjecturaux, mais d'après les directions apologétiques ou polémiques de son œuvre elle-même. On comprend mal l'ensemble de l'œuvre de Nietzsche si l'on ne voit pas "contre qui" les principaux concepts en sont dirigés. Les thèmes hégéliens sont présents dans cette œuvre comme l'ennemi qu'elle combat. »

« (...) le surhomme est dirigé contre la conception dialectique de l'homme, et la transvaluation contre la dialectique de l'appropriation ou de la suppression de l'aliénation. L'anti hégélianisme traverse l'œuvre de Nietzsche, comme le fil de l'agressivité » (Deleuze, Nietzsche et la philosophie).

Mais nous savons par les études de G. Lukacs, que Nietzsche ne connaissait pas l’œuvre de Hegel. Chose que Deleuze, lui ne pouvait ignorer. Par contre Deleuze a très bien compris en ce milieu du 20iéme siècle « contre qui » les concepts de Nietzsche sont dirigés.

C’est contre Hegel et la dialectique hégélienne et au-delà marxiste, que Deleuze va donc « produire des concepts » rejoignant ainsi les combats de Heidegger qui déclarait : « Le pire ennemi de la pensée, c’est la raison ».

 

Alors il est temps d’appliquer à Nietzsche ses propres devises. Il faut philosopher au marteau pour entendre que les idoles « modernes » de la philosophie sonnent aussi creux que leur maître à …. « penser ».
Ou alors il faut se résigner, en rester à Aristote et dire avec le maître «Il n'y a plus rien de plus démocratique que la logique : elle ne connaît pas d'égards aux personnes et même les nez crochus lui paraissent droits ».( Le Gai savoir)

Qu’en penses-tu    ……….. ?    Comme dirait Socrate.

 


lundi 9 décembre 2024

Sujet du Mercredi 11 Décembre 2024 : Sade, Spinoza, la nature.

 

                                                   Sade, Spinoza, la nature.


A presque deux siècles de distance un lien relie Sade et Spinoza : une certaine conception de la nature. Chacun proposant une anthropologie dont on tentera ici de démêler les contradictions puisque la prémisse est la même.

« Nourris-toi sans cesse des grands principes de Spinoza, de Vanini, de l'auteur du Système de la nature, nous les étudierons, nous les analyserons ensemble, je t'ai promis de profondes discussions sur ce sujet, je te tiendrai parole, nous nous remplirons toutes deux l'esprit de ces sages principes ». Sade, Œuvres, Pléiade 1998, p. 195. – Première leçon de philosophie de Mme Delbéne à Juliette.

 Sade a-t-il lu Spinoza ? Qu’est ce qui lui fait penser qu’en ce qui concerne la notion de Nature (qui est sous-jacente dans toute l’œuvre de Sade) il serait un élève de Spinoza ?

 Il est vrai que chez ces deux auteurs la nature est l’instance qui permet d’expliquer le réel. « Deus sive natura » : dieu c’est à dire la nature, dira Spinoza. La nature est la cause première et absolue de tout ; rien n'échappe à ses lois et rien ni personne de supérieur à elle n'oriente celles-ci selon un dessein préétabli. D'emblée, on comprend que le concept de nature, matrice de tout, implique que toutes choses sont des manifestations de cet être immense et unique qui englobe la multiplicité du réel. Il en dérive donc immédiatement une forme de panthéisme, selon lequel, pour utiliser le vocabulaire de Spinoza, Dieu ou la nature est l'unique substance, dont les êtres particuliers que nous sommes et dont nous sommes entourés sont les manifestations multiples, les « affections » ou « modes » singuliers. 

La diversité de ces attributs et modes ne compromet en rien l'unité substantielle du tout : tous soumis à la même loi, nous sommes tous en réalité des êtres entièrement naturels, où la culture et la morale sont des « natures » artificielles et toujours secondaires, toujours acquises par-dessus notre fond, unique et commun.

« Cette chose est dite libre qui existe par la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir ; cette chose est dite nécessaire ou plutôt contrainte qui est déterminée par une autre à exister et à produire quelque effet dans une condition certaine et déterminée » Spinoza, Court Traité.

Sade, quant à lui, répète à de multiples reprises combien la nature est un tissu de lois nécessaires auxquelles nul être n'échappe, et combien la liberté est un concept vain si l'on croit par-là mentionner une liberté de choix :  « Si l'on voulait bien se persuader que ce système de la liberté est une chimère, et que nous sommes poussés à tout ce que nous faisons, par une force plus puissante que nous ; si l'on voulait être convaincu que tout est utile dans le monde, et que le crime dont on se repent est devenu aussi nécessaire à la nature, que la guerre, la peste ou la famine, dont elle désole périodiquement les empires, infiniment plus tranquilles sur toutes les actions de notre vie, nous ne concevrions même pas le remords, et ma chère Juliette ne me dirait pas que j'ai tort de mettre sur le compte de la nature, ce qui ne doit être que sur celui de ma dépravation " Sade, Leçon de Clairwill à Juliette.

                  Un autre élément consubstantiel à la nature semble aussi se retrouver chez Spinoza et Sade. Chez Sade comme chez Spinoza, tout être se définit en premier (et en dernier) lieu par le désir qui le constitue et qui le pousse à déployer son existence dans les limites de son naturel propre. Mais la vision spinoziste et sadienne s’écarte sur un point et non des moindres : celui de la conception de l’homme.

Dans les termes de Spinoza, ce désir, appelé conatus, constitue un effort, une tension, un élan pour persévérer dans son être propre, et il est absolument universel. « Il en découle une identité de nature de l'homme avec les autres êtres, « lesquels sont tous animés, bien qu'à des degrés divers » (Ethique 2, Prop. 13) au sens de tous tenir leur essence de cette nature qui est puissance et qui se manifeste en eux par le désir de persévérer dans l'être ».       
 Pour Spinoza l'homme bénéficie d'une supériorité sur tous les animaux du fait de sa complexion corporelle plus grande et plus diversifiée qu'eux, laquelle lui permet, à lui et à lui seul, de parvenir à la raison

Pour Sade il en est tout autrement : 

« Quoi, cette qualité divine [l'immortalité], disons mieux, cette qualité impossible à la matière, pourrait appartenir à cet animal, que l'on appelle un homme. Celui qui boit, mange, se perpétue comme les bêtes, qui n'a pour tout bienfait qu'un instinct un peu plus raffiné, pourrait prétendre à un sort si différent, que celui de ces mêmes bêtes ; cela peut-il s'admettre une minute ? », « Ah ! Si le malheureux a quelque avantage sur les animaux, combien ceux-ci n'en ont-ils pas à leur tour sur lui ? 

À quel plus grand nombre d'infirmités et de maladies n'est-il pas sujet ? De quelle plus grande quantité de passions n'est-il pas victime ? Tout combiné, a-t-il donc bien réellement quelque avantage de plus ? Et ce peu d'avantage peut-il lui donner assez d'orgueil, pour croire qu'il doive éternellement survivre à ses frères ? » Sade : Clairwil à Juliette.

Cette assimilation à l’animalité chez Sade et cette volonté d’humanité chez Spinoza se révèle au travers de l’œuvre de Sade dans le circuit infernal de l'approfondissement toujours plus grand de la cruauté pour combler le désir insatiable qui caractérise ses personnages : un processus d'asservissement volontaire au lieu d'une libération conduisant à aimer le monde dans un détachement de ses contingences, par la paix intérieure. 

Une fuite en avant de plus en plus destructrice et, Spinoza dirait, destructrice de soi-même en premier lieu.

Mais Sade n'y voit qu'un renforcement de tout l'être, corps et esprit, amenant au façonnement d'un naturel plus puissant. A n’importe quel prix. Au prix de tous les crimes.

Pour Spinoza au contraire : « seule assurément une farouche et triste superstition interdit de prendre des plaisirs (...). Il est donc d'un homme sage d'user des choses et d'y prendre plaisir autant qu'on le peut (sans aller jusqu'au dégoût, ce qui n'est plus prendre plaisir). Il est d'un homme sage, dis-je, de faire servir à sa réfection et à la réparation de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en quantité modérée, comme aussi les parfums, l'agrément des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le corps, les spectacles et autres choses de même sorte dont chacun peut user sans dommage aucun pour autrui. Le corps humain en effet est composé d'un très grand nombre de parties de nature différente qui ont continuellement besoin d'une alimentation nouvelle et variée, pour que le corps entier soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature et que l'âme soit également apte à comprendre à la fois plusieurs choses. … un désir [et donc un plaisir] tirant son origine de la raison ne peut avoir d'excès » (Spinoza, Ethique 4)

Héritière d’Épicure, la philosophie de Spinoza s’écarte dans son développement sur la nature de l’optique sadienne car elle incorpore, comme chez Épicure une doctrine des plaisirs intimement liée à une éthique du vivre en commun.  

Doctrine de la passion maîtrisée par la connaissance de la nature, non par son assujettissement à elle. Doctrine de la passion comme émanation de la connaissance des déterminismes qui nous meuvent et non comme asservissement à ces déterminismes. 

Seule la raison, chez Spinoza, est source véritable d'action pour l'homme. La raison est une connaissance adéquate qui comprend la nécessité du monde et à ce titre, libère de la servitude de l'illusion et de l'imagination. 

La liberté a à voir avec la raison, c'est l'autonomie. Ce ne sont plus les choses extérieures qui nous poussent à agir mais, grâce à la compréhension de la nécessité qui imprègne le réel dans son ensemble, on désire librement les gestes que l'on pose effectivement. La libération est donc d'ordre entièrement mental.

À l'inverse de cette santé générale du corps dans sa totalité, qui est ce que la puissance du corps peut espérer de mieux pour s'épanouir, les plaisirs sexuels (Sade) sont l'image même de ce qui nous enchaîne au lieu de nous libérer, en particulier parce qu'ils ne concernent à chaque fois qu'une partie du corps et non son ensemble.    

  « Un désir, tirant son origine d'une joie ou d'une tristesse qui se rapporte à une seule des parties du corps, ou à quelques-unes, mais non à toutes, n'a point égard à l'utilité de l'homme entier ». Spinoza, Ethique 4.

samedi 30 novembre 2024

Sujet du Merc. 04 décembre 2024 : LA NATURE DE L’ARGENT

 

                LA NATURE DE L’ARGENT

 

L’argent est un moyen d’échange permettant la représentation des rapports humains. Pour cerner sa nature suffit-il de réunir des faits archéologiques sur des monnaies aujourd’hui disparues ? Ou faut-il, par contraste, savoir comment depuis des siècles l’argent aliène tout ce que nous faisons et produisons en nous réalisant comme êtres humains ? Et ne faut-il pas savoir comment l’argent nous exploite tout en aliénant notre qualité d’hommes ? Pour sûr il ne tombe pas du ciel. Mais n’est-il pas créé, à leur strict profit, par une poignée de puissants (eux aussi, comme nous, aliénés par lui) au prix de l’exploitation de tous ?

 Peut-on imaginer l’ampleur de cette aliénation ? L’argent est créé et géré sous forme de crédits-dettes, certes dus à des entités privées mais adossés à l’ensemble des richesses humaines et sociales (« Il n’y a de richesse que d’hommes », Jean Bodin, philosophe de la Renaissance). Ces entités privées pratiquent un vol universel légal, d’ampleur ultime, mais illégitime. En outre, ce crime de faux-monnayage généralisé au monde entier ne se poursuit-il pas par l’imposition d’intérêts sur ce vol (!), à verser aux arnaqueurs ? De ce fait ces intérêts constituent la dette d’un argent qui n’est pas encore créé. Oui, mais il sera créé par la nécessité de l’emprunter aux mêmes, qui l’adosseront à la promesse de la production future par le travail salarié asservi qui engendrera l’argent nécessaire au remboursement du capital emprunté et des intérêts indus des crédits-dettes. C’est la création privée de l’argent-dette sans limite et à partir de rien, sauf du prétendu « minerai humain ». Telle est la nature de l’argent des cinq derniers siècles. C’est très fort ; et génial.

 

C’est comme si on capturait l’humanité au bord d’une route et qu’on la forçait à travailler, tout en lui faisant payer, en sus, le prix de son travail. Il s’agit du prélèvement subreptice et occulte ad libitum de notre substance et, tendanciellement, de l’intégralité de nos forces vitales, nos vies. L’immensité des souffrances, atrocités, carnages constatés par centaines de millions (au moins 20 millions de morts de faim annuels, sans compter ceux d’innombrables guerres) est le crime perpétré à grande échelle partout et tout le temps dans le monde, dans une quiétude générale (semble-t-il due à cette aliénation).

 

Cette monnaie de « progrès » en tous genres, mais aussi de mort et de destruction, est à l’opposé des « monnaies humaines et sociales ». Celles-ci avaient perduré pendant la majorité de l’existence de Sapiens jusqu’à l’émergence de l’agriculture il y a environ onze mille ans. Ces monnaies ont subsisté de manière résiduelle jusqu’à il y a un demi-siècle pour finir par être détruites par l’incursion de l’argent-dette capitaliste. Elles ne servaient nullement à l’aliénation et à l’exploitation des populations, pas plus qu’au commerce. Au contraire, elles représentaient les obligations fondamentales que se donnent les hommes en société, qui s’édifient mutuellement dès leur naissance par leurs activités exercées en commun. En effet « L’homme est un animal politique (social) », Aristote. Ces monnaies visaient essentiellement les obligations reconnaissant « la richesse de la fiancée » (procréation et soins de vie) et tentaient de compenser au mieux l’oblitération volontaire ou pas, partielle ou totale de vies humaines, qui ont une dignité sans prix (Kant).

 

Pour passer des « monnaies humaines (plumes de paradisiers, coquillages, barres de laiton, d’or ou d’argent...) à d’autres monnaies par perversion radicale des premières, il a fallu des actes d’une grande violence comme le rapt ou la razzia de groupes voisins, la capture forcée d’une « fiancée » ou d’hommes réduits en esclaves, en choses. C’est la réification d’humains qui, dès lors, ne valent plus que leur prix marchand, exprimé en monnaie déshumanisante devenue commerciale et ayant perdu toute dignité humaine (Kant). Cette violence du capital-stock alimentaire n’a-t-elle pas conduit à l’émergence de la guerre ?

 

La monnaie est ainsi devenue la propriété privée des puissants. Ceux-ci, réunis en entités idoines (temples, palais, banques), la créent et la gèrent en manipulant et en exploitant le commun des mortels, rendu « ignorant des causes qui le déterminent » (Spinoza) par une profonde manipulation psychologique et mentale. Ce dispositif a asservi les hommes, sans qu’étrangement ils ne se soulèvent. Peut-être à cause de leur déshumanisation ?

  Pour juger de la monnaie en connaissance de cause (Spinoza), voici un extrait probant des Manuscrits de 1844 du philosophe K. Marx :

 

« L’argent en possédant la qualité de tout acheter, en possédant la qualité de s’approprier tous les objets est donc l’objet comme possession éminente. L’universalité de sa qualité est la toute-puissance de son essence. Il passe donc pour tout-puissant… L’argent est l’entremetteur entre le besoin et l’objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l’homme. Mais ce qui sert de médiateur à ma vie sert aussi de médiateur à l’existence des autres hommes pour moi. Pour moi, l’argent, c’est l’autre homme…

 

Ce qui, grâce à l’argent, est pour moi ce que je peux payer, c’est-à-dire ce que l’argent peut acheter, je le suis moi-même, moi le possesseur de l’argent. Ma force est tout aussi grande qu’est la force de l’argent. Les qualités de l’argent sont mes qualités et mes forces essentielles – à moi son possesseur. Ce que je suis et ce que je peux n’est donc nullement déterminé par mon individualité. Je suis laid, mais je peux m’acheter la plus belle femme. Donc je ne suis pas laid, car l’effet de la laideur, sa force repoussante, est annulé par l’argent. De par mon individualité, je suis perclus, mais l’argent me procure vingt-quatre jambes. Je ne suis donc pas perclus… L’argent est le bien suprême, donc son possesseur est bon. Moi qui par l’argent peux tout ce à quoi aspire un coeur humain, ne suis-je pas en possession de tous les pouvoirs humains ? Donc mon argent ne transforme-t-il pas toutes mes impuissances en leur contraire ? …

 

Si l’argent est le lien qui me lie à la vie humaine, à la société, à la nature, à l’homme, l’argent n’est-il pas le lien de tous les liens ? Ne peut-il pas dénouer et nouer tous les liens ? N’est-il pas aussi de ce fait le moyen universel de séparation ? Il est la vraie monnaie divisionnaire, tout comme le vrai moyen d’union, la force chimique universelle de la société.

 

La perversion et la confusion de toutes les qualités humaines et naturelles, la fraternisation des impossibilités – la force divine – de l’argent sont impliquées dans son essence en tant qu’essence générique aliénée, aliénante et s’aliénant, des hommes. Il est la puissance aliénée de l’humanité. ».

 

On voit que la puissance de l’argent-dette nous permet de comprendre le processus du travail aliéné comme comparable à la métaphysique. Tous deux participent de logiques qui récusent les différences et l’objectivité et d’universalités qui se donnent comme principe antérieur à toutes les contradictions. Et particulièrement à la première d’entre elles, l’opposition entre le sujet et l’objet. Cette puissance de l’argent induit une relation au monde qui nie l’histoire effective et la nature, en les faisant sortir du cercle de la conscience.

 

Il faut cependant saisir ce qui, dans l’analyse marxienne de la puissance aliénée de l’argent, reste idéaliste. Marx y parle encore de l’argent et non du capital. Dans son analyse de 1844 l’argent pouvait encore être saisi comme un processus en soi à part entière. Mais pas encore comme un produit des rapports de production aliénés. Dans les Manuscrits l’argent apparaît comme un phénomène qui a son autonomie. Alors que l’argent n’est que l’instrument du capitalisme, qui lui est le mode universel de l’exploitation.

 

Pourtant les Manuscrits gravitent plutôt autour du concept d’aliénation que de celui d’exploitation. Or ces deux rapports sociaux ne sont pas de même nature. L’aliénation est une aliénation universelle de l’humanité, même chez le capitaliste parce qu’il possède l’argent. Avec le concept d’exploitation, l’unité – fût-elle générique – de l’humanité disparaît de l’esprit de Marx. Or l’exploitation est une réalité de la production des hommes, pas de l‘échange, propre à l’argent. L’opposition, propre à l’exploitation, est inconciliable entre le travailleur producteur et le capitaliste détenteur du capital et possesseur des moyens de production. Cette opposition fait que seul le prolétariat porte en lui l’avenir de l’humanité parce qu’il est le seul à produire, et que l’exploitation dépend de la production. Par contraste, l’échange, lui, dépend du commerce des biens produits, qui se fait par l’argent.

 

Mais l’échange aliéné implique la non-équivalence des produits échangés et fait finalement apparaître le vol (aliénation) comme le résultat des opérations de circulation de l’argent. Le concept d’exploitation naît, lui, sur le sol de la production. L’aliénation n’est donc pas l’exploitation parce que le travail, tel qu’il est analysé dans les Manuscrits, n’est pas une catégorie philosophique historique. La catégorie du travail aliéné, poussée jusqu’au bout de sa logique, a néanmoins finalement permis à Marx de développer une théorie du travail en se passant de son approche idéaliste, spéculative pour devenir pleinement matérialiste.

  Mais voici, pour notre gouverne, comment fonctionne cet argent-dette capitaliste qui dirige le monde par l’usage caché, subtil d’un algorithme d’une grande simplicité, manipulé à leur guise par les grands Etats, et les grandes banques et entreprises privées, réunis au sein de la Banque des Règlements Internationaux, sise dans la bonne ville de Bâle en Suisse :

                                       K  =   1  /  [ X  +  Z ( 1 –  X)  ]

K :  coefficient multiplicateur de création monétaire par les banques privées.

 

X  :  Coefficient de préférence de la population pour les pièces et les billets. C’est l’effet « notre amie la Carte Bleue » (propriété privée de banquiers), de préférence « sans contact ». « Moi, individu-roi, j’ai mon libre-arbitre. Je suis surpuissant. Cool, chill off ! »

 

Z   :  Coefficient de Réserve Obligataire de monnaie en fonds propres que doivent détenir les banques privées auprès des Banques Centrales (dites nationales ou publiques pour mieux occulter leur vraie nature, sous main-mise privée). C’est à cette Réserve que s’adossent les banquiers pour générer l’argent de dette à profusion. Celui-ci est, en sus, encore surmultiplié par l’application d’un taux d’intérêt annuel illégitime aux « vertus » délétères rarement soupçonnées, en lieu et place d’une juste somme forfaitaire minimale pour prêt d’argent. Par ce génial subterfuge, l’arnaque légale (d’État !) conçue par les puissants devient totale.

 

°  Si, comme nous y incitent les trois super-larrons de Bâle par le tout digital, l’usage des billets disparaît par notre coupable inconscience à user de l’argent digital ( X = 0 ) , alors K devient 1 / Z  et la création privée capitaliste de l’argent croîtrait divinement comme pains et poissons christiques. Cela se fait par un taux forfaitaire actuel de 1,25 % par transaction, totalement absent dans le cas des billets. Les banquiers s’assurent des profits mirobolants.

°  Et si, en outre, par la financiarisation occulte accélérée de « titres pourris » (subprimes ou autres) de valeur presque nulle, Z tendait vers Zéro, alors K serait proche de 1 / 0  ou l’infini. Cela signifierait que les banquiers créeraient l’argent presque à l’infini. La concentration de l’argent (définition du capitalisme) chez quelques grands banquiers serait telle qu’ils s’approprieraient la Terre entière et les hommes, qui en seraient privés et plongés dans l’esclavage, la misère et, in fine, la mort. Cela ne serait pas dans l’intérêt bien compris des banquiers et des puissants. Non, ils veillent à minutieusement doser la chose.

Outre cela, les propriétaires du capital-argent déterminent la destination de leur création monétaire ad libitum puisqu’elle apparaît par les crédits-prêts qu’ils n’accordent, à leur gré et conditions, qu’aux emprunteurs de leur choix. Cette pratique prend un nouvel essor par le Système de Crédit Social chinois et les Systèmes de Crédit Bancaire nord-américains, promesse d’une appropriation ultime du genre humain.

°  Si, en outre, l’État, qui vit de nos impôts, s’endette sans relâche, que se passe-t-il ? Il se rend et nous avec, pieds et poings liés pour des générations, dépendants et esclaves de banquiers et de fonds d’investissement étrangers privés, à leur profit et majoritairement à notre détriment. Et cela par un argent qui, éthiquement, ne leur appartient pas puisqu’il est adossé à « notre richesse d’hommes » (Jean Bodin), nos activités et notre « travail de production générique » (Marx). Surtout que s’y ajoutent en outre, crime ultime, les intérêts légitimement indus et arnaqueurs qui exténuent le vulgum pecus des « sans-dents », qualificatif cynique dont les exploiteurs affublent la quasi totalité de l’humanité.

 

Comme il a été démontré ci-avant, ce système métaphysique et absolu de la propriété privée des moyens de production et d’échange aliène et exploite les hommes et la nature. Dès lors ne serait-il pas dérisoire de prétendre à un pur libre-arbitre tout aussi métaphysique qu’inopérant, alors que notre connaissance de la nature de l’argent-dette prouve le faible degré de liberté effective (Spinoza) qu’il faut assumer avec courage. A charge pour les hommes de renverser la vapeur sociale et politique (Aristote), à grande échelle.

 

Henri Ford, suppôt des Nazis, déclarait : « Si les gens savaient comment se crée l’argent, il y aurait une révolution avant demain matin. ». Et Josiah Stamp, gouverneur de la Banque d’Angleterre, ne s’y trompait pas : « Si vous désirez être les esclaves des banques et payer pour financer votre propre esclavage, alors laissez les banquiers créer l’argent. ». Il incitait à agir. Ensemble. C’est notre seule liberté (Spinoza).

vendredi 22 novembre 2024

Sujet du Mercredi 27 Novembre 2024 : Le problème SPINOZA.

 

Le problème Spinoza.

« Nous nous croyons libres parce que nous ignorons les causes qui nous déterminent »

Cette phrase est très puissante car elle raisonne comme une vérité indescriptible en chacun de nous. Nous avons tous conscience que souvent nos décisions sont le résultat d’influences diverses, familiales, professionnelles, culturelles ou religieuses.

Pire nous subissons tous des contraintes de pressions sociales que nous ne maitrisons pas et que nous subissons.

En gros, la société, l’interaction des individus (entre eux) créent des déterminismes.

Ça c’est la réalité.

Mais Spinoza ne nous aide pas vraiment quand il se contente de réduire le problème à des arguments quasiment psychologiques :

1)     Les passions tristes

2)     L’impossibilité de dépasser nos désirs

3)     L’Homme n’est pas un empire dans un empire (pour moi cela ne veut rien dire, je prétends être plus intelligent qu’une fourmi)

Et donc très, très peu de gens accèdent au libre arbitre d’après Spinoza.

Lors d’entretiens pour approfondir la pensée du philosophe (au bout de 4 ans), je découvre une argumentation sur les acquis qui vont profiter et participer inconsciemment aux décisions des individus :

« La puissance de l’homme s’exerce au travers du fait qu’il est la seule espèce capable de dépasser (Aufhebung dans la philosophie allemande classique Kant, Hegel), de surmonter les contingences qui freinent toutes les autres espèces. Quand un besoin apparait, il est capable de trouver une solution. C’est là que s’exerce sa liberté.

Le déterminisme, l’homme y échappe par les connaissances accumulées par toutes les générations qui nous ont précédés, par toutes les créations qu’il a su mettre en place à la différence des grenouilles et des moutons et j’en passe."

Ainsi l’homme est libre mais rarement conscient de l’origine de sa liberté et de la puissance de celle-ci. »

Le déterminisme serait contraint seulement par l’ignorance de nos acquis sur les connaissances accumulées.
Bizarrement nos choix, nos décisions et nos opportunités sont le résultat de « connaissances accumulées par toutes les générations précédentes » et totalement indifférent du droit et de la justice des Etats qui pourtant décident de tolérer ou pas comment s’exerce notre liberté d’action ?

C’est une théorie pour le moins surprenante puisqu’elle ignore complètement les travaux d’Auguste Comte et d’Emile Durkheim (agrégé de philosophie 1882) et voici ce que nous apporte cette discipline qu’est la sociologie : 

Les faits sociaux sont extérieurs à l'individu et doivent être expliqués « par les modifications du milieu social interne et non pas à partir des états de la conscience individuelle » afin de ne pas confondre les faits sociaux avec d'autres variables telles que la psychologie du sujet, son contexte familial, culturel, etc., ces faits sociaux existent sans que nous ayons nécessairement conscience ni de leur existence ni de leur autonomie. 

En effet, un fait social peut être indépendant de l'individu, les faits sociaux existent indépendamment de leurs manifestations individuelles. Le fait social s'impose à l'individu, qu'il le veuille ou non, et non le contraire. Il correspond à un système de normes établies pour et par la société et n'est que rarement modifiable autrement que par un bouleversement social ; l'homme acquiert nombre d'entre elles dès le début de son éducation et tend à en intérioriser une grande partie. 

L'éducation détient le rôle d'institution socialisante par excellence, elle fait de l'enfant un être social. Puisque présent dès l'enfance, le caractère contraignant des faits sociaux se fait moins évident et devient une habitude : c'est le principe même de la socialisation.

Voilà cette science humaine correspond au phénomène et à l’impression que j’ai décrit au début de mon texte. Elle est abondamment sollicitée dans les analyses politiques ou sociétales pour dénoncer et condamner tout un tas de systèmes de dominations et de pouvoir qui restreignent nos libertés.

C’est également au nom de discrimination ou de déterminisme de la société que des progressistes vont mettre en cause la société et développer la politique de l’excuse où suite à un fait divers on peut renverser la responsabilité. Le délinquant n’est pas responsable mais au contraire une victime de la société.

Il ne me viendrait pas à l’idée de dire à une féministe qui dénonce une société patriarcale qu’elle se trompe et qu’elle doit lire Spinoza, pour atteindre l’ataraxie …. !

Dernier argument, Spinoza dénonce autre chose, très bien alors Spinoza encule les mouches et on s’en fout.

Depuis quatre ans je me suis évertué à vous trouver des exemples de libres arbitres où la logique de Spinoza ne collait absolument pas.

Le criminel, l’avortement, la création d’entreprise, les investissements d’entreprise, Nokia qui a changé deux fois d’activité, le film « le grand soir » avec Benoit Poelvoorde…..

Devant toutes ces expériences difficiles d’engagements, de responsabilité et de décisions on peut voir par quelles étapes les individus existent, travaillent, se cultivent et se distraient.

L’idée que le libre arbitre est une invention chrétienne est très intéressante car d’un seul coup on est d’accord sur ce que recouvre le libre arbitre des chrétiens qui bizarrement ne correspond plus à celle de Spinoza ???

Vous êtes piégés les progressistes hi hi hi !!

Notre liberté et notre libre arbitre sont entièrement définis par la puissance publique et exercés par la loi, la justice, et la prison. Spinoza veut nous éblouir avec la joie, la béatitude et l’ataraxie en ignorant à la fois l’interaction de la société et la volonté de la puissance publique d’interdire ou d’influencer nos comportements, c’est très fort.

samedi 16 novembre 2024

Sujet du Merc. 20 Nov. 2024 : L'HOMME-MACHINE.

L'HOMME-MACHINE.

Pourquoi être humain ? Pourquoi défendre avec tant de ferveur l’art ou la curiosité scientifique ? Et ne pas succomber, en cette communauté du confort automatique, à la fatalité du mécanisme ? Sans doute parce que, le cas échéant, nous ne pourrions plus nous poser de telles questions. S’interroger, c’est déjà chercher (quaestio, quaerere), c’est-à-dire ne pas se contenter de ce que l’on sait, ou de ce que l’on est. Or, cette démarche s’inscrit dans une tragédie de progrès, mécontentement interminable, fatum duquel on participe. Quand c’est précisément le progrès qui, en corollaire de ses recherches cognitives ou industrielles, a transformé l’homme, ou plutôt, le produit de l’homme en une fraction de ce qui lui est nécessaire pour se savoir exister dans le monde, comment s’extraire de cette contradiction ?

             On ne trouvera pas dans le cartésianisme toutes les causes de nos maux. Cependant, si Descartes, dans le Discours de la Méthode, exhorte au scepticisme, opposant à cette procédure l’insouciance de l’animal (l’animal-machine), il n’est pas exempt de critiques quant à ses conclusions solipsistes. Cogito, sum n’est l’évidence que de son contraire, puisque l’existence de son auteur a précisément nécessité d’élaborer une philosophie, une méthode et surtout de la faire paraître, véritable accomplissement qui, lui, est à même d’alimenter la substance pensante.

            L’œuvre de Hegel, et en particulier son Cours d’esthétique, va dans le sens d’une existence double, à la fois en soi (telles les choses) et pour soi ; cette dernière conscience active de lui-même, il la décompose en deux volets interdépendants, le premier se rapprochant de la contemplation cartésienne par une manière théorique de représentation de soi, le second, indissociable, impliquant que l’homme devienne pour soi par la pratique, en transformant le monde, en y « apposant le sceau de son intériorité », de sorte qu’il y trouve ensuite « ses propres déterminations ».

               L’interprétation marxiste des conséquences d’un tel phénomène existentiel (car c’est bien de cela dont il s’agit) a révélé une déshumanisation latente du fait contextuel, c’est-à-dire, de la façon dont fonctionne la société. C’est un renversement complet du platonisme, dans lequel la société nuit à la créativité artisanale de l’homme : il devient dépendant d’une productivité aliénée, qui ne doit plus rien à ses propres capacités, et, à défaut d’exercer un talent dans lequel il puisse se savoir exister, il entre dans une nécessité d’oublier même son existence par le divertissement dépossédant (divertir c’est proprement distraire la pensée).

            On se retrouve alors entre un scepticisme solipsiste et une conscience déshumanisée, autrement dit, soit l’on ne cesse de douter, ne pouvant être assuré de son existence sans l’éprouver dans le monde, soit l’on s’efforce de se savoir exister, mais l’on se contraint de cesser de douter ; et, par voie de radicalisation, l’on sert une société comme une abeille sa ruche, comme une cellule un individu.

            Cette conciliation problématique de l’individu et de la société en rapport à son libre-arbitre est abordée historiquement de façon originale par saint Thomas More, dans Utopia (1515), puis plus tard par le philosophe italien Tommaso Campanella, avec un ouvrage intitulé La cité du soleil (vers 1602). L’utopie se permet de raisonner par « simulation », par idéalisme, ne résolvant pas pour autant les achoppements de la société de son auteur, mais illustrant (souvent très prosaïquement) quels pourraient être les rouages d’une communauté humaine harmonieuse. Elle a une place forte dans la critique par la métaphore, et l’Eldorado voltairien en est un probant exemple. La science, on notera, est bien souvent absente de telles conceptions ; l’évolution de l’application technologique, via le progrès, est incompatible avec la stabilité et l’équilibre utopique des désirs de tous.

            A bien y regarder, bien qu’elles promeuvent généralement l’exercice de l’art, du discours voire du naturalisme, les utopies représentent l’exploit de maintenir un ensemble d’individus se contentant de ce qu’ils savent et de ce qu’ils possèdent tout en demeurant profondément humains, voire humanistes (d’où la période d’émergence de ce genre). L’accaparement « réaliste » de l’utopie a enfanté la dystopie, orientation dominante de la science-fiction moderne, c’est-à-dire depuis les révolutions industrielles et le matérialisme historique marxiste.           
La dystopie consiste généralement à placer au sein de ce qui se voudrait une utopie un protagoniste qui puisse se défaire de l’illusion d’un monde parfait, véritable emprise, rappelant pour beaucoup une maïeutique. Romans ou œuvres cinématographiques (Le meilleur des mondes, Aldous Huxley ; 1984, George Orwell ; THX ; Blade Runner, etc.) installent sciemment un décor futuriste, adapté au genre, élément à la fois de distanciation d’avec notre propre monde (quoique l’œuvre en général en fait comprendre à mesure de l’argument toute la similitude) et de symbolisme du progrès. Il y règne une désacralisation de toutes valeurs morales, pour ne conserver qu’une éthique purement artificielle et utilitariste. Stanley Kubrick, au travers du 2001, Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke, fait la synthèse des préoccupations existentialistes relatives à l’utopie et à la dystopie, passant de questionnements sociaux à individuels, sous couvert de la notion de temps relativisé par la physique, tout autant qu’elle l’est par l’individu. Ces questionnements sont un retour à l’humanité, après que HAL, machine, se soit avilie, et soit donc devenue homme, l’inhumain étant proprement humain. Ce procédé apagogique a été largement repris, se retrouvant même dans le divertissement confondant que la dystopie dénonce pourtant, en des films comme Terminator, où le protagoniste même est une machine. Une machine qui s’humanise. Est-ce lui, réinventé, le surhomme nietzschéen ?

Et la philosophie contemporaine de s’emparer de la fatalité d’une cybernétisation accomplie, comme avec The cyborg manifesto, de Donna Haraway. En dehors des perspectives féministes, le cyborg serait l’homme sachant conjuguer identité et communauté, solipsisme et conscience éprouvée. Ainsi, l’homme n’aurait pas d’avenir, seul le cyborg. Encore, l’homme n’existe déjà guère plus, déjà remplacé par ce cyborg, que Danna Haraway se plaît à féminiser. L’homme sacrifierait-il quelque chose en devenant cyborg, ou est-ce une synthèse ? Et comment la théorie du cyborg se vérifie-t-elle ?

Il y a la machine conceptuelle, l’automate, le processus figé ou perpétuel, et il y a la machine concrétisée, le robot, le lave-linge, le téléphone ; l’exacerbation de l’outil, remplaçant peu à peu l’activité de l’homme, qui a servi de support à l’avènement d’une critique beaucoup plus ancienne. L’animal-machine, c’est peut-être une fatalité douce de l’innocence, tandis que l’homme-machine, c’est peut-être une interminable lutte interne de la conscience, la contradiction de l’animal raisonnable. Mais c’est aussi un individu communautaire, un citoyen de la société de morale débonnaire, c’est aussi un cobaye de la société hygiénique, celle de l’uniformisation des pensées, des actes et, même, de l’alimentation. De la communication croissante, de la compréhension décroissante. C’est un funambule sur une corde tendue, préoccupé de sa chute plutôt que de son envol. Car l’enjeu, c’est bien celui de la ligne droite. La machine traite le moyen pour accéder à la finalité, sans détour. L’homme, c’est celui qui y parvient par des circonvolutions. L’unicité de l’œuvre d’art, la recette de l’artisan, la théorie scientifique, la rhétorique du philosophe sont autant d’aspects de contingences qui entrent dans le fondement conceptuel de l’humanité. Et ceux qui opposent la nature à la machine, c’est qu’ils contemplent bien la perfection anatomique, par exemple, du guépard, tout comme l’unicité de chacune de ses attaques, qu’ils peuvent trouver cela beau, comme on se contemple soi-même répéter des mêmes gestes, qui s’avèrent différents dans leur détail.

Et pourtant, en effet, la motivation et le moyen qui sous-tendent l’acte de l’animal tiennent de la nécessité, pas chez l’homme. L’humanité n’est pas de contingence (ce qui est aliénation), mais de sa coexistence avec la nécessité, dont la solution se trouve constamment dans l’œuvre, d’où l’importance de se battre en faveur de toute créativité.

 

Sujet du Merc. 15 Jan. 2025 : Jean Cardonnel et le café philo de Montpellier.

  Jean Cardonnel et le café philo de Montpellier. Texte lu le 18 Mai 2005 lors de la 500 ième édition du café philo. Le Père jean Cardo...