jeudi 23 mars 2023

Sujet du Merc. 29 Mars 2023 : POURQUOI PAS LE GENRE POUR TOUS ?

 

                                        POURQUOI PAS LE GENRE POUR TOUS ?

 

Mots clés : idéalisme, matérialisme, esprit, matière, particularisme, relativisme, nihilisme, universalisme, éthique, les Lumières, Kant, French philosophy, déconstruction, idéologie, métaphysique, aliénation, espèce, binarisme, théorie du genre, genrisme, wokisme, aliénation, eugénisme, transhumanisme, désir, plaisir, Epicure, Rabelais, Socrate.

 

1. Sur le plan matériel, biologique et naturel un genre particulier est assigné à chacun à la naissance, masculin ou féminin. C’est la nécessité de la perpétuation des espèces par voie sexuée. Il existe pourtant des espèces, voire des individus hermaphrodites à divers degrés. Ils possèdent les deux sexes et peuvent parfois se reproduire par les deux voies avec un partenaire. Il y a donc dans la nature non-binarité sexuelle individuelle comme exception au sein de certaines espèces.

 

Ceci porte à réfléchir à la matérialité de la chose. Y compris pour l’humanité.

 

2. A côté de la matérialité, il y a l’esprit qui lui est néanmoins nécessairement lié. Allant au-delà et envisageant le caractère « spirituel » particulier aux hommes, on constate l’infinie souplesse et la grande disponibilité de l’esprit et du psychisme humains tels qu’illustrés dans les arts et l’inventivité dont fait preuve, par exemple, la multitude des morales des différents groupes humains.

 

A partir de là tous les points de vue, tous les particularismes, idéologies et métaphysiques sont concevables. Ils s’expriment à profusion dans les religions et littératures du monde entier. Le romantisme en est un exemple patent. La question n’est-elle pas alors de déterminer si, pour l’espèce humaine, l’éthique a un caractère universel tel que le prône par exemple Kant et les Lumières. Ou si elle est particulière, plurielle. Et sous quelles conditions.

 

3. Sur le plan pratique de la vie en société et en politique, on incite aujourd’hui à « s’éveilller » (le « wokisme ») au caractère possiblement suranné de la culture et de l’éthique dominantes de la philosophie des Lumières fondée sur la raison positive. Il s’agirait de « prendre conscience » des particularismes qui s’opposeraient à l’universalisme rationnel unifiant l’espèce humaine.

 

- Tout d’abord quelles sont les causes de cette mouvance ? Ses origines remonteraient à la réaction romantique du XIXe siècle aux Lumières, l’énonciation du principe d’incertitude-indétermination de Heisenberg de la mécanique quantique, l’irruption des désastres mécaniques, chimiques et biologiques des nouvelles guerres et des développements technologiques échevelés des dernières décennies … Elles remonteraient aussi aux bouleversements socio-culturels issus de l’absurde oxymore de 1968 « Il est interdit d’interdire », traduit par les instances dirigeantes par « Tout est permis » ; sauf de changer le principe existentiel du pouvoir, à savoir la concentration des profits autoréalisateurs de ce pouvoir multiforme structurant le monde.

 

- Après la critique des causes du phénomène, on peut se demander comment s’en traduisent les résultats et les dérives, eux aussi critiquables. Cette critique vient en complément des points précédents, à savoir que les particularismes minoritaires ne sauraient prévaloir ni sur la volonté de la plus vaste majorité (mais simplement bénéficier d’une bienveillance relative) ni sur l’universalisme de l’espèce.

 

Ce qui suit obéit-il à ces deux critères éthiques opposés à tout absolu idéaliste ? Ou ne verse-t-il pas plutôt dans le relativisme totalitaire du « Tout se vaut » conduisant au « Rien ne vaut » (nihilisme nietzschéen) qui dès lors laisse place à « Le plus fort emporte tout ». C’est tout naturellement ce que poursuivent assidûment les puissants qui encouragent les composantes du « wokisme », initiées au moins dès les revendications pulsionnelles jeunistes de « Mai ‘68 ». Les dominants ne se disent-ils pas : « Donnons-leur – et même inventons-leur, enseignons-leur – tous les choix et libertés factices possibles pour qu’ils s’y aliènent pleinement dans un vide de valeurs éthiques déconstruites par une confusion mentale orchestrée. Fournissons-leur tous les choix marchands par lesquels se laisser aller à leurs pulsions multiples et particulières toujours renouvelées. Ceci à notre plus grand profit marchand et politique. Dès lors qu’ils fassent leurs choix sans cesse renouvelés par l’offre du marché. Choix que nous leur offrirons par le biais d’une théorie critique et pratique de la société « patriarcale et genriste » que, précisément, nous avions promue à toute force pendant l’ère précédente.».

 

Le « wokisme » définit le « genrisme » ou binarisme de genre comme un système de croyance social et culturel selon lequel le genre serait binaire et que les aspects genrés seraient intrinsèquement liés au sexe, lui-même univoquement assigné à la naissance et strictement déterminé par la biologie de l’individu. Le genrisme se définit aussi comme incluant l’aspect physique, le comportement, l’orientation sexuelle, les noms et prénoms ou toute autre qualité attribuée à la représentation du genre à la naissance.

 

A contrario du genrisme ainsi défini, la théorie des choix de genre inclut diverses sexualités telles que homo-, bi-, hétéro- et a-  sexualités ou encore les omni- et alter- sexualités, plus les infinies orientations romantiques. Cela renvoie à un sentiment d’identité sociale et personnelle basé sur des attirances et des comportements. In fine on constate qu’au-delà de l’hermaphrodisme naturel d’exception chez les hommes, les choix de genre sont effectivement non seulement socio-politiques, mais aussi le plus souvent incohérents avec la matérialité du sexe à la naissance. Un comble ? Pas pour tous, loin de là !

 

4. Par analogie abusive et fallacieuse avec des exceptions au sein de l’espèce (nécessaires parce que naturelles) on changera matériellement de sexe à volonté (trans-sexualité), on s’orientera « au fil de l’eau » et au gré des préférences individuelles vers un redoutable eugénisme transhumaniste. On dériverait ainsi selon notre vain désir (ni nécessaire ni naturel, cf Epicure) vers une factice modification matérielle de l’espèce, une transmutation programmée en une ou plusieurs espèces post-humaines.

 

Paraphrasant François Rabelais, on dirait aujourd’hui que « sciences et technologies sans conscience éthique (Kant) ne seraient que ruine de l’âme ». Ou plus simplement que « un mauvais gars ne saurait atteindre la sagesse » et que « savoir sans comprendre ruine l’entendement, déconstruit l’esprit et trouble le psychisme des hommes ». La « French philosophy » (Deleuze, Foucault, etc.) de la deuxième moitié du XXe siècle, reprise par les campus étatsuniens et qui nous revient aujourd’hui en plein buffet, s’oppose à la matérialité de la raison positive, aux sciences, aux philosophies matérialistes. Mais cela n’est que peu perçu par les contemporains.

 

Epicure, reviens !

 

Rabelais écrivait en 1532 dans La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme : « Mais, parce que selon les dires du sage Salomon, Sapience et Connaissance n’entrent point en âme malveillante, il te convient servir, aimer et craindre Dieu, et lui remettre toutes tes pensées et tout ton espoir ; et par une foi charitable lui être fidèle, en sorte que jamais tu ne t’en écartes par péché. »

 

Sacré François, toi aussi comme Giordano Bruno et Galileo Galilei des Renaissance, Inquisition et guerres de religion, tu crains pinces, écartèlements et bûcher ! Pour nous, c’est plutôt le mode économique, social et politique actuel qui fait barrage. Il en confine beaucoup en « Asilie » d’aliénés courant en liberté. Si la théorie des genres est issue de ce mode, ne le conforte-t-elle pas aussi en retour par une fallacieuse prétention à un progressisme ultime, oublieuse de sa collaboration à la main-mise des dominants ? Nous y opposer confinera sans doute bientôt à l’ostracisme social (à l’instar de Socrate) et sans doute à pire encore*. Sauf à carrément l’affronter. Avant qu’il ne se fasse tard ...

 

*  Des sources estiment le coût annuel des « discriminations genristes » en France en 2022 à 118 milliards d’euros (sans plus d’explications) !

 

dimanche 19 mars 2023

Sujet du 22 Mars 2023 : SUR QUOI REPOSENT LES AXIOMES DES MATHÉMATIQUES ?

 

SUR QUOI REPOSENT LES AXIOMES DES MATHÉMATIQUES ?

 

 Avant toute chose, définissons rapidement le concept d'« axiome ». Le terme axiome est issu du grec αξιωμα (axioma), ce qui signifie « convenable, évident en soi ». Il s'agit d'un truisme, c'est à dire d'une proposition que l'on considère comme étant vraie

Dans la mathématique grecque antique, comme le précise Euclide dans les 13 tomes de son œuvre Les Eléments, les axiomes sont des propositions forcément vraies, irréfutables à tel point que certains philosophes affirment que leur véracité n’est pas à prouver.

Par contre, dans la mathématique actuelle, l'aspect irréfutable de l'axiome est effacé, au profit d'une simple utilité en tant que point de départ d'un raisonnement logique. Cette logique étant le métalangage de la mathématique. Il s'agit alors d'employer une proposition axiomatique dans le cadre d'un raisonnement logique, sortant généralement de la mathématique euclidienne. 

Si l'axiome semble évident, il doit être distingué du postulat, qui est une proposition également non-démontrable, mais que l'on demande d'admettre. Les axiomes servent de base pour un système d'une logique purement formelle.

Se pose cependant le problème du choix des axiomes. Dans la géométrie Euclidienne, on part de géométrie plane. Cette géométrie est fondée sur cinq axiomes principaux. Or, ceux-ci sont valables uniquement dans l'espace Euclidien. Dans une tout autre conception non-euclidienne de l'espace, comme l'espace hyperbolique, ou l'espace sphérique, à ce moment-là, on se rendra compte que l'idée d'axiome est purement formaliste : certains axiomes valables dans la géométrie d'Euclide deviendraient inapplicables ou obsolètes dans une autre forme de géométrie. On se demande alors si le système des axiomes s'appuie sur la réalité, ou s'ils ont une nature purement intellectuelle.

Les mathématiques sont une science où l'on ne sait jamais de quoi l'on parle, ni si ce que l'on dit est vrai », indiquait le philosophe et logicien Bertrand Russell. Or, les mathématiques en elles-mêmes sont un langage, comportant une architecture rigoureuse, et se fondant sur des théorèmes. Ces théorèmes s'appuient sur les axiomes.

 ***
Mais comment savoir si une axiomatique est correcte ? Il semble que les axiomes ne puissent se définir comme étant justes que s'il est impossible de les nier sans se contredire : des axiomes comme « Le langage existe » sont forcément vrais. Je ne peux nier que le langage existe, car il est manifeste que j'emploie bel et bien le langage pour exprimer cette idée.

 

Le problème des axiomes apporte la question suivante : les mathématiques sont-elles une science de l'arbitraire ? Qu'est-ce que l'évidence en soi ? Peut-on bâtir la construction d'un raisonnement à partir d'évidences ? Peut-on construire un système de logique sans pouvoir apporter la preuve que les bases de cette logique sont vraies ?

lundi 13 mars 2023

Sujet du Merc. 15 Mars 2023 : L'âge de l'ersatz.

 L'âge de l'ersatz.

Il y a peu, un reportage montrait des habitants d’une Ville du Sud de la France revenant du marché de Vintimille avec des sacs remplis d’objets de contrefaçon. Contrefaçons de « marque ». La douane arrête le bus et saisit les objets. Réflexions outrées et indignées des fraudeurs : « pourquoi vous faites ça », « on n’a pas les moyens de se payer les vrais », etc ….

L’ensemble des personnes interviewées ce jour là reconnaissait avoir acquis des faux. Ce qui frappait c’était leur parfaite connaissance que les objets n’étaient pas authentiques mais que la possession d’un objet au logo des « marques » suffisait donc à leur donner l’apparence d’appartenir à un autre monde social, à une autre classe.

La forme devenait principale au fond. L’objet, la marchandise conférant, dans leur raisonnement, l’image d’un autre statut social. L’apparence se substituant à tout autre critère objectif.

 

En 1894 William Morris écrivait « l’âge de l’ersatz ». En cette époque d’essor fulgurant de l’industrie Morris déclarait

 

 : « De même que l’on nomme certaines périodes de l’histoire l’âge de la connaissance, l’âge de la chevalerie, l’âge de la foi, etc., ainsi pourrais-je baptiser notre époque «l’âge de l’ersatz ».

 En d’autres temps, lorsque quelque chose leur était inaccessible, les gens s’en passaient et ne souffraient pas d’une frustration, ni même n’étaient conscients d’un manque quelconque.

 Aujourd’hui en revanche, l’abondance d’informations est telle que nous connaissons l’existence de toutes sortes d’objets qu’il nous faudrait mais que nous ne pouvons posséder et donc, peu disposés à en être purement et simplement privés, nous en acquérons l’ersatz.

 

 L’omniprésence des ersatz et, je le crains, le fait de s’en accommoder forment l’essence de ce que nous appelons civilisation  ….. Je pense pouvoir conclure cet exposé par la description de l’inquiétant tableau que compose l’addition de tous ces ersatz en, la vie civilisée n’étant plus qu’un ersatz en comparaison de ce que devrait être la vie sur Terre».

L’utilisation du mot Ersatz doit être entendue ici avec ce qu’il y a de péjoratif dans la langue française. C’est ce sens que voulait lui donner Morris ( qui était anglais).

 

Mais si la marchandise reste le plus voyant des ersatz il en est d’autres manifestations, intellectuelles et politiques qui forment ce qu’on pourrait appeler des ersatz-pensées.

C’est ainsi que Pierre Legendre Historien du droit, philosophe et psychanalyste, donne à voir dans son film Dominium Mundi, un aspect ignoré de la globalisation, le management en tant que croyance :

 «L’Occident a réussi le « Dominium Mundi » et produit des institutions standard. Seulement, la Démocratie ne désigne peut-être plus un régime politique, mais plutôt un ersatz de religion à l'occidentale.
Après l'effondrement soviétique, une célèbre revue américaine de business titrait : « La Démocratie est inévitable. » Comme on parlerait, dans les sectes millénaristes, du retour du Messie ! Et il suffit d'écouter la radio ; vous entendez des prêches, assortis de propos d'exécration contre ceux qui refusent d'accueillir le Bonheur politique  
Reprenant les mots de la papauté adressés aux païens d'Amérique au XVIe siècle, vous diriez : contre ceux qui refusent de « partager la gloire du peuple chrétien » ; remplacez « chrétien » par « démocratique », vous avez le nouveau discours de la foi
 ».

 

Enfin, las de chercher à comprendre ce monde où « la vérité est ailleurs » nos contemporains vivent avec une multitude de petites ersatz-pensées. Redevenus des païens modernes les voici adorant les poubelles colorées dans lesquelles ils pourront trier eux-mêmes les ersatz-produits qu’on leur propose. Les voici effrayés par divers catastrophismes : le gaz carbonique (à quand une taxe sur nos exhalaisons ?), le soi disant réchauffement climatique dont-nous-serions-tous-responsables…..

 

« Quoi faire ? » demandait l’auteur d’un philopiste récent, « Faut-il y croire ? » questionne un sujet à venir. Ecoutons donc pour terminer les propositions de W. Morris : « Chers amis, vous en savez long désormais sur le sujet, aussi je ne m’y attarderai pas, sans pour autant éluder le problème. La société de l’ersatz continuera à vous utiliser comme des machines, à vous alimenter comme des machines, à vous surveiller comme des machines, à vous faire trimer comme des machines et vous jettera au rebut, comme des machines lorsque vous ne pourrez plus vous maintenir en état de marche. Vous devez donc riposter en exigeant d’être considérés comme des citoyens. Vous avez commencé le faire. J’estime que l’exigence d’un salaire décent, du règlement des problèmes de chômage, de la diminution légale du temps de travail et autres revendications du même ordre ne sont pas, prises séparément, la panacée qui provoquera un changement immédiat de société. En revanche, l’ensemble de ces exigences, dès aujourd’hui (et leur nombre s’accroîtra sans doute au fil du temps), signifie pour moi le réveil de cette revendication, à savoir le droit pour les travailleurs de régler leurs affaires eux-mêmes. Continuons à élargir la brèche dans le système de propriété actuel, qu’il nous faut détruire, avant de pouvoir produire rationnellement, avec plaisir, et d’en finir avec l’âge de l’ersatz. »

 


mardi 7 mars 2023

Sujet du Merc. 08 Mars 2023 : Il n'y a pas d'alternative ?

 Il n'y a pas d'alternative ?

« Il n’y a pas d’alternative » est une déclaration de Margaret Thatcher en 1979 quand elle applique sa réforme libérale qui est une véritable rupture avec l’ancienne politique économique. Auparavant depuis 1945 les fondamentaux économiques étaient largement inspirés par une tendance progressiste. William Beveridge économiste et homme politique est surtout connu pour son rapport parlementaire en 1942 sur les services sociaux. Celui-ci fournira les bases de réflexions à l’instauration et la création de l’Etat providence par le gouvernement travailliste d’après-guerre. Cela englobe un système de santé très largement socialisé y compris la médecine de ville (pas de médecins libéraux), un large secteur nationalisé, et une très forte fiscalité sur le capital et sur les plus hauts revenus (avec des taux qui s’élevaient à 94 %).

Mais à partir des années 70 la situation économique se dégrade profondément chômage, inflation, endettement se déclenchent bien avant le premier choc pétrolier. L’Angleterre pays de la révolution industrielle était l’HOMME MALADE de l’Europe, en 1976 le gouvernement est obligé de demander une aide financière au FMI (organisme créé pour aider les pays en voie de développement).

Thatcher en 1979 va privatiser certains secteurs, réduire la fiscalité des plus riches à 40 % et largement déréguler l’économie.

Une vision du monde s’écroule et une grande partie de l’humanité accepte difficilement l’échec des politiques sociales, cette attitude proche du déni refuse la possibilité d’un retour au libéralisme. C’est ainsi que cette tendance qualifiera cette politique de néo-libéralisme, cette terminologie est toujours contestée par tous les défenseurs du libéralisme.

Voilà le contexte dans lequel on doit appréhender l’expression car ce n’est pas un vain mot de prétendre qu’il y a bien deux idéologies qui s’affrontent et s’opposent pour comprendre les enjeux du développement de nos sociétés modernes.

Tony Blair 20 ans plus tard réforme en profondeur l'idéologie et la pratique du travaillisme britannique, largement converti à l'économie de marché, il l’assume complètement en déclarant « dorénavant nous sommes tous Thatchériens ».

On peut également trouver une certaine uniformité sur la fiscalité depuis les années 80.

On peut contester cette affirmation de la dame de fer mais cette politique aura une influence considérable dans tout le monde développé.

En France des économistes en opposition à ce mouvement, vont créer un journal qui s’intitule
«  ALTERNATIVE ECONOMIQUE » qui est utilisé par certain professeurs comme une référence.

Pourtant on doit pouvoir s’accorder sur une histoire de la pensée économique.

 

La science économique est née de la tentative de répondre à une question, on cherche à élucider un mystère : pourquoi certains pays sont enfermés dans la pauvreté alors que d’autres s’enrichissent, sans que les ressources du pays ne puissent expliquer le phénomène ?

Cette interrogation intervient clairement au XVIII° siècle avant la révolution industrielle. D’où la définition de la science économique : une discipline qui va chercher à comprendre si l’on peut trouver des lois, des règles ou des principes favorables à la création de richesse, en tenant compte des comportements humains.

Les auteurs sont connus : c’est Adam Smith, Jean Batiste Say, et Ricardo. Ce sont les pères de la théorie économique. Pour Smith le titre de son ouvrage de référence est : « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » en 1776. D’emblée, la problématique est parfaitement posée. Dans cet ouvrage, il s’étonne que des pays avec une grande richesse de leurs sous-sols ne parviennent pas à un décollage économique alors que l’Angleterre, avec beaucoup moins d’atouts naturels s’enrichit. Karl Marx dans sa critique du capitalisme est obligé de tenir compte de ces premiers penseurs et il les appellera « les classiques » comme une sorte de point de départ de sa réflexion.

Précédemment, il y avait les mercantilistes qui n’apportaient rien, puisqu’ils pensaient que la création de richesse se faisait toujours aux dépend des autres. Donc que l’économie de marché est un système à somme nulle, ce qui est faux.

 Et les physiocrates pensent que la terre est le seul capital capable de produire des richesses.

Donc une science, dénuée de considérations morales, cherche les conditions favorables à la création de richesse.

Mais les gouvernements vont se perdre en cherchant à anticiper les comportements humains et tenter de réduire les inégalités, ils sont le plus souvent en contradiction avec ses théories. Les libéraux découvrent que ces interventions sont inutiles, puisque c’est au contraire la liberté le plus efficace. Adam Smith, conscient du paradoxe apparent de sa découverte, se permet d’utiliser une métaphore favorable à sa démonstration.

Extrait : « il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions ».

Mais plus grave encore, quand de nos jours, plus de deux cents ans plus tard, l’ensemble d’une population lui reproche toujours cette métaphore au premier degré, pour mieux en contester le principe.

Le fait d’y voir un encouragement à l’égoïsme est tout simplement faux. Adam Smith constate un mécanisme, en précisant que si l’individu est guidé par son égoïsme, cela ne change rien à son efficacité.

Quand Isaac Newton, en recevant une pomme sur la tête, découvre la loi de la gravité, il n’invente pas la gravité. Avant Newton les pommes tombaient déjà des arbres. Donc la théorie libérale n’a pas inventé ou encouragé l’égoïsme.

Le seul philosophe qui va tenter de contester scientifiquement l’efficacité du marché est Karl Marx. Pour reconnaître que l’économie comme discipline scientifique démarre avec les libéraux et de ce fait il les appelle « les classiques ». Lui-même ne tient pas compte des physiocrates ou des mercantilistes.

Conclusion oui il y a une alternative au libéralisme c’est le communisme, c’est bien les deux seules visions du monde qu’il nous reste pour comprendre les ressorts de la société.

 


samedi 25 février 2023

Sujet du Merc. 01/03/2023 : Docta spes (espérance instruite)

 

Docta spes  (espérance instruite)

 

                                            Thomas More (Utopia 1516)

                                                                « Lorsque nous regardons les Etats  d'aujourd'hui, nous n'apercevons rien d'autre qu’une conspiration de gens fortunés qui ne s'occupent de rien                                                                 de plus que de leurs propres intérêts...

Ne pensez pas que la  justice puisse régner là où les affaires importantes reposent dans les mains de 
larrons insolents ou qu'un Etat puisse fleurir qui réunit la  totalité de sa richesse dans les mains d'un petit nombre de citoyens. »

                                           

C'est il y a 5 siècles déjà que Thomas More nous a mis en garde contre une orientation de notre souhait de bonheur au travers de la toute petite minorité de personnes fortunées en pensant que nous pourrons y arriver aussi et trouver ainsi le paradis sur terre. Thomas More a vécu vers la fin de l'époque féodale où la classe supérieure, la noblesse, accumulait des richesses énormes au détriment de la majorité, sur le dos la classe inférieure.

 La situation sociale actuelle, mondiale a peu changé depuis  ce temps- là, puisque un pourcent de l'humanité actuelle possède autant que l'ensemble du reste.

Pour autant cette majorité n'a toujours pas perdu tout l'espoir d'être un jour avantagée -sinon comme ceux d'en haut – du moins de trouver plus de bonheur, en accomplissant sagement leurs devoirs de citoyen ordinaire, malgré une si longue expérience contraire.

La majorité s'accroche à l'espoir d'une vie meilleure que promettent ceux qui disposent de moyens incroyables pour majorité qui vit  au jour le jour avec un argent gagné à la sueur de son front. S'ils ont la chance d'en pouvoir gagner.

Malgré le fait d'être la majorité ils continuent à vivre sans l'espoir qu'ils peuvent y changer quelque chose et inverser l'état des choses selon la logique humaine. Or, La société depuis le temps de Thomas More a évidemment changé  et continue á changer constamment.

Donc la nature de l'espoir et des souhaits humains changent avec. Si l'on ne tire pas les conséquences du passé et de son idéal approprié on ne peut pas se préparer à l'avenir. Il faut mesurer la réalité á l'aune des idéaux connus,  ce qui n'est pas possible sans l'analyse du négatif et du  positif  de tout ce qui a été atteint par l'humanité.

Comment ne pas comprendre cette méthode de pensée lorsqu’on analyse les débuts du 20ième siècle. D’un côté un crime de masse qui se déroule en Europe dès 1914 avec une adhésion totale des peuples qui partaient « la fleur au fusil » mourir dans les tranchées de cette paix promise et réalisée par Lénine et le peuple russe et qui mit fin dès 1917 au bain de sang en ouvrant l’ère nouvelle de la révolution d’octobre.

Albert Einstein a dit :  « Le pire de la folie est de laisser tout comme il est et d'espérer en même temps que cela va changer.“

Une des fautes des anciens utopistes  consiste  á ce qu'ils s'accrochaient á un monde fixe et donc à un désir hérité d'avant, adapté á ce monde d'antan. Or la société change constamment ainsi les espérances qui y correspondent.

Autrefois on pensait par exemple : plus on travaille, plus on sera riche. On savait pourtant que la haute aristocratie avait accumulé ses immenses richesses sans travail, avec le travail de leurs paysans. Et aujourd'hui y-a-t-il encore quelqu'un croyant que l'immense richesse de la minorité au sommet de notre société est le fruit du travail de
celle-ci ? Ou plutôt  celui de spéculations avec des capitaux hérités au départ ?

Depuis le “Manifeste Communiste“ de Marx et Engels (1848) l'utopie s'est transformée en science et est devenu une « docta spes“ (Ernst Bloch, dans « le principe de l'espérance »). C’est-à-dire que l’utopie ne doit plus être , désormais, considérée comme le résultat d'un vécu immédiat et spontané avec  des désirs improvisés du moment, mais au contraire comme le résultat d'une longue expérience humaine et  avec un objectif :  l'humanité entière et non pas un groupe particulier de personnes

Un changement social peut-il venir de la prise de conscience des opprimés, d'une « espérance instruite » et savante, ennemie de toute résignation et de toute illusion ? Certes, cela demande une absence de peur des changements.

Et déjà en 1532 Machiavel mettait en garde dans « le Prince » contre toute forme de stagnation dans une société, mais ce grand réaliste savait également :

« Il n'y a rien de plus difficile, de plus dangereux á exécuter que  l'introduction d'un ordre nouveau. Car celui qui veut introduire ce  nouvel ordre a comme adversaire tous ceux qui profitent de l'ordre ancien et il sera soutenu seulement à moitié par ceux qui pourraient profiter de l'ordre nouveau. C'est parce que les hommes ne croient pas vraiment aux choses nouvelles  qu'ils ne reconnaissent pas encore par une expérience personnelle. »

 

Peut-on  continuer à manquer du courage  dont tant d'hommes et de femmes avant nous qui ont résisté á un ordre ancien et absurde, ont fait preuve ? Comme Rosa Luxemburg qui a dit après de longues années de prison: « Celui qui ne bouge pas ne ressent pas ses chaines ».              

Quitte á devoir affronter un ordre nouveau, que l’on n’a pas encore expérimenté personnellement

Ne devrions-nous pas, sans impatience ni illusions, lui faire face avec un espoir chargé d’une analyse critique d’un long passé ?  D’une « docta spes ».

Pourquoi la nécessité et la possibilité d'un monde meilleur est-elle  si difficile á comprendre pour la majorité de de la classe inférieure, exploitée dans la majeure partie du monde?

Parce que les médias et tous les moyens qui abreuvent les peuples de ces « informations » appartiennent á ceux d'en haut.

Bertold Brecht disait :  « l'opinion régnante est celle de ceux qui règnent. » Ceux-là concentrent toute la lumière de la société sur eux – comme le soleil dans notre univers, mais nous savons qu'en regardant le soleil en face on est aveuglé et on ne voit rien distinctement.

 

« Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.

La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l'un dans l'autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante.

Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l'expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d'idées, donc l'expression des rapports qui font d'une classe la classe dominante; autrement dit, ce sont les idées de sa domination.

Les individus qui constituent la classe dominante possèdent, entre autres choses, également une conscience, et en conséquence ils pensent; pour autant qu'ils dominent en tant que classe et déterminent une époque historique dans toute son ampleur, il va de soi que ces individus dominent dans tous les sens et qu'ils ont une position dominante, entre autres, comme êtres pensants aussi, comme producteurs d'idées, qu'ils règlent la production et la distribution des pensées de leur époque; leurs idées sont donc les idées dominantes de leur époque. »

L’idéologie allemande – Ad Feuerbach – 1845

 

lundi 20 février 2023

Sujet du Merc. 22/02/2023 : Pourquoi tout plutôt que rien ?

 

                    Pourquoi tout plutôt que rien ? 
    

Disséquons les termes clés de la question.        


Afin de clarifier le raisonnement, définissons « tout » ( le « quelque chose de Leibniz) comme un évènement perçu dans l’espace-temps. Première remarque, selon le sens de la flèche du temps retenu, le terme « Pourquoi » peut admettre deux acceptions fondamentalement différentes :     
- soit envisager le pré-requis du « quelque chose » considéré. (les conditions initiales)
- soit envisager le sens de ce même « quelque chose ». (dans quel but ?)  

          
Or, dans ce dernier cas, la question n’est pas abordée sous l’angle phénoménologique puisqu’elle induit la notion humaine d’intention. Pour ce faire, elle présuppose un agent transcendant ou cause première. (Dieu, grand architecte). Ainsi, la question ainsi posée entretient donc l’ambigüité dans la mesure où elle est en soit interprétative. Elle ne s’attache pas exclusivement à poser la question de la cause de l’évènement considéré, elle suggère également la possibilité qu’une intention détermine cet évènement.      
Selon cette lecture, la réalité serait le résultat d’un dessein.      

 
Or, rien ne permet d’étayer cette dernière position. Aucune branche des sciences naturelles (géologie, biologie etc…) ni le domaine de la physique (physique quantique) ne révèle la moindre trace d’intention dans la Nature !
Par exemple, lorsqu’il pleut, la démarche scientifique consistera à expliquer le phénomène alors qu’une démarche métaphysique cherchera à donner du sens à celui-ci en invoquant par exemple les divinités.  

  
En réalité, on ne constate aucun phénomène dans la Nature qui serait issu d’une intention ailleurs que chez les organismes vivants à partir d’un certain niveau de capacités cognitives.        
L’intention « vue » dans la Nature n'est qu'une illusion et ne relève in fine que d’une projection anthropocentrique.           
En définitive, si la première acception (démarche phénoménologique) relève de la science, la question du sens, elle, relève de la métaphysique.
Par ailleurs, les termes « exister » et « tout» semblent produire une signification.

Toutefois il n’en est rien. En effet, l’existence induit par définition un sujet (ou un objet) alors que l’idée même de « quelque chose » induit son existence. Sujet et verbe sont ici interdépendants et correspondent à une seule et même notion irréductible, celle de l’Etre.             
Nous n’avons à faire ici qu’à un simple pléonasme et si le principe d’identité est impuissant à expliquer l’origine de la réalité, il est néanmoins suffisant pour en montrer sa cohérence.            
Enfin « rien » est suggéré ici comme une alternative possible à « tout».

Autrement dit, la question envisage la possibilité que la réalité (l’Univers dans son ensemble) aurait pu ne pas être, or nous constatons une réalité (la partie de l’Univers dont nous avons conscience) qui n’a pas pu apparaître du néant.

Notons que même si la physique théorique envisage néanmoins la possibilité que la configuration initiale de notre Univers n’est pas la seule qui soit compatible avec un Univers biophile cela ne justifie pas un « néant » ou une « intention » préalable.

 Cette brève analyse montre que la question « pourquoi tour plutôt que rien » posée par Leibnitz dans les termes qui sont les siens est à la fois ambiguë (sens du pourquoi) mais se révèle aussi irréaliste dans la mesure où elle laisse entendre que le réel (considéré cette fois au sens large - pas seulement notre Univers) aurait pu ne pas « être ». (le « rien ») alors que les faits montrent pourtant le contraire…


Nous existons ! Ce simple fait (principe anthropique faible) nous impose d’admettre que l’essence ultime du réel est irréductible et en aucune manière conditionnée par une logique causale. Le néant ne peut être une alternative au réel, quoi que nous en pensions.


A ce stade, la métaphysique ne peut définitivement apporter de réponse satisfaisante à cette question car elle s’affranchie par définition de tout cadre réaliste mais aussi de toute exigence expérimentale. Selon cette approche, les faits et les preuves ne sont pas requis, or la connaissance passe nécessairement par le test expérimental.


Si nous ne savons pas encore pourquoi il existe quelque chose plutôt que rien, on peut déjà suggérer raisonnablement que notre existence ainsi que celle de notre Univers ne sont vraisemblablement ni les conséquences d’une intention dans la Nature ni le résultat du hasard.

NOTE : Le principe anthropique faible ne se prononce pas sur la question de savoir si notre présence est le résultat d'un hasard particulièrement improbable ou d'un processus déterministe. Il exprime que si l'univers avait évolué d'une manière qui ne permettait pas à des entités conscientes d'y apparaître, aucune entité consciente n'aurait été là pour le remarquer, et donc qu'il n'y aurait pas de connaissance de cet univers ; autrement dit un tel univers n'existerait pas.

 Et par conséquent, que de notre point de vue (d'entité consciente dans l'univers) même si notre univers n'est qu'un des multiples univers qui auraient pu exister il n'a rien d'improbable a posteriori. Ainsi, les probabilités que nous avions d'apparaître (individuellement ou collectivement) sont tellement faibles a priori que l'on est tenté de se dire " quelle chance ! ". En réalité, s'il en avait été autrement, nous n'aurions pas pu nous plaindre de notre malchance puisque nous n'aurions jamais existé !

vendredi 10 février 2023

Sujet du 15 Février 2023 : La bêtise : une philosophie supérieure ?

 ATTENTION CHANGEMENT DE LIEU :
20H30 SALONS DU GRAND HOTEL DU MIDI, PLACE DE LA COMEDIE.

La bêtise une philosophie supérieure ?

    
ARTURO qui avait sa réputation bien établie et son blog bien à jour (nonjenesuis.com), fut contacté sur Internet et invité à assister à un   «  Café-philo de cons ». Il avait été ciblé, par les philosophes de comptoir, car c’était plus simple, pour eux, de s’adresser à un inconnu de très faible QI, plutôt qu’aux empêcheurs de tourner en rond qu’ils subissaient régulièrement. Ils pensaient qu’ainsi, pour pouvoir baver leurs supposés savoirs intellectuels, étaler leurs couches pleines de …culture, ou déverser leur logorrhée verbale, un faire-valoir comme ARTURO pourrait faire l’affaire. Ce dernier n’était- il pas un typique cagot des Pyrénées, un cousin des crétins des Alpes, un supporter acharné des Ch’tis de Paris ? N’avait-il pas, jadis, servi de cobaye pour des expériences sociologiques sur l’importance des horoscopes décalés, au prétexte qu’il serait né sous le signe du Chacal (ascendant Limace) ?

 

Après les présentations d’usage, les débatteurs commencèrent à traiter du sujet suivant : « La raison raisonnante doit-elle dépasser la raison raisonnable ou bien doit-elle se laisser dépasser par la raison raisonnée ». Tout un programme !

Les intervenants patentés, fiers de prendre la tribune et flattés du roucoulement de la partie la plus aviaire de leur public, tentaient désespérément de démêler l’écheveau des concepts à l’ordre du jour : raison, raisonner, raisonnable, raisonnement. On frôla même l’incident lorsqu’un poète, complètement hors sujet, confondit raisonner et résonner. Ce fut le moment que choisit l’animateur, quelque peu dépassé, de s’intéresser à ARTURO.

 

- ARTURO, vous avez maintenant la parole. Pouvez vous en profiter pour nous dire si, selon vous, le tambour est un objet de résonance ou bien un sujet de raisonnement ?

ARTURO intervint donc à son tour :

« Le centre de gravité de la bêtise d’aujourd’hui se situe sans doute dans cette critique de plus en plus radicale du discours rationnel.

 

 A une époque où il n’y a plus grand-chose à transgresser, le seul refuge face à la rationalisation croissante des comportements et du discours est la bêtise. Cette résistance rejoint une certaine tradition religieuse. Comme le souligne Avital Ronell, philosophe américaine auteur de Stupidity, un essai sur la bêtise, le christianisme « représenta, sur la scène occidentale de la bêtise, un phénomène jusqu’alors inconnu » parce qu’il « repose sur une certaine bêtise et sur une certaine aversion de la sagesse et de la science temporelle ».

La connaissance de ma propre nullité et de l’absurdité du monde, solidaires de l’affirmation d’un possible salut divin, débouche sur la promotion de ma bêtise. Il ne faut pas vous-même vous en étonner, alors que votre proximité avec le christianisme abonde dans ce sens.

Quand j’étais moi-même un chanteur renommé et que j’avais créé un univers étrange et stupide qui plaisait beaucoup à mon public, j’avouais ma fascination pour la figure de Jésus, « le premier idiot sur terre » ; Dans mes délires les plus créatifs, je m’identifiais à lui car « il faisait des trucs que personne ne faisait, et tout le monde se foutait de sa gueule ». L’homme bête repousse la toute-puissance de la raison discursive, refuse la simpliste distinction du savoir et de l’ignorance, et s’offre au salut.

L’animateur, assez interloqué par cette tirade inattendue, questionna ARTURO :

 

- Les nouveaux bêtes seraient-ils alors l’avenir du christianisme, des religions en général ?

- Pas forcément. Mais cette déferlante de la dérision à laquelle on assiste actuellement signifie au moins une perte de confiance dans la rationalité du réel. Comme je le lisais récemment dans un livre de Harry G. Frankfurt 
« L’art de dire des conneries » : « La prolifération contemporaine du baratin [bullshit] a des sources encore plus profondes dans les diverses formes de scepticisme qui nient toute possibilité d’accéder à une réalité objective et par conséquent de connaître la nature véritable des choses ». Au fond, la bêtise serait peut-être le sommet de la sagesse, dans le sens où elle remet en question notre domination du monde.

La bêtise : une nouvelle philosophie ?          

Sujet du Merc. 29 Mars 2023 : POURQUOI PAS LE GENRE POUR TOUS ?

                                          POURQUOI PAS LE GENRE POUR TOUS ?   Mots clés : idéalisme, matérialisme, esprit, matière, part...