Textes mis à la disposition du public dans le cadre des rencontres du café philosophique de Montpellier. Tous les Mercredis, 19H00, Salons du Grand Hôtel du Midi - La Comédie - Montpellier.
vendredi 25 décembre 2015
dimanche 20 décembre 2015
lundi 14 décembre 2015
Sujet du Mercredi 16/12 : PEUT-ON CROIRE SANS ETRE TROMPE ?
PEUT-ON CROIRE SANS ÊTRE TROMPE ?
« Je crois » ; « Je ne crois
pas » ; « J’y croyais » ; « Je n’y crois
plus » : ce sont là des phrases que nous utilisons tous les jours.
Mais croire à quoi ? Croire à qui ? Pourquoi croire ? Peut-on
croire sans être trompé ?
Si, bien entendu nous ne pouvons pas répondre à chacune
de ces questions, en répondant à la dernière, nous répondons en partie aux
premières. Alors peut-on croire sans
être trompé ?
Le sujet n’est pas nouveau et Dieu sait qu’il a déjà fait
l’objet à plusieurs reprises de débat ici dans cette salle. Mais il existe
plusieurs façons de traiter un même sujet.
Alors pour répondre à la question posée, nous devons
d’abord chercher à savoir ce qu’est
« croire » ou « ne pas croire » ? Quelle est
l’origine de l’une ou de l’autre ?
Quand nous croyons dans la fiction, sommes-nous trompés ?
Vous l’avez compris, à travers la définition du mot
« croire » il va se dégager l’idée qu’il est difficile de croire sans
être trompé dans une première partie.
Et dans une deuxième partie sera développée l’idée que
croire ou ne pas croire ne dépend pas forcément de nous et que l’on peut croire
sans être trompé, tout dépend de ce en quoi l’on croit.
Croire, un verbe
porteur d’une connotation péjorative.
De nos jours, dans les sociétés occidentales, croire,
c’est un défaut, c’est s’incliner vers quelque chose qui confine à la bêtise.
Et pourtant on pourrait considérer que croire est une qualité, celle qui
consiste à faire confiance aux autres. Non. Croire est plutôt considéré comme
être naïf, simple d’esprit, sot, dupe.
N’oublions pas que toute la tradition philosophique de la
Grèce Antique avait fait de la prudence, l’une des quatre vertus cardinales et
théologales à côté du courage, de la tempérance et de la justice.
Pour Platon, la prudence dispose la raison pratique à
discerner en toute circonstance le véritable bien et à choisir les justes
moyens de l’accomplir.
Épicure plaide en faveur
de la prudence et contre la crainte de Dieu et la crainte de la mort qui
poussent à croire. Il préconise la
recherche de plaisir raisonnée. Le plaisir est donc pour lui le
commencement et la fin d’une vie bienheureuse. Epicure ne fait pas un plaidoyer
d’un hédonisme sans borne. Si la recherche d’un plaisir effrénée peut
immanquablement conduire à des troubles et à des inquiétudes, une recherche
prudente du plaisir mène au bonheur. Le bonheur n’est donc pas dans les
croyances mais dans des plaisirs bien
calculés.
Diogène LAERCE mentionne que « De la prudence viennent la
maturité et le bon sens ».
La prudence c’est donc la réflexion préalable et la
prévoyance par lesquelles on évite les dangers de la vie. Et croire empêche
cette forme de réserve et de défiance qu’est la prudence.
La crédulité
conduit à développer une certaine propension qui pousse un esprit à croire trop
facilement, trop hâtivement et sans examen critique.
Croire trop facilement, à un certain degré, c’est être
crédule, c’est prendre le risque d’une pathologie de croire, développer une
certaine passivité qui s’attache à toute croyance. En
congédiant la preuve, la croyance se place dans l’impossibilité d’avancer des
motifs rationnels.
En ce moment, croire
revient toujours à accepter la possibilité d’être trompé, ce qui peut aboutir à
l’abandon de l’esprit critique.
Pour Alain, le
doute est le sel de l’esprit et
croire, c’est dormir les yeux ouverts comme le font les bêtes. Il faut donc
se réveiller c’est-à-dire se refuser à croire sans comprendre, examiner,
chercher.
Croire c’est
toujours obéir selon Alain et l’obéissance d’esprit est toujours une faute.
Croire, c’est être docile, se soumettre facilement à l’autorité.
Les croyances
occupent une place importante chez les enfants ( croyance au père Noel, à la
Cigogne qui apporte des bébés).
Mais elle n’est pas le propre des enfants. On mentionne souvent la crédulité des
anciens et des primitifs. Et lorsqu’on refait le tour de la mythologie
grecque, on se demande aujourd’hui comment les Grecs de l’époque ont pu croire
ces fabulations.
On s’est aussi interrogé sur ce que Levy Brühl a pu
appeler la mentalité primitive. Cette
croyance naïve en des forces et des puissances occultes qui explique la
docilité selon lui de ces hommes.
L’ethnologue soutient que l’enfant comme le primitif
possède une mentalité prélogique.
Mais la crédulité
est une attitude de tous les temps et de tous les pays. Partout où il y a des
hommes, il y a des esprits crédules. Et parce qu’il y a des crédules, il y aura
des imposteurs, des séducteurs, des rhéteurs, des sophistes pour exploiter
cette crédulité.
Nous y croyons les yeux fermés, nous y croyons dur comme
fer.
Faut-il pour autant refuser de croire, être
incrédule ?
L’incrédule refuse qu’une croyance puisse lui venir de
l’autre. S’il doit recourir à une croyance, celui-ci sera entièrement à son
initiative : « Je ne croirai
pas une telle histoire, me fut-elle contée par Platon ».
Et là le pari de
Pascal nous vient à l’esprit. « Abêtissez
vous » disait Pascal, « car
en réalité, nous sommes automates autant qu’esprit ».
Poussé à un certain degré, l’incrédulité devient une
maladie de la confiance. On pourrait considérer la jalousie comme un refus
maladif de faire confiance.
II-Croire ou ne
pas croire ne dépend pas forcément de nous et l’on peut croire sans être
trompé.
Sartre dans l’idiot de la famille nous explique
que cette propension à la passivité qui nous pousse à croire facilement, trouve
son origine dans l’enfance du sujet qui croit.
Sartre nous raconte que Gustave Flaubert a connu des
blocages affectifs et caractériels pendant son enfance. Il aurait pour cela
développé une sorte de structure passive qui aurait contribué à faire de lui un
prisonnier de la croyance. L’enfant
est habité par le besoin de croire et de faire croire, ce qui lui permet d’exister.
Le manque chez Flaubert viendra de la mère, Marie
Caroline, marquée par les deuils et la mort ( sa propre mère était morte en la
mettant au monde) : ce que les psychanalystes appellent la malédiction de
la mère.
Femme de devoir et de religion, elle accepte son fils
mais celui-ci n’est pas désiré.
Cette pénurie de
tendresse sera pour Gustave, un manque irrémédiable. L’enfant se tourne
alors vers son père, qu’il va adorer, mais qu’il décevra ; Gustave en
effet échouera à l’apprentissage de la lecture. D’où la condamnation paternelle :
« Tu seras l’idiot de la famille ».
Gustave ne se remettra Jamais de cette condamnation. Il
devient une créature passive, passivité qui se manifeste par les hébétudes et
par la crédulité. L’enfant Flaubert est un enfant rêveur, crédule et naif. Flaubert
restera toute sa vie soudée à la petite enfance. « Gustave n’est jamais sorti de l’enfance,
écrit Sartre ». La mort de son père le libérera. C’est alors que
Flaubert va tenter, écrit Sartre de compenser « sa pauvreté d’être » en faisant le choix de l’art, de
l’écriture, de l’irréel.
Le cas Flaubert
montre que la crédulité peut résulter d’une immaturation d’une dépendance aux
parents qui n’a pas pu être surmontée. Impuissante à se poser comme autonome,
la conscience crédule ne parvient pas à s’affirmer, elle reste infantile et
puérile. Gustave souffrira toute sa vie du syndrome dira Sartre « d’un égo
absent ». Il est aliéné.
On pourrait également raconter dans le même prolongement
l’histoire de Freud qui, à l’âge 8 ans, et ayant fait pipi dans son pantalon,
son père lui dit : « Tu n’as
n’arriveras à rien ». Marqué à vie par cette invective, Freud
s’investit et sera le plus grand psychanalyste de tous les temps pour prouver à
son père le contraire de ce qu’il a pensé.
Si l’on envisage
le cas de la fiction dans son rapport à la croyance, on peut dire qu’elle
est un produit de l’imagination, de l’esprit. Elle renvoie aux créations de
l’art, du théâtre, du cinéma et de la littérature. De ce point de vue, la
fiction se définit par un écart avec la réalité.
Pour pénétrer
l’univers fictionnel, il faut d’abord que l’esprit y donne son adhésion.
Peut-on pour autant, dans le cas de la fiction, parler d’un phénomène de
croyance ? Le lecteur ou le spectateur croit-il à l’existence du
personnage que représente un acteur ? Peut-on parler de mensonge ? Le
lecteur d’une œuvre littéraire peut-il accuser l’auteur de l’avoir
trompé ?
Nous nous heurtons ici, en effet, au paradoxe de la fiction.
lundi 7 décembre 2015
Sujet du Jeudi 10 Décembre 2015 : Le complotisme.
Attention exceptionnellement discussion le jeudi 10 décembre, pas le mercredi 09
SUR FACEBOOK : CAFEPHILO MONTPELLIERLe complotisme
La théorie du complot répond à
l’intérêt que nous avons à connaître la vérité et, à la fois, à tout
simplifier.
Un sondage qui date maintenant
de quelques mois nous apprenait qu’un Français sur cinq croit dans l’existence
des Illuminati (secte dissoute à la fin du XVIIIe siècle qui a été mise à
l’honneur dans le roman Anges et démons de Dan Brown et dont le nom vient
certainement des Lumières et se confond souvent avec la Franc-Maçonnerie qui
représente, elle, un ensemble d’organisations réelles et plus ou moins
discrètes). Les Illuminati sont, selon une croyance répandue, censés régir le
monde à notre insu. Evidemment, rien ne le prouve, tout est toujours dans le
décryptage – de multiples vidéos en témoignent sur internet. Mais ce qui réunit
la plupart des multiples théories du complot (dont une des dernières porte sur
les chemtrails) et qui flatte très souvent les déçus de tout (de la politique,
des médias…), les méfiants, ceux qui ont le sentiment que le monde dans lequel
ils vivent leur échappe, c’est qu’elles prétendent que LA vérité est ailleurs
et que le discours officiel cache d’inavouables complots (un ou divers) qu’il
faudrait décrypter.
La théorie du complot est, en
réalité, une des manières de substituer à l’analyse des idées et des mécanismes
socio-économiques, la dénonciation d’ennemis imaginaires (avec tout les dangers
que cela comporte). C’est une manière de donner une mauvaise réponse à une
bonne question. C’est une mystification autant qu’une erreur de catégorie.
Le complotiste préfère le simple au
complexe
Les
autres nous semblent lointains et étrangers, nous ignorons leurs pratiques et
leurs attentes. Comment se mettra-t-on d’accord, peut-on vivre avec eux,
peut-on leur faire confiance, n’essaient-ils pas de nous nuire ? La question du
complot renvoie aux difficultés de la coordination des intérêts dans une
société vaste où les points de vue et les situations individuelles sont
multiples et très souvent hétérogènes ou incompatibles, où la plupart du temps,
les uns ignorent les autres et les réseaux de relation sont divers. L’hypothèse
d’un complot permet alors de rendre à l’ensemble social son unité et sa
signification perdues. Elle remet de l’un au lieu du multiple, du simple au
lieu du complexe. Elle satisfait l’intérêt de notre raison pour le sens. Mais
elle relève du raccourci.
Pourtant, face à cela deux
types de discours homogénéisant se dressent : le discours dominant et son
opposé, celui qui le désigne comme un fausse-monnaie. Si le discours dominant
et sa critique sont légitimes, la théorie du complot vient s’insérer entre les
deux, car loin d’être un démontage du discours dominant, elle surfe sur
l'angoisse d'un monde qui nous échappe. Elle prétend donner à voir l’envers des
choses et montrer l’arrière-monde qui, telle l’arrière-boutique du commerçant,
est le lieu où tout se décide selon d’inavouables intentions. Or, le complot
élevé en théorie présuppose la capacité d’un petit nombre d’individus très
souvent impossible à désigner autrement que par une étiquette vague (Illuminati,
judéo-maçonnisme, sionisme…), de mener à bien un plan introuvable contre des
personnes ou des institutions indéterminées.
Le complotisme est un refuge pour
l’ignorance
Ceux qui mobilisent le
conspirationnisme n’ont souvent aucune connaissance réelle des fonctionnements
sociaux, politiques et économiques dont ils parlent. Ils n’ont aucune preuve
tangible à apporter. Ils s’appuient sur des signes qu’ils décryptent d’une
manière souvent pas très claire et qui viennent confirmer des présuppositions
antérieures à tout savoir et à toute enquête rigoureuse : rien n’arrive par
hasard. Ils jouent à se faire peur en essayant de corroborer l’existence
d’êtres pervers fantasmés comme groupe homogène et animé d'un puissant désir de
domination (les juifs, les Illuminati, les Francs-Maçons et tous les autres
groupes réels ou supposés animés par un intérêt commun à dominer le monde) qui
ne se montreraient que par signes : une sorte de nouvelle divination adaptée
aux temps modernes. Mais cette posture intellectuelle relève du délire
d’interprétation.
Hypostasier
(considérer comme ayant une réalité) le complot est une manière rhétorique de
donner du sens à une société, en réalité, illisible. Elle nous échappe, on
imagine donc des hommes qui en tireraient les ficelles. On crée des
comploteurs, des plans maléfiques, des vérités cachées sous l’écume des vagues.
C’est la logique heuristique (art d’inventer) de la méfiance et des passions
tristes qui sert de règle à l’analyse complotiste. On ne connaît ni l’objet du
complot, ni ses parties-prenantes. Mais on sait qu’il y a une méchante
conspiration responsable de tous les maux qui nous accablent. Il s’agit là
d’une illusion productive : grâce aux lunettes qu’elle offre, on voit enfin un
monde structuré par des comploteurs.
Ce qui caractérise les
discours complotistes, c’est qu’ils fonctionnent dans l’ordre symbolique :
repérage des bons et des mauvais ; recherche des formes ou des actions
significatives ; mise en évidence des petits signes, des indices d’une intention
cachée. On repère les comploteurs, on les étiquette. On cherche les traces du
complot. Les délires complotistes ne sont pas des explications mais des
interprétations qui relèvent du raccourci : expliquer les causes par les fins,
les mécanismes par des intentions, c’est facile. Mais depuis Epicure et
Spinoza, on sait que cela relève de la superstition, très éloignée des
exigences propres à l’enquête rigoureuse pourtant nécessaire à l’établissement
de la connaissance.
Raviver le discours critique contre le
discours complotiste
Si l'approche complotiste
relève de la superstition, il ne faut pas renoncer à donner une réponse
correcte aux questions qu'elle soulève. Contre le complotisme, il faut donc
réactiver l'intelligence critique des phénomènes de masse en s'intéressant à la
manière dont s’intériorisent progressivement des croyances et des pratiques
potentiellement néfastes (pratiques de concurrence et de prédation, esprit
mercantile intéressé, vaine gloire, spéculation, ambition destructrice, réification,
exclusion, domination, pensée unique…). Il n’y a, dans tout cela, que les
agents d’une même société qui s’accordent, sans le savoir, de manière presque
spontanée, sur des grilles de lecture du monde qui finissent par les enfermer,
qui acceptent de se soumettre à un ordre réputé impersonnel et nécessaire au
nom de leur bonheur ou de la crainte du désordre (sur le mode d'une
"servitude volontaire" dont La Boétie nous a offert, voici plusieurs
siècles, une analyse magistrale), qui intériorisent la contrainte pour la
reproduire et qui finissent par dire qu’il n’y a pas d’alternative.
S’il y a certainement des
ententes entre des personnes puissantes dotées de profonds intérêts communs, il
est impossible, sans abus, de parler de complot, car promouvoir un discours et
des pratiques dépend d’une multiplicité de facteurs immaîtrisables qui
dépassent y compris une poignée de puissants. Aucun phénomène social de masse
ne peut, en effet, relever d’une intention délibérée, ce sont des effets des
mécanismes socio-économiques complexes et toujours ambigus.
Aussi est-il intéressant
d’étudier les opérations par lesquelles une idéologie devient peu à peu
dominante. La sociologie critique d'un Bourdieu ou d'un Boltanski, Marx ou
Foucault, par exemple, nous en donnent des clefs. Tous ces phénomènes de
contagion idéologiques massifs relèvent des structures socio-économiques, ils
doivent être traités à ce niveau : celui de la critique des idéologies et des
mécanismes sociaux. Rechercher derrière cela l’intention délibérée d’une bande
de conspirateurs est évidemment une erreur de catégorie, une simplification et
une mystification qui empêche le progrès de l’intelligence et la fait sombrer
dans la barbarie du phénomène du bouc-émissaire.
Face à la production d’un
discours dominant, il faut éviter l’écueil de la facilité et raviver la pensée
critique. La pensée critique nous montre, par l’intelligence du réel plutôt que
par l’invention d’un monde caché et d'ennemis invisibles, que la machine à
produire des discours tout faits est, en vérité, là sous nos yeux, qu’il n’y a
que du visible (moyennant l’accès à l’information, l’effort pour s’informer et
pour questionner).
(Large extraits d’un texte de
Pierre Crétois)
dimanche 29 novembre 2015
Sujet du Mercredi 02/12/2015 : La critique est aisée mais l’art est difficile ?
La critique est
aisée mais l’art est difficile ?
« La critique est aisée, mais l’art est
difficile » : Cette locution proverbiale remonte à 1782, où elle
figure dans la pièce de théâtre « Le glorieux » de l’auteur et
comédien Philippe Néricault, dont le nom de scène était Philippe
Destouches ; il a lui-même emprunté cette expression (en la traduisant) à
l’historien grec Polybe.
Pour le sujet traité ce soir, qui est à la
forme interrogative, le terme « art » renvoie à une
généralité : la maçonnerie, la cuisine, l’écriture, la mécanique, etc….
peuvent être considérés comme des arts au sens grec du terme
« Tekne ».
La question est donc, dans le cadre du café
philosophique, de savoir si cette locution est aussi évidente qu’elle en a
l’air.
La critique permet un contrôle et une réaction
contre la crédulité. Elle est un des éléments essentiels de la philosophie,
c’est-à-dire ne pas accepter une assertion sans contrôle, sans l’expérience qui
valide. Donc, c’est réagir ; ce n’est pas : « je sais tout, j’ai
raison ».
Quant à « pourquoi critiquer ? », on
peut imaginer trois réponses :
- 1 - Critiquer pour quelque chose, avec raison, pour l’intérêt que l’on porte à la chose, à une idée, un comportement, un concept, et enfin, déjà comprendre le sens qu’apporte cette chose comme avantage, ou comme inconvénient.
- 2- La critique qu’elle permet d’ouvrir un dialogue qui va permettre de tenter d’admettre ou de rejeter une interprétation initialement adoptée.
- 3 - La troisième raison, qui est moins noble, est celle qui émane d’un esprit trivial malsain qui utilise la critique dans l’intention de diminuer celui à qui elle s’adresse, pour nuire ou détruire.
Mais ce troisième point tombe e lui-même si on
exige que la personne qui émet une critique ait, fasse la preuve, démontre,
qu’elle a une connaissance du sujet que l’on veut critiquer.
Quant au « comment critiquer ? »,
deux manières au moins se dégagent.
- La manière positive qui consiste à donner son avis, un jugement d’évaluation, ou de valeur qui n’engage que ses idées ou les goûts de celui qui s’exprime. Ce n’est pas parce que j’émets une critique que je suis absolument sûr d’avoir raison, et je ne critiquerai pas pour démolir une personne, mais pour ouvrir un dialogue.
- La seconde négative, c’est quand on critique dans le but d’avoir raison à tout prix, et qu’on réfute tous les arguments sans démonstration; cela se réduit au final à un monologue, il n’en ressort rien.
Je ne peux m’exprimer et critiquer que sur un
sujet que je connais bien, que je maîtrise un peu.
La critique s’adresse à des individus, un public.
Le « pourquoi critiquer » met en relief aussi le danger de ne
pas critiquer et de risquer de consentir à l’inacceptable. Ne rien dire, peut
être ressenti comme consenti, « qui ne dit mot, consent ». Le
« comment critiquer ? » suggère que nous devons préparer notre critique,
consciencieusement, en choisissant bien nos mots, arguments, et expressions,
afin qu’elles soient acceptées par tous, et ainsi franchir des lignes de
résistance, et que chacun la reçoive pour se protéger des influences
extérieures, plus ou moins nocives
.
Critiquer est une liberté, mais pour cela il faut
avoir l’esprit critique. Pour l’acquérir, il faut se frotter aux paroles et aux
mots des autres, à la lecture ; il faut chercher à s’informer. Cela se
fait aussi grâce aux médias, sachant que souvent l’information est réservée à
des…. « experts », de là, leur critique peut-elle être considérée
comme objective ?
Il est intéressant pour cela de voir le film
« Les nouveaux chiens de garde » (tiré de l’essai de Serge
Halimi) ; le synopsis nous dit (Source : RMC.fr) : « Les
médias se proclament contre-pouvoir. Pourtant, la grande majorité des journaux,
des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels
ou financiers intimement liés au pouvoir. Au sein d’un périmètre idéologique
minuscule se multiplient les informations prémâchées, les intervenants
permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois
d’ascenseur. En 1932, Paul Nizan publiait « Les chiens de garde »
pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert
de neutralité intellectuelle, s’imposaient en gardiens de l’ordre établi.
Aujourd’hui, les chiens de garde, ce sont ces journalistes, éditorialistes et
experts médiatiques devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre
social. Sur le mode sardonique, « Les nouveaux chiens de garde »
dressent l’état des lieux d’une presse volontiers oublieuse des valeurs de
pluralisme, d’indépendance et d’objectivité qu’elle prétend incarner. Avec
force et précision, le film pointe la menace croissante d’une information
pervertie en marchandise. »
Comment exercer notre critique face à ce
maillage des « experts » ? D’où provient leur savoir ?
Il y là une orchestration de la critique qui
n’est que fausse critique, et qui nous abuse. Ceci n’empêche pas que, dans son
fonctionnement, la critique est la confrontation du discours qui appelle
l’échange. C’est un discours qui corrige l’autre discours ou qui le
refuse ; c’est donc une nécessité humaine. La critique est un impératif,
puisque c’est la recherche d’une vérité honnête. Ainsi, la critique est un
éclairage du genre humain et c’est un moteur du lien social. Probablement aussi
la base de l’exercice philosophe : « douter de tout »
“Le doute est la clé de toute connaissance.”
« C’est une honte de se taire et de laisser
parler les Barbares. » Euripide.
« Ayez le culte de l’esprit critique ». Pasteur, dans son discours d’inauguration de l’Institut Pasteur le 14 novembre 1918 .
« C’est bien le moins qu’un cul-de -jatte ait le droit de critiquer un champion cycliste. » Louis Scutenaire, dans Mes inscriptions.
SUJET A VENIR :
Mercredi 09 décembre
Le complotisme.
http://philopistes.blogspot.fr
lundi 23 novembre 2015
Sujet du Merc. 25/11/2015 : La responsabilité amène-t-elle la confiance ?
La responsabilité amène-t-elle la confiance ?
« Dans un
monde où la confiance n’existe pas, les devoirs de loyauté tombent en
désuétude. » (Kant Mét. des mœurs). Tout s’écroule, le lien social, les
institutions politiques, les liens entre individus quand il ne peut y avoir de
confiance. Pour que le lien social soit possible, nous devons chacun d’entre
nous efforcer d’être dignes de confiance, mais pas seulement.
Pour Kant, la
confiance s’élabore dans la force morale et impérative de la parole donnée.
« Je m’engage à tenir parole» suppose que « tu t’engages à ton
tour ». Tous les impératifs catégoriques de Kant pourraient être
interprétés comme l’injonction de se montrer digne de confiance. Mais
l’impératif le plus catégorique rejoint la prudence : ne pas faire de
fausses promesses, bien mesurer ce sur quoi on peut s’engager ou non.
La confiance
comme la responsabilité impliquent donc la prudence, mais aussi la réciprocité. Cette réciprocité est fondamentale, elle suppose un
engagement respectif. La confiance engage et lie les deux partenaires, celui
qui est dépositaire de la confiance mais aussi celui qui se fie à l’autre. La
responsabilité se trouve être partagée, elle se trouve être engagée des deux
côtés. De quelle manière ?
Évidemment celui
qui est dépositaire de la confiance est responsable devant les autres et de
lui-même de ne pas la trahir, de répondre aux attentes, mais la construction de
la confiance tient encore davantage à l’esprit responsable de celui qui accorde
sa confiance. Celui qui accorde sa confiance doit assumer son choix, et ne s’en
prendre qu’à lui-même s’il s’est trompé, s’il s’est laissé berné. Il doit
assumer la responsabilité de son choix, en répondant de lui-même et de son
discernement.
Autant il faut
être digne de la confiance de l’autre, autant il n’est pas obligatoire
d’accorder sa confiance, nous dit-il.
Prudence, prudence ! Rien ne nous oblige à faire confiance à, de manière
inconsidérée. Il y a comme une asymétrie dans l’engagement, si quelqu’un
m’accorde sa confiance, je ne peux pas le décevoir, mais à mon tour, je dois
regarder de très prés avant d’accorder ma confiance.
En fait, il s’agit
davantage de défiance, de méfiance que de prudence, on est un peu au-delà de la
simple prudence.
On pourrait
dire de manière paradoxale, la confiance ne s’institue qu’à partir d’une
défiance nécessaire. Méfions nous
les uns les autres, serait le précepte premier de toute « prise de
confiance ». Avant d’accorder notre confiance à quelqu’un, mesurons sa
capacité à répondre de, et à .
Sujets à venir :
Mercredi 02 décembre
La critique est
aisée mais l’art est difficile.
Mercredi 09 décembre
Le complotisme.
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