Le progrès technique : source de tous nos maux ?
On
cite souvent Aristote pour énoncer que « l'Homme est un animal social ». Il ne
faut cependant pas oublier que l’Homme est également Homo faber, c’est-à-dire
doté d’une capacité technique le portant à la fabrication d’outils. Cette
propension de l’Homme à transformer la matière pour l’utiliser comme appendice
extérieur et prolongement de lui-même a engendré son processus d’évolution. Ce
dernier est souvent analysé au regard du niveau de technique (et donc de
connaissances) atteint et de la complexité des outils qui ont été créés (de
plus en plus d’étapes de transformation sont cristallisées dans l’outil).
C’est l’élévation de cette technique et de cette complexité au cours des siècles que l’on peut nommer progrès technique. Il semble, au regard de l’Histoire, que celui-ci soit constant (mais non linéaire pour autant, car basé en grande partie sur des sauts qualitatifs liés à des découvertes). En effet, les spiritualités, les idéologies, les régimes politiques émergent puis disparaissent au cours de l’histoire de l’Homme mais le progrès technique, lui, imperturbable, ne cesse de croitre.
C’est l’élévation de cette technique et de cette complexité au cours des siècles que l’on peut nommer progrès technique. Il semble, au regard de l’Histoire, que celui-ci soit constant (mais non linéaire pour autant, car basé en grande partie sur des sauts qualitatifs liés à des découvertes). En effet, les spiritualités, les idéologies, les régimes politiques émergent puis disparaissent au cours de l’histoire de l’Homme mais le progrès technique, lui, imperturbable, ne cesse de croitre.
Le
niveau de technique atteint par une communauté humaine à un temps donné
détermine ses capacités de production. Or, ce sont les rapports de production
d’une société qui fondent ses rapports sociaux, par un processus d’engendrement
réciproque énoncé par Karl Marx : « les rapports de production forment ce que
nous appelons les rapports sociaux, la société, et notamment une société à un
stade de développement historique déterminé. » (“Travail salarié et capital“),
de même que « le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le
moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel » (“L’Idéologie
allemande“). Ainsi, l’état d’une communauté humaine et de ses membres
(organisation, normes…) est fondamentalement corrélé au progrès technique
atteint. Ce déterminisme est souvent occulté lorsqu’on déclare communément que
« les mentalités ont évolué », comme si celles-ci étaient automotrices.
La
fait que ce soit le progrès technique qui détermine l’état d’une communauté
donne à réfléchir puisque, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le
développement de la science et de la technologie n’est pas nécessairement
synonyme de bénéfice pour l’être humain. En effet, le revers de la médaille en
est l’éloignement progressif de l’Homme par rapport à sa nature profonde et à
ses fondements anthropologiques (réification de l’Homme). D’un point de vue
physique tout d’abord puisque notre corps n’a pu s’adapter aussi vite que
l’évolution de notre environnement et de nos modes de vie. Notre rapport au
temps et à l’espace ont également été bousculés.
Mais
l’aspect le plus préjudiciable du progrès technique pour l’Homme est à chercher
ailleurs. En effet, les outils que nous créons nous sont extérieurs, nous les
utilisons comme intermédiaires entre nous et l’environnement naturel. Ces
technologies étant de plus en plus complexes (éloignées de la matière non
transformée) et ajoutant toujours plus d’abstraction, nous nous sommes de plus
en plus déconnectés des rapports directs avec ce monde brut et des ressorts
anthropologiques qui fondent l’existence humaine. Progressivement, l’Homme est
ainsi dépossédé de lui-même : de la maitrise du monde qu’il habite et de son
destin (aliénation), de but, de sens, de transcendance (matérialisme) ou encore
de lien social (atomisation).
Les
symptômes en sont aisément observables : un développement endémique de névroses
et de comportements pathologiques et suicidaires (depuis 7 ans, le suicide est
la première cause de mortalité chez les Japonais de 15-39 ans). Cela pose
également la question du confort matériel que l’on pourrait penser purement
bénéfique. Ce serait oublier la dualité de l’existence : pas de vie sans peur
de la mort, pas de joie sans expérience de la souffrance. La technologie nous apporte
certes le confort matériel, mais par-là, ne bride-t-elle pas l’intensité de nos
existences ?
La
remise en question du progrès technique comme sens de l’Histoire oblige donc à
remettre en question l’une de ses principales composantes : le progrès scientifique.
La science est-elle une considération supérieure et incontestable ? Toute
avancée scientifique est-elle forcément souhaitable ?
«
En vérité la soif de confort assassine la passion de l'âme et va en ricanant à
son enterrement. », Khalil Gibran (poète libanais).