FAUT-IL PRÉFÉRER L'INJUSTICE AU DÉSORDRE ?
Le sujet paraît acculer à un choix peu
ouvert, qui plonge la réflexion dans le registre du négatif et d’une humanité
défectueuse : il y aurait nécessité de choisir entre deux maux, injustice et
désordre, pour déterminer le moins pire.
Aucun des deux ne peut être voulu pour
lui-même, dans aucune société : aucun n’est fin en soi, aucun ne peut être
converti en norme absolue. Il faudrait, en cherchant quels arguments
l’emportent pour se résoudre, se résigner à privilégier injustice ou désordre à
défaut de concilier les valeurs d’ordre et de justice.
La question concerne au premier chef les
responsables politiques, chargés de veiller à la fois au maintien de l’ordre
public et à la garantie de la justice. Dans le cadre d’un État de droit, un des
enjeux majeurs de l’exercice du pouvoir est de répondre à cette double mission
combinée. Comment arbitrer en cas de conflit ? Quelle doit être la priorité ?
Sous l’angle de l’État ou de l’homme
politique, l’option prioritaire est sans doute l’ordre. Jusqu’à quel point
alors la préservation de l’ordre public peut-elle autoriser des injustices ?
Souvent justifiées au nom de l’efficacité, et présentées comme inévitables, ces
injustices ne compromettent-elles pas le but qu’on prétend atteindre par elles
?
Peut-on établir ou restaurer une paix, une
concorde durables sur fond d’injustices ? Que vaut l’ordre qui serait ainsi
obtenu ? La question concerne plus généralement tout citoyen, tout membre ou
organisation de la société civile.
Elle engage d’une part une réflexion sur
les critères permettant de juger un régime politique, une idéologie, une
situation sociale, des réformes institutionnelles. Telles mesures prises par un
État révèlent-elles un souci dominant d’ordre ou bien de justice ou encore une
visée équilibrée des deux à la fois, ce qui seul irait dans le sens de
conforter un État de droit ? Mais la question soulève d’autre part le problème
des moyens à utiliser face à un régime qui multiplierait les injustices voire
les légaliserait (ex. : discriminations inscrites dans la loi). Lorsqu’un
régime bafoue ouvertement les droits de tous ou d’une partie des citoyens,
l’action de contestation peut-elle s’orienter vers le risque du désordre ? Y
a-t-il des violences légitimes ? La révolte, l’insurrection peuvent-elles être
reconnues comme des droits ? Un choix de l’une contre l’autre est-il inévitable
? (ESC Rennes)
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