samedi 29 juillet 2023

Sujet du Merc. 02 Aout 2023 : POURQUOI ÊTRE PLUTÔT QUE NE PAS ÊTRE ?

 

POURQUOI ÊTRE  PLUTÔT  QUE  NE  PAS  ÊTRE ?


Réponse de Chat GPT.4 : La question de "pourquoi être plutôt que ne pas être" est profondément philosophique et a été débattue depuis des siècles. Elle touche à des concepts tels que la signification de la vie, l'existence de Dieu, le but de l'existence humaine et la nature de l'existence elle-même.

Certains philosophes ont soutenu que l'existence est préférable au néant car elle permet d'expérimenter et de ressentir différentes émotions et sensations, de créer des relations avec autrui, de connaître et de comprendre le monde qui nous entoure. Ils soutiennent que l’existence offre la possibilité de développer le bonheur, le sens de la vie et la réalisation personnelle.

D'autres pensent que la question de "pourquoi être plutôt que ne pas être" n'a pas de réponse définitive, et que chacun est libre de donner un sens à sa propre existence. Ils soutiennent

qu'il est important d'explorer et de trouver sa propre signification et but dans la vie, qu'il soit lié à

la réalisation personnelle, au service des autres, à la contribution à la société ou à la recherche de la vérité.

En fin de compte, la réponse à cette question peut varier en fonction des croyances, des valeurs et des expériences individuelles de chaque personne. Certains peuvent trouver une grande valeur l'existence, tandis que d'autres peuvent trouver des raisons de préférer le néant.

 

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On reste confondu par l’infirmité du texte de Chat GPT.4. Le contenu est quelque peu surfait, incomplet voire parfois indigent comme reflétant la doxa contemporaine.

 

En effet le problème de l’« être » (l’ontologie) avait d’emblée interpellé les philosophes présocratiques, dits « philosophes de la nature ». « Les choses, le monde changent-ils ou sont-ils immuables » se demandaient-ils. Et qu’en est-il du mouvement, qui n’est en fait qu’un changement correspondant à un déplacement dans le temps et l’étendue ?

 

Les philosophies de Parménide et de Héraclite s’opposaient sans pourtant épuiser la question. La première établissait le principe d’identité. Une chose, tout objet est ou n’est pas et ne saurait à la fois être et ne pas être. Bravo, Parménide ! Lapalisse n’aurait pas dit mieux. En opposition, Héraclite reconnaissait que tout change tout le temps. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Bravo, on l’avait peut-être déjà remarqué.

 

Il fallait cependant dépasser l’aporie de la réunion de deux vérités contradictoires qui devaient néanmoins parvenir à parfaitement se conjuguer ensemble. Reconnaître qu’à tout instant un objet est effectivement ; et qu’à l’instant suivant, il n’est déjà plus tout à fait le même ni tout à fait un autre. Hé, il est autre mais il est toujours lui-même, du moins pour la plus grande part. Il est quelque peu différent de ce qu’il était l’instant d’avant. Et le monde autour de lui a, lui aussi, changé. Ainsi ce dernier nous détermine-t-il différemment d’avant. Ce qui fait que par lui nous changeons ; et qu’ensuite par rétroaction, lui aussi. Et ainsi de suite.

 

Autrement dit et contrairement aux vues de Platon, tout comme le monde nous ne sommes pas des entités (pré)établies une fois pour toutes. Et encore moins à l’avance, comme sortis d’un moule unique, celui de l’« Idée de l’Être Homme » dont nous ne serions que l’apparence imparfaite nous confinant au non-être et au néant. Nous ne sommes donc pas des apparences sans existence.

 

Non, par l’acquisition de connaissances authentiques auxquelles tend la philosophie, il nous faut faire des choix (devoir éthique ?) parmi toutes les choses et les circonstances changeantes qui nous déterminent (cf Epicure et Spinoza). C’est ainsi que se définit la liberté des hommes pour lesquels ne saurait exister l’apriori des philosophies idéalistes du soi-disant « libre arbitre ». Nous n’avons qu’une liberté fort limitée, des degrés de liberté qui évoluent imperceptiblement tout au long des instants qui s’égrènent dans le temps (cf Spinoza).

 

Cette réalité de l’évolution de toute chose et du monde, Darwin l’avait assez récemment et clairement induite des multiples observations qu’il faisait de la nature et des êtres vivants. Parmi elles, à domicile et jusqu’à son âge le plus avancé, il y eut ses expériences et observations de vers évoluant dans différents échantillons de terre. Ces derniers étaient eux-mêmes en évolution par l’action des vers de terre qui y évoluaient eux aussi en retour.

 

Marx reconnut alors qu’on avait philosophé à suffisance. Et qu’il fallait maintenant, à tout instant, exercer ses degrés de liberté par l’action au sein de la situation du moment qui les définit.

 

Finalement pour ramener à soi les éléments de notre argumentation, l’apparent dilemme de savoir s’il vaut mieux « être plutôt que ne pas être » se résout par le fait que tout être évolue sans cesse et est ainsi toujours autre. L’ « être » est tout le temps et partout en devenir dans une situation elle aussi toujours changeante, suivant des pas de temps plus ou moins long. Tout cela en fonction de ce constant (élément de stabilité) processus d’évolution (élément de changement) des choses et des causes qui les déterminent.

 

Par le fait d’ainsi exister réalisons-nous notre « être » du moment et modifions-nous le monde en retour. Nos degrés de liberté se concrétisent par les actions que nous entreprenons à partir des choix que nous posons dans un monde en constant changement.

 

De cette façon pouvons-nous échapper aux menées totalitaires des philosophes idéalistes et de leurs comparses poursuivant leurs intérêts communs. Il peut s’agir des dogmes absolus notamment de l’idéalisme à la Platon s’affirmant d’emblée comme tels et toujours bien vivaces aujourd’hui. Ou de ceux du « tout se vaut, rien ne vaut en vérité » du relativisme contemporain. Confinant in fine au nihilisme par lequel l’opinion ou conviction affirmée du plus puissant pré-vaut au détriment de tous. Sauf de lui-même, de ses acolytes et de ses sbires.

 

L’action en connaissance de cause semble bien devoir s’imposer à nous.

mardi 25 juillet 2023

Sujet du Merc. 26/07/2023 : Les médias sont-ils aux ordres des capitalistes ?

 

            Les médias sont-ils aux ordres des capitalistes ?

Dès la fin du XIX siècle, la presse est critiquée pour sa soumission aux « puissances d’argent » et sa vénalité, notamment en raison des affaires de corruption et du contrôle de capitaux de nombreuses entreprises de presse par les industriels et financiers.

Comme tous les marchés, la presse se concentre entre les mains de quelques-uns, dans un mouvement qui s’est accéléré depuis 2010.

Ainsi en France, 10 milliardaires possèdent quasiment toute la presse : Bouygues, Xavier Niel, Dassault, Bernard Arnault, Bolloré, Pierre Bergé, Patrick Drahi, François Pinault, Matthieu Pigasse et Lagardère.

De même, la majorité des titres de presse régionale et magazine appartiennent à deux fabricants d’armes :Lagardère (via Hachette) et Dassault (via Socpresse ).

Il n’y a donc plus en France «  d’indépendants » , à l’exception du group NRJ ou encore des titres comme Mediapart et le Canard enchaîné.

Ces grands groupes achètent des journaux  pour se faire une bonne image, la question est : est ce qu’ils ont l’intention d’intervenir dans la ligne éditoriale et pour quelle influence ?

Et ce sont principalement les grands groupes qui bénéficient des aides publiques à la presse. En effet dans le cas des aides directes, les milliardaires profitent des aides les plus colossales (chiffre 2014)

« Le Figaro » ( groupe Serge Dassault) a bénéficié de 15,2 millions d’euros, Tandis qu’ « aujourd’hui en France »( Bernard Arnault) obtenait 14 millions et «  Le Monde » (Niel, Pigasse et Bergé) 13,1 millions .

 

Et pourtant dans les valeurs de la démocratie la liberté d’opinion implique une liberté d’expression qui est revendiquée par des journalistes qui, pour beaucoup, était considérée comme un combat politique.

D’un point de vue rationnel le journaliste va recueillir ou rechercher des faits pour transmettre une information qu’il devra présenter avec objectivité et cohérence. Normalement ce rôle d’information doit faire preuve de la plus grande neutralité. L’éditorial est la seule rubrique où le journaliste, mais également toute la rédaction va interpréter l’actualité avec un parti pris et un engagement qui donnera la personnalité et une opinion autorisée au journal.

« Les médias sont le quatrième pouvoir » est une expression qui désigne la possibilité à un journaliste en dénonçant un scandale de modifier un gouvernement ou de renverser le pouvoir. (Watergate, Affaire François Fillon )

Il existe une autre manière de voir les choses, il y a un soft power beaucoup plus fréquent et intense que ces exemples extrêmes. Car ce sont les médias qui nous donnent notre vision du monde à partir de laquelle la réalité est analysée, notre perception de l’environnement économique, social, culturel, politique et notre approche des problèmes contemporains. Certain peuvent prétendre que c’est le pouvoir ultime car ils sont capables de nous dire ce qui est juste ou injuste, voire même ce qu’il faut penser ou ne pas penser ou de nous détourner d’une réalité sensible.

Oui je vais très loin, donc récapitulons, qu’est-ce que le pouvoir ?

Nos belles démocraties sont bien dirigées par un exécutif et tout un appareil complexe de représentants élus censés représenter les courants d’opinions de la société. Mais force est de constater malgré la sophistication de nos républiques il n’y a jamais de satisfaction parfaite des citoyens.

Il y a surtout quasiment une majorité d’individus dans une grande déception sur l’efficacité politique et les attentes qu’ils ont de la société. Cette insatisfaction va être à la fois alimentée et subie à travers la représentation que nous donnent les journalistes.

Dans tous les journaux que j’ai cités plus haut, on aura pourtant tout le spectre idéologique de la presse d’opinion que l’on peut attendre. Mais malgré ça, il y aura toujours pour beaucoup une grande part d’insatisfaction et de frustration sur des évènements quant à leurs explications.

Sans même chercher à dénoncer des esprits conspirationnistes (on nous cache des trucs) l’ensemble des questions plus ou moins légitimes qui vont rester sans réponses sont importantes. (Pauvreté, manque de logements, chômage, disfonctionnement des services publics…..).

Mais doit-on chercher une logique où la presse étant la propriété de capitalistes serait obligée de défendre les intérêts de leurs propriétaires ou du système, là est la question ?

Y a-t-il un méga conflit d’intérêt de cette presse qui financièrement est dépendante de leurs propriétaires qui les empêcheraient de critiquer le système ?

Posons la question autrement, doit on s’étonner que la majorité des médias défendent globalement le système et ne sont pas en contestation frontale avec l’économie de marché tout en acceptant le jeu démocratique ?

Il y a un élément qui permet de vérifier s’il y a une différence de traitement d’information, ce sera grâce aux médias qui dépendent entièrement du secteur public qui sont : France inter, France Culture, RFI et pour la télévision France 2, France 3, France 5 et Arte. Or on n’a jamais vu la moindre différence significative autre que les différences de ligne éditoriale affichée et revendiquée. Car des journaux comme Le Monde, Libération créé par Jean Paul Sartre, Télérama n’ont jamais caché leur idéologie progressiste.

Concrètement quand Total publie son bénéfice ou que l’ONG Oxfam publie son rapport sur l’accroissement des inégalités, avec des chiffres assez contestables chaque journal traita ses informations de manière extrêmement prévisible avec un esprit critique très convenu.

Mais tout ça c’était avant le choc apporté par Bolloré.

En 2017 Bolloré décide quasiment de faire avec CNEWS la première chaine d’opinion clairement de droite en France. Le phénomène viendrait confirmer la neutralité et la soumission à un politiquement correct confortable des autres supports qui représentait une norme précédemment respectée.




dimanche 16 juillet 2023

Sujet du Merc. 19 Juillet 2023 : EN AVANCE SUR SON TEMPS.

 

 

                          EN AVANCE SUR SON TEMPS.


Analytique

Dire qu’untel est en avance sur son temps se heurte à deux contraintes logiques majeures, et pourtant triviales. La première, c’est qu’à moins de connaître l’avenir, on ne peut rien en savoir qu’a posteriori, et donc que l’on est jamais effectivement en avance sur son temps que lorsque ce dernier est révolu. La seconde, corollaire, est que faire jouir celui que l’on juge en avance de ce particularisme, ce n’est paradoxalement que l’inféoder radicalement au temps de son vécu et, par conséquent, faire de son « avance » rien moins qu’une marge sécuritaire sans laquelle le génie en question ne serait qu’un illustre inconnu.

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 De cela, je retiendrais qu’être en avance sur son temps est une constatation d’antériorité, mais qu’elle a aussi une valeur « cryptique » dans sa continuité, c’est-à-dire qu’il est impossible de l’identifier au cours de son accomplissement, de là tous les abus que l’on en fait et la fâcheuse habitude qu’ont aucuns de se prémunir de la critique sous le prétexte d’avoir un temps d’avance.


Reste à savoir comment l’on peut bien être en avance sur son temps, et à propos de quoi. Appartenir à un « temps », à une époque, sous-entend que cette dernière est identifiable selon une série de critères. Ceux-ci peuvent être politiques, socioculturels, scientifiques, rassemblés en tout cas sous le signe de ce qu’on appelle un courant de pensée, ou dans une terminologie plus à la mode, un paradigme.

Être en avance revient alors non pas seulement à s’extraire du conditionnement intellectuel assuré par le paradigme, mais en outre à se ranger du côté de celui qui suivra.

L’expression « être en avance » contient donc l’idée de l’abandon d’un carcan pour un autre, qui est autre chose qu’ « annoncer » ou que « préfigurer » une descendance à ses mœurs, laquelle n’acquiert son statut paradigmatique qu’en échoyant victime de son succès. « Etre en avance » est donc un trope qui dans sa qualité suggère un certain déterminisme de la succession des schèmes partagés de pensées. Un train de la SNCF ne peut en effet être en avance qu’en supposant à la fois qu’une échéance préalable avait été fixée quant à son arrivée, à la fois qu’il aurait pu être à l’heure, voire en retard.

On entend de la même façon, moins élogieusement, que tel autre est « en retard » sur son temps, par exemple lorsqu’il n’est pas au fait des dernières technologies (lesquelles suivent une telle cadence que l’on est souvent à la fois en avance et en retard !). Par delà la difficulté de transposer la vérité de La Palice de l’exemple ci-dessus aux transformations sociales, il est une connotation morale qui apparaît dès lors, entendre qu’il est inconvenant d’être en retard sur son temps, que c’est une forme de marginalisation volontaire, que ne revêt pas le fait d’être « en avance ».  

La hiérarchisation populaire qu’on y lit est on ne peut plus claire : la valeur du progrès l’emporte sur la contemporanéité et a fortiori sur la rétrospective. A en croire Hegel qui, dans les Principes de la Philosophie du Droit, affirme que « [l]a philosophie vient toujours trop tard. En tant que pensée du monde, elle apparaît seulement lorsque la réalité a […] terminé son processus de formation […]. » on peut légitimement se demander si l’instance rétrospective du philosophe n’entre pas en compte dans sa dévalorisation sociale, ou du moins, dans sa caricature et son iconisation, à l’heure d’une réflexion laissée au soin des ordinateurs.          

Nous déciderons plus bas d’après quelques exemples si « être en avance sur son temps » tient plutôt de la nécessité, ou plutôt de la contingence. Encore faut-il établir la possibilité théorique de la nécessité dans le cadre d’une telle succession temporelle, soit, ainsi que je l’ai dit, parce que l’individu visé sait intimement vers quoi son art ou sa science tend, soit parce qu’il peut être lui-même à l’origine d’une nouvelle idéologie.           

Dans le premier cas, la question est celle de la genèse d’une conjoncture et d’une pensée dominante, laquelle genèse n’est pas ex nihilo, mais à partir de « gamètes » constitués par le paradigme parent. Prédire la causalité historique à venir par la causalité historique passée ne suffit pas, il faut connaître les propriétés de cette causalité en soi, en maîtriser les articulations, savoir l’impact de tous les imprévus. Dans des intervalles de temps très courts (des Δt infinitésimaux à l’échelle des siècles) la stratégie de la bourse, par exemple, consiste à savoir être
en avance sur son temps, ou au moins sur les autres.

 D’évidence, l’économie n’est pas un facteur négligeable dans la métamorphose de nos sociétés modernes, preuve donc qu’elles sont sous le joug d’une grande part d’imprévisibilité, et l’actualité nous en fournit l’illustration. Si, du reste, l’individu en question est absolument certain de l’avenir, il est aussi certain de savoir quoi faire pour paraître en avance. Il peut esquisser des tendances, s’en remettre à la probabilité, mais la société du lendemain, ou rien que le courant intellectuel, est-elle contenue intégralement en bribes dans celle qu’il est en train de vivre ? Aux aléas économiques s’ajoutent notamment ceux des découvertes scientifiques, des individus, dans leurs actes et leurs idées, des forces de la nature et du réseau conjoncturel complexe liant tout cela. Et pourtant, certaines causalités historiques sont aussi des processus.

 De l’électricité à la télévision, de la roue au caddie, du télégraphe au baladeur, il y a pour les objets des continuités logiques de sophistications qui ne sont qu’imprégnées des particularismes du temps. On s’en rend bien compte aujourd’hui : la conjonction dans les années 90 des ordinateurs, des téléphones cellulaires et de la miniaturisation préfigurait aux engins qu’on observe actuellement, et être en avance sur son temps revient souvent à une course à la technique, d’où la sollicitation des ingénieurs au détriment des penseurs. Précisément, en est-il de même des idées ?

 Le même dilemme demeure. Être en avance sur son temps dans le sens développé ci-dessus est pour tout un chacun ou bien déplacer (de son paradigme à celui à venir) les limitations de sa créativité, ou bien, et par-dessus tout, rendre équivoque la liberté de ses actes au-delà de ses idées. Il serait vain en effet, voire comique, que des partis politiques ou des philosophes se disputent la possession de l’idéologie incessamment dominante. Le matérialisme historique pourrait conduire à penser qu’une causalité appliquée au devenir d’une technologie peut l’être à un courant de pensées. Mais ceci n’est-il pas valable, dans le cadre de l’idée, qu’a posteriori ? Le philosophe, pour le prendre à témoin, reste-t-il philosophe s’il sait ne pouvoir penser, au mieux, que ce qu’il sait qu’il adviendra ? Ou bien en va-t-il de sa déontologie de l’analyser, et d’en donner une nouvelle lecture ? En fait, que ce soit pour en tirer gloire ou par devoir, peu de personnes préféreront parier sur leur « avance », plutôt que sur leur réelle novation.

 A tel point que la communauté philosophique pâtit d’une multitude de « découvreurs » et s’il s’agit d’une mode qui, espérons-le, est amenée à disparaître, il n’est meilleur moyen alors d’être en avance sur son temps que de ne pas l’être (ou d’en donner l’air)… Il apparaît donc que l’évolution de la pensée s’inscrit aussi dans une nécessité lorsqu’elle se veut doctrine ou courant intellectuel, précisément parce qu’elle devient active. C’est pour la même raison que les éléments visibles des courants de pensée ne suffisent pas à concevoir ceux qui leur succéderont, parce que certains auront voulu par leur principe même les dépasser et les refondre en des idéologies novatrices. Peut-être pour qu’à terme leurs instigateurs soient appelés des visionnaires !

 L’acception n’est d’ailleurs pas tout à fait identique à « être en avance », et elle-même a d’ailleurs pris une tournure différente dans le langage populaire. D’abord un halluciné, puis un extravagant voire, péjorativement, un fantasque, le visionnaire est précisément devenu couramment celui qui « voit » l’avenir, comme on verrait au-delà d’un horizon ; transformation qui n’est pas sans instruction sur le rapport croissant au mystique de nos sociétés, sortes de refuges aux voies détournées.

Simplement parce qu’il a intégré une causalité comme étant un processus, ou, pour être plus juste, a su, au-delà de l’Histoire comprise comme un processus, saisir l’avenir lui aussi comme un processus, son constat, à tort ou à raison, qui n’implique pas le concours de son idée comme doctrine, est une révélation. Le visionnaire est plus un homme du temps auquel on reconnaît déjà l’extrême originalité, qu’il peut prendre pour du génie.

                           Empirique

 Voyons la quête de l’entrepreneur : prévoir pour mieux innover. Autrement dit, savoir quels seront les besoins sociaux du futur proche pour mieux inventer le produit qui lui assurera la prospérité à long terme (fût-ce ce produit soumis à mutations constantes).

  Ainsi les breveteurs français du minitel, que certains journalistes qualifient aujourd’hui d’en « avance sur son temps », face aux échecs de la concurrence avaient-ils sans doute espéré préfigurer à ce qu’on entend aujourd’hui par « Internet ». Mais ils n’avaient pas prévu que le gouvernement américain ne recoure aux pôles technologiques de l’armée, dont le résultat échoua sur « l’ordinateur personnel ». Contingence ou nécessité incarnée par le minitel ? On peut s’étonner comme a posteriori l’on est toujours tenté de voir la nécessité culturelle là où parfois ne se trouve qu’une opportunité commerciale ou politique.

 De la même façon, si le budget de la NASA depuis cinquante ans a été multiplié d’un facteur 180 (100 millions de dollars en 1959 à près de 18 milliards en 2009), ce n’est sans doute pas dans l’idée que le téflon et le velcros (velours à crochets) aient demeuré des gadgets pour les astronautes. On pourrait tout aussi bien parler du programme SETI, où « l’avance » sert davantage de couverture budgétaire à une réalité contemporaine qu’à une perspective futuriste.

 Les ententes politico-commerciales sont aussi teintées, parfois ironiquement, d’anticipation. En avance sur son temps, la firme Siemens équipait ainsi au début des années 30 la ligne Maginot en installations électriques, alors que la Wehrmacht quelques années plus tard allait défiler – avec quelle assurance ! – avec des chars en carton de l’autre côté du Rhin, en zone « démilitarisée ». Du même temps, on s’étonnera à quel point ledit Hyppolyte Mège-Mouriès était en avance sur son temps, élaborant en 1868 la margarine pour Napoléon III, même margarine qui allait s’avérer être l’Ersatz du beurre utilisé par l’Allemagne en crise de l’entre-deux guerres, puis par les soldats eux-mêmes.

 Cette contingence, disons, ce hasard, s’inscrit historiquement dans une réalité qui elle n’est pas sans rapport avec la violence généralisée du début du XXème siècle. En cette fin de XIXème siècle, le darwinisme social fait son chemin, à grands coups d’Herbert Spencer, notamment, et, en l’occurrence, ni Wallace (ni Darwin), ni même Lamarck ne peuvent être dits en avance sur leur temps.

 Le transformationisme lamarckien est à choisir le plus innovant, quoiqu’inscrit du reste dans une philosophie matérialiste et sensualiste dans la droite lignée de Locke. Quant à Wallace et Darwin, les deux théoriciens de l’évolution par la sélection naturelle et la descendance avec modification, on sait, au moins pour Darwin, qu’ils ont été influencés par le malthusianisme. D’ailleurs, Lamarck aurait très bien pu lire Thomas Malthus, puisque la première édition française de l’Essai sur le principe des populations sort en 1809. Du point de vue de la science – et on pourrait parler d’exemples plus célèbres, de Galilée à Wegener – certains penseurs sont ainsi vus en avance parce que la nouveauté inattendue de leur théorie a effectivement du mal à trouver sa place dans un paradigme rôdé. Mais si Charles Darwin lors de son voyage sur le Beagle se rend compte de toute la diversité du vivant, il voit aussi le Londres industriel et lit les prévisions catastrophistes de Malthus. Dans un réalisme différent, Alexis de Tocqueville s’est inquiété des implications de l’évolution sociale qualitative plutôt que quantitative, imaginant bien avant les analystes de Sartre la portée du solipsisme moral et de l’existentialisme :

« Je pense que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde... Je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme... Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. » Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1840, Livre II, quatrième partie.         

 Est-il, comme Malthus, en avance sur son temps ? Est-ce un hasard si son analyse est juste ? En 1968, en pleine émancipation de la femme, exaltation des mœurs et rêves de paix et de prospérité, un certain Paul Ralph Ehrlich, biologiste américain, publie The Population Bomb, sorte de version hollywoodienne de l’Essai de Malthus, qui ne fera que nuire aux préoccupations réelles des écologistes. Sans l’acuité intellectuelle de Malthus et encore moins celle de Tocqueville, Ehrlich prédit des famines de masse dans les années soixante, la disparition de la moitié des espèces vivantes avant 2000…tout en prônant des mesures radicales pour prévenir ces fléaux. Hélas, Malthus préfigurait peut-être plus à la stratégie alarmiste des démocraties modernes qu’à des considérations éthiques sur la surpopulation, et Tocqueville lui-même n’avait pas osé penser jusque là.

             En toute légitimité, parce que n’ayant pas les mêmes prétentions, la science-fiction du début du XXème siècle fourmille d’exemples célèbres de visions d’anticipations qui se sont révélées inexactes, mais n’ayant pas eu l’intention de l’être, que de donner une métaphore critique sur une société bien contemporaine de l’auteur. Certains ont cependant vu juste, frôlant seulement l’exagération. Ne serait-ce que 1984, d’Orwell, paru en 1948, et son célèbre Big Brother. Dans Fahrenheit 451, paru en 1953, en plein maccarthysme,

                    Ray Bradbury imagine un appareil à placer sur les oreilles pour écouter de la musique, image claire du paroxysme technologique au service de l’isolement individuel et du théâtre social. Sorti de la dystopie, Jules Verne fait bien sûr partie des figures de proue de l’anticipation, personnage presque allégorique du « visionnaire » actuel. Dans son cas, sans doute les fantasmes de la pensée collective ont-ils pris forme au travers de ses textes, dans un contexte de seconde révolution industrielle et d’expositions universelles.

            Du côté de l’art en général, on pourrait nous servir sur ce sujet une encyclopédie sans qu’on puisse identifier clairement s’il s’agit d’instigations, d’opportunités ou de prévisions vérifiées. Si l’on écarte l’art visionnaire pour ce qu’il est une imagination débridée, on se demandera si Apollinaire se trouve sur la route du surréalisme, ou si par ses influences, il en plante la graine. On se demandera si trente ans plus tôt, la jeunesse d’Arthur Rimbaud réussit le tour de force d’introduire dans les cercles d’intellectuels parisiens une poésie relâchée, friande d’ésotérisme, et qui enfanta certains écueils modernes, ou si simplement sa crudité trouva sa place à l’orée d’une ère médiévale en train de se profiler. Tolstoï est par ailleurs également connu pour ses anticipations sociales, et ses vues politiques iconoclastes, comme sa position contre la peine de mort. En sculpture, l’on pourrait essayer de savoir s’il peut y avoir une « préfiguration » de la sculpture féminine par Camille Claudel ; en théâtre, si la distanciation brechtienne est en avance sur la main mise de plus en plus courante de la technique sur « l’effet visuel » théâtral…    

Du côté de la peinture, on peut s’apercevoir (comme ailleurs) que l’anticipation d’un courant ou d’un procédé se trouve parfois dans l’ombre de celui qui l’a su porter à son paroxysme. Ainsi l’inventeur du clair-obscur, Polidoro da Caravaggio, a été surclassé par le génial Michelangelo Merisi da Caravaggio – l’homonymie aidant – sans l’espoir d’être considéré en avance sur le caravagisme, mais plutôt comme un expérimentateur précoce. Peut-être aussi parce qu’il était l’élève d’un autre ponte du domaine, Raffaello.

 Et pour finir – parce qu’il le faut bien – bien qu’ayant pioché des exemples comme des brins de paille dans une motte, je me dois de citer Leonardo da Vinci dans ce document, ajoutant à ce paragraphe une dernière note italienne ; incontestablement boulimique, Vinci a su impressionner d’autant plus lorsque certaines de ses conceptions (au-delà de son art) se sont avérées dans notre monde industriel, tels l’hélicoptère, l’automobile, l’aéroplane ou divers engins de guerre.

 Peu de ses modèles ont été effectivement construits de son temps. Si on le considère en avance sur son temps, faut-il pour autant penser que la création de ces engins devait advenir ?

 Faut-il penser que leurs inventeurs se sont inspirés des travaux de Vinci ? Ou que l’existence de Vinci entre en compte dans une causalité tenant d’un processus aux ficelles multiples dont les effets de chacune d’elles pris indépendamment est insignifiant ?

 La question de la contingence ou de la nécessité de l’antériorité de l’œuvre d’un homme pose finalement celle de la validité de la théorie leibnizienne des petites parties sur l’Histoire. 

                          Synthétique

A nous !

 

 

 

 

 

 

vendredi 7 juillet 2023

Sujet du 12 Juil. 2023 : D'ici à la Comédie il n'y a rien, ni là, ni à la Comédie ? Ni nous-mêmes ?

 D'ici à la Comédie il n'y a rien, ni là, ni à la Comédie ? Ni nous-mêmes ?


Ceux qui disent cela devraient lire Berkeley.  En effet, rien ne paraît plus abscons que cet intitulé. Pourtant majoritaires sont ceux qui aujourd’hui en disent autant par scepticisme, relativisme ou nihilisme.  La confusion des esprits est si grande que les choses jugées utiles à nos vies sont de nos jours souvent dépourvues de toute réalité tangible ; choses du virtuel ou de la fiction qui, dans un monde artificiel, deviennent plus réelles que le réel lui-même.  En effet puisqu’on nous a habitués à admettre sans examen – certes de façon plutôt implicite que méthodique - que d’ici à là il n’y a rien de tangible parce qu’on n’y trouve que matière qui est chose si générale et abstraite dans son principe qu’elle ne saurait être perçue en aucune manière ni donc même exister.  Ainsi, il n’y a rien en la matière ; rien qu’une illusion qui prétend pourtant lui faire tout constituer.  Dès lors, rien devient tout et A n’est pas A.  Le principe d’identité et la possibilité d’une quelconque rationalité sont niés en bloc. 

Ainsi il n’y aurait rien puisqu’une distance n’est qu’une succession de points que la géométrie abstraite affirme n’avoir aucune dimension ni forme que ce soit.  La virtualité des choses bien concrètes en vient alors à s’imposer à nos esprits qui dérapent dans la co-existence de contraires incompatibles.  Car « les chevaux sont bien dans le pré et les livres dans la bibliothèque ».  Mais une image 3D nous offre son absence tangible (bien que les couleurs visibles qui la composent nous donnent l’illusion d’une chose réelle) au même titre que si nous avions imaginé cette chose dans l’abstraction irréelle d’un fantasme de notre esprit. 

Par une telle conception des choses, les scientifiques, mathématiciens et autres savants financiers, métaphysiciens, théologiens, férus d’informatique ou d’images virtuelles, tous adeptes d’abstraction désincarnée et algorithmique ont induit -  outre d’énormes progrès technologiques et humains -  une dislocation de la pensée et les servitudes, elles bien concrètes, qui en découlent.  Le principe philosophique du nouveau monde ainsi créé (qui ose encore questionner l’utilité pratique de la philosophie ?) est de croire l’absurdité que l’entité conceptuelle de matière pourrait exister abstraction faite des corps perceptibles et sensibles qui nous entourent.  Eux, les corps, ils sont bien là.

Y a-t-il concept plus idéaliste que cette Idée générale abstraite et absolue de matière ? La matière, imperceptible donc absente et inintelligible, rien en somme, seule serait et serait tout (philosophie de l’être). Ce qui à nouveau est la contradiction même du principe d’identité, base de toute rationalité. A l’opposé, le monde perceptible ne serait qu’apparences et, à proprement parler, n’existerait donc pas.  Pas plus que nous-mêmes, qui ne serions que des ombres de zombies, signes de signes: rien aussi.  Et d’ici à là, il n’y aurait rien non plus sauf la matière impalpable, irréelle et virtuelle, sans dimension ni forme.  Et puisque nous n’existerions pas, la matière existerait donc hors de nous ; elle serait ainsi non perçue et non pensée.  Telle est l’incohérence première de la vision idéaliste qui baigne nos vies, les religions, la plus grande part des philosophies et les sciences depuis des millénaires.  Rien grand-chose aurait-il changé en ces domaines depuis la Renaissance ?  Concrètement, notre subconscient ainsi induit ne nous a-t-il pas transformés jusqu’à ce jour en âmes divagantes d’abstraites chimères ? Et le ciel ne s’obscurcit-il pas, les arbres ne se penchent-ils vers nous lorsque nous sommes tristes ?  Cela n’est pourtant que si nous voulons bien le croire. 

Déjà fin 17ème et début 18ème siècles, Berkeley dénonçait-il l’abstraction idéaliste prévalente de Locke et Newton qui affirmait l’existence d’un espace absolu, homogène et infini, et de forces qui se transmettraient instantanément (temps nul ou infiniment petit) à des distances sans borne, qui plus est au sein de l’éther, « corps le plus subtil et élastique », puisque la lumière ne saurait atteindre des vitesses de transmission infinies.  Alors qu’il n’est d’espace sans corps, de corps qui ne soit senti et perçu, de sensations qui ne soient transmises au cerveau sous forme d’idées qui ne peuvent ainsi exister que par et dans l’esprit.  Le monde réel n’est pas une abstraction : il n’a d’existence effective que parce qu’il est perçu par notre esprit via nos sens.  Autrement dit : il n’est pas de « substance matérielle », d’abstraction appelée matière. « Il n’est de choses réelles qui auraient une existence rationnelle absolue, distincte de la perception sensible qu’en a un esprit … L’erreur vient de la langue … Les mots réel, étendue, existence, pouvoir, matière, ligne, infini, point et bien d’autres mots ont peu de clarté, de précision et de sens dans notre entendement … Sottise, chez les hommes, que de mépriser les sens.  Sans eux, l’esprit ne pourrait avoir absolument aucune connaissance, aucune pensée … Il ne faut pas oublier de constamment bannir la métaphysique. » (Berkeley).

Car sans la métaphysique, ses idéologies et inventions abstraites fumeuses et irréelles couplées à la croyance des hommes en elles, y aurait-il soumission possible à ceux qui la propagent -  alors qu’ils en connaissent l’inanité  -  à la seule fin d’assurer leur prééminence par le décervelage conduisant plus sûrement à l’obéissance générale nécessaire à la réalisation de fins privées particulières le plus souvent contraires au bien collectif ?  N’est-ce pas là la tâche de la philosophie pratique et donc politique, qu’elle soit  
1)  idéaliste au service de certains et crue par ses victimes désignées,  ou  
2)  « de l’acte » au service tant d’intérêts particuliers que de la collectivité prenant son avenir en main ?

Pour être encore plus clair afin d’assurer des bases conceptuelles fortes pour l’action en philosophie politique, voici quelques mots sur l’abstraction et certains de ses méfaits actuels, outre par ailleurs son utilité évidente pour le progrès : 

1.  Si l’abstraction de la division à l’infini avait un sens et une quelconque réalité, le point n’existerait pas, pas plus que « les dérivées à l’infini de vitesses de vitesses qui dépassent l’entendement ».  L’écriture mathématique ne correspond donc à rien de pensable, rien. Outre le nombre imaginaire égal à la racine carrée de moins un (i =  √-1 ) contraire à l’arithmétique, les concepts abstraits bien qu’imaginaires et irréels sont pourtant utiles aux hommes : les sciences actuelles reposent sur l’usage des intégrales et des équations différentielles.  Il en est de même des algorithmes sur lesquels sont construits les produits dérivés occultes de la finance qui aujourd’hui transmuent nos vies, assurant tant la fortune des uns que le dénuement et la servitude de tous. Tout cela est effets réels concrets de choses abstraites.

2.  Il en est de même de l’objet abstrait de matière qui sous-tend les progrès fulgurants des sciences débouchant sur les technologies modernes.  Nous n’entendons ni ne signifions rien d’intelligible quand nous parlons de matière substance inerte, imperceptible par les sens et abstraite dans laquelle néanmoins l’étendue, la forme et d’autres qualités sensibles subsisteraient effectivement.  Il s’en suit que la notion de matière est une contradiction en soi et ne saurait rien signifier ni même exister.    

Elle est tout et rien à la fois, elle a toutes les qualités de la Divinité absolue qu’elle remplace, peut-être à l’insu même des athées.  Dès lors, la question est celle de la possibilité d’évacuer la philosophie de l’être ou de l’essence, tant métaphysique que théologique.     

Une solution serait-elle de ne considérer la matière, définie comme substrat de tout l’univers, que comme outil ou instrument utile à la société des hommes et à son évolution ?  Et non comme l’essence ou l’être (ultimement divin) de toutes choses dont les hommes n’ont pas à s’embarrasser ni même à considérer, car cette notion d’ « être » est inutile voire néfaste in fine. En effet, elle conduit aux idéologies et aux croyances le plus souvent génératrices de domination.


dimanche 2 juillet 2023

Sujet du Merc. 5 Juil. 2023 : Le Care est-il genré ? Est-ce une question ?

                                    Le Care est-il genré ? Est-ce une question ?

TO CARE : se soucier de, faire ou porter attention à, aimer, chérir, s'occuper de, veiller sur. THE CARE : traitement, attention, soins infirmiers, souci, prudence, respect, sollicitude.

 

Le Care (capacité à prendre soin d’autrui) émerge dans les années 80 avec Carol Gilligan philosophe, psychologue et féministe américaine, fondatrice de l’éthique de la sollicitude (ou éthique du care). Parution de son ouvrage « Une voix différente »en 1982, en lien avec la pensée de Lawrence Kohlberg et la notion de « Soin mutuel ».

Dans ces années-là aux États-Unis d'Amérique comme en Grande-Bretagne et suite aux crises économiques successives, l'état social se défait sous l'influence d'un régime néolibéral, que ce soit sous Ronald Reagan ou Margaret Thatcher. Le dénigrement de la politique sociale des conservateurs amorce une lente progression de la pauvreté. À partir de 1983 aux USA, le fameux rebond économique invite même à penser le citoyen comme responsable de sa pauvreté.

 "En portant l'attention sur ce « prendre soin », ce souci des autres, l'éthique du care pose la question du lien social différemment : Carol Gilligan met au cœur de nos relations la vulnérabilité, la dépendance et l'interdépendance. Elle rend ainsi audible la voix des fragiles et met en garde contre les dérives conjointement marchandes et bureaucratiques de nos sociétés néolibérales ". Fabienne Brugère, philosophe. (L'éthique du care. PUF).

 

"Le care implique la reconnaissance de la nécessité, constater un besoin et évaluer la possibilité d'y apporter remède. C'est se sentir concerné par le besoin de l'autre". Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale à l’université Sorbonne. (Le travail du care. La Dispute).

C'est un comportement éthique, c'est une réflexion sur une conduite des individus en société, c'est aussi introduire la question du care dans la discussion sur les politiques sociales et sur l'État- providence. Cette question du care a donné lieu à de nombreux débats recherches et publications tant en psychologie éthique, sociologie, sciences du travail, sciences politiques de l'économie etc. Cette réflexion aussi large que la richesse sémantique du terme care est totalement liée au concept de vulnérabilité (à ne pas confondre avec la faiblesse), en revanche elle concerne également la notion de fragilité, capacité, « capabilité »(capability).

(Le mot de vulnérabilité a fait son apparition dans un ouvrage de Balzac en 1832).

 Ces questions firent leur entrée dans les années 2000 en France dans le milieu universitaire, puis en 2010 en politique lors du discours de Martine Aubry.(Projet de société du soin mutuel, discours du 2 avril 2010 assez mal compris apparemment).

La vulnérabilité est donc une évaluation et non un jugement, on désigne ainsi les personnes comme étant vulnérables (phénoménologie sociale).

Agata Zielinski, docteure en philosophie (Lecture de Merleau-Ponty et Levinas. Le corps, le monde, l’autre. PUF). Pierre Goldstein, docteur en philosophie (Vulnérabilité et autonomie dans la pensée de Martha C. Nussbaum. PUF). Sous la direction de David Jousset, Jean-Michel Boles, Jean Jouquan (Penser l'humain vulnérable : de la philosophie au soin. PUR).

 

Après Rambo, Rocky, Reagan, la dissolution de l'URSS, la vulnérabilité est remontée en puissance aux États-Unis d'Amérique suite à l'attentat du 11 septembre 2001. La vulnérabilité peut atteindre tout individu ou collectivité qui subit une attaque venue de l'extérieur, qu'il soit blessé ou fragilisé par l’œuvre du temps et la dégradation inéluctable de son état psycho corporel.

Jean Louis Chrétien, philosophe, poète et théologien catholique. (Fragilité. Les Éditions de Minuit).

Sandra Laugier , professeure du langage et de philosophie morale. (Care et perception. L’éthique comme attention au particulier . Editions EHESS).

Les crises successives financières (2008) ou sanitaires (covid 2019), guerre d’Ukraine, endettement, inflation, armement des états, renforcent la notion de fragilité collective.


Si nous prenons en compte la définition de la santé par l'OMS, Organisation Mondiale de la Santé qui œuvre depuis le 7 avril 1948 sous la tutelle de l'ONU, « la santé est un état complet de bien-être physique mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité », au regard de la situation actuelle, le chantier est colossal !!
                          Qui fait quoi, comment, avec quels moyens ?

Pourquoi la question du genre en lien avec le concept de care ?

Si le terme genre est tout aussi polysémique que le terme care, il fait sans aucun doute référence  aux différences sociales et culturelles entre hommes et femmes.

GENRE : « se réfère à l'identité personnelle et sociale d'un individu en tant qu'homme femme ou personne non binaire » (Définition canadienne du 1er octobre 2021).

La piste serait-elle étroitement féministe ? Serait-il utile pour la question du care de remettre en question les stéréotypes liés au féminin et au masculin ?

Est-il question de promouvoir l'égalité salariale dans les métiers du care actuellement tenus par les femmes qui démissionnent dans les pays occidentaux pour de bonnes ou de mauvaises raisons?

Est-il question d'éduquer au partage des tâches liées au care dans le privé comme dans le public ? Les théories de la morale naturaliste sont-elles rassurantes ? Question de justice, d’éthique, d’urgence face aux besoins grandissants de notre société ? … Tous vulnérables !?

Sujet du merc. 09/10/2024 : Quand on nait, qu’est ce qu’on est ?

  Quand on nait, qu’est ce qu’on est ? «  Il y a le gène de la méchanceté et celui de la bonté, celui de l’intelligence et celui de la b...