samedi 31 décembre 2016

Sujet du Merc.04 janvier 2017 : L’idée de nature chez Sade nous aide-t-elle à comprendre Spinoza ?

L’idée de nature chez Sade nous aide-t-elle à comprendre Spinoza ?

«Nourris-toi sans cesse des grands principes de Spinoza, de Vanini, de l'auteur du Système de la nature, nous les étudierons, nous les analyserons ensemble, je t'ai promis de profondes discussions sur ce sujet, je te tiendrai parole, nous nous remplirons toutes deux l'esprit de ces sages principes ». Sade, Œuvres, Pléiade 1998, p. 195. – Première leçon de philosophie de Mme  Delbéne à Juliette.

Sade a-t-il lu Spinoza ? Qu’est ce qui lui fait penser qu’en ce qui concerne la notion de Nature (qui est sous-jacente dans toute l’œuvre de Sade) il serait un élève de Spinoza ?

Il est vrai que chez ces deux auteurs la nature est l’instance qui permet d’expliquer le réel. « Deus sive natura » : dieu c’est à dire la nature, dira Spinoza. La nature est la cause première et absolue de tout ; rien n'échappe à ses lois et rien ni personne de supérieur à elle n'oriente celles-ci selon un dessein préétabli. D'emblée, on comprend que le concept de nature, matrice de tout, implique que toutes choses sont des manifestations de cet être immense et unique qui englobe la multiplicité du réel. Il en dérive donc immédiatement une forme de panthéisme, selon lequel, pour utiliser le vocabulaire de Spinoza, Dieu ou la nature est l'unique substance, dont les êtres particuliers que nous sommes et dont nous sommes entourés sont les manifestations multiples, les «affections » ou «modes » singuliers. 
La diversité de ces attributs et modes ne compromet en rien l'unité substantielle du tout : tous soumis à la même loi, nous sommes tous en réalité des êtres entièrement naturels, où la culture et la morale sont des «natures » artificielles et toujours secondaires, toujours acquises par-dessus notre fond, unique et commun.

«Cette chose est dite libre qui existe par la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir ; cette chose est dite nécessaire ou plutôt contrainte qui est déterminée par une autre à exister et à produire quelque effet dans une condition certaine et déterminée » Spinoza, Court Traité.

Sade, quant à lui, répète à de multiples reprises combien la nature est un tissu de lois nécessaires auxquelles nul être n'échappe, et combien la liberté est un concept vain si l'on croit par-là mentionner une liberté de choix :

« Si l'on voulait bien se persuader que ce système de la liberté est une chimère, et que nous sommes poussés à tout ce que nous faisons, par une force plus puissante que nous ; si l'on voulait être convaincu que tout est utile dans le monde, et que le crime dont on se repent est devenu aussi nécessaire à la nature, que la guerre, la peste ou la famine, dont elle désole périodiquement les empires, infiniment plus tranquilles sur toutes les actions de notre vie, nous ne concevrions même pas le remords, et ma chère Juliette ne me dirait pas que j'ai tort de mettre sur le compte de la nature, ce qui ne doit être que sur celui de ma dépravation " Sade, Leçon de Clairwill à Juliette.

                  Un autre élément consubstantiel à la nature semble aussi se retrouver chez Spinoza et Sade. Chez Sade comme chez Spinoza, tout être se définit en premier (et en dernier) lieu par le désir qui le constitue et qui le pousse à déployer son existence dans les limites de son naturel propre. Mais la vision spinoziste et sadienne s’écartent sur un point et non des moindres : celui de la conception de l’homme.

Dans les termes de Spinoza, ce désir, appelé conatus, constitue un effort, une tension, un élan pour persévérer dans son être propre, et il est absolument universel. « Il en découle une identité de nature de l'homme avec les autres êtres, «lesquels sont tous animés, bien qu'à des degrés divers » (Ethique 2, Prop. 13 ) au sens de tous tenir leur essence de cette nature qui est puissance et qui se manifeste en eux par le désir de persévérer dans l'être ». 

Pour Spinoza l'homme bénéficie d'une supériorité sur tous les animaux du fait de sa complexion corporelle plus grande et plus diversifiée qu'eux, laquelle lui permet, à lui et à lui seul, de parvenir à la raison

Pour Sade il en est tout autrement : 

« Quoi, cette qualité divine [l'immortalité], disons mieux, cette qualité impossible à la matière, pourrait appartenir à cet animal, que l'on appelle un homme. Celui qui boit, mange, se perpétue comme les bêtes, qui n'a pour tout bienfait qu'un instinct un peu plus raffiné, pourrait prétendre à un sort si différent, que celui de ces mêmes bêtes ; cela peut-il s'admettre une minute ? », «Ah ! Si le malheureux a quelque avantage sur les animaux, combien ceux-ci n'en ont-ils pas à leur tour sur lui ? 
À quel plus grand nombre d'infirmités et de maladies n'est-il pas sujet ? De quelle plus grande quantité de passions n'est-il pas victime ? Tout combiné, a-t-il donc bien réelle¬ ment quelque avantage de plus ? Et ce peu d'avantage peut-il lui donner assez d'orgueil, pour croire qu'il doive éternellement survivre à ses frères ? » Sade : Clairwil à Juliette.

Cette assimilation à l’animalité chez Sade et cette volonté d’humanité chez Spinoza se révèle au travers de l’oeuvre de Sade dans le circuit infernal de l'approfondissement toujours plus grand de la cruauté pour combler le désir insatiable qui caractérise ses personnages : un processus d'asservissement volontaire au lieu d'une libération conduisant à aimer le monde dans un détachement de ses contingences, par la paix intérieure. 
Une fuite en avant de plus en plus destructrice et, Spinoza dirait, destructrice de soi-même en premier lieu.

Mais Sade n'y voit qu'un renforcement de tout l'être, corps et esprit, amenant au façonnement d'un naturel plus puissant. A n’importe quel prix. Au prix de tous les crimes.

Pour Spinoza au contraire : « seule assurément une farouche et triste superstition interdit de prendre des plaisirs (...). Il est donc d'un homme sage d'user des choses et d'y prendre plaisir autant qu'on le peut (sans aller jusqu'au dégoût, ce qui n'est plus prendre plaisir). Il est d'un homme sage, dis-je, de faire servir à sa réfection et à la réparation de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en quantité modérée, comme aussi les parfums, l'agrément des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le corps, les spectacles et autres choses de même sorte dont chacun peut user sans dommage aucun pour autrui. Le corps humain en effet est composé d'un très grand nombre de parties de nature différente qui ont continuellement besoin d'une alimentation nouvelle et variée, pour que le corps entier soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature et que l'âme soit également apte à comprendre à la fois plusieurs choses. … un désir [et donc un plaisir] tirant son origine de la raison ne peut avoir d'excès » (Spinoza, Ethique 4)

Héritière Épicure, la philosophie de Spinoza s’écarte dans ses développement sur la nature de l’optique sadienne car elle incorpore, comme chez Épicure une doctrine des plaisirs intimement liée à une éthique du vivre en commun.  
Doctrine de la passion maîtrisée par la connaissance de la nature, non par son assujettissement à elle. Doctrine de la passion comme émanation de la connaissance des déterminismes qui nous meuvent et non comme asservissement à ces déterminismes. 

Seule la raison, chez Spinoza, est source véritable d'action pour l'homme. La raison est une connaissance adéquate qui comprend la nécessité du monde et à ce titre, libère de la servitude de l'illusion et de l'imagination. 

La liberté a à voir avec la raison, c'est l'autonomie. Ce ne sont plus les choses extérieures qui nous poussent à agir mais, grâce à la compréhension de la nécessité qui imprègne le réel dans son ensemble, on désire librement les gestes que l'on pose effectivement. La libération est donc d'ordre entièrement mental.


À l'inverse de cette santé générale du corps dans sa totalité, qui est ce que la puissance du corps peut espérer de mieux pour s'épanouir, les plaisirs sexuels (Sade) sont l'image même de ce qui nous enchaîne au lieu de nous libérer, en particulier parce qu'ils ne concernent à chaque fois qu'une partie du corps et non son ensemble.    
  
« Un désir, tirant son origine d'une joie ou d'une tristesse qui se rapporte à une seule des parties du corps, ou à quelques-unes, mais non à toutes, n'a point égard à l'utilité de l'homme entier ». Spinoza, Ethique 4.


dimanche 25 décembre 2016

Sujet du Mercredi 28/12 : ça va chauffer !?

                                                Ça va chauffer !?

                                      Ou, comment se construit une idéologie.

Il parait que ça va chauffer. Nous avons tous « appris » cela – très officiellement (2007) - après une réunion du groupe de Bilderberg, suivie en France du Grenelle de l’environnement. La planète se réchauffait, le CO2 était mis à l’index et les citoyens tous coupables d’incivisme écologique. Un concept nouveau était né, celui de « réchauffement climatique d’origine anthropique ». Quelques années auparavant une Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) avait publié un volumineux rapport qui …s’opposait à la thèse alors en vigueur : le refroidissement climatique ! La notion de réchauffement anthropique est récente.
Dans les années 1970, la crainte principale des climatologues était le refroidissement de la planète. En 1978, notent Mazur et lee (1993, cité par Korhola 2014, p. 100), «une réunion internationale de chercheurs sur le climat arriva à la conclusion unanime qu'au moins une chose est certaine: le climat de la terre est en train de se refroidir ». L’un des plus farouches partisans de cette thèse était Jim Hansen, de la NASA.

Mais comment donc sommes-nous passés en si peu de temps (alors que les découvertes scientifiques demandent des dizaines d’années avant de pouvoir être validées et de faire consensus) du « refroidisme » au « réchauffisme ». ? L’histoire nous a, par contre,  montré que toute idéologie peut assez facilement faire une percée majeure dans les consciences si elle est promue par deux vecteurs classiques :

1 -  Les « machins » bureaucratiques : en l’occurrence émanant de l’ONU qui ne tardèrent pas à trouver une opportunité à leur propre essor : l’OMM (Organisation météorologique mondiale), le PNUE et le PNUD  (programmes des nations unies pour l’environnement – le développement). Ce sont le PNUD et l’OMM qui fondèrent le GIEC. Il nous fait citer la CCNUCC (convention cadre des nations unies sur les changements climatiques.

2 -  Des hommes politiques : Olof Palme, premier ministre suédois ; dont le conseiller scientifique et ami fera partie du GIEC dès 1973. Al Gore que l’on retrouve très ami avec ….Jim Hansen, de la NASA (le refroidiste des années 70 !) et qui finance le film « une vérité qui dérange », film dans lequel un juge de Londres y relèvera 9 erreurs ou approximations, et demandera que ce film politique ne soit présenté dans les écoles (anglaises) qu'avec une notice présentant des points de vue différents, Margareth Thatcher, T. Blair, etc …..

-          Notons que la Chine, l’Inde, les pays en voie de développement en général ne furent et ne sont toujours pas très … chauds pour adhérer au discours dominant !

Le réchauffisme ambiant s’adosse-t-il a des recherches et données scientifiquement vérifiées. Notons que la climatologie n’est enseignée nulle part et pour cause. Cette discipline est au croisement de plusieurs autres au point de ne pas encore avoir trouvé des assises assez solides pour que soit créée une science climatologique. C’est donc un abus de langage de se prétendre « climatologie » si on ne précise pas le domaine de validité dans lequel on exerce cette discipline.

Tout ce qui nous est asséné à longueur d’émissions, d’infos, etc…  provient toujours d’un seul et même document. Non pas des trois gros rapports de 1500 pages, ni même du « rapport de synthèse » de 100 pages, mais des trente pages du : « résumé pour les décideurs ».

On y explique comment la hausse du CO2 (et des autres gaz à effet de serre comme le méthane) entraîne nécessairement la hausse de la température. Celle-ci a été de 0,7°C au cours du XXe siècle. La raison en est l'effet de serre: ces gaz piègent la chaleur du rayonnement solaire qui sans eux serait en partie réfléchi et renvoyé vers la troposphère. Le texte insiste beaucoup sur le caractère unique de cette cause: «il est extrêmement probable que les émissions de anthropiques de gaz à effet de serre sont la cause dominante du réchauffement observé depuis la moitié du XXe siècle». Ce qui est vrai pour le passé l'est également pour le futur. La relation établie permet de faire des projections pour l'ensemble du XXe siècle. Le Résumé ne donne guère de précisions sur les méthodes de prévision un ensemble de modèles mathématiques ») ni sur les résultats obtenus (une augmentation de 3 °C à
6 °C en 2100, sans données précises sur les années intermédiaires. 

Peu ou pas d’informations sur le recueil des données alors qu’à l’échelle de la planète les causes du réchauffement sont forcément poly factorielles. Aucune analyses sur les interactions avec notre soleil. Et ignorance totale des variations climatiques récentes à l’échelle de 5000 années passées ou encore de 1850 à nos jours. Et critiquer le GIEC c’est se voir insulté publiquement, chassé de l’université. Le Pape part lui aussi à la croisade pour le bien et se fend d’une encyclique « Laudato si » (loué soit-tu) !.  le pape a averti : « les puissants de la terre que Dieu les jugera s’ils ont œuvré afin que l’environnement ne soit pas détruit ». Notre empreinte carbone pourrait bien entrer en compte lors du Jugement dernier J
Quelques faits : Le cas de la France n'est pas nécessairement représentatif (de l'évolution du globe), mais il est parlant, et intéressant pour le public français. Le ministère de l'Agriculture, sur un sitefacilement accessible(www.agreste.agricuture.gouv.fr/                conjoncturelle-bulletin), donne pour la période 1997-2014 les températures mensuelles pour 6 grandes régions de la France métropolitaine. On a calculé des températures annuelles moyennes pour chaque région, puis des températures annuelles pour la France (en faisant la moyenne simple des régions). Les résultats sont présentés dans la Figure ci-contre.
Le tableau fait apparaître une remarquable stabilité des températures au cours de la période considérée. La pente de la droite d'ajustement (-0,004) est même négative, ce qui indiquerait une légère diminution des températures; en réalité cette pente est si faible ( 4 millièmes de degré par an) qu'elle est inférieure aux erreurs de mesure, et n'indique rien d'autre qu'une indiscutable stabilité. L'examen des évolutions par région, ou par saison, ne modifie pas cette information. Mais un sondage Havas/Ipsos de 2015 conclue que 56% des sondés affirment « ressentir l’augmentation des température » ( « Mettez-vous à genoux et bientôt vous croirez » Pascal)

Les données disponibles pour le globe font également apparaître la stabilité des températures. Considérons les séries produites par l'Université d'Alabama à Hunstville, à partir des observations des satellites de la NOAA. Ces données, mensuelles, n'existent qu'à partir de 1979. Elles sont présentées sous la forme «d'anomalies» par rapport à la moyenne des années 1981-2010. Elles sont reproduites dans la figure ci-contre. La figure montre assez clairement la hausse des températures durant les années 1979-1997, suivie d'une quasi-stagnation durant la période suivante. Pour cette période, c'est-à-dire pour les 18 dernières années, de 1997 à 2004, une analyse de régression donne:  Dtempérature = 0,00996*année - 19,81 R2 = 1,143 (0,00612) (12,240). La pente de la tendance (+0,00996) est très faible. Elle signifie que la température moyenne du globe, au cours de la période considérée, a augmenté en moyenne d'un centième de degré par an.

Pendant cette période, pourtant, les rejets de CO2 ont atteint des niveaux jamais connus, et la concentration en CO2 de l'atmosphère a continué son ascension: entre 1997 et 2014, elle a augmenté de 35 ppm, ce qui est considérable puisque cela représente le tiers de l'augmentation enregistrée entre le début de la révolution industrielle et les années 1990. Cette augmentation des concentrations de CO2 aurait du entraîner une hausse de température de 0,28 degré; et une telle hausse se situe dans la partie basse de la fourchette des prédictions du GIEC. Par rapport aux modèles du GIEC, la température se trompe de 0,3 degré!


Le réchauffisme, une doctrine catastrophiste comme d’autres, ne serait-il au fond que la bonne conscience d’un Occident riche face des milliards d’humains dans la pauvreté ? 

Ne désespérons pas, on les enverra sur Mars …


Documentation extraite de "L'idéologie du réchauffement - Science molle doctrine dure" -
R. Prud'homme  -  2015, Editions de l'artilleur.

dimanche 18 décembre 2016

Sujet du Merc. 21/12 : Pourquoi tant d'impatience ?

POURQUOI TANT D'IMPATIENCE ?

Intéressons-nous donc à la question.

Dans notre société tout nous pousse à l'impatience, que ce soit dans notre travail ou dans notre vie privée, même au seuil de notre mort nous nous montrons impatient (mais quand est-ce que cela va finir?)
L'adjectif « impatient » nous vient du mot « patire » de son origine grecque « pascho pathos » qui signifie souffrir, supporter, endurer avec l'idée de patience et de résignation.
Le mot grec fait référence à l'éprouvé par rapport à ce qui est de l'ordre du faire et de l'agir.

L'impatience semblerait nous confronter à une limite qui nous résiste et qui ne dépend pas de notre volonté.
L'impatience n'est-elle pas que force déchaînée et rage impuissante ? (« patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »- La Fontaine dans le lion et le rat).

L'impatience bouscule tout et cette violence de celui qui ne veut pas perdre son temps (ça passe ou ça casse!) n'est pas si éloignée que cela de l'explosion d'un désir de liberté. Mais quelles séries causales déterminent ce désir ? Et avons-nous un libre arbitre en quelque sorte naturel ? Ou s'agit-il de se libérer d'une situation ?

On pourrait commencer par faire le procès de l'impatience, ce manque de maîtrise qui semble toujours préférer le présent à l'incertitude de l'avenir.
Dans notre société, les limites sont faites pour être transgressées. N'y a t-il pas même une apologie du dépassement ? Nous sommes sans cesse poussés à nous surpasser. Nous pourrions penser que notre société confond le présent avec l'absolu dans lequel chacun se doit d'aller encore plus loin, encore plus vite sous prétexte d'occulter une réalité décevante, comme si on tentait de nier le temps.
L'homme cultive l'illusion de pouvoir maintenir une maîtrise constante sur ce qui l'entoure.

Dans l'état d'impatience nous sommes hors de nous-mêmes. Nous projetons très loin notre énergie, nos pensées, dans un futur désiré, croyant que nous allons ainsi ramener plus vite ce que nous espérons.
Pour lutter contre l'impatience, n'est-il pas possible de revenir au moment présent en observant le réel pour se libérer par des actes qui lui sont adaptés ? La patience nous donne une chance d'apprendre plutôt que d'user notre système nerveux à trépigner sur place. Mais, l'impatience et la patience ne cohabitent-elles pas dans un seul et même être, pour en faire une personne complète et riche de toutes ses contradictions ? Ne s'agit-il pas là d'un nécessaire processus dialectique ? Et serai-il contradictoire d'affirmer que l'impatience est à la fois une vertu et un vice ?

Pour finir, voici quelques citations qui vous rendront sans doute impatients de débattre du sujet :

« L'impatient, incapable de supporter le doute, se hâte de décider au lieu de suspendre son jugement » Francis Bacon, initiateur de la démarche philosophico-scientifique aux XVI/XVII èmes siècles.

« L'impatience, qui paraît une force et une vigueur de l'âme, n'est qu'une faiblesse et une impuissance de souffrir la peine » Fénelon – XVII/XVIII èmes siècles.

Lorsque nous faisons le choix de prendre le temps de mûrir notre désir, notre réflexion et notre besoin nous permettons qu'adviennent le bonheur et la liberté.


Ne soyons donc pas pressés d'être impatients !...

mercredi 14 décembre 2016

L'art contemporain, la grande duperie idéologique (vidéo)



L'art contemporain, ou comment fabriquer de l'argent sans richesse. 

L'abolition de la question philosophique : qu'est que ce qui est juste, beau, vrai. 

A visionner absolument ....





lundi 12 décembre 2016

Sujet du Merc. 14 Déc. : Peut-on dire les ou La Civilisation ?

                                          Peut-on dire les ou La Civilisation ?

IL semble que ce soit Mirabeau qui ait été le premier à employer le terme « civilisation ». C'est dans l'Ami des homes ou Traité sur la population (paru en 1756) que Mirabeau l'a utilisé. Le mot a été ensuite repris par les sociologues, anthropologues et philosophes.

Pour le Robert pour tous, la civilisation : ensemble des caractères communs aux sociétés les plus complexes ; ensembles des acquisitions des sociétés humains (progrès). Une (des) civilisation : ensemble des phénomènes sociaux : religieux, moraux, esthétiques, scientifiques techniques d'une grande société (culture).
Pour le Larousse  c'est l’état de développement économique, social, politique, culturel auquel sont parvenues certaines sociétés et qui est considéré comme idéal à atteindre par les autres.
Ensemble des caractères propres à la vie intellectuelle, artistique, morale, sociale et matérielle d'un pays ou d'une société. Ensemble de phénomènes sociaux religieux intellectuels, artistiques, scientifiques et techniques d'une société. De manière plus neutre, la civilisation comprend « l’ensemble de phénomènes sociaux (religieux, moraux, esthétiques, scientifiques, techniques) communs à une grande société ou à un groupe de sociétés ».
Pour Anatole France, ce que les hommes appellent civilisation, c'est l'état actuel des mœurs et ce qu'ils appellent barbarie, ce sont les états antérieurs, les mœurs présentes on les appelle barbares quand elles sont des mœurs passées.
Pour Pierre-Joseph Proudhon, « La civilisation est le fait social de l’accroissement des richesses ». François Guizot, dans son Histoire de la Civilisation, considère lui-même que l’accroissement des besoins et des richesses différencie une société qui se civilise d’une société stagnante, qui n’évolue pas. Ainsi juge-t-il les populations nomades comme en-dehors de la civilisation, car peu raffinées, au contraire des populations sédentaires, agricoles. Ce qui sépare le sauvage de l’homme civilisé, c’est la relation à la terre. A l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867, Michel Chevalier, président du jury international et responsable du rapport qui en résulta, soutint que « la civilisation parut un épi à la main ». L’homme sort de l’état de nature par la culture, c’est-à-dire par la maîtrise de son environnement immédiat. Il établit alors un lien entre l’accroissement des rendements agricoles et le développement d’autres fonctions pour répondre à d’autres besoins ou à d’éventuels conflits entre individus. Ainsi retrouve-t-on la définition de la cité d’Aristote : la civilisation commence par la fondation de la cité, c’est-à-dire un groupement de familles et de village autour d’une même localité. La division du travail favorise le rendement agricole, et dégage l’espace pour d’autres activités. Ainsi, le déjà très controversé Arthur de Gobineau  (auteur de l’inégalité des races, 1855) voit la civilisation comme « un état de stabilité relative, où des multitudes s’efforcent de chercher pacifiquement la satisfaction de leurs besoins, et raffinent leur intelligence et leurs mœurs ».
Le mot provient étymologiquement de civitas c'est à dire cité en latin. Dans La politique, Aristote voit dans l'être humain un animal politique, Pour Aristote la vie dans la cité implique l'existence de lois, c'est à dire le respect de règles de vie en communauté. Mais les systèmes antiques, en grande majorité, exclut les métèques ; les esclaves et les femmes.
Six régions du globe ont connu, les premiers, des développements pouvant être qualifiés de civilisationnels : la Mésopotamie, L'Egypte, la vallée de l'Indus,  la Chine,  le Pérou et le Mexique.
La question qui se pose est : pourquoi ces  développements civilisationnels se sont produits en ces lieux. Ce qui est commun aux quatre premiers lieux, c'est  la concentration des populations dans les vallées fertiles, le long des fleuves pérennes. Ceci montre la pertinence de la définition d'Aristote : les développements civilisationnels ont eu lieu quand des populations se sont regroupées (souvent contraintes par des changements climatiques), à l'exemple de l'Egypte et de la Mésopotamie.
Dans tous les développements civilisationnels antiques on retrouve des constantes : de grands ensembles où se mêlent des génies architecturaux, le développement des arts figuratifs, la maîtrise de l'agriculture, une concentration urbaine.
En résumé, les caractéristiques principales sont: le développement de ville par la sédentarisation ; la spécialisation du travail à temps plein (artisanat, commerce, clergé) ; apparition de classes sociales ; organisation des Etats ; grands travaux ; échanges commerciaux sur de longues distances ; Réalisations artistiques (monuments peintures sculptures) ; écritures (comptabilité, registres... ) ; connaissances scientifiques et techniques (mathématiques, astronomie, cadastre).
Il semble que ce sont les développements civilisationnels de la Haute Antiquité qui ont posé les bases de ce que l'on peut appeler civilisation. A titre d’exemple, l’Egypte pharaonique (plus de 3 millénaires) et Sumer. On  attribue l'invention de l'écriture, presque en même temps aux environ de 3000 ans avant notre ère, à ces deux développements civilisationnels.
Les Grecs, dont l'Occident contemporain réclame la filiation furent féconds mais savons-nous que l'influence de l 'Egypte et de la Mésopotamie ont été déterminantes. Les Egyptiens avaient inventé la géométrie, l'astronomie, le cadastre. Les Grecs se sont inspirés des réalisations égyptiennes et ont eu le génie de les théoriser. Donc sans les Egyptiens et les Sumériens, la Grèce antique n'aurait probablement pas été ce qu'elle a été. De plus, les savants grecs se reconnaissaient comme les héritiers des savoirs égyptiens et orientaux.
Rome aurait-elle eu un tel développement sans la Grèce ?
Après la chute de Rome, le développement civilisationnel arabo-musulman s'est inspiré principalement de l'héritage grec et romain pour développer les mathématiques (algèbre algorithmes, adoption de chiffres décimaux, « sifre » 0, a donné le mot « chiffre »), l'astronomie et surtout la médecine scientifique. Avicenne (Ibn Sinà, 980-1037), a fondé les ancêtres des CHU, pratiqué la dissection. Il commença à exercer à l'âge de 16 ans et on lui  doit les descriptions de la méningite, de la pleurésie et plus de 100 ouvrages médicaux et philosophiques. Son ouvrage, le Canon (loi) de la médecine, est encore enseigné dans les facultés de médecine. Que dire du fait que les développements civilisationnels arabo-musulmans n'ont pas eu lieu dans la zone qui donna naissance à l'islam ?
Les Arabes (????  Non_pas vraiment les Arabes) furent les authentiques continuateurs des apports grecs. Sans eux, la science et la philosophie européennes ne se seraient pas développées à l'époque de la Renaissance puis des Lumières, comme elles l'ont fait. La grande figure du génie médical, l'Andalou, Ibn Rushd, latinisé en Averroès, a laissé une profonde marque sur la pensée humaine. Il était médecin, administrateur, astronome, philosophe.
Et le choc des civilisations ? Ce concept est apparu dans un article, The clash,of civilizations (1987), publié en été 1993 par la revue Foreign Affairs. Il fut en fait inspiré de l'ouvrage « Grammaire des civilisations » de l'historien français Fernand Braudel. Cet article permis à Samuel Huntington d'accéder à la notoriété, suite aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont projeté sa vision géopolitique sur la scène internationale.
Considérer la thèse du choc des civilisations implique que les valeurs universelles pourraient être le propre de certaines civilisations. Cette considération est similaire à la notion qui considérait l'existence de races humaines, donc à la hiérarchisation des humains. La thèse d'Huntington n'est-elle, pas un axe simplificateur et réducteur du monde moderne ? Selon lui, sept à huit civilisations se partagent le monde, quoiqu'il n'en nomme que cinq, la chinoise, la japonaise, l'hindoue, la musulmane et l'occidentale. Il ne voit pas l'Afrique comme une civilisation en soi. À l'égard de l'Amérique latine, il adopte une position ambivalente. Tantôt il la considère comme une sous-civilisation de l'Occident, tantôt il y voit une civilisation distincte, menaçante pour les États-Unis.
Le découpage des aires civilisationnelles qu'il donne est arbitraire, quant à la civilisation dite musulmane qu'il cible en priorité, elle masque l'extrême complexité des différentes tendances de cette religion et ses nombreux conflits internes. Le choix du facteur religieux comme facteur déterminant occulte complètement les motivations géopolitiques des conflits majeurs du 20e siècles ( 1914- 1918 et 1939- 1945 ;  la guerre des Balkans etc.). En outre, la thèse est contredite par le libéralisme économique et capitaliste au moyen de la mondialisation des échanges et la financiarisation qui montre que chaque aire échange avec les autres et tend à s’uniformiser avec le reste du monde.

Cette thèse de choc de civilisations ne conduit-elle pas à semer la confusion entre civilisation, conflits géopolitiques, fanatismes religieux et rivalités économiques 


samedi 3 décembre 2016

Sujet du Mercredi 07/12/2016 : Qu'est ce que la dialectique ?

                        Qu'est ce que la dialectique ?


La dialectique est une méthode de pensée et d’analyse du monde – du monde naturel comme de la société humaine. C’est une façon d’observer l’univers qui part du principe que tout est dans un état constant de flux et de changement. Mais ce n’est pas tout. La dialectique explique que le changement et le mouvement impliquent des contradictions et ne peuvent exister qu’à travers des contradictions. Les choses n’évoluent pas suivant une ligne régulière et ininterrompue, mais suivant une ligne qui est ponctuée par des périodes de changement soudain et explosif. Pendant de telles périodes, les changements lents et cumulatifs (changements quantitatifs) subissent une rapide accélération au cours de laquelle la quantité se transforme en qualité. La dialectique est la logique de la contradiction.

Lorsque nous contemplons le monde qui nous entoure, il nous apparaît au premier abord comme un immense et étonnamment complexe enchaînement de phénomènes, un enchevêtrement apparemment infini de changements, de cause et d’effets, d’actions et de réactions. La force motrice de l’investigation scientifique est précisément la volonté de jeter une lumière rationnelle sur ce labyrinthe déroutant, de le comprendre pour le conquérir. On cherche des lois qui nous permettent de séparer le particulier du général, l’accidentel du nécessaire, et de comprendre les forces qui donnent naissance aux phénomènes auxquels nous sommes confrontés. Comme l’écrit le physicien et philosophe anglais David Bohm :

« Dans la nature, rien n’est constant. Tout est dans un état de transformation permanente, de mouvement et de changement. Cependant, nous découvrons que rien ne surgit de nulle part, sans rapport avec ce qui existait préalablement. De la même façon, rien ne disparaît sans laisser de traces, c’est-à-dire sans contribuer à des phénomènes existant ultérieurement. Cette caractéristique générale du monde peut être exprimée par un principe qui résume les conclusions d’un vaste domaine d’expériences diverses et qui n’a jamais été contredit par quelque observation ou expérience – scientifiques ou non – que ce soit, à savoir que toute chose dérive d’autre chose et donne lieu à encore autre chose. »


Le terme « dialectique » désigne originellement la méthode qui consiste à chercher la vérité par voie de discussion, grâce au jeu des questions et des réponses : c'est cette méthode qui est mise en œuvre, par l'intermédiaire du personnage de Socrate, dans les Dialogues de Platon.   
La philosophie moderne, depuis Hegel, donne à la dialectique une signification nouvelle : non pas celle d'une méthode liée à la pratique du dialogue, mais celle d'un mouvement qui est le mouvement même de la réalité.

Mais dans l’histoire des idées philosophiques comme celle des hommes, il s’est toujours trouvé des individus soucieux d’éliminer ou de dissimuler les progrès de la pensée.
Nul ne doit ou ne devait contredire les dogmes et les croyances et très rapidement la philosophie fut mise au service exclusif de la théologie, des théories fixistes. Tout était immuable et la simple logique servait « d’argument » ».
Inutile de démontrer ce qui est « révélé » !
Au fond la démonstration devint, et pour longtemps ….. Inutile.

Mais Descartes bousculât 15 siècles de dogmatique pour proposer une « Méthode » visant à expliquer la nature. Ne pouvant s’opposer frontalement aux concepts déistes, fixistes, sa philosophie reste néanmoins le grand tournant de la réflexion philosophique; le premier grand coup asséné à la philosophie idéaliste, à la métaphysique.

Avant d’aborder la méthode dialectique, voyons les principes de base de la conception métaphysique.


Premier caractère de la méthode métaphysique : Le principe d'identité.
 Il consiste à préférer l'immobilité au mouvement et l'identité au changement en face des événements.

De cette préférence, qui constitue le premier caractère de cette méthode, découle toute une conception du monde. On considère l'univers comme s’il était figé. Il en sera de même pour la nature, la société et l'homme. Ainsi on prétend souvent : « II n'y a rien de nouveau sous le soleil », ce qui veut dire que, depuis toujours, il n'y a eu aucun changement, l'univers étant resté immobile et identique. On entend aussi souvent par là un retour périodique aux mêmes événements. Dieu a créé le monde en produisant les poissons, les oiseaux, les mammifères, etc., et depuis rien n'est changé, le monde n'a pas bougé. On dit aussi : « Les hommes sont toujours les mêmes », comme si les hommes depuis toujours n'avaient pas changé.

Ces expressions courantes sont le reflet de cette conception qui est profondément enracinée en nous, dans notre esprit, et pouvoirs et clergés exploitent cette erreur a fond.
Comme nous préférons voir l'identité dans les choses, c'est-à-dire les voir restant elles-mêmes, nous disons par exemple : « La vie c'est la vie, et la mort c'est la mort. » Nous affirmons que la vie reste la vie, que la mort reste elle-même, la mort, et c'est tout.
Nous habituant à considérer les choses dans leur identité, nous les séparons les unes des autres. Dire « une chaise, c'est une chaise » est une constatation naturelle, mais c'est mettre l'accent sur l'identité et cela veut dire en même temps : ce qui n'est pas une chaise, c'est une autre chose.
Il est tellement naturel de dire cela que le souligner paraît enfantin. Dans le même ordre d'idées, nous dirons : « Le cheval est le cheval, et ce qui n'est pas le cheval est autre chose. » Nous séparons donc bien d'un côté la chaise, de l'autre le cheval et nous faisons ainsi pour chaque chose. Nous faisons donc des distinctions, séparant rigoureusement les choses les unes des autres, et c'est ainsi que nous sommes amenés à transformer le monde en une collection de choses séparées.

Deuxième caractère de la méthode métaphysique : Isolement des choses.

Ce que nous venons de dire semble tellement naturel que l'on peut se demander : pourquoi dire cela ? Nous allons voir que, malgré tout, cela était nécessaire, car ce système de raisonnement nous entraîne à voir les choses sous un certain angle.
C'est encore dans les conséquences pratiques que nous allons juger le deuxième caractère de cette méthode.
Dans la vie courante, si nous considérons les animaux et si nous raisonnons à leur propos en séparant les êtres, nous ne voyons pas ce qu'il y a de commun entre ceux de genres et d'espèces différents. Un cheval est un cheval et une vache, c'est une vache. Entre eux, il n'y a aucun rapport.
C'est le point de vue de l'ancienne zoologie, qui classe les animaux en les séparant nettement les uns des autres et qui ne voit aucun rapport entre eux.
C'est là un des résultats de l'application de la méthode métaphysique.
Les conclusions pratiques d'un tel raisonnement, c'est qu'un savant doit rester un savant et n'a pas à mêler sa science à la philosophie et à la politique. Il en sera de même pour le philosophe et l'homme d'un parti politique.
Même erreur quand on parle de l'homme en l'isolant des autres hommes, de son milieu, de la société.

Troisième caractère : Divisions éternelles et infranchissables.

Après avoir donné notre préférence à considérer les choses comme immobiles et ne changeant pas, nous les avons classées, cataloguées, créant ainsi entre elles des divisions qui nous font oublier les rapports qu'elles peuvent avoir les unes avec les autres.
Cette façon de voir et de juger nous entraîne à croire que ces divisions existent une fois pour toutes (un cheval, c'est un cheval) et qu'elles sont absolues, infranchissables et éternelles. Voila le troisième caractère de la méthode métaphysique.

Mais prudence, car  ce  n'est pas simplement par le fait d'introduire des divisions que l'on est métaphysicien, c'est par la manière, la façon dont on établit les différences, les rapports qui existent entre ces divisions.
« II y a toujours eu » et « il y aura toujours », c'est là une façon métaphysique de raisonner. On classe pour toujours les choses indépendamment les unes des autres, et on établit entre elles des cloisons, des murs infranchissables.
Quelles sont les conséquences pratiques de ce troisième caractère, qui établit entre les choses des barrières définitives ? C'est qu'entre un cheval et une vache il ne peut y avoir aucun lien de parenté. Il en sera de même pour toutes les sciences et pour tout ce qui nous entoure. Nous verrons plus loin si cela est juste, mais il nous reste à examiner quelles sont les conséquences de ces trois différents caractères que nous venons de décrire.

Quatrième caractère: Opposition des contraires.

Il découle de tout ce que nous venons de voir que lorsque nous disons : « La vie, c'est la vie ; et la mort, c'est la mort », nous affirmons qu'il n'y a rien de commun entre la vie et la mort. Nous les classons bien à part l'une de l'autre en voyant la vie et la mort chacune pour elle-même, sans voir les rapports qui peuvent exister entre elles. Dans ces conditions, un homme qui vient de perdre la vie doit être considéré comme une chose morte, car il est impossible qu'il soit à la fois vivant et mort, puisque la vie et la mort s'excluent mutuellement.
En considérant les choses comme isolées, définitivement différentes les unes des autres, nous arrivons à les opposer les unes aux autres.
Nous voilà au quatrième caractère de la méthode métaphysique, qui oppose les contraires les uns aux autres et qui affirme que deux choses contraires ne peuvent exister en même temps.
La vie, celle des êtres vivants, n'est possible que parce qu'il y a une lutte perpétuelle entre les cellules et que, continuellement, les unes meurent pour être remplacées par d'autres. Ainsi, la vie contient en elle de la mort. Pensons donc que la mort n'est pas aussi totale et séparée de la vie que le pense la métaphysique, car sur un cadavre toute vie n'a pas complètement disparu, puisque certaines cellules continuent à vivre un certain temps et que de ce cadavre naîtront d'autres vies.


QU’EST-CE QUE LA DIALECTIQUE ?

Parmi les travaux manuels, certains sont simples, d'autres sont plus compliqués.
Les mains et les doigts sont pour nous des instruments de travail. Mais la pensée est aussi un instrument de travail. Et si nos doigts ne font pas toujours un travail de précision, il en est de même de notre cerveau.
Dans l'histoire du travail humain, l'homme, au début, ne savait faire que des travaux grossiers. Le progrès dans les sciences a permis des travaux plus précis.
Il en est exactement de même pour l'histoire de la pensée. La métaphysique est cette méthode de pensée qui n'est capable, comme nos doigts, que de mouvements grossiers (comme de clouer les caisses ou de tirer les tiroirs de la métaphysique).
La dialectique diffère de cette méthode parce qu'elle permet une plus grande précision. Ce n'est rien d'autre qu'une méthode de pensée de grande précision.
L'évolution de la pensée a été la même que celle du travail manuel. C'est la même histoire, et il n'y a aucun mystère, tout est clair dans cette évolution.
Pour la dialectique, le but est d’acquérir une méthode de pensée ,et nous devons donc acquérir la souplesse, la précision de la méthode dialectique.

Première loi : le changement dialectique
Ce que l’on entend par le mouvement dialectique.
La première loi de la dialectique commence par constater que « rien ne reste là où il est, rien ne demeure ce qu'il est ». Qui dit dialectique dit mouvement, changement. Par conséquent, lorsqu'on parle de se placer au point de vue de la dialectique, cela veut dire se placer au point de vue du mouvement, du changement : lorsque nous voudrons étudier les choses suivant la dialectique, nous les étudierons dans leurs mouvements, dans leur changement.
Si nous voulons étudier la pomme en nous plaçant du point de vue dialectique, nous nous placerons du point de vue du mouvement ; non pas du mouvement de la pomme lorsqu'elle roule et se déplace, mais du mouvement de son évolution. Alors nous constaterons que la pomme mûre n’a pas toujours été ce qu'elle est. Auparavant, elle était une pomme verte. Avant d'être une fleur, elle était un bouton ; et, ainsi, nous remonterons jusqu'à l'état du pommier à l'époque du printemps. La pomme n'a donc pas toujours été une pomme, elle a une histoire ; et, aussi bien, ne restera-t-elle pas ce qu'elle est. Si elle tombe, elle pourrira, elle se décomposera, elle libérera ses pépins, qui donneront, si tout va bien, une pousse, puis un arbre. Donc la pomme n'a pas toujours été ce qu'elle est et ne restera pas non plus toujours ce qu'elle est.
Voilà ce que l'on appelle étudier les choses du point de vue du mouvement. C'est l'étude du point de vue du passé et de l'avenir. En étudiant ainsi, on ne voit plus la pomme présente que comme une transition entre ce qu'elle était, le passé, et ce qu'elle deviendra, l'avenir.

 Deuxième loi : l’action réciproque
L'enchaînement des processus.
Nous venons de voir, à propos de l'histoire de la pomme, ce qu'est un processus. Reprenons cet exemple. Nous avons cherché d'où venait la pomme, et nous avons dû, dans nos recherches, remonter jusqu'à l'arbre. Mais ce problème de recherche se pose aussi pour l'arbre. L'étude de la pomme nous conduit à l'étude des origines et des destinées de l'arbre. D'où vient l'arbre ? De la pomme. Il vient d'une pomme qui est tombée, qui a pourri en terre pour donner naissance à une pousse, et cela nous conduit à étudier le terrain, les conditions dans lesquelles les pépins de la pomme ont pu donner une pousse, les influences de l'air, du soleil, etc. Ainsi, en partant de l'étude de la pomme, nous sommes conduits à l'examen du sol, en passant du processus de la pomme à celui de l'arbre et ce processus s'enchaîne à son tour à celui du sol. Nous avons ce que l'on appelle : un « enchaînement de processus ». Cela nous permet de comprendre enchaînement et les interactions , fondements de la  loi de l'action réciproque.

Troisième loi : la contradiction
Chaque chose contient à la fois elle-même et son contraire.
Si l'on représente une chose par un cercle, nous aurons une force qui poussera cette chose vers la vie, poussant du centre vers l'extérieur par exemple (expression), mais nous aurons aussi des forces qui pousseront cette chose dans une direction opposée, des forces de mort, poussant de l'extérieur vers le centre (compression).
Ainsi, à l'intérieur de chaque chose coexistent des forces opposées, des antagonismes.
Que se passe-t-il entre ces forces ? Elles luttent. Par conséquent, une chose n'est pas seulement mue par une force agissant dans un seul sens, mais toute chose est réellement mue par deux forces de directions opposées. Vers l'affirmation et vers la négation des choses, vers la vie et vers la mort. Que veut dire : affirmation et négation des choses ?
Il y a, dans la vie, des forces qui maintiennent la vie, qui tendent vers l'affirmation de la vie. Puis il y a aussi dans les organismes vivants des forces qui tendent vers la négation. Dans toutes choses, des forces tendent vers l'affirmation et d'autres tendent vers la négation, et, entre l’affirmation et la négation, il y a contradiction.
Donc la dialectique constate le changement, mais pourquoi les choses changent-elles ? Parce que les choses ne sont pas d'accord avec elles-mêmes, parce qu'il y a lutte entre les forces, entre les antagonismes internes, parce qu'il y a contradiction. Voilà la troisième loi de la dialectique : Les choses changent parce qu'elles contiennent en elles-mêmes la contradiction.

Quatrième loi : transformation de la quantité en qualité ou loi du progrès par bonds

Prenons l'exemple de l’eau. Partons de 0° et faisons monter la température de l'eau de 1°, 2°, 3° jusqu'à 98° : le changement est continu. Mais est-ce que cela peut continuer ainsi indéfiniment ? Nous allons encore jusqu'à 99° mais, à 100°, nous avons un changement brusque : l'eau se transforme en vapeur.
Si, inversement, de 99° nous descendons jusqu'à 1°, nous aurons à nouveau un changement continu, mais nous ne pourrons descendre ainsi indéfiniment, car, à 0°, l'eau se transforme en glace.

De 1° à 99°, l'eau reste toujours de l'eau ; il n'y a que sa température qui change. C'est ce que l'on nomme un changement quantitatif, qui répond à la question : « Combien ? » c'est-à-dire « combien de chaleur dans l'eau ? ». Lorsque l'eau se transforme en glace ou en vapeur, nous avons là un changement qualitatif, un changement de qualité. Ce n'est plus de l'eau ; elle est devenue de la glace ou de la vapeur.
Quand la chose ne change pas de nature, nous avons un changement quantitatif (dans l'exemple de l'eau, nous avons un changement de degré de chaleur, mais non de nature). Quand elle change de nature, quand la chose devient autre chose, le changement est qualitatif.
Nous voyons donc que l'évolution des choses ne peut être indéfiniment quantitative : les choses se transformant subissent, à la fin, un changement qualitatif. La quantité se transforme en qualité. Cela est une loi générale.

Avec la dialectique qui a lentement émergé depuis Descartes en passant par Hegel et Marx, la philosophie dispose d’une outil méthodologique puissant qui lui permet de ne plus se comporter comme une œuvre littéraire, sans conséquence pratique; ou comme un fatras rebutant de mots compliqués. La méthode dialectique ramène  potentiellement la philosophie à ce qu’elle fut à sa naissance : proche des hommes et de leur préoccupations, en leur donnant les outils conceptuels pour comprendre et transformer le réel

( Larges extraits de G. Pollitzer - Principes élémentaires de philosophie)



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