vendredi 29 décembre 2023

Sujet du Merc. 03 Janvier 2024 : POURQUOI ARISTOTE CRITIQUAIT IL PLATON ?

 

POURQUOI ARISTOTE CRITIQUAIT IL PLATON ? 

Aristote (-384-322 de notre ère) , élève de Platon (-428  -348 de notre ère) , représente comme son maître un des plus important philosophe métaphysicien de l’histoire de la philosophie. Toutefois d’importants points de divergence séparent les deux auteurs essentiellement sur l’approche de la nature de la réalité, de la connaissance et de l’être.

Pour Platon, le monde sensible que nous percevons avec nos sens est changeant, éphémère et imparfait. Ce que nous voyons, touchons ou entendons dans le monde physique n'est qu'une copie imparfaite des Formes éternelles et immuables.

Les Formes, en revanche, représentent la véritable réalité. Elles sont éternelles, immuables et parfaites. Par exemple, alors que nous pouvons voir de nombreux objets ronds dans le monde physique, ils ne sont que des manifestations imparfaites de la Forme parfaite et éternelle de la rondeur.
Les formes existent indépendamment du monde sensible. Alors que les objets que nous percevons dans le monde physique sont changeants, imparfaits et éphémères, les Formes sont stables, parfaites et immuables.

Les objets du monde sensible, tels que les tables, les arbres ou les chevaux, ne sont que des manifestations imparfaites et changeantes des Formes éternelles. Par exemple, tous les chevaux que nous voyons dans le monde physique ne sont que des copies imparfaites de la Forme éternelle et parfaite du cheval.

Fonction des Formes :

Les Formes servent de modèles ou d'archétypes pour les choses que nous observons dans le monde sensible. Elles sont la cause de l'existence et de la nature des objets du monde sensible. C'est grâce à la participation (ou imitation) des objets du monde sensible aux Formes qu'ils acquièrent leur réalité et leur caractère.
Platon pensait aussi que la connaissance véritable ne peut être atteinte que par la raison et l'intellect, et non par les sens. Puisque les Formes représentent la véritable réalité, la connaissance des Formes est la connaissance la plus élevée et la plus pure.

Par conséquent, pour Platon, la philosophie est une quête de la connaissance des Formes. Le monde sensible, bien que réel dans un sens, n'offre que des opinions ou des croyances (doxa). Seule la connaissance des Formes peut fournir une véritable sagesse.

 Cette théorie des Formes influence également la conception platonicienne de l'éthique. Platon croyait que la vertu et le bien étaient liés à la connaissance des Formes. Par exemple, la vertu est une forme de connaissance, et le vice est une forme d'ignorance.

 En cherchant à connaître les Formes, notamment la Forme du Bien, un individu peut atteindre la vertu et mener une vie juste et équilibrée.

En conséquence, dans la philosophie de Platon, l'ontologie (étude de l'existence) est étroitement liée à sa théorie des Formes. Les Formes sont des entités ontologiques distinctes et séparées des objets du monde sensible. Elles existent indépendamment des choses particulières et sont la cause de leur existence et de leur nature.

 En somme, la théorie des Formes de Platon offre une perspective métaphysique, épistémologique et éthique sur la nature de la réalité, la connaissance et la conduite morale. Elle souligne l'importance de la raison, de la contemplation et de la quête de la vérité pour parvenir à une compréhension plus profonde de la réalité ultime.


Platon croyait en une réalité supérieure, accessible par la raison et non par les sens. Pour lui, la connaissance véritable est la connaissance des Formes, et le philosophe aspire à cette connaissance pour comprendre la réalité ultime.

« Le monde est le résultat de l'action combinée de la nécessité et de l'intelligence. L'intelligence prit le dessus sur la nécessité, en la persuadant de produire la plupart des choses de la manière la plus parfaite ; la nécessité céda aux sages conseils de l'intelligence ; et c'est ainsi que cet univers fut constitué dans le principe (Platon, Timée, 48 a.) »

Plus de trois siècles avant le christianisme on retrouve dans ces conceptions les fondements de la métaphysique religieuse qui va jouer un rôle si néfaste sur l’avancée des connaissances scientifiques.

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Contrairement à Platon, qui accordait une priorité à la raison pure et à la connaissance des Formes, Aristote valorisait l'observation empirique et l'expérience sensorielle comme moyens d'acquérir des connaissances sur le monde.

Pour Aristote, la connaissance commence avec les sens, et la raison s'appuie sur ces données sensorielles pour comprendre la réalité.

En conséquence pour Aristote, la réalité est une combinaison de forme et de matière, et les Formes existent dans les choses mêmes plutôt que dans un monde séparé. Pour lui, la réalité est accessible par l'expérience et l'étude du monde naturel.

Aristote avait une vision plus téléologique (étude, doctrine, des causes finales, de la finalité de la nature, croyant que tout dans la nature avait une fin ou un objectif intrinsèque. Cette perspective est reflétée dans sa notion de "cause finale". Ainsi, distingue-t-il dans sa « Métaphysique », quatre causes dans la formation des choses :
la cause matérielle (matière de la chose),
la cause formelle (essence de la chose, eidos),
la cause efficiente (force motrice, kinèsis)
et la cause finale (ce en vue de quoi la chose est faite, telos).


Dans le premier chapitre des « Parties des animaux », il fait de la cause finale la première des causes. Sa vision est donc téléologique. Elle est appuyée par une conception de la nécessité.

Platon comme Aristote, s’opposent, chacun avec leurs spécificités (mais leurs convergences idéologiques) aux penseurs matérialistes et atomistes (comme Démocrite) de leur époque pour lesquels tout dans l'univers était composé d'atomes - des particules indivisibles et éternelles, formant ainsi la matière et les objets que nous observons.

 Pour ces philosophes, il n'y avait pas de finalité ou de but ultime dans la nature. Les mouvements et les interactions des atomes étaient le résultat de causes et d'effets mécanistes, sans intervention divine ou finalité.

L’arrivée du christianisme, puis les traductions très orientées qui se développèrent au XIIème siècle, dans les trois religions monothéistes, menèrent directement à l’édification d‘une doctrine : le thomisme qui figea pour des siècles la pensée occidentale sur les plans scientifiques et philosophiques.
Il fallut attendre  Pierre de la Ramée (1515-1572) qui déclara dans sa thèse : « quaecumque ab Aristotele dicta essent commentitia esse », « tout ce qu’a dit Aristote n’est que fausseté », pour qu’une brèche critique apparaisse. Elle ne cessa de s’ouvrir grâce aux travaux de Galilée, de la Réforme Protestante…

samedi 23 décembre 2023

Sujet du Mercredi 27 Déc. 2023 : L’idée de nature chez Sade nous aide-t-elle à comprendre Spinoza ?

 

L’idée de nature chez Sade nous aide-t-elle à comprendre Spinoza ?

« Nourris-toi sans cesse des grands principes de Spinoza, de Vanini, de l'auteur du Système de la nature, nous les étudierons, nous les analyserons ensemble, je t'ai promis de profondes discussions sur ce sujet, je te tiendrai parole, nous nous remplirons toutes deux l'esprit de ces sages principes ». Sade, Œuvres, Pléiade 1998, p. 195. – Première leçon de philosophie de Mme Delbéne à Juliette.

 

Sade a-t-il lu Spinoza ? Qu’est ce qui lui fait penser qu’en ce qui concerne la notion de Nature (qui est sous-jacente dans toute l’œuvre de Sade) il serait un élève de Spinoza ?

 

Il est vrai que chez ces deux auteurs la nature est l’instance qui permet d’expliquer le réel. « Deus sive natura » : dieu c’est à dire la nature, dira Spinoza. La nature est la cause première et absolue de tout ; rien n'échappe à ses lois et rien ni personne de supérieur à elle n'oriente celles-ci selon un dessein préétabli. D'emblée, on comprend que le concept de nature, matrice de tout, implique que toutes choses sont des manifestations de cet être immense et unique qui englobe la multiplicité du réel. Il en dérive donc immédiatement une forme de panthéisme, selon lequel, pour utiliser le vocabulaire de Spinoza, Dieu ou la nature est l'unique substance, dont les êtres particuliers que nous sommes et dont nous sommes entourés sont les manifestations multiples, les « affections » ou « modes » singuliers. 

La diversité de ces attributs et modes ne compromet en rien l'unité substantielle du tout : tous soumis à la même loi, nous sommes tous en réalité des êtres entièrement naturels, où la culture et la morale sont des « natures » artificielles et toujours secondaires, toujours acquises par-dessus notre fond, unique et commun.

 

« Cette chose est dite libre qui existe par la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir ; cette chose est dite nécessaire ou plutôt contrainte qui est déterminée par une autre à exister et à produire quelque effet dans une condition certaine et déterminée » Spinoza, Court Traité.

 

Sade, quant à lui, répète à de multiples reprises combien la nature est un tissu de lois nécessaires auxquelles nul être n'échappe, et combien la liberté est un concept vain si l'on croit par-là mentionner une liberté de choix :  « Si l'on voulait bien se persuader que ce système de la liberté est une chimère, et que nous sommes poussés à tout ce que nous faisons, par une force plus puissante que nous ; si l'on voulait être convaincu que tout est utile dans le monde, et que le crime dont on se repent est devenu aussi nécessaire à la nature, que la guerre, la peste ou la famine, dont elle désole périodiquement les empires, infiniment plus tranquilles sur toutes les actions de notre vie, nous ne concevrions même pas le remords, et ma chère Juliette ne me dirait pas que j'ai tort de mettre sur le compte de la nature, ce qui ne doit être que sur celui de ma dépravation " Sade, Leçon de Clairwill à Juliette.

 

                  Un autre élément consubstantiel à la nature semble aussi se retrouver chez Spinoza et Sade. Chez Sade comme chez Spinoza, tout être se définit en premier (et en dernier) lieu par le désir qui le constitue et qui le pousse à déployer son existence dans les limites de son naturel propre. Mais la vision spinoziste et sadienne s’écarte sur un point et non des moindres : celui de la conception de l’homme.

 

Dans les termes de Spinoza, ce désir, appelé conatus, constitue un effort, une tension, un élan pour persévérer dans son être propre, et il est absolument universel. « Il en découle une identité de nature de l'homme avec les autres êtres, « lesquels sont tous animés, bien qu'à des degrés divers » (Ethique 2, Prop. 13) au sens de tous tenir leur essence de cette nature qui est puissance et qui se manifeste en eux par le désir de persévérer dans l'être ».       
 

Pour Spinoza l'homme bénéficie d'une supériorité sur tous les animaux du fait de sa complexion corporelle plus grande et plus diversifiée qu'eux, laquelle lui permet, à lui et à lui seul, de parvenir à la raison

 

Pour Sade il en est tout autrement : 

« Quoi, cette qualité divine [l'immortalité], disons mieux, cette qualité impossible à la matière, pourrait appartenir à cet animal, que l'on appelle un homme. Celui qui boit, mange, se perpétue comme les bêtes, qui n'a pour tout bienfait qu'un instinct un peu plus raffiné, pourrait prétendre à un sort si différent, que celui de ces mêmes bêtes ; cela peut-il s'admettre une minute ? », « Ah ! Si le malheureux a quelque avantage sur les animaux, combien ceux-ci n'en ont-ils pas à leur tour sur lui ? 

À quel plus grand nombre d'infirmités et de maladies n'est-il pas sujet ? De quelle plus grande quantité de passions n'est-il pas victime ? Tout combiné, a-t-il donc bien réellement quelque avantage de plus ? Et ce peu d'avantage peut-il lui donner assez d'orgueil, pour croire qu'il doive éternellement survivre à ses frères ? » Sade : Clairwil à Juliette.

 

Cette assimilation à l’animalité chez Sade et cette volonté d’humanité chez Spinoza se révèle au travers de l’œuvre de Sade dans le circuit infernal de l'approfondissement toujours plus grand de la cruauté pour combler le désir insatiable qui caractérise ses personnages : un processus d'asservissement volontaire au lieu d'une libération conduisant à aimer le monde dans un détachement de ses contingences, par la paix intérieure. 

Une fuite en avant de plus en plus destructrice et, Spinoza dirait, destructrice de soi-même en premier lieu.


Mais Sade n'y voit qu'un renforcement de tout l'être, corps et esprit, amenant au façonnement d'un naturel plus puissant. A n’importe quel prix. Au prix de tous les crimes.

 

Pour Spinoza au contraire : « seule assurément une farouche et triste superstition interdit de prendre des plaisirs (...). Il est donc d'un homme sage d'user des choses et d'y prendre plaisir autant qu'on le peut (sans aller jusqu'au dégoût, ce qui n'est plus prendre plaisir). Il est d'un homme sage, dis-je, de faire servir à sa réfection et à la réparation de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en quantité modérée, comme aussi les parfums, l'agrément des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le corps, les spectacles et autres choses de même sorte dont chacun peut user sans dommage aucun pour autrui. Le corps humain en effet est composé d'un très grand nombre de parties de nature différente qui ont continuellement besoin d'une alimentation nouvelle et variée, pour que le corps entier soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature et que l'âme soit également apte à comprendre à la fois plusieurs choses. … un désir [et donc un plaisir] tirant son origine de la raison ne peut avoir d'excès » (Spinoza, Ethique 4)

 

Héritière d’Épicure, la philosophie de Spinoza s’écarte dans son développement sur la nature de l’optique sadienne car elle incorpore, comme chez Épicure une doctrine des plaisirs intimement liée à une éthique du vivre en commun.  

Doctrine de la passion maîtrisée par la connaissance de la nature, non par son assujettissement à elle. Doctrine de la passion comme émanation de la connaissance des déterminismes qui nous meuvent et non comme asservissement à ces déterminismes. 

 

Seule la raison, chez Spinoza, est source véritable d'action pour l'homme. La raison est une connaissance adéquate qui comprend la nécessité du monde et à ce titre, libère de la servitude de l'illusion et de l'imagination. 

La liberté a à voir avec la raison, c'est l'autonomie. Ce ne sont plus les choses extérieures qui nous poussent à agir mais, grâce à la compréhension de la nécessité qui imprègne le réel dans son ensemble, on désire librement les gestes que l'on pose effectivement. La libération est donc d'ordre entièrement mental.

À l'inverse de cette santé générale du corps dans sa totalité, qui est ce que la puissance du corps peut espérer de mieux pour s'épanouir, les plaisirs sexuels (Sade) sont l'image même de ce qui nous enchaîne au lieu de nous libérer, en particulier parce qu'ils ne concernent à chaque fois qu'une partie du corps et non son ensemble.    

  « Un désir, tirant son origine d'une joie ou d'une tristesse qui se rapporte à une seule des parties du corps, ou à quelques-unes, mais non à toutes, n'a point égard à l'utilité de l'homme entier ». Spinoza, Ethique 4.

dimanche 17 décembre 2023

Sujet du Merc. 20 Déc. 2023 : Le libre arbitre, mythe ou réalité

 

Le libre arbitre, mythe ou réalité

 

Le libre arbitre est un concept philosophique qui se réfère à la capacité d'un individu à prendre des décisions de manière autonome, indépendamment de toute contrainte extérieure ou de tout déterminisme préétabli. Il s'agit de la notion selon laquelle une personne a la liberté de choisir ses actions, ses pensées et ses comportements de manière consciente, sans être strictement déterminée par des facteurs tels que la génétique, l'environnement ou le destin.

Les discussions sur le libre arbitre sont au cœur de nombreux débats philosophiques, religieux et scientifiques. Certains philosophes considèrent que le libre arbitre est essentiel pour attribuer la responsabilité morale aux individus, car il suppose que les actions résultent d'un choix conscient. D'autres remettent en question l'existence du libre arbitre, soutenant que les actions humaines peuvent être influencées par des forces inconscientes ou des facteurs externes, remettant ainsi en cause la véritable autonomie des choix.

En philosophie, le débat entre le déterminisme (l'idée que chaque événement, y compris les actions humaines, est déterminé par des causes antérieures) et le libre arbitre persiste, et il existe diverses positions intermédiaires. Le sujet est complexe et peut également être abordé dans le contexte des sciences cognitives, de la psychologie et de la théologie, entre autres domaines

 

Baruch Spinoza,  a une perspective particulière sur la question du libre arbitre. Son œuvre majeure, "Éthique", contient sa pensée sur la nature humaine, la connaissance, et la relation entre Dieu et l'homme. En ce qui concerne le libre arbitre, la position de Spinoza peut être résumée comme suit :

Déterminisme causal :

Spinoza rejette l'idée d'un libre arbitre absolu où les individus auraient une volonté indépendante et non déterminée. Selon sa philosophie, tout événement, y compris les actions humaines, est soumis à des lois causales immuables. Il soutient que tout ce qui arrive a une cause, et rien n'arrive sans raison.

Liberté par la connaissance : Spinoza propose une conception particulière de la liberté. Selon lui, la véritable liberté réside dans la connaissance de la nécessité. Les êtres humains sont libres dans la mesure où ils comprennent les causes qui déterminent leurs actions. L'ignorance, selon Spinoza, est la véritable servitude, et la connaissance conduit à la libération.

Dieu et la nature : Spinoza identifie Dieu avec la nature et affirme que tout ce qui existe est une expression nécessaire de la nature divine. Ainsi, la liberté humaine réside dans l'acceptation et la compréhension de sa place dans l'ordre naturel et divin.

En résumé, Spinoza nie l'existence d'un libre arbitre au sens traditionnel et insiste sur la nécessité causale qui régit toutes les choses. La véritable liberté, selon lui, découle de la connaissance et de la compréhension de cette nécessité plutôt que de la prétendue indépendance de la volonté individuelle.

Il synthétise lui-même sa pensé dans la phrase suivante : « Nous nous croyons libre car nous ignorons les causes qui nous déterminent. »

Mais voilà, je me permettrais de prendre un exemple contemporain dans l’actualité pour se rapprocher de notre ressenti du libre arbitre en France.

« Un policier trainé au sol à Nantes : le chauffeur de la voiture volée condamné à 35 h de travaux d’intérêt général »

Le juge qui a prononcé cette peine doit être un adepte de la politique de l’excuse, qui consiste à inverser les causalités. Le chauffard n’est pas responsable, c’est une victime, c’est la faute de la société.

samedi 9 décembre 2023

Sujet du Merc. 13 Déc.. 2023 : Le jeunisme et le ludique, deux dogmes modernes ?

                               Le jeunisme et le ludique, deux dogmes modernes ?   

Comme nous le dit, notre Rastignac couronné par le suffrage universel " Enfin le Tragique s'invite dans notre Histoire". Alors parlons de Fêtes et et de jeunesse, ça nous détendra un peu.

Sans remonter à des siècles de références, depuis toujours la jeunesse et la fête ont été soit glorifiées, majoritairement, soit diabolisées. 

La fête, par un de ses aspects, le Carnaval, paisible, a pu aussi quelquefois "secouer" l'ordre social, et sombrer dans le bain de sang. Pour exemple, le Carnaval de Romans en 1580, verra les notables et les artisans passer de l'épée de bois, aux armes réelles, et se massacrer après 15 jours de fêtes danses, et théâtre. On relèvera des dizaines de cadavres. Sur cet épisode, oublié de nos jours, lire l'œuvre magistrale de Leroy- Ladurie  .Romans,7000 habitants en 1580,est une ville riche, au cœur d'une région ravagée par les Guerres de religion, dans un pays dirigé par une reine autoritaire et vieillissante, Catherine de Médicis ,et son fils, Henri III, faible et sans grandeur. Au cours du Carnaval, les artisans et paysans, accablés d'impôts, vont affronter les notables, dans une révolte qui va s'étendre jusqu'à Montélimar. Les notables et la bourgeoisie régionale triompheront, en assassinant le chef populaire, et allant jusqu'à exhumer son cadavre enterré, et le juger, pendu par les pieds.

 Au II me siècle avant l'ère chrétienne, une Bacchanale va dégénérer à un point tel, que le Sénat romain va procéder à des arrestations et des enquêtes. La fête est toujours un instant porteur de nombreuses interprétations. Elle peut inquiéter l'ordre établi, car elle le tourne en dérision, sous couvert de conciliation provisoire, et appelle à l’irrespect ; quelquefois première marche de la révolte. Ainsi, les images de l'effigie de notre Président de la République, pendu, lors d'une marche festive a choqué, d'autant plus qu'une parodie de Tribunal populaire avait auparavant procédé à cette "sentence "Mais n'étions-nous pas, déjà là, dans cette exécution fictive, au-delà de la "Fête"?. Mais plutôt dans la mise en scène d'une réelle volonté.

La fête peut aussi témoigner d'une volonté de prosélytisme (Marche des Fiertés, Gay Pride, Love parade, Fête de l'Huma….).De nos jours, l'identité sexuelle, semble rejoindre le social, en tant que revendication et même l'occulter, au nom de l'écrasement de la question sociale par l'affirmation identitaire et "sociétale" tout cela habilement orchestrée par l'Idéologie dominante. Pour preuve, la campagne actuelle qui s'affiche sur les panneaux publicitaires, dans Paris "Mon papa est gay et j'en suis fier "....A Montpellier, pas une Love Parade sans la présence de notre Maire, où d'une figure politique d'importance …Vous avez dit "récupération" ?....

En quoi, les choix géographiques de nos  pénétrations peuvent-ils devenir un sujet de "fierté"? En quoi, une forme de sexualité peut-elle faire l'objet d'un prosélytisme, là où l'on attendrait l'INTIME et un "OBSCUR OBJET DU DESIR?..comme aurait dit Bunuel….La question mérite d'être posée. 

Présenté comme un outil de subversion, le Ludique peut l'être aussi à des fins de soumission ou d'apaisement d'un ordre social inique.

Depuis des années, se multiplient les "piques nique citoyens", les "espaces festifs alternatifs" .Retardant par une volonté de créer des ponts entre les antagonismes, l'effondrement qui vient, et qui a commencé (10 millions de pauvres en France, un tiers de la population européenne).N'affrontons t on surtout pas le "vieux Monde", mais essayons de le contourner...…Stratégie dérisoire dans une société dominante ,qui depuis des décennies a intégré sa propre contestation, et mis en scène ses "rebelles "officiels.   
 Les "Gilets jaunes", avec rudesse ont rappelé les dures réalités de la lutte pour l'émancipation sociale. Le Pouvoir inquiet de ces fameux samedis marqués par la violence, y répondant par la force, et la ruse de la fameuse" parole libérée dans l'illusion d'un "Grand Débat", se serait très bien accommodé de Carnavals et de marches festives, peut être subversives, mais sûrement inoffensives.    
L'exécution fictive du "monarque républicain" renouant avec l'acte fondateur de notre Histoire moderne, la marche sur le "Palais" de l'Élysée, et sur l'Assemblée nationale, sauvagement réprimées, ont marqué la fin d'une séquence dans laquelle, des citoyens n'avaient plus "envie de rire". Même si la concentration de la haine sociale sur une personne, un nom, fait oublier que les forces en présence, les antagonismes de Classe, dépassent et de loin la réduction à un jeu de "pathos".
Depuis des années, très instrumentalisé, le Ludique a envahi l'espace de la contestation. Fin de l'"Internationale" chantée dans les cortèges syndicaux. Nous n'en sommes plus à ces cortèges graves et conscients des enjeux, comme en témoignent les documents photos du Passé ! Un temps oû les chefs du mouvement ouvrier mettaient un point d'orgueil à porter le costume, un temps où l'on montait à l'affrontement en cravate. Non pas comme une marque d'élégance, mais de gravité.       
Place à l'incontournable camion -sono, et au non moins incontournable Zebda, et ses "Motivés", balayant tout de la force de ses décibels, et transformant la gravité de l'engagement social, en un simple concert déambulant et gentiment contestataire. Il y a aussi l'omniprésente fanfare qui est là, qui plombe de son vacarme toute velléité de scander le supposé archaïsme des slogans de classe.

Qui oserait chanter l'"Internationale "ou les chants communards après U2 et Madonna ?....".Franchement, camarade, tu ne vas pas chanter le "Temps des cerises" et l'Internationale",  on est  au XXI siècle!....          
La Fête comme acte d'intégration à la Pensée dominante, est devenue un dogme. Fêtes des voisins, Fanfare de quartier, et autres, instrumentalisées par tout édile digne de ce nom, pullulent dans nos cités. Quand un Maire déclare face à des citoyens excédés par le désordre urbain" je ne veux pas d'une ville aseptisée", tout est dit de l'émergence du concept de décadence, en lieu et place du légitime souci de retisser un lien social convivial, respectueux de tous. Évidemment, inutile d'ajouter que ce Maire, comme le Directeur de l'Office HLM ne vivent jamais dans les lieux qu'ils glorifient, et que dans leurs banlieues cossues, la "mixité sociale" qu'ils prônent tant, inexistante, ainsi que le "vivre ensemble" n'affectent pas le calme et le niveau social de leur quartier.

Cela dans une ville où les canettes de bières, tiennent lieu de revêtement urbain et ou l'ivrognerie est célébrée,

 

. Une ville dont les arrêts de TRAM, célèbrent dans leurs panneaux publicitaires, l'ode à l'alcool.

De plus en plus, la "Fête" est institutionnalisée par les municipalités, à défaut de rétablir les combats de gladiateurs, aujourd'hui les "mises à morts "symboliques sont ailleurs, se faisant sur le Net, Facebook et autres. Mais le "pain et les jeux " de la Rome antique y est. Cela n'est pas nouveau, chacun a connu la fête de village dans laquelle l'ivrognerie sacralisée par Ricard et son club Taurin était la valeur. Couronnée par dans les années 70 ,la traditionnelle "ratonnade". 

 

 Mais le phénomène apparait de plus en plus prégnant. Dans une société mondialisée, et en perte de repères, la fête peut être aussi un marqueur identitaire très fort.         
Autrefois, se jeter contre un mur avec un vélo, nous aurait fait apparaitre pour un parfait abruti. De nos jours, cela s'appelle le FISE, et a rendu richissime son créateur. De nos jours le mot "CONCEPT", nous lave de tout soupçon de connerie, et permet d'intégrer le consternant dans le champ de la Philosophie. De nos jours, tout est concept, du Matérialisme d'Héraclite, du Thomisme, à l'emballage biodégradable du Kebab. Aujourd'hui, le pressing "responsable"(?),au bout de ma rue est devenu un "concept".    
Comment écrire sur la "fête" sans parler de la jeunesse,  ?…..Détruire l'esprit critique dans la jeunesse, est une des fonctions de tout pouvoir, déjà, il y a 25 siècles, par l'empoisonnement du Philosophe, aujourd'hui,  par la réduction de l'étude de la Philosophie à une portion congrue, par l'incitation au consumérisme. (Nous avons vu apparaitre dans certaines grandes surfaces, les caddies pour enfants), par l'éloge de l'alcool s'étalant sur de somptueuses affiches et arrêts de Tram. A Montpellier, les "assommoirs "se multiplient, dans lesquels à travers les "Afters " les " Before" et autres, toute une jeunesse célèbre le culte d'un Dionysos, qui a très bien résisté à la chute de l'Olympe. Un "Dionysos" qui s'est adapté : comment se dit" rouler un joint en grec classique ?"     
Mais, ne gardons pas de nos "successeurs" et enfants, uniquement l'image d'adolescents titubants ou hystériques.
Une diabolisation commune de l'Ancien Monde, celui des droits et de sa vision progressiste (les droits sociaux sont devenus des "privilèges"), sont les marques d'une jeunesse symbolisée au plus haut sommet du Pouvoir.
Il y a loin pourtant du symbole à la réalité d'un chômage qui ravage ceux nés dans les années 95. Ajoutons qu'il n'y pas de sentiment d'appartenance à une génération, sans le langage qui convient. Mais sous le masque de l'entreprise devenue" Start Up",du grand patron devenu "manager", d'un Président qui "tombe "la veste", de la clientèle, devenue "communauté", et d'un jeunisme devenu un dogme, une autre réalité sommeille. Celle d'un monde où les "pauvres" et les "riches" ont laissé la place aux "faibles" et aux "forts"....Une conversion biologique  beaucoup plus sommaire et pratique que l'ingestion de l'étude du Matérialisme historique. La dévalorisation et l'éloignement du Paradis, ont même privé les "pauvres" de l'illusion d'une souffrance récompensée post-mortem...     
En dehors de son aspect polémique, ce petit texte n'a d'autre but que de faire appel à la Philosophie pour clarifier ce champ où s'oppose une Modernité profondément réactionnaire, dans ses fondements idéologiques, à un Passé qui fut ancré dans l'idée de Progrès social.            
Il ne s'agit pas non plus, d'une mise en accusation de la jeunesse, mais de ce que l'on en a fait, et de ceux qui en manipulent le fil. Les valeurs supposées de la jeunesse, peuvent parfois et sournoisement sommeiller dans l'antre des Anti-Lumières.

A jp

" Ce qui me rend optimiste, c'est que l'histoire que nous vivons redevient tragique. L'Europe ne sera plus protégée comme elle l'a été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce vieux continent de petits-bourgeois se sentant à l'abri dans le confort matériel entre dans une nouvelle aventure OU LE TRAGIQUE S'INVITE"... Emmanuel Macron

 (Nouvelle Revue française (NRF) no 630, mai 2018)

Depuis 2018, le Covid, les Gilets Jaunes et Poutine, et les 10 millions de pauvres, ont comblé ses vœux et cette aspiration au tragique

vendredi 1 décembre 2023

Sujet du 06 Dec. 2023 : "La seule réalisation impérissable du travail et de l'énergie humaine, c'est l'art" A. Hitler

 

  "La seule réalisation impérissable du travail et de l'énergie humaine,
c'est l'art"  A. Hitler

Extrait de « Ma doctrine » une sorte de synthèse de Mein Kampf, cette courte phrase ne nous semble-t-elle pas est frappée du sceau du bon sens ?  Des temples grecs en passant par les vitraux des cathédrales, ou les œuvres littéraires et picturales, que reste-t-il au fond de ces générations qui nous ont précédé ?

Mais « le travail et l’énergie humaine » produisent ils seulement l’art ? « Seule réalisation impérissable » insiste A. Hitler.

A ce compte là l’évolution des langages, des sciences, des connaissances en général, d’où cela vient-il ? Ce qui ne périt pas est un processus vital et l’évolution de l’humanité est l’exemple même d’un long et complexe processus dans laquelle nature et culture s’entrechoquent en permanence.

Il y a quelque chose de pathétique derrière cette phrase lorsqu’on la considère au regard de l’histoire de ce que fut le nazisme. Pathétique cette idée de « l’impérissable », de l’éternel en somme venant d’un personnage qui rêvait pour lui et « son » peuple d’un Reich millénaire.

Pathétique mais aussi, philosophiquement parlant, profondément idéaliste et métaphysique. Il n’y a rien d’absolu, de définitif, d’éternel nous disent les philosophes de la nature et de l’homme. Comment l’art, comme forme particulière d’expression des sentiments et/ou de la réalité, échapperait-il à ces principes basiques ?

Et puis lorsque nous considérons ce que nous appelons des œuvres d’art, de quoi parle-t-on ? Un temple grec peut nous émouvoir, ses proportions nous toucher, mais lors de son édification c’était un édifice religieux, construit par et pour un monarque. Il avait une fonction sociale. Même démarche pour les cathédrales européennes ou les pyramides égyptiennes. Plus tard quand des peintres, des musiciens, des dramaturges vont produire des œuvres il faudra que celles-ci soient financées par les puissants, reçoivent l’accord des autorités religieuses. L’art doit correspondre à une commande. L’art n’existe pas dans les nuages éthérés de « l’art en soi », il est relatif à une époque et s’il suscite encore quelque émotion aujourd’hui on peut se poser la question de savoir –au fond – si nous avons vraiment changé d’époque, c'est-à-dire d’environnement idéologique.  
L’époque moderne, industrielle, a déchiré les voiles sacrés qui entouraient l’art. Tout s’achète, se vend, à sa côte. Picasso, Soulages, Rodin, Boulez … ont un prix.

Ce qui hier chez les grecs ou les chrétiens était masqué par la religion et l’illusion se révèle à nous et ce qui devient « impérissable » c’est le subterfuge qui consiste à nous faire croire que l’art serait « ailleurs », doté d’un statut particulier.

Mais qu’on nous entende bien, nous ne disons pas que l’art ne tende pas, ou ne puisse pas tendre vers une sorte d’universel, nous disons simplement que lorsque nous parlons d’universel il serait souhaitable d’envisager la possibilité que nous ne soyons que dans la contingence, le « relatif à… ». Nous disons donc qu’il faut aborder cette question là avec l’outil philosophique le plus affuté.

Et parmi les critères dont nous pourrions armer notre critique, on pourrait par exemple se demander ce que suscite en nous la vision d’une statuette représentant un cochon en Papouasie Nouvelle Guinée, ou quelque tatouage sur le visage d’un danseur Dogon. Inversement nous pourrions nous demander si la Joconde sourit aussi aux Dogons, aux Bushmen ou aux esquimaux.

Dans nos réflexions sur l’art, pourquoi devrions nous abolir notre esprit critique ?  Pourquoi ne pas soumettre notre rapport à cette activité particulière de l’homme aux outils classiques de la philosophie : observation, démonstration ?

Y aurait-il un champ particulier de l’activité humaine qui serait intouchable ?

Rappelons-nous aussi que derrière cette phrase d’A. Hitler, charmeuse et qui nous semble couler de source, il y a la condamnation impitoyable de ce que les nazis appelèrent « l’art dégénéré », et la glorification de « l’élite » :

« Tout ce que nous admirons aujourd’hui sur cette terre - science et art, technique et inventions - est le produit de l’activité créatrice de peuples peu nombreux et peut-être, primitivement, d’une seule race.

Tout ce que nous avons aujourd’hui devant nous de civilisation humaine, de produits de l’art, de la science et de la technique est presque exclusivement le fruit de l’activité créatrice des Aryens. Ce fait permet de conclure par réciproque, et non sans raison, qu’ils ont été seuls les fondateurs d’une humanité supérieure et, par suite, qu’ils représentent le type primitif de ce que nous entendons sous le nom d’"homme". »  A. Hitler – Mein Kampf 

« le vrai génie est inné ; il n’est jamais le fruit de l’éducation ou de l’étude »(Idem)

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