" Victimes
innocentes? victimes coupables?"
Lorsqu’un événement terroriste se produit, et que les victimes
se comptent, quelquefois par dizaines, le mot innocent revient dans le langage
médiatique et populaire. Innocent, le mot est justifié...que faisaient-elles,
si ce n'est d'être au mauvais endroit et au mauvais moment. De plus le
Terrorisme nous plonge dans une question rudimentaire "cela aurait pu être
nous, ou nos proches"?
Le terrorisme est condamnable; alors que la Guerre, elle, peut
recevoir l'approbation : la Guerre a cette vertu, que, bien qu'étant un
assassinat de masse, elle nous amène à distinguer les "coupables "des
"innocents". La Guerre de l" autre" ne peut faire que des
"victimes innocentes", puisque que l'Autre est notre ennemi, et que
les victimes étaient dans notre camp.
A l'inverse, nos propres bombes ne peuvent que produire des victimes
"coupables".....souvent "coupables de quoi?".....La réponse
est quelquefois limpide (Bombardements sur l'Allemagne), à condition d'admettre
que les enfants de Dresde, de Berlin, de Cologne étaient des complices du
Nazisme. Ou de considérer que les enfants peuvent constituer des "dégâts
collatéraux», et d'affirmer que au nom d'un idéal humaniste (une Europe libérée
du Totalitarisme et de la Barbarie), l’Homme peut être une Fin, mais aussi un
Moyen. Poser l'Homme comme un "moyen "sera toujours un échec de la
Philosophie.
Pour ceux qui ont eu, de par leur âge, la possibilité de
connaître des anciens résistants et maquisards, très présents dans nos Cévennes
et Languedoc, aucun ne s'était senti grandi d'avoir tué, aucun ne se sentait
glorifié...l'un d'entre eux, malgré sa médaille, m'avait confié son
"dégout", d'avoir tué, alors qu'il avait 20 ans.. Ils avaient
simplement le sentiment d'"avoir- fait- ce -qu'il- fallait". Le
retour à l'anonymat a d'ailleurs été un signe. Qui, de nos jours, et notamment
dans la jeunesse, est capable de citer le nom d'un grand résistant régional? et
ne parlons pas des femmes, qui ont payé leur tribut, et totalement oublié.
Tous ces gens, ces héros, bien qu'ayant fait des "victimes
coupables", savaient que au-delà de la culpabilité de leurs victimes, à
savoir leur engagement au service d'une cause monstrueuse, faisaient
partie toute de même de la condition humaine.
En quoi, suis-je un citoyen "innocent" ou
"coupable" et par là même, une potentielle "victime innocente ou
coupable?".....Lorsque que, au nom, d'une géostratégie criminelle et
hasardeuse, des missiles vendus par mon pays ,détruisent un village yéménite ou
autre, le survivant de ce massacre, enterrant ses proches, n'est-il pas tenu de
me considérer comme un "ennemi objectif"?.....
Mon indifférence, et pour certains leur caution, fait-elle de
nous, des "coupables"?
Le fait d'appartenir à la patrie des Droits de l'Homme, de
Montesquieu et tant d’autres, fait-il que le sang de l'autre est, au prix d'une
"juste "guerre, un sang coupable?
Dans un monde où, partout l'initiative diplomatique recule au
profit de la force, et des lobbies de l'Armement, dans un monde où les Chefs
d'état et les Ministres de la Défense des grands Etats, sont des marchands
d’armes, la question, non pas de notre culpabilité, mais de notre
responsabilité individuelle, mérite d'être posée.
Le but de ma question est, évidemment, non pas de justifier un
terrorisme inacceptable, mais de réfléchir sur ce "tri", inacceptable
aussi pour le philosophe .Imaginons l'Histoire humaine comme un champ de
bataille, que chacun parcourt, en retournant les cadavres, et les identifier
avant de s'affliger ou....jubiler!.
Pouvons-nous accepter cela comme signe d'une avancée de la
condition humaine?