lundi 17 juin 2024

Sujet du Mercredi 19/06/2024 : QU’EST-CE QUI COMPTE LE PLUS ?

 

                                      QU’EST-CE QUI COMPTE LE PLUS ?

Il peut être difficile de répondre à cette question. Sans doute parce que nous sommes souvent noyés d’informations sommaires ou fausses, ou pointant vers de multiples sujets anodins, doctrines infantilisantes et théories erronées. Cela s’appelle l’aliénation et empêche de voir ce qui compte le plus.

 

L’intitulé peut signifier au moins trois choses. Tout d’abord, on peut considérer que ce qui compte le plus « ce sont mes intérêts personnels ». Parce que « je le vaux bien, quand même, moi ! », disent les Narcisse actuels. Par ailleurs ce sont les banques, fonds de placement, les compagnies d’assurances et leurs affidés qui comptent sans cesse, jour et nuit, partout dans le monde. Ils calculent bilans et ratios, comparent des valeurs monétaires. Parmi celles-ci il y a surtout celles qui graduent les vies humaines. Pour ces entités privées à but lucratif toutes les vies ne sont pas égales. De plus, différents membres et organes humains ne s’échelonnent-ils pas sur de vastes échelles de ratios monétaires ?

 

Enfin, en premier lieu et au-delà de ces ratios abstraits, il y a deux critères de ce qui compte réellement le plus. N’est-ce pas la vie en soi ? Toute vie humaine ? C’est la valeur première. Ou presque car, par-dessus les vies particulières, compte plus encore la perpétuation darwinienne de l’espèce par sélection et conservation. Là on voit que le sujet est majeur. Aussi allons-nous montrer que, contrairement à la doxa partout promue par les instances de pouvoir, la vie de la majorité des hommes sur terre se dégrade.

Au sein de toute vie d’homme, qu’est-ce qui compte avant tout ? C’est simple. Ce sont la santé (« Tiens, comment vas-tu ? »), la sécurité (« On t’a attaqué ? »), l’alimentation (« As-tu soif ? Tu as mangé ? »), un vêtement pour le corps et un abri pour la nuit (« Tu crèches où ? »), disait Epicure à chacun. Et pour vivre et survivre en exerçant, en connaissance de cause, une part de liberté humaine (Spinoza), ne faut-il pas tout un tissu de relations avec d’autres vies humaines et avec le milieu qu’elles construisent dans le cadre vivant et inanimé qui les soutient.

 

C’est ainsi que nous nous construisons mutuellement les uns les autres dans un processus dialectique en tant qu’êtres humains, que sinon nous ne pourrions jamais devenir. Entre nous, nous édifions des relations, des ratios concrets. Se constitue ainsi une société nécessairement faite de relations. « L’homme est un animal politique » et donc social (Aristote).

 

Le mode de société préhistorique nomade est largement égalitaire, libre et pacifique, évoluant dans la prédation mesurée du milieu. Par contre l’avènement du mode sédentaire de la mise en valeur par exploitation du milieu naturel crée des stocks de surplus qui sont capitalisés. La préservation de ce capital – nécessairement privé comme représentation du travail d’un groupe particulier et non de tous, qui dès lors deviennent des prédateurs -- requiert propriété privée, gens d’armes et spécialisation d’activités. Il s’en suit une hiérarchisation sociale et une accumulation du capital et du pouvoir par un nombre toujours plus restreints d’individus. C’est la définition du capitalisme.

Cette concentration sans fin conduit à une liberté d’agir toujours plus grande pour les plus forts et, pour les autres, une privation de liberté et à terme leur exploitation-exténuation ainsi que celle de la nature. Aujourd’hui n’approchons-nous pas de la fin de ce processus ? L’existence même, la pérennité de la vie, ce qui effectivement compte le plus sur terre disparaît tendanciellement à un rythme accéléré au profit d’artefacts de pseudo richesses. Car en effet « Il n’y a de richesse que d’homme » disait Jean Bodin, un philosophe de la Renaissance.

 

C’est ce qu’un capitaliste de la fin du 19e siècle traduisait par « Il faut prendre l’argent où il est, chez les pauvres. ». Ils en ont peu chacun mais, ensemble, ça fait vraiment beaucoup d’argent. Dès lors prodiguons leur le strict minimum (expérimenté dans les camps de travail nazis) pour en extraire au débours le plus bas, tel d’une mine d’or, le minerai humain, la plus-value de leur activité (K. Marx).

 

Dès lors bien sûr « Que périssent les faibles ! » dont la plus-value est inférieure au coût net de leur maintien en vie. Ici les Bill Gates et autres gestionnaires ne rejoignent-ils pas l’assertion prédictive de Nietzsche ?  Et pour que la chose paraisse aussi naturelle que bénigne – sans devoir recourir à la guerre ou à une pandémie planifiées –  un conditionnement-aliénation général ne serait-il pas utile ? Le préparerait-on par une indigence réflexive et un affaissement mental préalablement obtenus par la transformation de l’Enseignement en « Fabrique du crétin » (J.-P. Brighelli) ?

Ne prendrait-on pas alors la précaution de conserver des échantillons de « naturels » vigoureux dans des réserves génétiques ou « zoos humains » (« Le marché de la détresse » d’Emil Georg en 1998) comme pure application du précepte heideggérien de l’« animal laborans » ? Une traduction déguisée de ce projet en un programme édifiant, mais trompeur et fallacieux, avait suivi deux ans plus tard en 2000. Ce fut le rapport de l’ONU intitulé « Objectifs du millénaire pour le développement » mondial.

Pendant des décennies auparavant, les progrès du néolibéralisme partout dans le monde n’en ont-ils pas été les prémices ? Ne constatons-nous pas une profonde aliénation généralisée ? Ne nous serine-t-on pas encore et encore -- avec l’intention d’anesthésier plus sûrement les consciences et contre toute évidence crevant les yeux – l’édifiante litanie de la déliquescence humaine et de la pauvreté reculant partout dans le monde ? Et celle des inégalités qui s’estompent ? En attestent les rapports d’avancement annuels vers ces objectifs rendus publics, les « World Developement Report » de la Banque mondiale et les « Rapport du Conseil » de la FAO (agence de l’ONU pour l’alimentation dans le monde).

 

En voici une réfutation argumentée en quatre points fondés sur des faits avérés et repris dans des audits secrets réservés aux plus hautes instances de pouvoir.

 

-  Avant tout, n’est-il pas implicitement admis dans ces rapports publics que le référent général est la civilisation et le mode de société des Etats unis ? Oui. D’emblée les normes d’évaluation s’y réfèrent. C’est l’usage de l’unité de compte « US dollar » (ce qui est loin d’être anodin) et celui du mode de consommation étatsunien. Ce dernier est pourtant sans commune mesure avec celui de la toute grande majorité de la population mondiale qui vit dans le dénuement. Cela ne discrédite-t-il pas d’office toutes ces normes et les conclusions qu’on en a tirées ? Dès lors « Rendez à César ce qui appartient à César ». Ou alors soyez son obligé.

 

-  Ensuite, et là je l’atteste personnellement pour les avoir pratiqués pendant plus de vingt ans, que les audits des institutions financières internationales (restés secrets pour des raisons de géostratégie et d’économie mondiale) montrent que la définition même des concepts et critères de mesure ainsi que les méthodologies utilisées tentent de faire passer un indicateur partiel pour une réalité générale. Tout d’abord, les normes utilisées ignorent que les dépenses des démunis sont majoritairement alimentaires et que leur coût est primordial pour eux. Ceci alors même que ce coût dépend de multinationales de trading telles que Cargill, Nestlé ou Dreyfus. En outre, ces normes n’excluent-elles pas des dépenses indispensables à la survie comme l’habillement, le logement, l’adduction et l’assainissement de l’eau, les soins de santé et les moyens de transport ? Et pourtant ces dépenses sont, au-delà de la nourriture, prépondérantes chez les pauvres, plus particulièrement dans une économie monde néolibérale.

 

-  Il n’est donc pas anodin d’ignorer les effets délétères sur les conditions de la vie humaine sur terre de la propagation d’un mode de gestion du monde propre à des Anglo-saxons blancs de sexe masculin, protestants, xénophobes et spoliateurs des milieux de vie, les WASP (Anglo-saxons blancs et protestants). L’évidence est pourtant patente. Imposer les critères d’une ethnie, d’un sexe, d’une religion, d’une culture et d’une prédation sans fin de la nature et des hommes est un biais majeur. Cela détériore les fondements de la vie d’un nombre et d’une proportion rapidement grandissants d’humains sur terre. Sont concernés en quantité et qualité : alimentation, eau, air, logement, soins de santé, liens social et culturel, traditions, endettement sans fin, tourisme destructeur de conditions de vie locale. S’y ajoute la déliquescence de la sécurité sociale, de l’emploi et du travail. Nier ces faits en les passant sous silence dans les critères d’évaluation est une imposture d’un grand cynisme des instances de décision mondiales.

 

-  Au-delà de ce constat, les audits posent la question de la mesure dans laquelle tant l’éventail des données que leur qualité représentent fidèlement la réalité. Les audits montrent qu’il suffit de changer en cours de route la définition des critères utilisés ou d’astucieusement choisir les points initial et final des comparaisons statistiques pour aboutir à des conclusions conformes aux objectifs initialement choisis. Aussi ces audits montrent-ils comment des biais systématiques de résultats, subrepticement trafiqués et joints à d’habiles argumentations sophistiques, rejoignent voire dépassent les pronostics les plus optimistes des objectifs assignés. Les immenses progrès des technologies de data ne peuvent dissimuler les sophismes et les impostures d’un tel travestissement de la réalité conduisant, en outre, à un fallacieux conditionnement de masse généralisé. Ce que croit presque tout le monde serait ainsi erroné ..?

 

Mais cela serait peu si les conséquences pour les plus faibles n’étaient pas terrifiantes. C’est l’exploitation voire même à terme la destruction sans bornes de la nature et de la vie humaine sur terre. Et cela alors même qu’on vient de montrer que c’est justement cela « qui compte le plus »…

 

Les enseignements à tirer pour l’action sont laissés à notre sagacité. Mais pour commencer ne se doit-on pas de n’être pas dupe des proclamations des « hautes instances » relayées ad nauseam par les universités, les clercs et les médias qu’elles stipendient ? Ne peut-on pas pour le moins éviter d’être manipulé et de devenir aliéné au point d’ânonner des crédos vissés sous nos crânes qui animent nos pulsions ?

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