QU’EST-CE
QUI COMPTE LE PLUS ?
Il peut être difficile de répondre à cette
question. Sans doute parce que nous sommes souvent noyés d’informations
sommaires ou fausses, ou pointant vers de multiples sujets anodins, doctrines
infantilisantes et théories erronées. Cela s’appelle l’aliénation et empêche de
voir ce qui compte le plus.
L’intitulé peut signifier au moins trois
choses. Tout d’abord, on peut considérer que ce qui compte le plus « ce
sont mes intérêts personnels ». Parce que « je le vaux bien, quand
même, moi ! », disent les Narcisse actuels. Par ailleurs ce sont les
banques, fonds de placement, les compagnies d’assurances et leurs affidés qui
comptent sans cesse, jour et nuit, partout dans le monde. Ils calculent bilans
et ratios, comparent des valeurs monétaires. Parmi celles-ci il y a surtout celles
qui graduent les vies humaines. Pour ces entités privées à but lucratif toutes
les vies ne sont pas égales. De plus, différents membres et organes humains ne
s’échelonnent-ils pas sur de vastes échelles de ratios monétaires ?
Enfin, en premier lieu et au-delà de ces
ratios abstraits, il y a deux critères de ce qui compte réellement le plus.
N’est-ce pas la vie en soi ? Toute vie humaine ? C’est la valeur
première. Ou presque car, par-dessus les vies particulières, compte plus encore
la perpétuation darwinienne de l’espèce par sélection et conservation. Là on
voit que le sujet est majeur. Aussi allons-nous montrer que, contrairement à la
doxa partout promue par les instances de pouvoir, la vie de la majorité des hommes
sur terre se dégrade.
Au sein de toute vie d’homme, qu’est-ce
qui compte avant tout ? C’est simple. Ce sont la santé (« Tiens,
comment vas-tu ? »), la sécurité (« On t’a attaqué ? »),
l’alimentation (« As-tu soif ? Tu as mangé ? »), un vêtement
pour le corps et un abri pour la nuit (« Tu crèches où ? »),
disait Epicure à chacun. Et pour vivre et survivre en exerçant, en connaissance
de cause, une part de liberté humaine (Spinoza), ne faut-il pas tout un tissu
de relations avec d’autres vies humaines et avec le milieu qu’elles construisent
dans le cadre vivant et inanimé qui les soutient.
C’est ainsi que nous nous construisons
mutuellement les uns les autres dans un processus dialectique en tant qu’êtres
humains, que sinon nous ne pourrions jamais devenir. Entre nous, nous édifions
des relations, des ratios concrets. Se constitue ainsi une société
nécessairement faite de relations. « L’homme est un animal
politique » et donc social (Aristote).
Le mode de société préhistorique nomade
est largement égalitaire, libre et pacifique, évoluant dans la prédation
mesurée du milieu. Par contre l’avènement du mode sédentaire de la mise en
valeur par exploitation du milieu naturel crée des stocks de surplus qui sont
capitalisés. La préservation de ce capital – nécessairement privé comme
représentation du travail d’un groupe particulier et non de tous, qui dès lors
deviennent des prédateurs -- requiert propriété privée, gens d’armes et
spécialisation d’activités. Il s’en suit une hiérarchisation sociale et une
accumulation du capital et du pouvoir par un nombre toujours plus restreints
d’individus. C’est la définition du capitalisme.
Cette concentration sans fin conduit à une
liberté d’agir toujours plus grande pour les plus forts et, pour les autres,
une privation de liberté et à terme leur exploitation-exténuation ainsi que
celle de la nature. Aujourd’hui n’approchons-nous pas de la fin de ce
processus ? L’existence même, la pérennité de la vie, ce qui effectivement
compte le plus sur terre disparaît tendanciellement à un rythme accéléré au
profit d’artefacts de pseudo richesses. Car en effet « Il n’y a de
richesse que d’homme » disait Jean Bodin, un philosophe de la Renaissance.
C’est ce qu’un capitaliste de la fin du 19e
siècle traduisait par « Il faut prendre l’argent où il est, chez les
pauvres. ». Ils en ont peu chacun mais, ensemble, ça fait vraiment
beaucoup d’argent. Dès lors prodiguons leur le strict minimum (expérimenté dans
les camps de travail nazis) pour en extraire au débours le plus bas, tel d’une
mine d’or, le minerai humain, la plus-value de leur activité (K. Marx).
Dès lors bien sûr « Que périssent les
faibles ! » dont la plus-value est inférieure au coût net de leur
maintien en vie. Ici les Bill Gates et autres gestionnaires ne rejoignent-ils
pas l’assertion prédictive de Nietzsche ?
Et pour que la chose paraisse aussi naturelle que bénigne – sans devoir
recourir à la guerre ou à une pandémie planifiées – un conditionnement-aliénation général ne
serait-il pas utile ? Le préparerait-on par une indigence réflexive et un
affaissement mental préalablement obtenus par la transformation de
l’Enseignement en « Fabrique du crétin » (J.-P. Brighelli) ?
Ne prendrait-on pas alors la précaution de
conserver des échantillons de « naturels » vigoureux dans des
réserves génétiques ou « zoos humains » (« Le marché de la
détresse » d’Emil Georg en 1998) comme pure application du précepte
heideggérien de l’« animal laborans » ? Une traduction
déguisée de ce projet en un programme édifiant, mais trompeur et fallacieux,
avait suivi deux ans plus tard en 2000. Ce fut le rapport de l’ONU intitulé
« Objectifs du millénaire pour le développement » mondial.
Pendant des décennies auparavant, les
progrès du néolibéralisme partout dans le monde n’en ont-ils pas été les
prémices ? Ne constatons-nous pas une profonde aliénation
généralisée ? Ne nous serine-t-on pas encore et encore -- avec l’intention
d’anesthésier plus sûrement les consciences et contre toute évidence crevant
les yeux – l’édifiante litanie de la déliquescence humaine et de la pauvreté reculant
partout dans le monde ? Et celle des inégalités qui s’estompent ? En
attestent les rapports d’avancement annuels vers ces objectifs rendus publics,
les « World Developement Report » de la Banque mondiale et les
« Rapport du Conseil » de la FAO (agence de l’ONU pour l’alimentation
dans le monde).
En voici une réfutation argumentée en
quatre points fondés sur des faits avérés et repris dans des audits secrets
réservés aux plus hautes instances de pouvoir.
-
Avant tout, n’est-il pas implicitement admis dans ces rapports publics
que le référent général est la civilisation et le mode de société des Etats
unis ? Oui. D’emblée les normes d’évaluation s’y réfèrent. C’est l’usage
de l’unité de compte « US dollar » (ce qui est loin d’être anodin) et
celui du mode de consommation étatsunien. Ce dernier est pourtant sans commune
mesure avec celui de la toute grande majorité de la population mondiale qui vit
dans le dénuement. Cela ne discrédite-t-il pas d’office toutes ces normes et
les conclusions qu’on en a tirées ? Dès lors « Rendez à César ce qui
appartient à César ». Ou alors soyez son obligé.
-
Ensuite, et là je l’atteste personnellement pour les avoir pratiqués
pendant plus de vingt ans, que les audits des institutions financières
internationales (restés secrets pour des raisons de géostratégie et d’économie
mondiale) montrent que la définition même des concepts et critères de mesure
ainsi que les méthodologies utilisées tentent de faire passer un indicateur
partiel pour une réalité générale. Tout d’abord, les normes utilisées ignorent
que les dépenses des démunis sont majoritairement alimentaires et que leur coût
est primordial pour eux. Ceci alors même que ce coût dépend de multinationales
de trading telles que Cargill, Nestlé ou Dreyfus. En outre, ces normes
n’excluent-elles pas des dépenses indispensables à la survie comme
l’habillement, le logement, l’adduction et l’assainissement de l’eau, les soins
de santé et les moyens de transport ? Et pourtant ces dépenses sont,
au-delà de la nourriture, prépondérantes chez les pauvres, plus
particulièrement dans une économie monde néolibérale.
- Il
n’est donc pas anodin d’ignorer les effets délétères sur les conditions de la
vie humaine sur terre de la propagation d’un mode de gestion du monde propre à
des Anglo-saxons blancs de sexe masculin, protestants, xénophobes et
spoliateurs des milieux de vie, les WASP (Anglo-saxons blancs et protestants).
L’évidence est pourtant patente. Imposer les critères d’une ethnie, d’un sexe,
d’une religion, d’une culture et d’une prédation sans fin de la nature et des
hommes est un biais majeur. Cela détériore les fondements de la vie d’un nombre
et d’une proportion rapidement grandissants d’humains sur terre. Sont concernés
en quantité et qualité : alimentation, eau, air, logement, soins de santé,
liens social et culturel, traditions, endettement sans fin, tourisme
destructeur de conditions de vie locale. S’y ajoute la déliquescence de la
sécurité sociale, de l’emploi et du travail. Nier ces faits en les passant sous
silence dans les critères d’évaluation est une imposture d’un grand cynisme des
instances de décision mondiales.
-
Au-delà de ce constat, les audits posent la question de la mesure dans
laquelle tant l’éventail des données que leur qualité représentent fidèlement
la réalité. Les audits montrent qu’il suffit de changer en cours de route la
définition des critères utilisés ou d’astucieusement choisir les points initial
et final des comparaisons statistiques pour aboutir à des conclusions conformes
aux objectifs initialement choisis. Aussi ces audits montrent-ils comment des
biais systématiques de résultats, subrepticement trafiqués et joints à
d’habiles argumentations sophistiques, rejoignent voire dépassent les
pronostics les plus optimistes des objectifs assignés. Les immenses progrès des
technologies de data ne peuvent dissimuler les sophismes et les impostures d’un
tel travestissement de la réalité conduisant, en outre, à un fallacieux
conditionnement de masse généralisé. Ce que croit presque tout le monde serait
ainsi erroné ..?
Mais cela serait peu si les conséquences
pour les plus faibles n’étaient pas terrifiantes. C’est l’exploitation voire
même à terme la destruction sans bornes de la nature et de la vie humaine sur
terre. Et cela alors même qu’on vient de montrer que c’est justement cela
« qui compte le plus »…
Les enseignements à tirer pour l’action
sont laissés à notre sagacité. Mais pour commencer ne se doit-on pas de n’être
pas dupe des proclamations des « hautes instances » relayées ad
nauseam par les universités, les clercs et les médias qu’elles
stipendient ? Ne peut-on pas pour le moins éviter d’être manipulé et de
devenir aliéné au point d’ânonner des crédos vissés sous nos crânes qui
animent nos pulsions ?
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