lundi 8 août 2022

Sujet du Mercredi 10 aout 2022 : SOCRATE a-t-il menti ?

 

SOCRATE a-t-il menti ?

Nous ne connaissons de Socrate presque exclusivement que ce qu’en dit Platon. Il devait harceler les autres, les inciter au dialogue parce qu’il était contraint par un oracle qui faisait de lui « le plus sage des grecs » (Apologie de Socrate).

Pour savoir d’où lui venait cet honneur il se mit donc de poser des questions pour savoir ce qu’il avait de plus que les autres.

Au final il se rendit compte (nous dit Platon) c’est que la seule chose qui le distinguait des autres c'était son absence d'illusion quant à son propre savoir. Ce n'était pas un plus, c'était un moins : il avait moins d’illusions que les autres sur ce qu'il croyait savoir, puisque, précisément, il n'était sûr de rien, tandis que les autre croyaient, sur un sujet, sur un domaine, sur un point de droit, de morale, de politique, ou de religion, savoir quelque chose.

Mais c’est là la version de Platon !

 

S'il faut en croire Xénophon, Socrate était avant tout moralisateur. Peu porté à la rhétorique, il se plaisait à déceler le juste et l'injuste dans les actions dont il était le témoin. Si bien qu’on prit l’habitude de lui soumettre des   cas « difficiles », Souvent invité aux banquets des riches, il savait faire preuve de modération, tant sur les mots que sur la boisson. Encore fallait-il ne pas le provoquer, car, alors, il se révélait redoutable - sur un terrain comme sur l'autre. Jamais ivre, toujours maître de lui aussi bien en paroles qu'en actes, c'est surtout par son mode de vie que Socrate était remarquable.

Selon Xénophon, Socrate vivait pour le « bien » donnant le premier l’exemple de ce qu'était la vie d’un juste. C'était, en outre, le seul moyen de faire renaître pour de bon  dans la cité le goût de la vertu si souvent bafouée.

Mais voici qu’intervient Aristophane, Et là Socrate nous est dépeint sous un tout autre jour.

 

Aristophane ( Les Nuées) reproche à Socrate des faits graves: il s'agit ni plus ni moins de la cohésion interne de la cité et de la permanence de sa protection par les dieux. Selon Aristophane, Socrate méritait l'opprobre parce qu'il enseignait l'art de ne pas tenir ses engagements. Grâce à des raisonnements ad hoc, on pouvait apprendre à faire passer le noir pour du blanc, à neutraliser toute affirmation et à faire naître à volonté l'incertitude, ce qui à l'occasion procurait notamment l'avantage de débouter ses créanciers le jour venu et, par conséquent, de ne jamais payer ses dettes lors qu’on en faisait de nouvelles.

Accusation redoutable! Car, si de tels actes se multiplient, la confiance disparaît entre citoyens, entre générations, entre hommes et dieux.

Du reste, faut-il vraiment choisir? Que Socrate ait enseigné l'art du sophisme, qu'il ait tait payer ses leçons, cela n’est guère compatible avec l'image qu'en donnent ses disciples. Mais qu'il ait contribué à déstabiliser la démocratie en importunant ses concitoyens, à une période où Athènes était particulièrement vulnérable, voilà qui rapproche tous les points de vue.

Le sort d’Athènes était en effet scellé, en -404 ce fut la débâcle. La dictature des Trente dura un an et la démocratie reprit le dessus. Mais Socrate continuait à poser ses questions au point d’importuner les prêtres et les maitres de la cité. Il fut condamné à mort.

 

Il va donc résister à ses amis qui cherchent à le faire s’enfuir de sa prison car il respecte la loi de la cité.

La mort, il ne la craint pas et ce pour trois raisons :

-        Sa dignité

-        Sa force de caractère, il n’a pas peur.

-        Sa doctrine la plus importante, il croit à l’immortalité de l’âme.        

Va pour les deux premières explications rapportées par Platon et Xénophon. Mais la troisième pose problème.

 

Comment l’homme « les plus sage des grecs » celui qui a proclamé partout que « tout ce qu’il savait c’est qu’il ne savait rien », phrase quasi mythologique de toute la philosophie, comment cet homme, s’il prétend ne rien savoir, sait il que son âme est immortelle ?

Dernière pirouette sophistique ? Socrate nous aurait il menti depuis le début ?

Son refus des hommes, lui qui n’a cessé de les questionner, le pousse  t il  jusqu’à la réjouissance de mourir ? Puisqu’il n’a rien pu pour sa cité, n’espère t il plus rien de ses concitoyens ?

Dès lors sa mort telle qu’il la conçoit n’est elle pas une fuite vers un au-delà dont il nous avait secrètement caché le doux réconfort pour un homme âgé et las ?

( Certaines références de ce texte sont extraites du livre de Marc Sautet :un café pour Socrate – 1995 – Ed. R. Laffont )

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