Nous ne connaissons de Socrate
presque exclusivement que ce qu’en dit Platon. Il devait harceler les autres,
les inciter au dialogue parce qu’il était contraint par un oracle qui faisait
de lui « le plus sage des grecs »
(Apologie de Socrate).
Pour savoir d’où lui venait cet
honneur il se mit donc de poser des questions pour savoir ce qu’il avait de
plus que les autres.
Au final il se rendit compte
(nous dit Platon) c’est que la seule chose qui le distinguait des autres c'était son absence d'illusion quant à son
propre savoir. Ce n'était pas un plus,
c'était un moins : il avait moins d’illusions que les autres sur ce qu'il
croyait savoir, puisque, précisément, il n'était sûr de rien, tandis que les
autre croyaient, sur un sujet, sur un domaine, sur un point de droit, de
morale, de politique, ou de religion, savoir quelque chose.
Mais c’est là la version de
Platon !
S'il faut en croire Xénophon, Socrate était avant tout
moralisateur. Peu porté à la rhétorique, il se plaisait à déceler le juste et l'injuste
dans les actions dont il était le témoin. Si bien qu’on prit l’habitude de lui
soumettre des cas « difficiles »,
Souvent invité aux banquets des riches, il savait faire preuve de modération,
tant sur les mots que sur la boisson. Encore fallait-il ne pas le provoquer,
car, alors, il se révélait redoutable - sur un terrain comme sur l'autre.
Jamais ivre, toujours maître de lui aussi bien en paroles qu'en actes, c'est
surtout par son mode de vie que Socrate était remarquable.
Selon Xénophon, Socrate vivait
pour le « bien » donnant le premier l’exemple de ce qu'était la vie
d’un juste. C'était, en outre, le seul moyen de faire renaître pour de bon dans la cité le goût de la vertu si souvent
bafouée.
Mais voici qu’intervient Aristophane, Et là Socrate nous est
dépeint sous un tout autre jour.
Aristophane ( Les Nuées) reproche à Socrate des faits graves: il s'agit ni plus
ni moins de la cohésion interne de la cité et de la permanence de sa protection
par les dieux. Selon Aristophane, Socrate méritait l'opprobre parce qu'il
enseignait l'art de ne pas tenir ses engagements. Grâce à des raisonnements ad
hoc, on pouvait apprendre à faire passer le noir pour du blanc, à neutraliser
toute affirmation et à faire naître à volonté l'incertitude, ce qui à
l'occasion procurait notamment l'avantage de débouter ses créanciers le jour
venu et, par conséquent, de ne jamais payer ses dettes lors qu’on en faisait de
nouvelles.
Accusation redoutable! Car, si de tels actes se multiplient, la confiance
disparaît entre citoyens, entre générations, entre hommes et dieux.
Du reste, faut-il vraiment choisir? Que Socrate ait
enseigné l'art du sophisme, qu'il ait tait payer ses leçons, cela n’est
guère compatible avec
l'image qu'en donnent ses disciples. Mais qu'il ait contribué à déstabiliser la
démocratie en importunant ses concitoyens, à une période où Athènes était particulièrement vulnérable, voilà
qui rapproche tous les points de vue.
Le sort d’Athènes était en effet
scellé, en -404 ce fut la débâcle. La dictature des Trente dura un an et la
démocratie reprit le dessus. Mais Socrate continuait à poser ses questions au
point d’importuner les prêtres et les maitres de la cité. Il fut condamné à
mort.
Il va donc résister à ses amis
qui cherchent à le faire s’enfuir de sa prison car il respecte la loi de la
cité.
La mort, il ne la craint pas et
ce pour trois raisons :
-
Sa dignité
-
Sa force de caractère, il n’a pas peur.
-
Sa doctrine la plus importante, il croit à
l’immortalité de l’âme.
Va pour les deux premières
explications rapportées par Platon et Xénophon. Mais la troisième pose
problème.
Comment l’homme « les plus
sage des grecs » celui qui a proclamé partout que « tout ce qu’il savait c’est
qu’il ne savait rien », phrase quasi mythologique de toute la
philosophie, comment cet homme, s’il prétend ne rien savoir, sait il que son
âme est immortelle ?
Dernière pirouette
sophistique ? Socrate nous aurait il menti depuis le début ?
Son refus des hommes, lui qui n’a
cessé de les questionner, le pousse t
il jusqu’à la réjouissance de
mourir ? Puisqu’il n’a rien pu pour sa cité, n’espère t il plus rien de
ses concitoyens ?
Dès lors sa mort telle qu’il la
conçoit n’est elle pas une fuite vers un au-delà dont il nous avait secrètement
caché le doux réconfort pour un homme âgé et las ?
( Certaines références de ce texte sont
extraites du livre de Marc Sautet :un café pour Socrate – 1995 – Ed. R.
Laffont )
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