mardi 2 août 2022

Sujet du Merc. 03 aout 2022 : Philosophie et poésie : comment se rencontrent-elles ?

 

              Philosophie et poésie : comment se rencontrent-elles ?

Philosophie et poésie me semble être dans une quête de vérité, de manières différentes : la première à travers la raison, la seconde à travers les sens. J’ai trouvé intéressant d’amener le questionnement sur ce qui les font se rencontrer, et ainsi ce qui les différencie.

Selon Santo Alessandro Arcoleo, philosophe contemporain Italien, le rapport poésie-philosophie joue un rôle important dans la pensée de Marcel Conche dès ses premières pages dédiées à Épicure, Lucrèce et Montaigne : « Si nombre d’ouvrages de philosophie distillent l’ennui, c’est que la vie en est absente... Le simple jeu des concepts n’apporte pas la vie... Il y a différentes façons de faire vivre un ouvrage. La poésie en est une », écrivait Marcel Conche dans ses réponses à A. Comte-Sponville. La confrontation entre poésie et philosophie ou pour adopter ses termes, entre créativité et sagesse, est très ancienne : malgré ce qui les rapproche parfois, elles demeurent irréductiblement séparées. La vérité de la poésie et celle de la philosophie nous donnent des perspectives tout à fait différentes sur l’homme. « Le réel de l’artiste n’est autre que le réel commun... Quant au Tout, ce peut-être la Nature : la Nature est alors ressentie comme le Tout. Mais la Nature est-elle le Tout ? La question n’est pas posée. Ainsi, il est essentiel à la philosophie de poser des questions que l’artiste, comme tel, ne pose pas : ce sont les questions dites ultimes, par lesquelles la philosophie s’est, dès l’origine, distinguée aussi bien de l’artiste que du savant. » La vision esthétique qui définit la poésie comme connaissance plus élargie de la réalité humaine serait en accord avec l’affirmation de Dostoïevski qui soutient que ce sera la beauté qui un jour sauvera le monde.
En effet, les efforts que la raison produit pour atteindre une connaissance de la réalité humaine pâlissent devant les renseignements de la poésie qui nous conduit à une illusion « productrice de vérité ».
 Appréciant les idées philosophiques et la poésie de François Cheng il me tenait à cœur de le citer ici. Voici comment l’écrivain et poète Matthias Vincenot parle de la poésie de François Cheng:

La poésie de François Cheng est au plus proche des éléments et leur redonne vie, essence, dans l’écriture. Quelque chose naît du mot, qui le charge moins d’une signification que d’une sensation, celle que procure son énoncé même. En effet, si la poésie est une certaine façon de dire le monde, elle est aussi une façon de dire le langage. Non pas nécessairement le réinventer, mais l’utiliser au maximum de ses possibilités. Il y a dans la poésie de Cheng comme une manière d’être au monde, proche de l’essentiel : la pierre, l’arbre, par exemple. Mais leur présence n’est pas anodine, et elle reprend sens par l’entremise de la poésie, qui les réinvestit. Cette poésie est aussi proche du mot, car si la poésie souvent tourne autour du langage, celle de Cheng est, assurément, une poésie du mot. Non du mot juste, mais du mot comme objet à observer et non pas à investir d’un nouveau sens, mais à ressentir, au sens premier. Il y a la définition d’un mot, mais il y a quelque chose avant le sens, et le mot existe, non pas pour lui-même, mais en lui-même.

Cette présentation se terminera à propos du mystère qui relient philosophie et poésie.

Selon Bernard Grasset, éditeur, l’appel du mystère résonne comme l’appel à une autre parole. Le Logos est le chemin de la pensée et du poème vers le mystère. Que demeure présent le mystère au cœur de l’homme, à son intelligence, qu’il aime le mystère, s’en nourrisse, telle est la tâche la plus haute confiée au poète et au philosophe. Et si les poètes-penseurs, les penseurs-poètes, au sein de notre monde errant, saturé de vide et tremblant d’indéfinissable attente, si les penseurs-poètes, les poètes-penseurs étaient les derniers gardiens du mystère…

Pour terminer, un poème de François Cheng, abordant le thème du mystère :

Bleus de la profondeur,

Nous n’en finirons pas

D’interroger votre mystère

L’illimité n’étant point à notre portée

Il nous reste à creuser,

O bleus,

Du ciel et de la mer,

Votre mystère qui n’est autre,

Que nos propres bleus à l’âme. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

1 - Tout commentaire anonyme (sans mail valide) sera refusé.
2 - Avant éventuelle publication votre message devra être validé par un modérateur.

Sujet du Merc. 18 Déc. 2024 : "Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux." Nietzsche

  "Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux."  Nietzsche Ferry, Deleuze, Foucault, Onfray …. Tous les modernes sa...