DOUTER N'EST PAS NIER.
En 1770 l'Avocat Général Séguier déclare devant le parlement de Paris :
" Les Philosophes se sont élevés
en précepteurs du genre humain. Liberté de penser, voilà leur cri, et ce cri
s'est fait entendre d'une extrémité du monde à l'autre. D'une main, ils ont
tenté d'ébranler le Trône ; de l'autre, ils ont voulu renverser les Autels.
Leur objet était de faire prendre un autre cours aux esprits sur les
institutions civiles et religieuses, et la révolution s'est pour ainsi dire
opérée... Éloquence, poésie, histoire, romans, jusqu'aux dictionnaires, tout a
été infecté."
Les
La référence aux
"dictionnaires infectés" est lourde de présupposés. Crime suprême,
les Lumières s'attaquent à la définition même des mots. Ils fouillent et
creusent le sens. Ils retirent le superflu. A l'article :
"AUTORITÉ POLITIQUE" de
l'encyclopédie on trouvera ainsi : "Aucun
homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un
présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir
aussitôt qu’il jouit de la raison."
Mais
définir ainsi les mots est risqué. Lorsque le "présent du ciel" c'est
la liberté et pas le souverain le lecteur de l'époque est désormais fondé à se
poser des questions, à poser des questions, à s'interroger, à discuter du bien
fondé de la monarchie, à douter.
L'interrogation,
le doute, sont des corrosifs puissants aussi sont ils, de tout temps, perçus
comme des menaces. Si l'on peut douter de tout, si l'on est fondé à
s'interroger sur tout, comment peut-on d'une part acquérir des certitudes,
comment aussi ne pas en arriver à nier tout et n'importe quoi y compris des
faits avérés.
C'est
le paradoxe, apparent, du fait de douter. C'est la "ruse de la
raison" appliquée à l'activité dubitative.
Tout
opposant au doute, quel que soit l'objet de celui-ci ( religion, morale,
politique… ), vous assène le danger du fanatisme de la conviction
( négationnisme ) et/ou l'abîme du relativisme (scepticisme absolu). Vous êtes
immédiatement disqualifié.
Pourtant
Diderot insiste : " Il faut tout examiner, tout remuer sans
exception et sans ménagement... Il faut fouler aux pieds toutes ces vieilles
puérilités; renverser les barrières que la raison n'aura point posées; rendre
aux sciences et aux arts une liberté qui leur est si précieuse... Il fallait un
siècle raisonneur, où l'on ne cherchât plus les règles dans les auteurs, mais
dans la nature..."
Un
siècle plus tard Nietzsche en appellera à faire de la "
Redevenons
pragmatiques un instant. En 2002 éclate l'affaire de "pédophilie"
d'Outreau. Nos modernes "avocats généraux" de la presse décrivent un
des accusés, Mr M.L. comme "pornocrate
spécialisé dans la pédophilie" (Le Figaro 15 janvier 2002). La télévision
( France 2) filme les retrouvailles de Mr M. L. avec sa famille. Deux ans et
demi plus tôt la même chaîne filmait la même personne, au ralenti, arr
Pourtant
en France l'accusé bénéficie de la présomption d'innocence. On pourrait appeler
cela,
Démontrer
avant d'affirmer. S'interroger. Douter. Se méfier des apparences. Démarche
scientifique peut être et pourquoi pas
Fonder
la connaissance sur le doute n'est pas nier nous rappelle Spinoza avec
Descartes. Au-delà des extrémismes du scepticisme absolu et du négationnisme
n'y aurait il pas la question de la méthode. Et cette méthode ne serait-elle
pas celle de la démonstration qui ne se propose pas de convaincre mais de
donner les conditions de la certitude ? Nous serions alors loin de la
négation.
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