jeudi 2 juin 2022

Sujet du Merc. 08 Juin 2022 : « Le travail : aliénation ou émancipation ? »

 

                               « Le travail : aliénation ou émancipation ? »

Définitions :

·       Travail : du latin tripalium (instrument constitué de trois pieux pour maintenir les bœufs ou les chevaux difficiles à ferrer, plus généralement :   instrument de torture).

 Activité professionnelle et rémunérée, avec une connotation de contrainte pénible.

Mot grecque correspondant : poiësis (fabrication, production), ergon (œuvre)

En latin : labor

·       Aliénation : Etat de l’individu dépossédé de lui –même par la soumission de  son existence  à un ordre de choses auquel il participe  mais qui le domine. 

Plus précisément chez Hegel et Marx :  état de l’individu qui par suite des conditions sociales (économiques, politiques, religieuses) est privé de son humanité et est asservi.

·       Par extension : tout processus par lequel l’être humain est rendu comme étranger à lui-même.
Émancipation : Action de s’affranchir d’une autorité de servitudes, des contraintes sociales.

Il est nécessaire de travailler mais pourquoi ?

Parce qu’il éprouve des besoins (nourriture, protection) que la nature ne satisfait pas immédiatement, l’homme   doit travailler, c’est le travail biologique

 Comment envisager cette activité ? est – ce un asservissement ou une libération ? une contrainte ou un plaisir ?

Tout type de travail serait-il aliénant ? ou bien seulement certains ?

Au contraire que voudrait dire le travail libère ? de quoi ? comment ? à quelles conditions ?

Comment doit –on comprendre l’expression pour vivre ?

Est – ce dans le sens purement physique ?  Le travail est le moyen d’acquérir les biens nécessaires à sa subsistance ; en un sens social ? le travail permet de trouver sa place au sein de la société ; en un sens d’épanouissement personnel ? le travail offrant la possibilité de se réaliser

Le travail est- il d’ailleurs une condition nécessaire à ses différents objectifs ? est –il une valeur universelle ?

Le travail : aliénation ?

L’aliénation intègre une double inflexion conceptuelle : la séparation et l’hétéronomie, prenant la forme de trois paradoxes majeurs dont la source est la contradiction entre capital et travail

Le travail représente pour l’ouvrier un appauvrissement alors qu’il participe à l’accroissement de la richesse produite,

L’aliénation implique un dépouillement physique, moral et économique pour l’ouvrier, donc

Une déperdition de son être,

Elle se traduit en outre par une forme d’étrangeté entre l’activité du salarié et le produit fini.

Dans le travail, l’ouvrier se nie lui-même, il est étranger aux conditions et au modalités de son travail, l’aliénation devient sacrifice de soi. 

Dans la tradition judéo chrétienne, depuis la genèse une malédiction divine (châtiment de Dieu de la faute d’Adam et Eve au paradis terrestre) pèse sur le travail.

Longtemps ce terme n’évoqua qu’un labeur pénible, improductif et méprisant.

Dans la cité grecque, le travail était dévolu aux esclaves, cependant que les citoyens ainsi déchargés des problèmes de subsistances pouvaient se consacrer à la vie politique.

Le travail se distinguait donc de l’action (praxis) qui manifestait la liberté humaine tout autant que la production (poiésis), travail par lequel l’homme s’approprie le monde en transformant la nature à son image.     

C’est au nom de la nécessité du travail biologique qu’Aristote justifiera l’institution de l’esclavage :    

En 1776 , Adam Smith publie un traité intitulé recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations qui  met en lumière les avantages de la division du travail, (séparation de la conception  et de l’exécution) , particulièrement en accroissant la puissance productive des hommes mais en mettant simultanément les travailleurs en état d’hétéronomie qui se manifestera  par un affaiblissement du lien social, de la conscience de classe  et d’un appauvrissement des tâches, le tout conduisant à une déshumanisation de l’acte de production.

Le travail va alors apparaître sous le double aspect de la contrainte naturelle et sociale et de la libération humaine.

Avec l’exercice d’un management  à forme pyramidale (toutes les instructions  partent  du haut vers le bas sans aucune concertation) et le  morcellement du travail  qui  ira  crescendo  au fur et à mesure  du développement de la croissance  économique et de la mondialisation, laquelle aggravera encore les conditions de travail devant l’ exigence des entrepreneurs de taux de profits de  plus en plus élevés eu égard à l’élévation des risques encourus sur les investissements internationaux, le travail n’est plus une valeur et va à l’encontre de la réalisation de soi du travailleur.  

 Marx (dans les manuscrits de 1844) montre que dans la modernité, avec le développement du mode de   production capitaliste, le travail est aliéné. Il cesse d’être une création de soi pour soi. Il devient une source d’abêtissement qui, au lieu d’humaniser l’homme, le rabaisse en deçà de l’humanité.  Ainsi l’homme devient étranger à lui-même, dépossédé à la fois de l’objet qu’il fabrique (séparation totale de la conception et de l’exécution) et de son essence propre.  

Le travail : Emancipation ?

Si parmi les conséquences heureuses de la révolution française on peut retenir l’avènement de la première République, la fin du pouvoir de droit divin et la naissance de l’homme citoyen détenteur de la souveraineté par délégation de la nation et au total la naissance d’un courant libéral qui conduira au cours du 19° siècle au suffrage universel et à la démocratie, donc à un homme ayant conquis la liberté politique ;

La démocratie conduira aussi à la naissance d’un courant égalitariste uniformisant et à une forme d’individualisme qui va s’exprimer à travers le cogito à la mode « je consomme donc je suis » que Marx aurait pu qualifier d’aliénation moderne tant les besoins réels ou artificiels (stimulés par le système) sont sans limite et rendent l’homme encore plus dépendant qu’avant de son travail.

Libérés politiquement mais toujours aliénés par leur travail, tous ceux qui pour vivre ne disposent que de leur force de travail, sont toujours obligés de l’échanger contre un salaire et  parce que leurs besoins se renouvellent  naturellement et que les produits du travail disparaissent dans la consommation sont, tel Sisyphe,  obligés  de  recommencer sempiternellement leur labeur, privés  d’une partie de leur liberté.

 

Réflexions :

Il apparaît donc que ce n’est pas le travail qui est une malédiction en soi mais les conditions dans lequel il s’exerce.

Si le règne de la liberté commence seulement à partir du moment ou cesse le travail  dicté par la nécessité ou les fins extérieures (Marx) ,  l’homme moderne, s’il veut sortir de sa condition « d’animal  laborans » doit exiger que le travailleur soit associé à la préparation  du travail,  voire à sa conception et  que le progrès technique (qui ne se préoccupe plus de l’être)  ne se limite pas  à prendre  en compte, pour en faire une valeur prégnante dans une économie globalisée de concurrence exacerbée, l’augmentation de l’efficacité productive  mais libère le travailleur des tâches pénibles sans porter par ailleurs  atteinte aux conditions de travail.    

Kant nous rappelle que l’être humain est porteur de la loi morale et par conséquent digne de respect, le travail ne pourra donc devenir un facteur d’émancipation que si l’on agit en sorte  de traiter  l’humanité toujours comme une fin en soi et jamais comme un moyen.



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