« Le travail : aliénation
ou émancipation ? »
Définitions :
·
Travail : du latin
tripalium (instrument constitué de trois pieux pour maintenir les bœufs ou les
chevaux difficiles à ferrer, plus généralement : instrument de torture).
Activité
professionnelle et rémunérée, avec une connotation de contrainte pénible.
Mot grecque correspondant : poiësis
(fabrication, production), ergon (œuvre)
En latin : labor
·
Aliénation : Etat de
l’individu dépossédé de lui –même par la soumission de son existence
à un ordre de choses auquel il participe
mais qui le domine.
Plus précisément chez Hegel et Marx :
état de l’individu qui par suite des
conditions sociales (économiques, politiques, religieuses) est privé de son
humanité et est asservi.
·
Par
extension : tout processus par lequel l’être humain est rendu comme
étranger à lui-même.
Émancipation : Action de
s’affranchir d’une autorité de servitudes, des contraintes sociales.
Il
est nécessaire de travailler mais pourquoi ?
Comment
envisager cette activité ? est – ce un asservissement ou une
libération ? une contrainte ou un plaisir ?
Tout type de travail serait-il aliénant ?
ou bien seulement certains ?
Au contraire que voudrait dire le travail
libère ? de quoi ? comment ? à quelles conditions ?
Comment doit –on comprendre l’expression
pour vivre ?
Est – ce dans le sens purement physique ?
Le travail est le moyen d’acquérir les
biens nécessaires à sa subsistance ; en un sens social ? le travail permet
de trouver sa place au sein de la société ; en un sens d’épanouissement
personnel ? le travail offrant la possibilité de se réaliser
Le travail est- il d’ailleurs une
condition nécessaire à ses différents objectifs ? est –il une valeur
universelle ?
Le
travail : aliénation ?
L’aliénation intègre une double inflexion
conceptuelle : la séparation et l’hétéronomie, prenant la forme de trois
paradoxes majeurs dont la source est la contradiction entre capital et travail
Le travail représente pour l’ouvrier un
appauvrissement alors qu’il participe à l’accroissement de la richesse produite,
L’aliénation implique un dépouillement
physique, moral et économique pour l’ouvrier, donc
Une déperdition de son être,
Elle se traduit en outre par une forme
d’étrangeté entre l’activité du salarié et le produit fini.
Dans le travail, l’ouvrier se nie
lui-même, il est étranger aux conditions et au modalités de son travail,
l’aliénation devient sacrifice de soi.
Dans la tradition judéo chrétienne, depuis
la genèse une malédiction divine (châtiment de Dieu de la faute d’Adam et Eve
au paradis terrestre) pèse sur le travail.
Longtemps ce terme n’évoqua qu’un labeur
pénible, improductif et méprisant.
Dans la cité grecque, le travail était
dévolu aux esclaves, cependant que les citoyens ainsi déchargés des problèmes
de subsistances pouvaient se consacrer à la vie politique.
Le travail se distinguait donc de l’action
(praxis) qui manifestait la liberté humaine tout autant que la production (poiésis),
travail par lequel l’homme s’approprie le monde en transformant la nature à son
image.
C’est au nom de la nécessité du travail
biologique qu’Aristote justifiera l’institution de l’esclavage :
En 1776 , Adam Smith publie un traité
intitulé recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations qui met en lumière les avantages de la division
du travail, (séparation de la conception et de l’exécution) , particulièrement en
accroissant la puissance productive des hommes mais en mettant simultanément
les travailleurs en état d’hétéronomie qui se manifestera par un affaiblissement du lien social, de la
conscience de classe et d’un
appauvrissement des tâches, le tout conduisant à une déshumanisation de l’acte
de production.
Le travail va alors apparaître sous le
double aspect de la contrainte naturelle et sociale et de la libération humaine.
Avec l’exercice d’un management à forme pyramidale (toutes les instructions partent du haut vers le bas sans aucune concertation)
et le morcellement du travail qui ira
crescendo au fur et à mesure du développement de la croissance économique et de la mondialisation, laquelle
aggravera encore les conditions de travail devant l’ exigence des entrepreneurs
de taux de profits de plus en plus
élevés eu égard à l’élévation des risques encourus sur les investissements internationaux,
le travail n’est plus une valeur et va à l’encontre de la réalisation de soi du
travailleur.
Marx
(dans les manuscrits de 1844) montre que dans la modernité, avec le
développement du mode de production capitaliste,
le travail est aliéné. Il cesse d’être une création de soi pour soi. Il devient
une source d’abêtissement qui, au lieu d’humaniser l’homme, le rabaisse en deçà
de l’humanité. Ainsi l’homme devient
étranger à lui-même, dépossédé à la fois de l’objet qu’il fabrique (séparation
totale de la conception et de l’exécution) et de son essence propre.
Le
travail : Emancipation ?
Si parmi les conséquences heureuses de la
révolution française on peut retenir l’avènement de la première République, la
fin du pouvoir de droit divin et la naissance de l’homme citoyen détenteur de
la souveraineté par délégation de la nation et au total la naissance d’un
courant libéral qui conduira au cours du 19° siècle au suffrage universel et à
la démocratie, donc à un homme ayant conquis la liberté politique ;
La démocratie conduira aussi à la
naissance d’un courant égalitariste uniformisant et à une forme d’individualisme
qui va s’exprimer à travers le cogito à la mode « je consomme donc je
suis » que Marx aurait pu qualifier d’aliénation moderne tant les
besoins réels ou artificiels (stimulés par le système) sont sans limite et rendent
l’homme encore plus dépendant qu’avant de son travail.
Libérés politiquement mais toujours aliénés
par leur travail, tous ceux qui pour vivre ne disposent que de leur force de
travail, sont toujours obligés de l’échanger contre un salaire et parce que leurs besoins se renouvellent naturellement et que les produits du travail
disparaissent dans la consommation sont, tel Sisyphe, obligés de
recommencer sempiternellement leur labeur, privés d’une partie de leur liberté.
Réflexions :
Il apparaît donc que ce n’est pas le
travail qui est une malédiction en soi mais les conditions dans lequel il
s’exerce.
Si le règne de la liberté commence
seulement à partir du moment ou cesse le travail dicté par la nécessité ou les fins
extérieures (Marx) , l’homme moderne, s’il
veut sortir de sa condition « d’animal laborans » doit exiger que le travailleur
soit associé à la préparation du travail,
voire à sa conception et que le progrès technique (qui ne se préoccupe
plus de l’être) ne se limite pas à prendre en compte, pour en faire une valeur prégnante
dans une économie globalisée de concurrence exacerbée, l’augmentation de
l’efficacité productive mais libère le travailleur
des tâches pénibles sans porter par ailleurs atteinte aux conditions de travail.
Kant nous rappelle que l’être humain est
porteur de la loi morale et par conséquent digne de respect, le travail ne
pourra donc devenir un facteur d’émancipation que si l’on agit en sorte de traiter
l’humanité toujours comme une fin en soi et jamais comme un moyen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
1 - Tout commentaire anonyme (sans mail valide) sera refusé.
2 - Avant éventuelle publication votre message devra être validé par un modérateur.