samedi 14 mai 2022

Sujet du Merc. 18 Mai 2022 : faut-il éteindre les Lumières ?

 

FAUT IL ETEINDRE LES LUMIERES ?

Les Lumières sont à la croisée des chemins de pensée et de vie. Elles procèdent à l’élaboration du bien commun par la critique de la raison par la raison, impliquant le rejet de l’autorité des préjugés, reçus sans libre examen et prônant l’esprit d’obéissance. Mais les idées des Lumières inspirent-elles encore un idéal collectif créateur d’espérance à long terme pour l’humanité et chacun de ses membres?
Cette quête de la liberté ne
sera-t-elle devenue que le résultat abstrait d’un «feu» déjà éteint qu’il faudrait rallumer d’une volonté animée par un «bois» nouveau? Une re-naissance, une re-fondation sont nécessaires. 

Mais comment?
  Par la raison pratique, la liberté collective pour le bien commun et l’égalité entre tous? Ou par l’irrationnel du préjugé des individus ou des totalitarismes fanatisant? Dès lors, quelle démocratie et quel avenir pour elle :
1) l’individualisme extrême contemporain est-il à mettre au compte de l’humanisme,
2) le progressisme humaniste est-il devenu incapable d’inspirer un idéal collectif créateur d’espérance,
3) les hommes ont-ils encore une volonté humaniste de gouverner leur avenir?

 

L’individualisme démocratique devrait rester ce droit à la liberté, parce qu’elle est une valeur que chacun partage avec les autres hommes dans la solidarité. L’individu conquiert ce droit en agissant comme l’égal des autres et en choisissant de penser et d’agir comme un sujet universel. Il s’agit de promouvoir la volonté de chacun de devenir une personne juridique (le droit) dans le respect absolu d’autrui, et non de consacrer la singularité de chacun.

C’est l’opposé de l’individualisme actuel niant l’idéal d’égalité et affichant son indifférence aux valeurs universelles qu’il remplace par celles de la consommation et de la communication: un matérialisme instinctif, versatile et indifférent aux principes premiers. Ce spontanéisme individualiste se veut différentialiste et singulariste, en quête d’identités interchangeables. Il ne saurait procéder de l’humanisme qui reste un projet collectif de liberté personnelle.

 

Le progressisme humaniste est un idéal d’émancipation éthique et juridique, culturel et politique. Mais les hommes se sont donnés la puissance de dominer la nature par la science qui la met en péril. Les Lumières ne seraient donc qu’un moyen, non une fin, d’accroître toujours plus le pouvoir des hommes? D’où le rejet de toutes leurs valeurs dans une diabolisation du progressisme humaniste.

Les Lumières semblent être arrivées à l’épuisement de l’espérance humaniste face à une croyance de fin supposée de l’histoire. Ceci n’est recevable qu’à la condition de confondre Lumières avec technicisme et positivisme. Ce dernier juge abstraites les idées des Lumières en tant que faux concepts, tandis que le technicisme considère comme faux problèmes tout ce qui n’est pas scientifique et soumis à la vérification de l’expérience. Ceci reflète une espérance déçue qui forge un préjugé défavorable sur la modernité et occulte l’intentionnalité critique des Lumières.

C’est pourquoi l’humanisme doit aujourd’hui redonner vie à ses ressources critiques premières et s’appréhender comme responsabilité devant l’avenir. Voilà le vrai défi d’une refondation nécessaire de l’éthique humaniste face aux effets secondaires majeurs de la science. Et puisque la science ne dit pas ce qu’il faut faire, il faut définir les raisons d’agir ensemble dont nous devons faire un idéal à atteindre en commun pour forger notre destin. Telle est la re-création de l’humanisme : toujours à réaliser.

 

Veut-on une clef? Les Lumières ont introduit la nouveauté du présupposé fondateur de l’activité de penser : la possibilité de s’entendre et de se comprendre comme seul moyen qui rende possible un accord universel sur les mêmes principes de base. Ainsi, la connaissance rationnelle étant d’abord celle de soi de la raison, cette condition est le présupposé de l’objectivité nécessaire à la science.
De plus, le présupposé des règles de la morale et du droit - qui accordent les volontés - est que les hommes peuvent s’entendre à reconnaître que la liberté, l’égalité et la dignité de chacun sont des principes de base qui doivent déterminer les relations entre les hommes. (Nous-y conformons-nous au Proche Orient et partout dans le tiers monde?)

A cet égard, la différence entre préjugé et présupposé est capitale pour l’humanisme en recréation. Considérer que l’égalité entre les hommes n’est qu’un préjugé, c’est limiter ce principe au monde occidental, étant sous-entendu que le préjugé adopté par cet ensemble humain ne concernerait pas les autres. Par contre, admettre que le principe d’égalité présuppose l’accord universel de tous les hommes, c’est faire de la reconnaissance de ce principe sa seule condition de validité: il n’est valide qu’à la condition de l’être pour tous!

 

Le préjugé limite ou empêche la communication (nous n’avons pas les mêmes préjugés, je vous applique ma violence : «Vous êtes avec nous ou contre nous» ; «Nous instaurerons la démocratie», sous-entendu de gré ou de force).

Le présupposé, par contre, rend la communication possible (nous pouvons débattre de nos préjugés respectifs). On pense à l’interventionnisme dans le monde opposé par les adhérents du principe contraire, qui eux-mêmes l’appliquent rarement.

D’où ressort le béant écart entre une infime minorité nantie et la condition abjecte des 85% de reliquat de l’humanité.

Il reste fort à faire à l’humanisme pour réduire le problème majeur de tous les hommes, outre les multiples fanatismes renaissants que sous-tendent les croyances gratuites et la bonne conscience : ces préjugés absolus.


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