lundi 9 novembre 2015

Sujet du Merc. 11/11/2015 : FAUT-IL TOLÉRER LES INTOLÉRANTS ?



                                                    FAUT-IL TOLÉRER LES INTOLÉRANTS ?

 -Le mot tolérance vient du latin tolerare qui signifie supporter.
De ce point de vue, la tolérance est la disposition à admettre ou à supporter  chez les autres des manières de penser, d’agir, des sentiments différents des nôtres. Ne dit-on pas que « dans la vie sociale, la vertu la plus utile est la tolérance » ?.
Dans son traité théologico-politique, Spinoza se serait  livré à un plaidoyer massif pour la tolérance religieuse. Ainsi écrit-il « Dans une république libre, chacun a toute latitude de penser et de s’exprimer ».
Voltaire fait le même plaidoyer de la tolérance à propos du procès de Jean Calas.
Jean Calas père  est accusé d’avoir tué son fils soupçonné de vouloir se convertir au catholicisme alors qu’il est lui-même protestant. Il l’aurait fait par devoir religieux. Nous sommes en 1761 et Jean Calas sera exécuté sans aucune preuve. En 1765 les magistrats de la Cour Royale se rendent compte de l’erreur judiciaire et la mémoire de Jean Calas sera réhabilitée ;sa veuve rétablie dans ses droits.
A propos de ce procès, Voltaire écrit : « Si je faisais une religion, je mettrais l’intolérance au nombre des sept péchés mortels ».
-Les hommes tolérants ont une qualité incontestable : ils savent s’abstenir d’intervenir, ne pas empêcher ce qu’ils désapprouvent.
Mais jusqu’où peut aller la tolérance ? Doit-on tolérer l’intolérance ?
Après tout, les bouddhistes considèrent les intolérants ou les ennemis comme une opportunité.
« A quel moment allons-nous cultiver la patience  ou la tolérance s’il n’y a pas l’intervention d’un ennemi ? » Demande le Dalai Lama. Il recommande d’être reconnaissant à quelqu’un qui nous fait du mal ou qui est intolérant parce qu’il nous offre une occasion de perfectionner notre patience. (Le Dalai-Lama, Guérir la violence, un enseignement universel pour parvenir à la sagesse et à la plénitude intérieur, p.155 et suivants).
Il faut donc se comporter comme un martyr, adopter une attitude ambiguë au point de paraitre masochiste. De ce point de vue, ce qui nous déplait trouvera finalement grâce à nos yeux.
Certains vous le demandent au nom de la politesse, cette vertu hypocrite qui nous force à sourire devant des êtres détestables parce que « cela se fait ».
La tolérance même sans borne  étant considérée comme  une vertu, peut-on admirer les personnes qui tolèrent même les pires maux ?
Celles qui par exemple, voyant leur pays occupé, ne font rien pour en chasser l’envahisseur ? Doit-on tolérer les collabos français qui lynchèrent les juifs ou laissaient les lynchages s’accomplir parce que cela se faisaient ? Doit-on admirer les africains qui tolèrent même maintenant l’occupation par l’armée française de leurs pays respectifs ? ou doit-on admirer les palestiniens, irakiens et autres afgans qui se battent contre l’occupation israélienne et américaine?.
Si on veut, on peut dire que les résistants sont intolérants : ils n’ont pas assez de vertus, de qualité d’âmes pour laisser l’occupant perpétrer des massacres. Si on continue dans ce raisonnement, chacun fait alors ce qu’il veut. Et on n’a plus le droit de juger : intégrisme, excision, homophobie, dictature, impérialisme… Ceux qui sont la source de ces maux ne sont que des gens qui expriment, appliquent des points de vue et les font subir à leurs victimes qui y sont peut-être pour quelque chose vue qu’ils sont en désaccord avec leur bourreau.
Celui qui tolère l’intolérant, celui dont il désapprouve les actes tolère quelque chose qui le menace. Mahatma GANDHI qui est présenté comme un pacifiste dit : « Là où il n'y a que le choix entre la liberté et la violence, je conseillerais la violence... Je préfèrerais que l'Inde eut recours aux armes pour défendre son honneur, plutôt que de la voir, par lâcheté, devenir ou rester l'impuissant témoin de son propre déshonneur. Mais je crois que la non-violence est infiniment supérieur à la violence ».
Martin Luther King, Nelson Mandela, tous disciples de GANDHI, tout en légitimant la non-violence n’ont pas hésité à recourir à la violence pour mener leur lutte.
Tolérer sans limite, c’est être complice. C’est accepter que le crime soit commis quand on aurait pu l’empêcher. C’est approuver paradoxalement ce qu’on dit désapprouver.
Il faut accepter que notre interlocuteur puisse se tromper parce qu’il serait stupide de considérer qu’un seul mode de vie ou de pensée soit valable pour tous.
Celui qui privilégie sa raison au détriment de la raison pourrait avoir raison. C’est pour cela qu’il faut l’écouter. Chacun pourrait découvrir ses erreurs. Quand bien même il a tort, il faut encore l’écouter pour comprendre son erreur et le confronter à des contre-arguments, ce qui permet de bénéficier d’une perception plus vive du vrai.
Doit-on pardonner ou tolérer l’assassin de son fils quand on sait que c’est son intolérance qui l’a fait agir ? Il parait impossible de le faire. Pourtant l’on ne peut pas l’assassiner à son tour : le sang appelle le sang, la souffrance appelle une plus grande souffrance et l’on rentre dans un cercle vicieux.
Pour les existentialistes, l’intolérance est un moyen d’exister. Je me pose en me posant. Je ne suis une conscience qu’en dépit des autres et en leur donnant tous les torts.
Si tout ne peut être accepté, il convient d’imposer le respect des seules valeurs dites bonnes une fois pour toute.
Mais que vaudrait une conviction qui ne s’opposerait plus aux autres ? Dans les faits, peut-on laisser les hommes de tous partis et de toutes religions afficher leurs arguments ou préjugés avec toutes sortes d’humeur ? Peut-on vraiment laisser libres les uns comme les autres affirmer leur vérité et d’agir au nom des valeurs qu’ils défendent ? C’est pratiquement impossible car les préjugés de certains (ou même leur moquerie) s’opposent si farouchement aux autres qu’ils les censurent.  D’où la nécessité de poser les limites de la liberté.
-Il faut tracer une frontière entre la tolérance et le laxisme. Une limite a été fixée dès la déclaration des droits de l’homme : la liberté de chacun s’arrête où commence celle des autres. Très belle parole. Mais il m’arrive de me demander si l’on parle de tous les hommes ou de certains hommes ?
-Nous le savons, certaines vérités nous semblent absurdes et inacceptables. Mais à force de s’obliger à écouter certains discours, on en comprend la teneur. Il convient de laisser l’autre agir, penser, parler parce qu’il a peut-être raison, parce qu’il a le droit de penser, donc de se planter ou parce que son tort peut nous être profitable. Le droit à l’erreur doit être revendiqué et c’est d’ailleurs pour l’exercer que nous débattons librement ici.



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