FAUT-IL TOLÉRER LES INTOLÉRANTS ?
-Le mot tolérance vient du
latin tolerare qui signifie supporter.
De
ce point de vue, la tolérance est la disposition à admettre ou à supporter
chez les autres des manières de penser,
d’agir, des sentiments différents des nôtres. Ne dit-on pas que « dans la
vie sociale, la vertu la plus utile est la tolérance » ?.
Dans
son traité théologico-politique, Spinoza se serait livré à un plaidoyer massif pour la tolérance
religieuse. Ainsi écrit-il « Dans une république libre, chacun a toute
latitude de penser et de s’exprimer ».
Voltaire
fait le même plaidoyer de la tolérance à propos du procès de Jean Calas.
Jean
Calas père est accusé d’avoir tué son
fils soupçonné de vouloir se convertir au catholicisme alors qu’il est lui-même
protestant. Il l’aurait fait par devoir religieux. Nous sommes en 1761 et Jean
Calas sera exécuté sans aucune preuve. En 1765 les magistrats de la Cour Royale
se rendent compte de l’erreur judiciaire et la mémoire de Jean Calas sera
réhabilitée ;sa veuve rétablie dans ses droits.
A
propos de ce procès, Voltaire écrit : « Si
je faisais une religion, je mettrais l’intolérance au nombre des sept péchés
mortels ».
-Les
hommes tolérants ont une qualité incontestable : ils savent s’abstenir
d’intervenir, ne pas empêcher ce qu’ils désapprouvent.
Mais
jusqu’où peut aller la tolérance ? Doit-on tolérer l’intolérance ?
Après
tout, les bouddhistes considèrent les intolérants ou les ennemis comme une
opportunité.
« A
quel moment allons-nous cultiver la patience
ou la tolérance s’il n’y a pas l’intervention d’un ennemi ? » Demande le Dalai Lama. Il recommande d’être
reconnaissant à quelqu’un qui nous fait du mal ou qui est intolérant parce
qu’il nous offre une occasion de perfectionner notre patience. (Le Dalai-Lama,
Guérir la violence, un enseignement universel pour parvenir à la sagesse et à
la plénitude intérieur, p.155 et suivants).
Il
faut donc se comporter comme un martyr, adopter une attitude ambiguë au point
de paraitre masochiste. De ce point de vue, ce qui nous déplait trouvera
finalement grâce à nos yeux.
Certains
vous le demandent au nom de la politesse, cette vertu hypocrite qui nous force
à sourire devant des êtres détestables parce que « cela se fait ».
La
tolérance même sans borne étant
considérée comme une vertu, peut-on
admirer les personnes qui tolèrent même les pires maux ?
Celles
qui par exemple, voyant leur pays occupé, ne font rien pour en chasser
l’envahisseur ? Doit-on tolérer les collabos français qui lynchèrent les
juifs ou laissaient les lynchages s’accomplir parce que cela se
faisaient ? Doit-on admirer les africains qui tolèrent même maintenant
l’occupation par l’armée française de leurs pays respectifs ? ou doit-on
admirer les palestiniens, irakiens et autres afgans qui se battent contre
l’occupation israélienne et américaine?.
Si
on veut, on peut dire que les résistants sont intolérants : ils n’ont pas
assez de vertus, de qualité d’âmes pour laisser l’occupant perpétrer des
massacres. Si on continue dans ce raisonnement, chacun fait alors ce qu’il
veut. Et on n’a plus le droit de juger : intégrisme, excision, homophobie,
dictature, impérialisme… Ceux qui sont la source de ces maux ne sont que des
gens qui expriment, appliquent des points de vue et les font subir à leurs
victimes qui y sont peut-être pour quelque chose vue qu’ils sont en désaccord
avec leur bourreau.
Celui
qui tolère l’intolérant, celui dont il désapprouve les actes tolère quelque
chose qui le menace. Mahatma GANDHI qui est présenté comme un pacifiste
dit : « Là où il n'y a que le choix entre la liberté et la violence, je
conseillerais la violence... Je préfèrerais que l'Inde eut recours aux armes
pour défendre son honneur, plutôt que de la voir, par lâcheté, devenir ou
rester l'impuissant témoin de son propre déshonneur. Mais je crois que la
non-violence est infiniment supérieur à la violence ».
Martin
Luther King, Nelson Mandela, tous disciples de GANDHI, tout en légitimant la
non-violence n’ont pas hésité à recourir à la violence pour mener leur lutte.
Tolérer
sans limite, c’est être complice. C’est accepter que le crime soit commis quand
on aurait pu l’empêcher. C’est approuver paradoxalement ce qu’on dit
désapprouver.
Il
faut accepter que notre interlocuteur puisse se tromper parce qu’il serait
stupide de considérer qu’un seul mode de vie ou de pensée soit valable pour
tous.
Celui
qui privilégie sa raison au détriment de la raison pourrait avoir raison. C’est
pour cela qu’il faut l’écouter. Chacun pourrait découvrir ses erreurs. Quand
bien même il a tort, il faut encore l’écouter pour comprendre son erreur et le
confronter à des contre-arguments, ce qui permet de bénéficier d’une perception
plus vive du vrai.
Doit-on
pardonner ou tolérer l’assassin de son fils quand on sait que c’est son
intolérance qui l’a fait agir ? Il parait impossible de le faire. Pourtant
l’on ne peut pas l’assassiner à son tour : le sang appelle le sang, la
souffrance appelle une plus grande souffrance et l’on rentre dans un cercle
vicieux.
Pour
les existentialistes, l’intolérance est un moyen d’exister. Je me pose en me
posant. Je ne suis une conscience qu’en dépit des autres et en leur donnant
tous les torts.
Si
tout ne peut être accepté, il convient d’imposer le respect des seules valeurs
dites bonnes une fois pour toute.
Mais
que vaudrait une conviction qui ne s’opposerait plus aux autres ? Dans les
faits, peut-on laisser les hommes de tous partis et de toutes religions
afficher leurs arguments ou préjugés avec toutes sortes d’humeur ? Peut-on
vraiment laisser libres les uns comme les autres affirmer leur vérité et d’agir
au nom des valeurs qu’ils défendent ? C’est pratiquement impossible car
les préjugés de certains (ou même leur moquerie) s’opposent si farouchement aux
autres qu’ils les censurent. D’où la
nécessité de poser les limites de la liberté.
-Il
faut tracer une frontière entre la tolérance et le laxisme. Une limite a été
fixée dès la déclaration des droits de l’homme : la liberté de chacun s’arrête où
commence celle des autres. Très belle parole. Mais il m’arrive de me
demander si l’on parle de tous les hommes ou de certains hommes ?
-Nous
le savons, certaines vérités nous semblent absurdes et inacceptables. Mais à
force de s’obliger à écouter certains discours, on en comprend la teneur. Il
convient de laisser l’autre agir, penser, parler parce qu’il a peut-être
raison, parce qu’il a le droit de penser, donc de se planter ou parce que son
tort peut nous être profitable. Le droit
à l’erreur doit être revendiqué et c’est d’ailleurs pour l’exercer que nous
débattons librement ici.
------Sujet à venir : -------
Mercredi 18 Novembre
Peut-on ne pas être soi-même ?
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