LE
MONDE : UNE CHIMERE (PERNICIEUSE) ?
C’est l’un des questionnements au
fondement de la philosophie que de savoir si l’on est dans l’idéalisme
métaphysique ou dans le réalisme philosophique. Tout change selon la réponse.
C’est tout l’enjeu de ce texte. Malgré des millénaires d’endoctrinement, on
peut essayer de démontrer la chose. Ça demande un exercice de la raison
soutenu. On se fait en effet souvent des illusions à ce propos qui ont de
sérieuses conséquences bien concrètes sur la vie des hommes.
La métaphysique est la résistible
tentation de développer une théorie qui présente le monde comme
« Tout ». Elle décrit la réalité du monde, ce qui est différent de la
manière dont le monde se manifeste à nous ou plus exactement la manière dont
nous, les hommes, percevons le monde. C’est donc la métaphysique qui a
découvert la notion du « Monde absolu ». Et elle nous l’impose depuis au
moins 2500 ans.
Quand nous parlons du
« monde » nous voulons dire tout ce qui arrive vraiment, tout ce qui
est la réalité. Cette démarche a conduit à l’idée fantasque de vouloir nous
éliminer – nous les hommes – de l’équation « le monde = tout ce qui arrive
vraiment ». Il est en effet admis qu’il y a une différence entre les
choses telles que nous les percevons et les choses telles qu’elles sont
réellement. Et pour découvrir comment elles sont réellement, il faut pour ainsi
dire éliminer du processus de connaissance tout ce qui est le fait des hommes
(de chair, d’os, de sang, d’affects, de passion, de raison). Bigre, les
idéalistes métaphysiciens n’y sont-ils pas déjà parvenus ?
Particulièrement ces dernières années.
Ainsi, avons-nous jamais réalisé
ce qui suit ? Quand on se demande ce que
c’est que le monde on se place comme spectateur pour le contempler de
l’extérieur, par la pensée. Mais ne sommes-nous pas concrètement dans le
monde comme partie intégrante ? Ces deux situations sont antinomiques car
il n’est tout simplement pas possible d’être à la fois dans quelque chose et
hors d’elle ? Impossible.
Les dieux monothéistes, eux,
prétendent réaliser la performance aberrante d’être à la fois transcendants et
immanents ! Ils sont nécessairement hors du monde puisqu’ils l’ont créé
(avant qu’il n’existe, eux existaient déjà). Mais comme on ne peut pas être à
la fois dans une chose et hors d’elle, l’idée même de ces dieux est absurde. De
plus, le monde étant tout ce qui existe, l’irrationalité de leur existence hors
du monde est avérée. La question est alors de savoir comment les hommes ont pu
majoritairement accepter de telles âneries... Et comment ils peuvent continuer
imperturbablement à le faire, envers et contre tout sens du réel ?
Giordano Bruno, affirmant
l’infinité du « monde » sans limites spatiale ou temporelle, niait
tant son commencement par sa création ex nihilo que sa limite, au-delà
de laquelle se situerait un dieu transcendant trônant hors du monde. L’infinité
sans borne du réel exclut en outre qu’il ait un centre. Que les hommes aient
été créés par « Dieu » à son image sur la terre placée au centre de
la création de « Tout », c’est-à-dire du « Monde », devient
tout simplement irrecevable. L’idée hors sol d’un monde comprenant tout ce qui
existe n’a donc pas de sens. Cqfd.
Mais les « champ de
sens » de tous les bûchers, eux étaient bien réels. Tant pour tous les
suppliciés que pour Giordano et les inquisiteurs. Ça, oui, c’était bien réel.
En réalité ce qui existe, ce sont
toutes les « choses » qui apparaissent, qui émergent (Héraclite le
savait déjà). Tout comme les bûchers, les suppliciés et leurs bourreaux. Et
surtout les concepteurs et les commanditaires des carnages. Ce qui existe c’est
ce qui arrive dans d’innombrables domaines divers et variés, le plus souvent au
moins partiellement enchâssés les uns dans les autres. Cela seul fait sens. Ce
sont des « champs » de sens. A l’instar du champ gravitationnel
d’Einstein.
Et ce qui existe dans ces champs,
ce ne sont pas que des objets matériels. Il y a aussi les innombrables produits
« fictifs », mais néanmoins bien réels de nos imaginations, pensées,
affects, préférences, etc. Tels que les sorcières, les fantômes et les
extraterrestres, ainsi que les contes pour enfants, les histoires de fées pour
petites filles bien sages et les centaines de « genres » parmi les
hommes. Et aussi tous les dieux. Même et surtout ceux que nous avons déclarés
« uniques en leur genre »...
Cela remet en cause la
métaphysique et les philosophies idéalistes absolues fondées sur de
« Grands Touts », à l’image du concept illusoire et fallacieux de
« Monde ». Qui ne saurait exister comme ensemble de tous les
ensembles de tous les champs de sens. Outre que le non-sens de ce concept de
« Monde » est avéré philosophiquement, il n’existe pas non plus
mathématiquement comme ultime ensemble des ensembles. (Sinon on ressusciterait ipso
facto un dieu transcendant au-delà de cette ultime enveloppe.) En 1901
Bertrand Russell en avait démontré l’absurdité antinomique.
L’inanité des idéalismes absolus
de tous les « Tout » est ainsi établie. Pourtant elle continue
d’affliger majoritairement les hommes depuis des millénaires. Tout au moins
depuis Parménide, Platon, Aristote et bien d’autres. Et cela jusqu’à nos jours.
Au point que nous n’en sommes le plus souvent même pas conscients ...
On peut encore ajouter que si le
monde – censé être toute chose – existait, il serait nécessairement unique en
son genre et donc absolument différent de toute autre chose. Par voie de
conséquence il n’existerait pas comme tel. Pourquoi ? Parce qu’une chose
ne peut se concevoir dans sa différence – qui seule lui donne sens – que par
rapport à une ou plusieurs autres choses. C’est pourquoi cet objet (le monde)
ne saurait être absolu, « unique au monde ». Encore une fois
« Le Monde » est une aberration car, s’il existait, il serait tout
seul et ne pourrait se différencier que par rapport à ce qui n’existerait pas.
C’est-à-dire par rapport à son contraire, le néant. Or le néant n’est même pas
pensable car non existant. Affirmer l’existence du monde par rapport à un impensable est absurde. Le
monde n’existe pas. Cqfd encore une fois.
Bref, ce qui n’existe pas
« ne peut sortir du lot », tout simplement, et ce qui voudrait se
comparer au néant n’existerait pas plus que ce dernier. Il a maintenant été
clairement démontré de diverses manières que le concept de « Monde »
n’a aucun sens. C’est une vue de l’esprit absconse et métaphysique aux
conséquences concrètes incalculables. (Il suffit d’y réfléchir un instant.
Faisons-le.). Le tout est de savoir si nous sommes prêts à accepter cette
réalité contraire à nos croyances les plus invétérées affirmant que « bien
sûr, le monde existe, pardi ! ». On comprend pourquoi les religions
et les idéologies fleurissent partout.
Quoi qu’il en soit, gardons-nous
donc bien de tout Super-objet, toujours métaphysique et qui ne saurait exister.
Quelques exemples pourraient questionner certaines convictions parmi les plus
profondes :
– le monisme (notamment
matérialiste) à la Spinoza et tous les autres, ou encore la science de la
vérité comme néo religion : son « Univers » est celui du
« chez soi froid, glacé et silencieux », dont nous les hommes et nos
modes d’exister sommes exclus. Non, l’ontologie doit garder le contact avec la
réalité de notre expérience humaine. Le monisme est réfuté par cette preuve que
« Le Monde » n’existe pas. Aïe ...
– le dualisme à la Descartes (une
idole) qui affirme que l’esprit des hommes est d’une autre nature que leur
corps : un examen superficiel en démontre l’absurdité, là aussi. Si nous
acceptions deux natures ou deux substances, d’où tiendrions-nous qu’il n’en
existe que deux ? Et pas vingt-deux, par exemple ? D’où l’absurdité
du dualisme.
– etc. pour les autres
affirmations de Super-objet : qui pourtant sont partout prônées autour de
nous qui déconstruisent notre intellect et notre perception de la vie humaine
en société. Finalement ce concept délétère a été engrammé en nous au plus profond
par des siècles de rabâchage métaphysico-religieux et idéologique.
Ce conditionnement, pouvons-nous
prétendre qu’il nous a été imposé à notre insu .. ? S’engrammerait-il à
l’insu de notre plein gré..? On connaît ce genre d’échappatoire facile.
Français – et vous les hommes de tous les pays – encore un petit effort et un
peu de courage, et les coquilles subreptices de la cécité philosophique nous
tomberont de devant les yeux !
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