samedi 6 janvier 2024

Sujet du Merc. 10 Janvier 2024 : Giordano Bruno : Le monde est-il fini ou infini ?

 Giordano Bruno : Le monde est-il fini ou infini ?

Adresse aux juges du tribunal de l’inquisition : « Vous éprouvez sans doute une plus grande peur en portant contre moi cette sentence que moi en la recevant ». 

Giordano Bruno, philosophe et moine dominicain italien du XVIe siècle. Né à Nola (Sud de l’Italie) en 1548 était un penseur audacieux qui a avancé des idées cosmologiques révolutionnaires pour son époque. Son idée la plus novatrice pour son époque est sa conception d’un monde infini. Cette idée est développée dans son œuvre majeure, "De l'infini, de l'univers et des mondes" (1584).

Il a voyagé à travers l'Europe et a enseigné dans plusieurs pays.
En France : Bruno a notamment enseigné à Paris, où il a eu des interactions avec des cercles intellectuels et a développé certaines de ses idées philosophiques.

En Angleterre : Giordano Bruno a passé plusieurs années en Angleterre au service d'Élisabeth Ier d'Angleterre. Il a enseigné à Oxford et a eu des interactions avec des penseurs et des scientifiques anglais de l'époque.

 

En Allemagne : Bruno a également voyagé en Allemagne, où il a eu des échanges intellectuels et a contribué à la diffusion de ses idées.

Les conceptions de l'univers de Giordano Bruno étaient audacieuses et révolutionnaires pour son époque. Il a élaboré sa vision cosmologique dans plusieurs œuvres, dont l'une des plus importantes est "De l'infini, de l'univers et des mondes" (1584). Voici quelques-unes des principales caractéristiques de ses conceptions de l'univers :

Un univers infini :
 Bruno rejetait l'idée d'un univers fini et clos. Selon lui, l'univers était infini dans l'espace et le temps. Il soutenait que l'infini était une caractéristique fondamentale de la réalité et que l'univers ne pouvait pas être limité par des frontières définies. C'était une vision radicalement nouvelle à une époque où l'Univers était souvent considéré comme fini et centré sur la Terre.
Cette idée s’adosse au point de vue selon lequel l’infini est conçu comme un attribut de dieu. Ainsi, affirmer l'infini de l'univers revient, selon Bruno, à reconnaître la grandeur et la perfection de Dieu  
Ces idées ont eu des implications importantes pour la cosmologie ultérieure. Il se rapproche ainsi des premiers penseurs grecs de la nature, tel Anaximandre.

Un univers sans point central :
À l'époque de Bruno, la vision traditionnelle était celle d'un univers clos et fini, avec la Terre au centre et des sphères célestes concentriques autour d'elle. Contrairement à ce modèle géocentrique traditionnel qui plaçait la Terre au centre de l'univers, Bruno imaginait un univers sans centre particulier.

 Il niait la conception d'une hiérarchie centrée sur la Terre et défendait plutôt une vision où chaque point de l'univers pouvait être considéré comme un centre. Bruno a soutenu une vision héliocentrique du système solaire, affirmant que la Terre tournait autour du Soleil.

Et pour lui il existait ainsi une infinité de systèmes identiques, et diverses formes de vie dans l'univers, dans un espace infini.
Bien que ses idées aient précédé celles de Galilée et de Copernic, il a contribué à la diffusion de la vision héliocentrique.
A rapprocher des conceptions atomistiques de Démocrite et Epicure.

Il y a plusieurs mondes :
Bruno croyait en la pluralité des mondes habitables. Il pensait que l'univers infini devait contenir une multitude de planètes similaires à la Terre, chacune susceptible d'abriter des formes de vie. Cette idée anticipait la notion moderne d'une pluralité de planètes potentiellement habitables.

La nature infinie de dieu :
Bruno considérait Dieu comme infini, et cette infinité se reflétait dans l'univers. Il voyait l'infini comme un attribut divin et pensait que la diversité infinie de l'univers témoignait de la grandeur et de la perfection de Dieu. On se rappellera ici la phrase de Spinoza : « Deus sive nature » (dieu c'est-à-dire la nature).

Une œuvre résultat d’une vision pluri disciplinaire :
Bruno a combiné des idées de différentes traditions philosophiques, y compris la pensée antique, la Renaissance et des influences mystiques. Préfigurant la renaissance, Bruno puise dans tout le corpus intellectuel et scientifique de son époque. Il se détache donc radicalement de la scholastique.

Pourfendeur de la rigidité de la pensée aristotélicienne dominante à son époque, il a plaidé en faveur de la liberté de pensée et de l'exploration intellectuelle, s'exposant ainsi à des conflits avec l'Église catholique et les autorités religieuses. Bruno a cherché à réconcilier la science et la spiritualité, croyant en une connexion profonde entre la nature et Dieu. Cette perspective a influencé la manière dont certains ont envisagé la relation entre la science et la religion à l'époque de la Renaissance.

Les idées de Bruno, radicales pour son temps, et sa vision de l'univers aux implications profondes pour la pensée scientifique ultérieure ont suscité l'opposition de l'Église catholique, En 1592, il a été emprisonné à Venise, puis, après un procès pour hérésie, il a été remis à l'Inquisition romaine en 1593. Il été jugé coupable d'hérésie. Les autorités ecclésiastiques ont condamné ses idées, y compris ses positions sur l'infini et son refus de se rétracter, en dépit des pressions exercées par l'Inquisition qui lui reprochait :

D’avoir des opinions contraires à la Sainte Foi et d’avoir tenu des propos contre celle-ci et contre ses ministres.

D’avoir des opinions erronées sur la Trinité, la divinité du Christ et l’Incarnation.

D’avoir des opinions erronées sur le Christ.

D’avoir des opinions erronées sur la transsubstantiation et la Sainte Messe.

De soutenir l’existence de mondes multiples et leur éternité.

De croire à la métempsychose et à la transmigration des âmes humaines dans les animaux.

De s’occuper d’art divinatoire et de magie.

De ne pas croire à la virginité de Marie.

Finalement, Giordano Bruno a été brûlé sur le bûcher à Rome en 1600. Un dispositif horrible ayant été fixé dans sa bouche pour l’empêcher de parler au moment où il serait dévoré par les flammes.

« Il ne faut pas oublier que nous devons tout à Bruno, et que, si aujourd’hui nous pouvons faire ces recherches, c’est grâce à lui. »

Kepler à Galilée. Lettres en 1597

"A dire ce que je pense de cet homme, il y aurait peu de philosophes qu'on pût lui comparer"

Denis Diderot, encyclopédie article Jordanus Brunus

 

« Malgré les imperfections qui lui sont communes avec tant d’autres philosophes, on doit reconnaître en Bruno un des hommes les plus remarquables de son siècle. [...] le désintéressement demeure en soi chose sacrée. C’est pourquoi les esprits élevés, sans approuver tous les principes de Bruno, admirent son dévouement à la république des lettres ; c’est pourquoi son nom ne périra jamais"

Christian Bartholmèss. Jordano Bruno.


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