samedi 9 septembre 2023

Sujet du Merc. 13/09/2023 : "La vérité est au fonds du puits" Démocrite.

 

   "La vérité est au fond du puits"     Démocrite                 

      
La vérité est un des thèmes centraux de la philosophie et nécessite par ailleurs un questionnement permanent sur ce qu'elle est et comment on peut y accéder. C’est dans le petit ouvrage d’Arthur Schopenhauer intitulé « l’art d’avoir toujours raison » que j’ai lu pour la première fois cette formule de Démocrite. Pour Schopenhauer l’art d’avoir toujours raison, c’est l’art des certitudes absolues, donc  l’art de dire la vérité.
Mais « l’art de dire la vérité », qui, au fond ne serait qu’une technique de manipulation de mots, de concepts, etc… apparentée à la sophistique n’est pas la recherche de la vérité car il présuppose que « l’artiste qui dit la vérité »  …..connait une vérité.  On est loin de l’approche Démocritéenne !

            Dire que « la vérité est au fond du puits » c’est faire accéder l’homme à la connaissance. C’est faire descendre la vérité au niveau des mortels afin qu’elle ne cesse d’être le privilège des dieux. « où que tu sois creuse profond. N’écoute pas les hommes en noir crier : « en bas c’est toujours l’enfer ». En bas jaillit la source » disait Nietzsche en écho.

            Dire de la vérité qu'elle est surprise au fond du puits, c'est dire que la vérité n'est pas nécessairement évidente et qu'elle se cache dans l'obscurité du puits, là où on ne l'attend pas. En ce sens, nous pouvons opposer la vérité à l'apparence. L'image du puits n'est pas sans faire penser à l'anecdote de Thalès qui est racontée dans le Théétète. Alors que Thalès se promenait en regardant le ciel, il ne vit pas le puits qui était creusé dans le sol et tomba. Une servante de la ville de Thrace qui passait par là, se mit alors à rire, se moquant de ce savant qui, ayant la tête dans les nuages était incapable de voir la réalité qui était sous ses pieds.      
Cette anecdote est souvent racontée pour critiquer le savant et le philosophe qui seraient éloignés de la réalité. Néanmoins, contrairement à ce que croyait la servante, Thalès n'était pas tombé dans le puits, il était descendu pour mesurer le mouvement des astres en calculant la projection des ombres sur les parois du puits.

Ainsi, la servante a pu rire face à Thalès pensant qu'il ne voyait pas la réalité alors que Thalès découvrait une vérité en descendant dans le puits. La vérité n'est pas donc dans l'apparence, dans ce qu'on voit, elle est à découvrir et exige une activité de la réflexion face aux apparences, une activité de l'esprit. 

            La politique, aujourd’hui, serait un théâtre burlesque où des politiciens prompts au mensonge rient entre eux de leurs pantalonnades devant un public candide. D’un scandale à l’autre, les citoyens n’en finissent pas de se découvrir bernés par ceux en qui ils ont eu confiance. Peut-on désormais rencontrer la vérité quelque part?

 

            Dans un article publié en allemand en 1964 et intitulé « Vérité et politique » Hannah Arendt souligne qu’il serait absurde de prétendre que la vérité doit prévaloir en toutes choses. L’action politique est ce par quoi nous cherchons « à établir ou à sauvegarder les conditions de la recherche de la vérité ». Comme substitut à des moyens plus violents, le mensonge peut s’avérer, à certaines occasions, le moyen le moins dévastateur de préserver les havres de paix nécessaires à la poursuite de la vérité. De plus, comme Chateaubriand l’avait fait dans son Génie du christianisme, Arendt constate qu’aucune des grandes religions, le zoroastrisme excepté, ne catalogue le mensonge parmi les péchés mortels.

            Selon Arendt, il importe d’établir une distinction entre vérité rationnelle et vérité de fait pour saisir l’impact du mensonge. La première, qui se rapporte aux vérités des sciences, de la philosophie et des mathématiques, survit plus aisément aux assauts du politique, qui les conteste rarement, alors que la deuxième, qui touche aux faits historiques et sociaux, est d’un statut plus précaire, sans cesse soumise aux manœuvres du pouvoir. Si le camouflage ou le silence ne guettent la vérité de fait, c’est le bannissement par l’oubli qui l’emporte à jamais hors du monde.

 

             Lorsqu’ils proclamèrent leurs droits inaliénables, les rédacteurs de la Déclaration américaine d’indépendance de 1776 écrivirent :
«Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement... » Jefferson savait qu’on n’entre pas en politique avec de grandes vérités sans devoir lui faire des concessions. Rien n’ébranle plus une communauté que l’irruption de porteurs de vérités absolues.

 

Si la vérité est une activité de l’esprit, comment répondre à l’auteur de ce texte qui prétend toucher la vérité par le biais de son corps ?

 

            « des zébrures en croix sur ma peau pour mieux suturer les failles de mon âme des mots amers dans ta bouche qui coulent comme le miel sur mon cœur car il me faut souffrir pour aimer souffrir pour jouir  pour te combler  pour te donner l'envie d'aller plus fort plus loin de me faire toucher le fond du puits où je trouverai ces quelques gouttes qui étancheront ma soif de savoir enfin qui je suis vraiment. »

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