Peut on faire des hypothèses sur le futur ?
MARTINO : Non seulement on peut, mais on
doit faire des hypothèses sur le futur, car c’est encore la meilleure façon de
se préparer pour le vivre. Je te signale que le futur commence à l’instant et,
si je n’avais pas fait l’hypothèse que nous allions prendre un verre ensemble
au café-philo, peut être n’aurai-je pas eu le plaisir de débattre sur cette
question avec toi.
ARTHURO : Oui
mais le futur est contingent, imprévisible. Ce n’est pas seulement l’exemple de
notre verre, proposition assez banale somme toute et à si court terme, et
sachant que tu me dois ce pot depuis longtemps, qui me convaincra de la
simplicité de la question.
MARTINO : Ah bon,
c’est moi qui invite ? Je ne l’avais pas prévu.
ARTHURO : Tu vois
bien que si tu émets une hypothèse, tu t’engages dans une action et rien ne
permet de dire que celle-ci aura les effets prévus. Surtout s’ils te
paraissaient « évidents ».
MARTINO : D’accord
mais il faut savoir au préalable dans quel cadre métaphysique tu acceptes de
placer la question de la prévisibilité de l’avenir ?
ARTHURO : Et toi,
dans lequel ?
MARTINO : En ce
qui me concerne je serais plutôt tendance Leibniz. Selon ce philosophe ayant
inspiré le fameux Pangloss, il est un principe de raison suffisante selon
lequel chaque chose existe nécessairement. En effet Dieu choisit, parmi tous
les mondes possibles, le meilleur.
ARTHURO : Mais
alors se pose le problème de la compatibilité d’un tel principe déterministe
avec celui de la liberté humaine. Puisque le futur est tracé par la volonté de
Dieu, toute action humaine, toute hypothèse impliquant cette action, ne
pourraient qu’aboutir à un avenir finalisé, justifié à l’avance, prédestiné. On
voit bien le danger de cette philosophie d’inspiration totalement métaphysique
pour ne pas dire téléologique.
MARTINO :
Pourquoi le danger ?
ARTHURO : Parce
que, s’il y a une fin écrite à l’avance, cela donne du zèle à ceux qui
cherchent à justifier les moyens qu’ils veulent utiliser pour y parvenir. Et
surtout à ceux qui prennent le pouvoir de décrire cette fin, au prétexte qu’ils
sont censés la connaître mieux que les autres. Tu veux des exemples ?
MARTINO : Mais on
doit bien faire des hypothèses sur le futur, ne serait-ce que pour ne pas
accepter forcément toutes celles qu’on cherche à nous imposer.
ARTHURO : C’est
en effet un devoir, mais à condition de rectifier la méthode en inversant le
raisonnement finaliste.
MARTINO : Et
comment inverser le raisonnement ?
ARTHURO : La
métaphysique de Leibniz qui conduit donc au finalisme (Le meilleur des mondes
possibles) est basée sur une sorte de déterminisme à l’envers, un rétro
déterminisme en quelque sorte, où l’effet précède la cause. Puisque Dieu a choisi
notre futur, et si nous affirmons notre croyance en cette vérité
transcendantale, toutes nos actions et hypothèses d’avenir s’inscrivent alors
irrévocablement dans cette perspective. Dans ce cas de figure, l’hypothèse
n’est qu’un effet, non une cause. Au contraire si nous croyons plutôt à un
déterminisme scientifique positif et causal, nous pouvons effectuer une
réflexion sur l’analyse des causes qui engendrent les phénomènes de la nature
et du monde sans même chercher à savoir si celui-ci a une justification ou une
signification qui préexisteraient à l’action humaine. C’est donc par ses libres
choix et par la responsabilité de ses actes que chacun d’entre nous devrait
décider du sens qu’il entend donner à sa vie pour contribuer à la marche du
monde qui l’entoure.
MARTINO : C’est
bien le point de vue de Sartre et de l’existentialisme athée que tu avances là.
ARTHURO : Peut
être, mais cette position est le seul moyen de répondre au titre même de notre
café-philo de ce jour (Peut-on faire des hypothèses sur le futur ?).
Car ce n’est pas « Doit-on … », mais « Peut-on
… ». Alors je dois bien jouer Sartre contre Leibniz si je veux avoir la
possibilité de répondre « Oui, on peut …» et exprimer le pouvoir
de ma liberté de penser, plutôt que « Oui, on peut toujours essayer… »,
et n’exprimer que mon pouvoir de résignation.
MARTINO : Mais
alors si la réponse est « Oui on peut… », çà écarte la
possibilité de débattre sur le « Non on ne peut pas… ».
ARTHURO : A mon
avis, et si l’on se place du point de vue sartrien, la question initiale peut
être bonifiée et s’interpréter ainsi : « Peut on faire de bonnes
hypothèses sur le futur ? ». Et à ce moment là la problématique
tourne alors autour de la plus ou moins bonne pertinence de toute méthodologie
utilisée lors de l’émission d’hypothèses.
MARTINO : Il est
certain que si l’on écarte les considérations métaphysiques (sauf à considérer
que la science est elle-même une métaphysique mais alors aucune philosophie
positive ne serait possible), on peut essayer d’avoir une discussion
critique sur le caractère plus ou moins rationnel de la valeur d’une hypothèse.
ARTHURO : Et
rendre hommage à des gens comme Claude Bernard par exemple.
MARTINO : Bien
sûr, mais que faire des « prévisionnistes » qui émettent toute
une foultitude d’hypothèses sur le futur sans aucun recours à la science, ou
alors en l’utilisant malhonnêtement ou comme science « infuse » ?
ARTHURO : Je te
laisse te dépatouiller, sans moi, avec tous ces camelots de la connerie
humaine, à commencer par ceux dont le nom commence par la lettre
« a » : aéromanciens, alectromanciens, aleuromanciens,
alphitomanciens, anthroposcopiens, arithmanciens,
anthroposcopiens,
astrodianosticiens, astrognosiens, astrologues, astromanciens, axinomanciens…et
tant d’autres.
MARTINO : Et
c’est comment, selon toi, une bonne hypothèse sur le futur ?
ARTHURO : Une
bonne hypothèse est une hypothèse modeste et raisonnable qui n’utilise que
l’extrapolation des lois causales dans le respect du cadre de leur domaine de
validité et qui est contrôlée en permanence, régulée en quelque sorte, par
l’expérience du réel. Une hypothèse est en quelque sorte une idée préconçue,
mais pas une idée fixe, qui guide l’investigation. Car il s’agit
de « faire » une hypothèse, c'est-à-dire construire une proposition
qui a le maximum de probabilité d’aboutir sur une réalité effective. Pas un
charabia dont les conséquences ne sont même pas assumées par celui qui l’a
prononcé.
MARTINO : Vu sous
cet angle c’est certain qu’il est plus facile d’émettre des hypothèses
finalistes, comme les prévisions catastrophistes dont on fait actuellement état
pour nous plonger dans une psychose de peur.
ARTHURO : En
effet. Et c’est pourquoi la plupart des hypothèses qu’on nous assène sur
l’avenir de la planète sont aussi ridicules les unes que les autres, mais
malheureusement elles ont une certaine audience tellement la bêtise humaine est
infinie.
MARTINO : Et
pourquoi ces hypothèses sont-elles ridicules, elles sont pourtant cautionnées
par des « scientifiques » ?
ARTHURO : Parce
qu’elles sont émises par des idéologues qui s’habillent en
« scientifiques » et qui, pour mieux brouter le gazon qu’on leur
laisse en récompense, se placent en réalité au service des grands maîtres du
monde, sans ressentir le moindre besoin d’y ajouter un souci d’éthique.
L’alliance du MEDEF et des Ecolos lors du dernier « Grenelle » de
l’environnement en est un exemple qui ne semble même plus suspect. Mais tu me
diras que « suce pet » ou « lèche cul » c’est
du kif kif.
MARTINO : Je
pensais que pourtant, le film de Al Gore…
ARTHURO : Un
imposteur selon Allègre.
MARTINO : Et son
Prix Nobel ?
ARTHURO : Sartre
a refusé le sien.
MARTINO : Et le
CO2 ?
ARTHURO : Bon on
arrête, je prends un Perrier. Avec beaucoup de bulles.
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