lundi 10 octobre 2022

Sujet du JEUDI 13 Octobre 2022 : D’où viennent les pensées ?

 

             D’où viennent les pensées ?    
« La production des idées, des représentations et de la conscience est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l'émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu'elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que ceux-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l'être conscient et l'être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscure, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique.

A l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel que l'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur conscience. …

C'est là où cesse la spéculation, c'est dans la vie réelle que commence donc la science réelle, positive, l'analyse de l'activité pratique, du processus, de développement pratique des hommes. Les phrases creuses sur la conscience cessent, un savoir réel doit les remplacer. Avec l'étude de la réalité la philosophie cesse d'avoir un milieu où elle existe de façon autonome.


En fait, le tour de force qui consiste à démontrer que l'esprit est souverain dans l'histoire (ce que Stirner appelle la hiérarchie) se réduit aux trois efforts suivants :

1.               Il s'agit de séparer les idées de ceux qui, pour des raisons empiriques, dominent en tant qu'individus matériels et dans des conditions empiriques, de ces hommes eux-mêmes et de reconnaître en conséquence que ce sont des idées ou des illusions qui dominent l'histoire.

2.               Il faut apporter un ordre dans cette domination des idées, établir un lien mystique entre les idées dominantes successives, et l'on y parvient en les concevant comme des "autodéterminations du concept". (Le fait que ces pensées sont réellement liées entre elles par leur base empirique rend la chose possible ; en outre, comprises en tant que pensées pures et simples, elles deviennent des distinctions que produit la pensée elle-même par scissiparité.)

3.               Pour dépouiller de son aspect mystique ce "concept qui se détermine lui-même", on le transforme en une personne — "la conscience de soi" — ou, pour paraître tout à fait matérialiste, on en fait une série de personnes qui représentent "le concept" dans l'histoire, à savoir les "penseurs", les "philosophes", les idéologues qui sont considérés à leur tour comme les fabricants de l'histoire, comme le "comité des gardiens", comme les dominateurs. Du même coup, on a éliminé tous les éléments matérialistes de l'histoire et l'on peut tranquillement lâcher la bride à son destrier spéculatif.

Dans la vie courante, n'importe quel boutiquier sait fort bien faire la distinction entre ce que chacun prétend être et ce qu'il est réellement ; mais notre histoire n'en est pas encore arrivée à cette connaissance vulgaire. Pour chaque époque, elle croit sur parole ce que l'époque en question dit d'elle-même et les illusions qu'elle se fait sur soi. »

K. Marx, L’Idéologie Allemande 1845(extraits)

 

Alors d’où viennent les pensées, les idées ?

« Tombent-elles du ciel ? Non.

Sont-elles innées ? Non.
Engagés dans des luttes diverses au cours de la pratique sociale, les hommes acquièrent une riche expérience, qu'ils tirent de leurs succès comme de leurs revers. D'innombrables phénomènes du monde extérieur objectif sont reflétés dans le cerveau par le canal des cinq organes des sens - la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher ; ainsi se constitue, au début, la connaissance sensible.        
Quand ces données sensibles se sont suffisamment accumulées, il se produit un bond par lequel elles se transforment en connaissance rationnelle, c'est-à-dire en idées.            

C'est là un processus de la connaissance. C'est le premier degré du processus général de la connaissance, le degré du passage de la matière, qui est objective, à l'esprit, qui est subjectif, de l'être à la pensée. A ce degré, il n'est pas encore prouvé que l'esprit ou la pensée (donc les théories, la politique, les plans, les moyens d'action envisagés) reflètent correctement les lois du monde objectif ; il n'est pas encore possible de déterminer s'ils sont justes ou non.   
Vient ensuite le second degré du processus de la connaissance, le degré du passage de l'esprit à la matière, de la pensée à l’être : il s'agit alors d'appliquer dans la pratique sociale la connaissance acquise au cours du premier degré, pour voir si ces théories, politiques, plans, moyens d'action, etc. produisent les résultats attendus. En général, est juste ce qui réussit, est faux ce qui échoue ; cela est vrai surtout de la lutte des hommes contre la nature.      

En passant par le creuset de la pratique, la connaissance humaine fait donc un autre bond, d'une plus grande signification encore que le précèdent.

Seul, en effet, ce bond permet d'éprouver la valeur du premier, c'est-à-dire de s'assurer si les idées, théories, politiques, plans, moyens d'action, etc. élaborés au cours du processus de réflexion du monde objectif sont justes ou faux ; il n'y a pas d'autres moyen de faire l'épreuve de la vérité.

Pour que s'achève le mouvement qui conduit à une connaissance juste, il faut souvent mainte répétition du processus consistant à passer de la matière à l'esprit, puis de l'esprit à la matière, c'est-à-dire de la pratique à la connaissance, puis de la connaissance à la pratique. »

Mao Ze Dong  D’où viennent les idées justes 1963 - Extraits

 

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