ET L'ARGENT
DANS TOUT ÇA ?
« Comment ça, l'argent est un
objet philosophique ? Non, c'est quotidien !». Nos poncifs sur
l'argent tombent quand nous découvrons les faits concrets de la monnaie et les
principes qui les expliquent.
Depuis la Renaissance, le principe
de la monnaie a permis un essor considérable des activités humaines :
arts, sciences et techniques, immenses progrès, découvertes ; mais aussi
domination et destructions tous azimuts. Nous nous échappons de la Terre
jusqu'aux confins du cosmos, tout en nous menaçant d'extinction nucléaire ou
bactério-virale ; ou encore de mutation transhumaniste et de réification
par intelligence artificielle. On sait faire.
Cette monnaie-là n'est-elle donc
pas le moyen de tout faire ? Ou presque, puisqu'elle se fonde sur les
dispositifs réglementaires de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) de
Bâle la préservant de l'absolu de la saisie sans borne du monde. Rien que
ça !? Avons-nous même jamais entendu parler de cette institution ?
Voyons cela par la connaissance, plutôt que par la soumission (La Boëtie) à « l'ignorance des causes qui nous
déterminent » (Spinoza). Par ce biais, décrochons un peu de liberté
d'action face à ceux qui pilotent cet argent tout puissant, sans lequel presque
rien ne serait possible de ce qui se fait aujourd'hui.
Tout d'abord distinguons les
faits, hors préjugés (Descartes), qui attestent qu'un principe de monnaie
opposé au nôtre existe depuis des temps immémoriaux. Le système actuel, lui,
est récent et mortel. Il n'est pas cet « horizon indépassable du capitalisme »
imaginé par des idéologues de la défaite de la pensée. Pour le démontrer, il
suffit de savoir ce qu'est notre monnaie : un simple mécanisme
mathématique convenu entre des hommes et donc renversable à tout instant. Pour
le vouloir, ne devons-nous pas d'abord le connaître, débusquer nos
poncifs et fausses croyances si « évidentes », oser regarder nos
actes en face ? Oser comprendre l'argent.
Au paléolithique, qui
perdure encore en quelques lieux sur terre, ont cours des « monnaies
sociales » représentant un principe de vie opposé au nôtre. Pour de
petites communautés nécessitant peu de travail, l'essentiel c'est la vie, le
rapport mutuellement réciproque aux autres qui fonde les hommes à chaque
instant : la naissance, l'union de couple, la vie, le deuil. Ces plages de
vie partagée sont leurs valeurs fondatrices représentées par des monnaies
sociales (coquillages, raphia, etc.) qui passent de main en main, mais qui
n'équivalent jamais à une vie. Au contraire, aujourd'hui, pour nous chacun a un
prix plutôt qu'une dignité d'homme (Kant).
Dans l'ignorance de la biologie,
l'origine d'un petit-d'homme paraissait magique : une création spontanée
issue du corps d'une jeune femme. Qui est dès lors érigée en valeur ultime.
C'est le « bride wealth », « la richesse de la fiancée ».
Un homme l'obtient par le partage sans fin de monnaie sociale avec la famille.
Ceci jusqu'au retour prochain à la famille d'une vie nouvellement engendrée par
sa fille, qu'elle n'avait que prêtée jusque là.
La monnaie était le symbole même
de la vie faite de rapports en société. En effet, les hommes sont des animaux
politiques parce que sociaux (Aristote). Si bien qu'en définitive « il n'y
a de richesse que d'hommes » (J. Bodin). Ainsi les hommes se
partageaient-ils les jeunes femmes.
Jusqu'à ce que tout bascule. Un
homicide survenant et c'est une perte irrémédiable. Mais en tant que
représentation de vie, nulle monnaie, même « sociale », ne peut
compenser une perte de vie. Si, par inconscience de la valeur de vie, la cession
d'une autre vie n'intervenait pas, un rapt compensatoire pouvait occasionner
d'autres pertes de vie et la saisie d'otages, souvent convertis en esclaves (M.
Patou-Mathis). De fait, par là, la vie humaine devient objet. Comme objet et
simple moyen, elle acquiert plus un prix qu'une dignité (Kant) : par
mutation du principe de monnaie sociale en son contraire, la monnaie d'échange
marchand. Alors règne inégalité et hiérarchie croissantes. Les bénéficiaires
souhaitent symboliser ces différences en les traduisant en supériorité, dont
ils donnent une représentation par des objets de prestige décrétés rares et
précieux.
A la Renaissance une nouvelle
étape est franchie qui conduit au principe de l'actuelle monnaie
d'échange. Les marchands confient leurs objets précieux à la bonne garde des
orfèvres contre un certificat de dépôt et le versement d'un loyer
proportionnel à ses sûreté, valeur, et durée. Bientôt les certificats ne
renseignent plus que la valeur des biens. Cet anonymat des objets permet de
rembourser par simple prélèvement sur les valeurs détenues dans les coffres,
dès lors devenues interchangeables. Les certificats peuvent servir de moyen de
paiement ne nécessitant plus la corvée de récupérer des objets précieux et de
les transporter (un peu comme nos cartes de paiement et puces incorporées
remplacent le port encombrant de billets et de pièces). Ce dispositif présente
deux avantages majeurs pour l'orfèvre devenu banquier. Il retarde
considérablement les demandes de remboursement, tandis que seule circule une image
scripturale comme représentation des valeurs.
Un nouveau principe
intervient. Les objets précieux ne désemplissent plus les entrepôts du
banquier : 1) il constate que les dépôts nouveaux tendent à équilibrer les
retraits et 2) il spécule que la probabilité est très faible pour que les
certificats devenus « billets » soient présentés tous à la
fois pour récupérer les biens devenus des « actifs ». Il se convainc
qu'ils ne doivent plus « dormir », mais fructifier. Simple : la
Renaissance regorge d'hommes ayant des projets mais souvent dépourvus de moyens
financiers pour les réaliser. Les banquiers émettent des billets qu'ils leur
prêtent bien au-delà de la valeur des biens précieux sous leur garde. Biens
qui, eux, étaient déjà assurés par les billets les représentant et qui à leur
tour avaient déjà généré la création d'autres billets par le loyer de garde. De
la fausse monnaie est ainsi créée, potentiellement ad libitum. L'homme –
emprunteur ou financier – est considéré comme la mesure de toute chose (Protagoras,
sophiste antique).
Les banquiers fournissent donc des
prêts de billets aux ambitieux démunis pleins de projets. Et ils s'estiment en
droit d'exiger le paiement d'intérêts sur un capital fictif (fausse monnaie prélevée/volée à la communauté)
pour l'entière durée du remboursement. Par ce stratagème, les banquiers créent
frauduleusement à leur profit un nouvel apport considérable de monnaie. Qui
sert de fondement à de nouveaux prêts, par le même subterfuge de faux-monnayeur
« utile ».
La monnaie résulte des demandes de
financement et non plus des découvertes d'or et du travail requis pour
l'extraire. Cette monnaie devient des dettes dues aux banques et qui circulent
parmi nous. C'est l'ARGENT-DETTE. Cela signifie que, si les dettes étaient
toutes remboursées, il n'y aurait plus d'argent... Tout s'arrêterait. De plus,
comme ce système repose sur le principe d'une création monétaire sans
fin, il faut qu'il y ait sans fin toujours plus de dettes. Cela signifie aussi
qu'il suffit de produire des lignes comptables bancaires comme monnaie écrite
(dite scripturale), ou simplement des bits numériques de monnaie-dette. Facile
l'envolée !
Pourtant, cette création monétaire
souffre du pouvoir du néant (zéro monnaie) et de l'illimité (infiniment de
monnaie) par lequel les banques pourraient arrêter l'économie, ou acheter le
monde entier et (é)puiser les ressources vives des hommes. Et même l'univers.
Ce danger, outre qu'il menace la vie d'extinction, serait mortifère aussi pour
ses banquiers et créateurs. Au-delà de la problématique philosophique de
l'absolu de l'illimité que nous pouvons régler, une solution mathématique de
limitation est évidente et nécessaire. Même si elle est soigneusement passée
sous silence par les maîtres du système de l'argent-dette. Les maîtres
réalisent la nécessité d'auto-limiter la création sans fin de monnaie. Ceci
afin de préserver leur richesse fondée sur la rareté et qui leur confère un
pouvoir « absolu ».
Ils le font par le « système
de création monétaire avec réserves fractionnaires (partielles) »*.
Bien, mais encore ? A cet effet, il faut une hiérarchie stricte.
C'est le principe fondateur qui a été instauré presque partout sur terre
par la mutation des monnaies sociales du paléolithique en monnaies d'échange.
Celles-ci marchent de pair avec les guerres. Il faut une institution sommitale
d'autorité référente décidant des règles de santé et de prospérité de la
monnaie. Ne faut-il pas aussi des Etats et leurs personnels pour un accord
nécessaire avec les banques privées en vue d'une représentation de ces entités
hiérarchiques au sein d'une institution sommitale de préservation du système
d'exploitation mondial par l'argent-dette ? C'est la Banque des Règlements
Internationaux de Bâle ou BRI. Qui pourtant n'est pas une banque, car de monnaie
on n'y en trouve nulle part.
Pour s'en convaincre, il faut
présenter le mécanisme bien concret de la chose. Le principe fondateur
de fonctionnement de la création monétaire se traduit par une simple formule
algébrique attendant des applications arithmétiques simples d'addition,
soustraction et division, introduites à l'école élémentaire en CE1 et
maîtrisées en CM1. C'est simple. Pourquoi ne pas s'y mettre pour construire une
philosophie d'action directe ? Une forme graphique illustre clairement le
processus du mécanisme monétaire et ses limitations auto-salvatrices :
K
= 1 / ( X + Z (1 - X ) ) .
K
= le multiplicateur de prêts des banques
privées mesurant leur capacité globale de création de
monnaie-dette.
X
= l'indice de préférence de la
population ou société pour les billets.
Z
= l'indice de réserves obligatoires en
Banque Centrale comme fraction des billets déposés par les clients sur leurs
comptes auprès des banques privées.
On constate que le volume et le
pouvoir K des banques privées sur
tout et tous par les crédits qu'elles allouent seront d'autant plus grands que
le dénominateur sera petit, voire presque nul :
– La
disparition des pièces et billets ( X= 0 ) de la circulation par le paiement
numérique par carte, smartphone ou puce sous-cutanée non seulement accélère les
flux monétaires, ce qui les sur-multiplie, mais surtout laisse Z seul en
dénominateur. Ce qui projette vers des sommets la multiplication de la
monnaie-dette K des banques privées et les profits qui en
découlent.
– A
son tour, la minoration par les banques privées de leurs réserves
minimales Z de billets de Banque centrale augmente leur
multiplicateur de prêts K .
– Si X
et Z devenaient très petits ou nuls, disons 0,01
(ou moins encore), le multiplicateur
K égalerait 90. Si
X et Z
deviennent nuls, K croît à
l'infini. Le volume de l'argent privé devient infini. Aujourd'hui, on y
est presque. D'où les expédients actuels.
– Les
banques, parties prenantes dominantes à la BRI, poussent à une réglementation
monétaire et à des manœuvres accroissant leur pouvoir inscrit dans la valeur
de K, création privée de monnaie-dette.
C'est la financiarisation de la monnaie. Outre l'abandon en cours de l'usage X des
billets, elles travaillent à la minoration de leurs réserves obligatoires
Z de billets. L'équation montre que ces
deux opérations se renforcent mutuellement ce qui aboutit à en exténuer le
potentiel ! Ce qui serait mortifère pour le système.
Entre temps, cette minoration permet un surgissement presque illimité de
produits financiers, coquilles vides de valeur authentique. Par ce processus de
minoration de X et Z nous approchons du bout du rouleau du
principe du système de monnaie-dette. Cette situation ne s'est-elle pas
développée à tout-va de 2007 à aujourd'hui ? Une rupture inévitable est en
marche. Un paroxysme de mesures d'ordre social sont en cours. En
voyons-nous la cause ?
– Sans cesse le système
oscille donc de crise en crise selon la rigueur avec laquelle les règles de la
BRI sur les indices X et
Z sont appliquées en fonction des
intérêts des puissants réunis dans le consortium mondial oligarchique de la
BRI. Ces jeux de vie et de mort ont des ramifications infinies auxquelles nous
pouvons nous adonner pour bien comprendre les potentialités et les failles du
système qui nous détermine. Cette connaissance offrirait le fondement
nécessaire à partir duquel concevoir les actions d'affrontement du système de
domination en place.
– Un
exemple historique majeur de lien entre création monétaire K et
menace d'Armageddon est celui de la crise-opportunité pétrolière. Les
Etats-Unis assurent à l'Arabie une protection absolue par leurs immenses forces
de guerre en échange de la vente uniquement en dollar du pétrole, sang de
l'économie et du pouvoir mondial. Toutes les nations doivent acheter des
dollars à proportion de leurs achats d'or noir. Et cela au cours de change fixé
par l'émetteur. En permanence, de gigantesques profits pour l'émetteur et des
pertes équivalentes pour tous les autres sont assurés sous peine de guerre (il
y en a eu plusieurs). Ces tombereaux d'argent transitent par les banques qui
les sur-multiplient par des prêts d'argent-dette sans fin. Qui financent, entre
autres, les forces armées étatsuniennes.
– Par
opposition, si la population exigeait l'usage unique de billets, l'indice X
serait maximal et égal à 1. Et
K aussi. Les banques ne
pourraient prêter que des billets, tous déposés sur des comptes par leurs
clients (Z= 0). Elles deviendraient des lieux de dépôt au service intégral du
public en échange de modestes émoluments plutôt que sans fin l'exploitation
privée actuelle. La contrepartie serait que peu de projets pourraient être
financés et éclore. Tant les immenses progrès que les destructions actuelles n'existeraient
pas. Une solution d'entre-deux pourrait être définie qui soit décidée par la
population, dont l'argent est un bien commun en tant que représentation de ses
valeurs de vie en société.
Ces connaissances une fois
acquises, reste précisément de vouloir agir ensemble en connaissance de cause.
Alors là, malgré Alain et Spinoza, « ce n'est pas demain la veille ».
A nous de voir...
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