« Anéantissez donc à jamais tout ce
qui peut
détruire un jour votre ouvrage »
A. D. de SADE
Nous sommes en 1795 et le citoyen
Sade, libéré depuis 1789 de La Bastille, participe aux événements
révolutionnaires. Mais les choses ne se déroulent pas à son goût :
« Je ne le cache point , c’est avec
peine que je vois la lenteur avec laquelle nous tâchons d’arriver au but ».
Sade voit la révolution sombrer
dans le formalisme et les factions, dans ce qui sera bientôt la
« terreur ». Il voit la résurgence du clergé, ou plutôt la naissance
d’une forme cléricale de la république. C’en est trop pour lui qui rejette le
catholicisme dont « les dogmes
absurdes, les mystères effrayants, les cérémonies monstrueuses, la morale
impossible de cette dégoûtante religion [ ne peuvent ] convenir à une
République ».
Lui qui refuse, aussi, ce qu’il
appelle le « théisme pur » et qui déclare « on est revenu de ce fantôme, et l’athéisme
est à présent le seul système de tous les gens qui savent raisonner. A mesure
que l’on s’est éclairé, on a senti que, le mouvement étant inhérent à la
matière, l’agent nécessaire devenait un être illusoire et que tout ce qui
existait devant être en mouvement, par essence, le moteur était inutile ».
Alors Sade se révolte il écrit un
texte : « Français encore un effort si vous voulez être républicains »..
Comment une nouvelle société, peut-elle
s’édifier après son acte fondateur ? C’est la problématique posée par
Sade. Pour lui les choses sont claires il faut « anéantir à jamais tout… ».
Il nous faudra éviter le
contresens, la lecture de premier niveau de Sade. Sade se félicite de la
destruction des symboles religieux et de la monarchie, pour lui c’est un acte
nécessaire mais pas suffisant car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, et
c’est pour moi une des dimensions du sujet, Sade nous propose une éthique.
Parler d’éthique ou de morale
avec Sade peut sembler incongru, inopportun, et pourtant écoutons le
citoyen-marquis de Sade :
« Français, je vous le répète,
l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et de l’encensoir.
Songez qu’il vous est impossible de l’affranchir de la tyrannie royale sans lui
faire briser en même temps les freins de la superstition religieuse : les
liens de l’une sont trop intimement unis à l’autre pour qu’en laissant
subsister un des deux vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui que
vous aurez négligé de dissoudre. Ce n’est plus ni aux genoux d’un être
imaginaire, ni à ceux d’un vil imposteur qu’un républicain doit fléchir ;
ses uniques dieux doivent être maintenant le courage et la liberté. ».
Deuxième contresens à éviter. Ne
voir là qu’une histoire ancienne et des propos historiquement datés. Sade nous
rappelle à l’ordre :
« Je viens offrir de grandes idées : on les écoutera, elles seront
réfléchies ; si toutes ne plaisent pas, au moins en restera-t-il
quelques-unes ; j’aurai contribué en quelque chose au progrès des
Lumières, et j’en serai content ».
Que l’on comprenne bien Sade. Il
est l’homme d’une époque certes, mais– et à lire son œuvre on s’en persuade
vite – c’est un philosophe qui écrit pour les temps à venir. Il se revendique
des Lumières et c’est de cela que l’on peut, peut-être, discuter.
Quoiqu’il en soit, Sade
veut délivrer un enseignement.
Sade est l’idéologue d’une utopie qu’il sent toute proche. Lui qui participe
aux comités révolutionnaires déclare :
« Français, vous frapperez les premiers coups : votre éducation
nationale fera le reste, mais travaillez promptement à cette besogne….
Remplacez les sottises déifiques … par d’excellents principes sociaux …
qu’ils (vos enfants) soient instruits de leurs devoirs dans la société ; apprenez-leur
à chérir des vertus dont vous leur parliez à peine autrefois ».
« Mais si, par crainte ou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis,
si l’on laisse subsister les bases de l’édifice que l’on avait cru détruire, qu’arrivera-t-il ?
On rebâtira sur ces bases, et l’on y placera les mêmes colosses, à la cruelle
différence qu’ils y seront cette fois cimentés d’une telle force que ni votre
génération ni celles qui la suivront ne réussiront à les culbuter ».
Plus de 200 années se sont écoulées. L’ouvrage
révolutionnaire de 1789, l’idéal éthique des Lumières est-il toujours
debout ; ou des « colosses » nouveaux se sont-ils
« cimentés » en lieu et place.
L’avertissement de Sade est-il
inactuel ?
la
philosophie « n’est point l’art de consoler les faibles, elle n’a
d’autre but que de donner de la justesse à l’esprit et d’en déraciner les
préjugés » A. D. de Sade
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