dimanche 26 janvier 2020

Sujet du Merc. 29 Janv. 2020 : LA PHILOSOPHIE : POSER DES QUESTIONS OU DONNER DES RÉPONSES ?


LA PHILOSOPHIE : POSER DES QUESTIONS OU DONNER DES RÉPONSES ?


Le fait de  poser des questions n’est pas propre aux philosophes. On pourrait même dire que « poser des questions » est une des caractéristiques de l’homme . Mais le corollaire immédiat c’est que si l’homme pose des questions ce n’est pas (de manière générale) pour en rester là. Il cherche une réponse et parfois arrive à formuler une réponse appropriée.

Depuis l’apparition des cafés philosophiques et d’une certaine philosophie dite « post-moderne » il est devenu quasiment honteux de donner des réponses à des questions philosophiques. Seule la science aurait la capacité à donner des réponses (provisoires pour certaines) car s’appuyant sur l’expérimentation et le fait qu’on puisse répéter des processus dès lors qu’on en a démontré la cohérence.

Cette attitude honteuse qui revient à dire que la philosophie n’a pas à donner de réponse ne doit elle pas être questionnée à son tour ?

Il y a toutes sortes de questions. Mais sont-elles toutes à portée philosophique ? Dieu existe-t-il ?  Ou encore, qui est le premier de la poule ou l’œuf ?, peut on répondre à ces deux questions ?  Les théologiens probablement, la philosophie idéaliste aussi au sens ou la réponse est une pure spéculation.
Stricto sensu il n’y a pas de réponses possibles hors la position dogmatique ou le choix binaire qui n’influent de toute façon pas sur le réel. Comme le dit M. Onfray : «Seuls les débats théologiques chrétiens, puis la scolastique affirment que l'exercice de la pensée vaut comme tel, à la manière d'une pure gymnastique intellectuelle séparée du réel. » ( M. Onfray).
Probablement avons-nous oublié ( ou nous a-t-on aidé à l’oublier !)que  : « la philosophie est aussi un art, ce qu'elle a été pendant une dizaine de siècles dans la période antique grecque et romaine, avant l'arrivée puis l'hégémonie du christianisme sur le terrain des idées. Art de penser et de vivre, de vivre pour penser et de penser pour vivre » M. Onfray
Vivre, pour les êtres humains, est en effet – in fine -  un problème de réponses concrètes à des situations concrètes.
Une partie du questionnement est purement métaphysique : pourquoi manger ?, pourquoi aller à l’école ?, Pourquoi suis-je en vie ? . La métaphysique est la spécialiste des  questions qui ne peut avoir que des réponses qui la satisfasse. Pendant que je vais disserter sur le fait de savoir pourquoi je suis en vie un temps infini peut s’couler jusqu’à …. Ma mort.

Ce type de questionnement sur le POURQUOI a le grand avantage de suspendre l’action. Et c’est bien là le but de toute métaphysique dont la question majeure continue à tarauder les spéculateurs : « pourquoi tout plutôt que rien » Leibnitz. On peut encore en parler d’ailleurs !
C’est une toute autre affaire de poser systématiquement la question du COMMENT et de s’en tenir à cette ligne. En fait nous revenons là à la source de la philosophie, comment diviser ce champ ?, comment prévoir de manière certaine les marées, une éclipse ? Comment accéder au bonheur ?  Ce furent parmi les premières questions de premiers philosophes.
Prenons la question du bonheur ou de la « vie bonne », si on la pose métaphysiquement : « pourquoi le bonheur ? » cela peut conduire à formuler des réponses qui vont permettre de rater l’essentiel : la réalisation effective du bonheur. Alors que la question : « Comment le bonheur ? » nous implique totalement dans une action. Notre bonheur dépend à la fois de nous et à la fois ne dépend pas seulement de nous. Pour que l’action se produise, pour que le bonheur se réalise – in concreto -  il faut un double oui ; c’est une question de vouloir et de pouvoir. Est-ce que je veux le bonheur et il faudra que j’agisse, est ce que peux, est ce que j’ai les moyens pour accéder au bonheur? Si le constat et NON, et bien si je veux quand même accéder au bonheur il faudra que, à nouveau j’agisse et que par ma pratique je me donne les moyens d’y accéder.
Ainsi la « prudence » de certains philosophes ou amateurs de philosophie, ne serait elle pas la résurgence de cette posture « d’avoir les mains propres car …..on n’a pas de mains » ? Le fait de craindre les réponses, de poser des questions univoques, qui amènent à des spéculations pures  ne serait il pas aussi une certaine paresse face à tout processus de connaissance c'est-à-dire à toute volonté de se transformer soi-même.
En effet poser la question du COMMENT oblige à utiliser des méthodes de pensée, de disposer d’outils intellectuels, de vouloir accéder à des domaines de connaissances, de faire des efforts. Discuter du sexe des anges peut être un doux divertissement, mais comprendre comment certains alors qu’ils organisaient la traite négrière, et les buchers de l’inquisition, pouvaient s’y adonner, nous renseigne certainement plus sur une certaine idée de l’homme.
Discuter de la démocratie, de la pollution, de la misère, peut aussi être sans fin (fins). « Pourquoi la démocratie ? » : parce que c’est le meilleur des régimes politiques ! ( les plus habiles diront le moins mauvais ). Mais : « Comment la démocratie ? », comment la réaliser concrètement dans ce monde ou des millions d’êtres humains voient leurs vies basculer au nom de la démocratie ( droit d’ingérence ... ), comme hier au nom de dieu tout puissant ?
« Pourquoi la pollution ? » parce qu’on est trop nombreux et que l’homme est un loup pour l’homme ?  Mais « comment la pollution ?», qui pollue, vous, moi ?  Monsanto, Total, Rhône Poulenc ? et au nom de quelle vision philosophique de l’homme ?
« Pourquoi la misère, », parce que nous devons passer dans ce monde « comme dans une vallée de larmes » et que certains sont destinés à y rester plus longtemps que d’autres ?. Mais « comment la misère ? », par quels mécanismes des couches de population entières des peuples entiers hier debout, en sont réduits à survivre avec la famine et la maladie en prime ?
Si un des rôles de la philosophie et des philosophes est de poser des questions, comme tous les hommes le font. La fonction de ceux que la philosophie attire ne serait elle pas d’apprendre à poser les bonnes questions et chercher ensemble non point les bonnes réponses, mais bien les outils méthodologiques qui pourraient permettre aux autres hommes de se passer de toute spéculation ?
«  Nous ne sommes pas pour que dans un monde désorganisé les intellectuels se livrent à la spéculation pure…Nous sommes pour que les intellectuels entrent eux aussi dans leur époque ; mais nous ne pensons pas qu’ils puissent y entrer autrement qu’en lui faisant la guerre. La guerre pour avoir la paix »    A. Artaud

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