dimanche 5 janvier 2020

Sujet du 08/01/2020 : POURQUOI LES HOMMES OBEISSENT-ILS A DES MAITRES ?


                  POURQUOI LES HOMMES OBEISSENT-ILS A DES MAITRES ?

On pourrait affirmer que c'est tout simplement parce que, par paresse, c'est plus confortable et que ça apaise les peurs. On aurait ainsi peu argumenté. La question semble mal posée. Que votre critique soit donc sans ambages sur ce qui suit.

Il ne s'agit pas de savoir s'il doit y avoir des maîtres ou pas puisque toute compétence confère une autorité, une maîtrise sur d'autres. Il y a donc des maîtres nécessaires mais pas abusifs. A certains moments et en certaines circonstances, n'est-on pas en société le maître d'un autre, tandis qu'on est aussi l'obligé ou même le soumis d'un autre ? Les Portugais ne se disent-ils pas mutuellement l' « obligado » d'un autre ?

En somme tout est une question de degré de maîtrise ou de soumission. La question n'est-elle pas avant tout éthique ? Et la réponse radicale ? Dans quelle mesure respecte-t-on la dignité de l'autre (Kant) ? En société, qu'est-ce qui est nécessaire sans être abusif ? Sachant que « l'homme est un animal politique » (Aristote). Et que les hommes ne peuvent vivre qu'en société par des échanges incessants dans des processus dialectiques diversement constructifs. On ne peut obéir à des maîtres sans en être parfois un soi-même.

Voyons cela. Comment cela se fait-il ? Qu'elles en sont les limites ? Comment des idées peuvent-elles s'ériger en dogmes métaphysiques de soumission et de servitude ?

                     Le nouveau-né découvre des contraintes et en impose à son entourage. Aux contraintes physiques auxquelles il s'affronte, il essaie à son tour de s'imposer en maître. Même si elles s'imposent in fine à lui en posant des limites infranchissables. Il en est de même de sa part vis-à-vis des êtres qu'il côtoie. Ces processus dialectiques de maîtrise qui se répondent assurent l'édification de la qualité d'homme. Ils construisent pas à pas la personne à partir de l'animal qui n'est encore un homme qu'en puissance. Mais outrepasser certaines limites conduit à l'abus. Alors émerge l'enfant-roi qui s'impose en maître puéril. Le mythe de la consommation l'installe dans cet état qui prépare des adultes immatures. Comment alors rééduquer dans la dignité d'hommes ceux qui n'en ont pas franchi les jalons dans la petite enfance ? Surtout si en outre on concède à l'enfant deux libertés abusives. Celle à la Gréta Thunberg d'invectiver en maître les adultes d'un doigt et d'un regard haineux, tout en désertant l'école de la connaissance ou en participant à celle de l'ignorance par l'indiscipline. Comment alors assurer l'édification d'une société en évitant sa décomposition en monades d'individus égotiques, ignorants et, pire encore, despotiques entre eux ?
                     Aux extrêmes opposés, il y a deux impositions possibles. Celle d'une morale, religion, idéologie ou mythe métaphysiques ; ou encore celle de l'arbitraire de la brutalité physique de l'enfance, de l'exploitation d'un salariat jetable, de l'esclavage et finalement de la torture. Ces impositions conduisent directement à la problématique de l'intitulé « pourquoi les hommes obéissent-ils à des maîtres ? » et plus particulièrement au « comment » de la chose. Faisons-le en deux temps. Il faut savoir ce qui fait un être humain et le maintient dans cette qualité. Ensuite, la révolte, la lutte et finalement la révolution ne suggèrent-elles pas elles aussi le « comment » ? En effet comment les hommes en arrivent-ils à pareilles obéissance et indignité ? Ici, un rappel de fondamentaux est nécessaire.

Tout ce qui appartient à l'univers, particule ou galaxie, caillou ou animal ou homme, est par convention doté d'existence. Tout objet est. Mais ce n'est que grâce à un observateur qui en trace les limites, lui assigne une singularité et le définit que toute chose devient un objet individualisé. Pour être un objet du monde, il faut être l'objet du discours d'un observateur. Certes parmi les animaux les hommes ne sont pas les seuls observateurs. Mais les hommes ne sont-ils pas seuls capables, par exemple, d'aller au-delà de la constatation qu'une tache brillante monte chaque matin dans le ciel. Tout objet est une création arbitraire du discours humain.
Sans l'homme l'univers n'est qu'un continuum sans structure, tant spatiale que temporelle. Du coup, seuls les hommes peuvent imaginer demain. L'objet soleil inexorablement réapparaît à l'horizon. Les ours, les écureuils font des provisions pour l'hiver, mais ce réflexe est déclenché par la température. Ils font des provisions parce qu'il fait froid, non pour passer l'hiver (intention humaine). Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui est propre aux hommes.

Outre d'être soumis à un déterminisme animal, les hommes ont un appétit lié à leur capacité de penser demain. Ce qui entraîne celle de s'interroger sur ce que sera cet avenir. D'où l'angoisse et l'espérance métaphysiques. Mais aussi le désir de rendre l'avenir conforme à leurs vœux. Comme leur prise sur le réel n'est que fort partielle, ils en viennent à s'imaginer des mondes illusoires hors du réel où interviennent des dieux et d'autres puissances occultes. Cette capacité est source de multiples dérives métaphysiques.

Revenant à leur regard créateur d'objet, les hommes peuvent le tourner vers eux-mêmes et se faire l'objet de leur discours. Du coup, non seulement ils sont comme tout animal, mais encore ils se savent être par un regard auto-réflexif. C'est la conscience.

Mais encore faut-il qu'il y ait possibilité de discours. Les faits montrent qu'un être humain sans rapport avec d'autres hommes n'a jamais pu parler ni tenir de discours, ni devenir ni rester un homme. Nous ne devenons hommes et ne le restons que par nos échanges et partages mutuels et collectifs. Je dis je parce que d'autres m'ont dit tu, et réciproquement. Il faut qu'il y ait un nous pour qu'il y ait un je. Le cerveau et le corps humains sont l'aboutissement de l'aventure de la matière au cours de l'évolution par l'apparition de pouvoirs toujours plus grands découlant de structures matérielles sans cesse plus complexes.

Il s'en suit que ceux qui n'acceptent pas d'entrer dans une relation authentique, franche et complète avec d'autres les privent de la dignité d'homme, celle d'être pleinement conscients. Ils les déterminent à l'état de conscience partielle proche de celle de l'animal dressé à « obéir à la voix de son maître ». C'est ce que montre l'exemple contemporain de populations paléolithiques d'Amazonie. Une brève tentative de Jésuites à instaurer une hiérarchie parmi les enfants d'Indiens par une notation scolaire a échoué dans le massacre de ces maîtres, qui en préparaient d'autres abusifs pour la postérité. Les Indiens avaient compris qu'instaurer une vision métaphysique de pouvoirs discriminatoires parmi eux les priverait de tout ou partie de leur qualité d'êtres humains : leur dignité. L'émergence de maîtres qui imposent l'institution hiérarchique de l'obéissance s'est soldée par l'éradication de la cause. La révolte a été suivie d'une ferme détermination dans le passage instantané à l'acte radical. Les Amazoniens sont philosophes. Comme Spinoza ils n'ont pas ignoré la cause qui les aurait sinon déterminés

Cette anecdote nous ramène au paléolithique de l'Ancien Monde et à la mutation néolithique vivace jusqu'à nos jours. Il y a quelque dix mille ans, le climat se réchauffe, devient plus sec (tiens, quelle surprise !). Chasseurs-cueilleurs jusqu'alors, les hommes se concentrent aux points d'eau essentiels à
la vie. Ils se sédentarisent dans ces écosystèmes luxuriants. Le conflit s'installe pour les ressources. La guerre apparaît par la décimation totale de communautés. La protection de la vie et des ressources devient la spécialité des plus vaillants et vigoureux disposant du pouvoir nouveau et exorbitant de prêter vie ou mort à tout un chacun. Une hiérarchie apparaît qui confère aux guerriers ce pouvoir discrétionnaire. D'autres classes les entretiendront, obéissant à la nécessité de la spécialisation des tâches pour survivre.       
La dépendance est réciproque. Mais l'urgence de la défense armée établit une asymétrie induisant la possibilité d'une sujétion et même in fine de l'abus de pouvoir. L'expérience acquise induit une violence plus insidieuse et profonde, assurant sujétion et obéissance par la conviction que l'intérêt de tous réside dans une concorde politique d'acceptation. Le recours à des croyances partagées par les soumis afin de conforter la stabilité sociale d'un système hiérarchique assigne à chacun sa condition de contrainte et d'obéissance. Les plus réfléchis font émerger des croyances sous forme de mythes, religions et idéologies diverses. 
En bref, des visions métaphysiques pénètrent les habitudes et les esprits. Elles sont le fruit de l'imagination de maîtres rusés et exploiteurs de congénères apeurés ou paresseux, ou encore naïfs parce que « ignorants des causes qui les déterminent ».

Aujourd'hui les prétendues libertés innombrables conférées aux individus-rois esseulés ne les confinent-elles pas insidieusement dans une ignorance garante de leur sujétion et exploitation sans retour par des maîtres s'avançant souvent masqués ? Pourtant ne suffirait-il pas de gratter l'émail du réel pour découvrir le pot-aux-roses ?          
Ainsi, l'argent – qui n'est qu'un accord révocable parmi les membres d'une communauté représentant ses valeurs – a-t-il été subrepticement accaparé par les maîtres ultimes du capitalisme. Ceci grâce à la paresse ou à l'ignorance serviles de tous les autres hommes, confondus par le subterfuge d'un paradigme métaphysique traduit en un mécanisme mathématique difficile d'accès aux moins initiés. Le principe d'illusion imaginé par les maîtres est de faire accroire qu'une monnaie inerte (métallique, papier ou électronique) peut se reproduire infiniment telle une chimère vivante selon la volonté de ses maîtres et créateurs. Or ce qui est ainsi transfiguré en son contraire prétend représenter l'accord social de tous sur la dignité d'homme qui réunit en toute confiance les membres d'une société. 

Un autre exemple plus récent est celui de « crime climatique de l'humanité ». L'affirmation d'ordre métaphysique – contraire aux faits mesurés et chiffrés, et aux sciences – est que les rejets coupables par les hommes de « gaz à effet de serre » éradiqueront bientôt la vie sur terre par leurs conséquences cataclysmiques sur tout ce qui se passe sous le soleil. Les notions religieuses de culpabilité, punition et rédemption sont omniprésentes. Les coûts immenses de la guerre contre les rejets doivent être imputés selon le principe du « pollueur, payeur ». En somme à chacun de payer une TVA climatique à proportion de sa consommation.      
Or consommer est le mot d'ordre du capitalisme. Les révoltes sociales lancinantes actuelles en sont les témoins (Gilets jaunes, pensions de retraite, etc.). Seront d'autant plus affectées les personnes dont la consommation représente une proportion plus grande de leur revenu. Elles seront imposées, punies et rédimées selon l'adage qu'il faut faire payer les moins bien lotis, même si c'est peu par tête, car leur nombre fera l'affaire. Ainsi se sépare le grain de l'ivraie. Le crédo métaphysico-religieux du crime climatique pénalisera quelque 95 à 99% des hommes sur terre, qui ainsi rachèteront en enfer leurs errements écologiques.

Réfléchissons un instant. Le prix de ces gaz de climat sont comme un droit à respirer, dont il faut s'acquitter. Il en est de même pour l'eau, bien commun de l'humanité comme l'air et assurant la vie, qui se vend de plus en plus aux enchères entre clients privés les plus puissants. En toute logique avec la conjecture métaphysique du réchauffement supposé dû à l'homme, ce dernier est décrété unique déterminant de la disponibilité d'air « propre » (peu de CO2) et d'eau douce. Les fonds climat ainsi collectés sur l'eau et l'air sont, en vertu de l'immensité capitaliste des gains promis, voués à la financiarisation par produits dérivés boursiers. Ils enrichissent infiniment par « la pompe à phynances » la fraction du pourcent de reliquat humain déjà le plus riche. Dans la même veine, les réserves monétaires destinées à régler les pensions de retraite sont-elles aussi en voie de constituer des produits dérivés de la financiarisation du monde ? La vie des vieux devient une ressource capitalistique à l'instar du film « Soleil vert » ?

Oui, la métaphysique souvent chamboule le monde. Les croyances, mythes, religions, idéologies l'ont prouvé. Sauf qu'aujourd'hui ce qu'elles mettent en œuvre est universel et sans borne. Cet hubris infini par son hyperbolique démesure sera-t-il le déclencheur de révolutions sociales planétaires qui l'annihileront ?
Mais quelles hécatombes, dans quelles souffrances, ne seront donc pas nécessaires. Comment collectivement aider à les minorer ? Allons-nous approfondir les points énoncés dans ce texte, et sans doute d'autres encore, en vue d'une (ré)action nécessaire ?

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