LE DISCOURS DE LA MÉTHODE
De René Descartes (XVII°s)
I) PREMIÈRE PARTIE
« Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée », et c’est
pourquoi Descartes choisit d’écrire son ouvrage en français (alors que la
tradition emploie le latin) : chacun doit pouvoir comprendre son discours et
s’en inspirer.
Descartes expose, à travers la
narration de sa vie contée comme une fable, la formation d’une méthode dont il
a déjà recueilli les fruits. Toutefois, il admet pouvoir se tromper. Il
explique ainsi la raison de son discours :
« y représenter ma vie en un tableau afin que chacun puisse en juger. »
(il parle de la qualité de sa méthode).
Déçu par l’enseignement
scolastique qu’il a reçu, et après avoir rejeté en bloc : éloquence, poésie,
mathématiques, morale, théologie et philosophie pour atteindre le vrai,
Descartes quitte l’étude pour voyager : « en me résolvant de ne chercher plus
d’autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le
grand livre du monde »
Cette étude du monde lui révèle
la diversité des opinions, qu’elles émanent de l’inion commune comme des
philosophes. Il apprend donc « à ne rien croire trop fermement » et à tâcher «
toujours de pencher du côté de la défiance, plutôt que vers celui de la
présomption ».
Il va donc se détourner du monde
pour entreprendre une étude en lui-même.
II ) SECONDE PARTIE
En Allemagne, au début de la
guerre de 30 ans, Descartes s’arrête dans un village et entreprend de méditer.
Il s’avise d’abord que « souvent, il n’y
a pas tant de perfection dans les ouvrages (...) faits de la main de divers
maîtres qu’en ceux auquel un seul a travaillé ».
Il en déduit que si, dès notre
plus jeune âge, nous avions eu toute notre raison, nos jugements seraient plus
purs et plus solides qu’ils ne le sont. Il faut en conséquence chercher à ôter
les diverses opinions reçues (ou a-priori ) de sa raison, afin de retrouver un
jugement sûr. Mais pour bien conduire sa raison, il faut une méthode qu’il
expose alors, tout en mettant le lecteur en garde contre toute universalité.
Cette méthode, qui comprend 4
préceptes, n’est en effet qu’un exemple ; c’est à ce titre que chacun doit
l’étudier :
A) RÈGLE D’ÉVIDENCE :
« Ne jamais recevoir aucune chose pour vraie que je ne la connusse
effectivement pour telle ; c’est à dire d’éviter soigneusement la précipitation
et la prévention »
Voici ici exposé le critère de
l’évidence, qui n’est en aucun cas lié à l’a priori ou à la précipitation, mais
qui, tout au contraire, est un examen mûrement réfléchi de la raison et qui lui
livre « ce qui ne peut être autrement que
ce qui est. » L’évidence relève de la vérité incontournable que rencontre
la raison.
B) RÈGLE DE DÉCOMPOSITION :
« Diviser chacune des difficultés que j’examinerais en autant de
parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les résoudre. »
Ce second précepte s’inspire de
l’analyse géométrique et de l’algèbre, qui réduit des équations complexes à des
théorèmes simples, pour mieux les étudier. Autrement dit, pour étudier le
violet, je dois le réduire d’abord au rouge et au bleu.
C) RÈGLE DE RECOMPOSITION
« Conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus
simples(...)pour monter peu à peu(...)jusques à la connaissance des plus composés,
en supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement
les uns les autres »
Nous allons donc, dans notre
étude du violet, commencer à étudier le bleu et le rouge, et même, nous allons
chercher à instaurer un ordre entre le bleu et le rouge, bien qu’il n’en existe
pas nécessairement un naturellement. De la connaissance des vérités premières
naîtra ensuite la connaissance des vérités plus difficiles à atteindre. En
d’autres termes, de notre connaissance du rouge et du bleu naîtra notre
connaissance du violet.
D) RÈGLE DES DÉNOMBREMENTS
« De faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si
générales, que je fusse assuré de ne rien omettre »
Par exemple, je cherche à savoir
de quelles couleurs sont tous les cygnes. D’emblée, par préjugé , je vais être
tenté de dire que le cygne est blanc. Or, il existe des cygnes noirs en
Australie. Cela, je ne pourrais le savoir qu’après avoir répertorié tous les
cygnes. Cette tâche peut paraître difficile, et parfois même impossible à
réaliser, mais la vérité est à ce prix.
III) QUATRIÈME PARTIE
III) QUATRIÈME PARTIE
Ces principes étant posés,
Descartes va à présent rejeter tout ce qui peut receler la moindre parcelle de
doute, pour voir s’il ne lui reste rien qui puisse être indubitable. L’époque
de Descartes connaît un scepticisme baroque qui cherche à rejeter tout savoir,
et dont Descartes s’inspire pour mieux le nier. Car Descartes n’est absolument
pas un sceptique : il ne fait « table rase » que pour mieux reconstruire, alors
que les sceptiques prônent la suspension du jugement. Ils demeurent ainsi dans
l’irrésolution, qui, pour Descartes, n’est qu’une étape et doit être dépassée.
Ainsi, Descartes va rejeter : -
Ce que lui livrent ses sens, car il est connu que nos sens nous trompent
quelquefois. - Toutes les raisons qu’il prenait pour démonstrations ; certains
raisonnements, nous le savons, peuvent être fallacieux.
Par exemple, celui-ci :
Tout ce qui est bon marché est
rare Or, tout ce qui est rare est
cher Donc, tout ce qui est bon marché
est cher
- Toutes ses pensées. En
effet, quelquefois, dans notre sommeil, nous avons l’impression que nos songes
sont
réels. Il se pourrait que nous
vivions constamment dans un songe et c’est pourquoi toutes nos pensées doivent
être rejetées.
Nous le voyons, Descartes bannit
tout ce qui pourrait l’induire en erreur.
« Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi
penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais,
fusse quelque chose. »
En effet, moi qui doute de tout,
je ne peux cependant pas douter que je doute (car douter de son doute, c’est
encore douter). C’est ainsi que Descartes aboutit à la première vérité de sa
philosophie : JE PENSE DONC JE SUIS
L’apprenti philosophe devra
retirer 2 éléments de cette étude :
1 On ne conduit pas sa raison de n’importe quelle manière, il faut
adopter une méthode que l’on peut se construire (mais celle de Descartes n’est
peut-être pas si mauvaise !)
2 L’homme peut avoir foi en sa raison et en l’existence indubitable
de son esprit. (Il s’en doutait déjà a priori, mais là, on le lui DÉMONTRE !)
Nous pouvons désormais aborder le
problème de la MÉTHODOLOGIE en philosophie, qui est avec les mathématiques et
par excellence l’école de la RIGUEUR...
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