samedi 26 octobre 2019

Sujet du Merc. 30 Oct. 2019 : CETTE « NATURE HUMAINE », MAIS QU’EST-CE QUE C’EST ?


CETTE  « NATURE  HUMAINE »,  MAIS  QU’EST-CE  QUE  C’EST ?

Dire qu’il y a une « nature humaine », c’est affirmer qu’il y a des caractéristiques immuables propres à tous les hommes et qu’elles les constituent entièrement dès l’instant de leur conception. Le génome humain tout comme celui de tous les animaux sexués ne peut se dupliquer que par la rencontre de deux cellules sexuelles humaines, l’une mâle et l’autre femelle. En cela seulement les hommes sont déterminés comme des animaux. Ils dérivent d’ailleurs de ceux-ci, l’évolution leur ayant transmis un haut pourcentage de gènes d’animaux. A ce titre, les « hommes » ne sont que des animaux et ont une nature du même ordre. On conviendra donc que les hommes, comme les animaux, ont en partie au moins une nature qui les porte à lutter avec force pour la perpétuation de l’espèce. 

Mais pour devenir proprement humains, les hommes ne sont-ils que nature comme les choses ou tout objet ou animal qui sont le résultat d’un déterminisme implacable ? A cet égard comme en tout, seuls les faits sont un gage de vérité. Aucune hypothèse que ne vérifieraient pas sans cesse les faits ne peut prétendre à une adéquation au réel  et en conséquence à la vérité. Elle ne serait sinon que vaine spéculation, une fausse croyance ou un désir de passion irraisonné, l’un et l’autre opposés à la connaissance. Néanmoins, croyance et passion n’empêchent évidemment pas que l’individu, certains groupes ou chapelles et presque tous y trouvent le contentement d’une conviction facile. Cela est bien sûr une quête estimable en soi puisqu’elle assure une vie exempte de nombreux soucis à court terme. Mais en ce sens, outre qu’elle n’apporte rien à l’humanisation de l’espèce, cette vie porte en elle le faux et les germes de potentielles et sérieuses déconvenues face à la réalité. C’est l’enchaînement de la servitude en exploitation et en morts en série dont l’histoire est témoin. 

Des exemples factuels bien documentés soulignent l’inanité de la croyance fausse mais fort répandue qu’un homme ne serait que de nature. Un nouveau-né (tel Victor de l’Aveyron recueilli par des loups ou Brisky prématuré en couveuse hermétique prolongée) privé de tout contact humain vit comme une chose ou un animal et ne peut qu’être à l’image des objets ou des animaux qui soutiennent sa vie. Le prisonnier allemand Bader, longtemps maintenu en condition de privation humaine et sensorielle, était en voie de perdre la raison et toute humanité. La situation d’un Robinson sans Vendredi débouche sur un zoo de perroquets, daims et pécaris augmenté d’un bipède hébété qui a perdu son humanité.

Ces « hommes », (re)devenus animaux, une fois (ré)introduits dans la société ne peuvent plus (ré)acquérir quelque langage ou comportement humains que ce soit, bien qu’ils disposent tant des gènes que (de rudiments) d’organes propres à la (ré)acquisition de capacités humaines. Les faits prouvent que la seule disposition d’une « nature » ne peut remplacer les processus dialectiques d’hominisation assurés par une vie en société. Outre la vérité scientifique ainsi dégagée, ceci ne souligne-t-il pas l’inanité des prétentions au solipsisme ou à l’individualisme exacerbé actuels ?
Un homme véritable ne peut  vivre seulement une vie de chose ou d’animal. Il doit surtout exister en tant qu’être humain établissant des liens avec des semblables. Cela se fait dès la naissance de façon continue, dans la durée. Ceci n’est a priori qu’une assertion qui ne peut être confirmée que par l’application de l’approche scientifique, bien que celle-ci exigerait de répéter de multiples expériences de ce type ce qui, pour des raisons évidentes d’éthique, n’est pas acceptable. Néanmoins, de rares faits avérés de telles occurrences involontaires ou intentionnelles sont disponibles qui tous confirment cette hypothèse. Ils montrent que le propre de l’homme, son être, sa nature véritable ne sont pas donnés à l’avance ni déterminés a priori, à l’origine. Les faits soulignent qu’au contraire l’homme se définit à chaque instant au cours d’un processus d’hominisation par les actes qu’il pose avec d’autres dans un continuum d’échanges dialectiques multiples et féconds par lequel les actes des uns répondent à ceux des autres et réciproquement, à l’infini.

C’est en existant avec les autres dans les instants successifs distribués dans la durée qu’on définit et construit ensemble de l’humain, toujours différent. Il s’agit là de la nature nécessairement évolutive (et non a priori) d’un être humain, une nature a posteriori en changement continu. Elle est à l’opposé d’une « nature humaine innée », donnée par on ne sait quelle puissance transcendante, pure invention loufoque d’une philosophie idéaliste à la Platon ou Aristote, ou encore fruit d’autres métaphysique, théologie ou croyance religieuse de la même eau. 

La croyance scientifiquement infondée (et donc hors du réel) en une nature humaine a priori et immuable, promue essence de l’humanité, ne relève-t-elle pas d’une longue et puissante imprégnation ? Imprégnation née de la rencontre des religions monothéistes de l’Orient proche et des penseurs grecs postérieurs aux philosophes de la nature. Cette croyance a été imposée par les dirigeants des sociétés néolithiques jusqu’à nos jours. Cet envahissement souvent inconscient continue encore aujourd’hui d’affecter jusqu’à la majorité des athées et des laïcs « occidentaux » ainsi que les innombrables populations baignées de monothéismes pluri séculaires.

C’est l’ontologie idéaliste de l’être. C’est le créationnisme, le dessein intelligent et même la croyance idéaliste à une origine et un ordre particuliers du monde et de l’univers ainsi qu’aux êtres que nous serions, animés et déterminés par l’essence innée de l’humain conférée par une omni puissance (qui n’a pas encore fait à ce jour la moindre apparition avérée). C’est la croyance en un maître et seigneur : l’Etre de l’être augustinien, l’Idée de l’idée de Platon à Badiou et le souverain Bien, celui du maître et guide de la cité aristocratique. Dans cette optique, l’ordre de la nature - comme sa complexité - résulte, à l’image de celui de la société, de la volonté de chefs, voire d’un grand ordonnateur. C’est la vision des adeptes du subtil dessein intelligent déjà (ou encore!) soutenu par Newton lui-même. Sans que généralement les êtres ordinaires que nous sommes semblent pouvoir la changer.

Le tour de force persuasif est que nous sommes in fine profondément imprégnés de la fable de notre essence et de notre plus totale nature innée auxquelles nous portons une bien « naturelle » et souvent inconsciente adhésion qui assure soumission et exploitation. Cela se fait si bien que les esprits en deviennent comme ahuris et anesthésiés. La notion fausse de « nature humaine innée » et, en fait, « créée » serait-elle devenue un horizon à ce point indépassable suite à l’acquisition pluri-séculaire d’une conformation d’esprit générale si particulière ?

La question est de savoir comment la dissoudre. L’approche scientifique n’en est-elle pas le plus sûr moyen qui est faite :

1) d’analyse des faits, 

2) d’usage de la raison avec méthode,

3) de proposition d’une hypothèse théorique, 

4) suivie de la poursuite sans repos de sa vérification incessante dans le réel ?


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