dimanche 6 octobre 2019

Sujet du Merc. 09/10/2019 : Un café philo, à quoi ça sert ?


Un café philo, à quoi ça sert ?


D’après la définition classique, un café philosophique est une discussion philosophique ouverte à tous qui se tiennent généralement dans un café.

Depuis leur création en décembre 1992 à Paris par le philosophe Marc Sautet, les Cafés Philo se sont répandu un peu partout, connus un grand succès, suivis des crises de toutes sortes qui se sont soldées parfois par leur arrêts dans certains endroits.

À quoi tenait le succès phénoménal qu’il a eu pendant la première décennie ? Il est évident que ça correspondait à priori aux désirs (et aux demandes) d’un public souhaitant avoir un espace privilégié où l’on pouvait s’exprimer en liberté. Cette motivation première continue d’exister ?

Ça serait intéressant d’explorer justement, les motivations du public, agent principal de leur existence. En voici quelques-unes :

- Avoir la certitude que c’est L’Endroit, à nul autre pareil, où l’on peut côtoyer nos opinions singulières en rapport aux sujets qui « comptent » en les livrant en toute confiance au groupe dont l’écoute objectif et le débat qui s'en suit pourrait peser sur l’appréciation que nous avons.
Donc, approfondir la réflexion avec l’apport d’autres et découvrir d’autres modes de penser.

- Faire l’effort d’interpréter des sujets avec une orientation (dite « philosophique ») qui échappe à des préjugés qui nous ont été transmis par des voies qui nous n’avons pas choisi (famille, école, médias).
Donc, faire l’effort de vaincre notre paresse quotidienne pour aller visiter des sources philosophiques.

- Prendre la parole en public, si nous en avons l’envie, dans un milieu à priori de respect et d’accueil. 
Donc, et surtout pour les jeunes, le café philo est formateur à la confiance en soi.

- Faire l’expérience courageuse d’ouverture d’esprit à d’autres formes d’appréciation du monde, au point de risquer l’abandon salutaire de nos convictions.
Donc, appel à l’esprit de dialogue et au débat.

J’ai la conviction que le vrai succès du café-philo c’est d’être l’endroit privilégié accessible à tout public pour faire surgir une pensée critique et de liberté.

Ce surtout dans ce dernier sens qu’il faudrait à mon avis, approfondir le pourquoi du Café Philo. Je dirais surtout à Montpellier où la diversion intellectuelle fait rage. À juger : les innombrables conférences, des « Cafés » de toutes sortes et autres Agoras de savoirs qui attirent les bons esprits avides de culture.

Et c’est cela le mot clé (culture) où il faudra se pencher pour comprendre cette agitation d’offres. Puisque n’est-ce pas la culture une des formes modernes et ô combien redoutable pour accrocher des esprits quand il s’agit de formater de gens consentant à un ordre établie ?



Culture » est à priori un mot à connotation (très) positive. Quoi de mieux pour se sentir épanouie, intelligent, « différent » ?.

D’après le philosophe Alain Brossard, nous sommes à notre époque des « obèses de culture », on assimile sans esprit critique des tonnes de culture qui alourdissent notre clarté d’esprit et nous empêche de réfléchir par nous-mêmes.

Voici quelques extraits du livre de Brossat dont je vous recommande la lecture (les mots gras pour aider la réflexion).

« ... le mode « culturel » est indexé sur un idéal de rassemblement, un paradigme consensualiste. ... La philosophie n’échappe pas à cette dynamique réunifiant. »

.... Nous serions passés d’une société politique à une société culturelle, projet de démolition de l’idée des Lumières (comme savoir émancipateur), destruction des significations

... Dans ce grand déballage d’un tout-venant culturel, les idées sont ringardes, les images sont parlantes, les sentiments abondent. Les opinions se transforment en goûts ; les commentaires dégoulinent de sensations. »

 L’optimisme des lumières se manifeste dans cette confiance en la faculté populaire d’assimiler des savoirs, d’apprendre à disputer avec les maîtres et à leur tenir la dragée haute, d’une manière telle que ces aptitudes nouvelles suscitent sans interruption des flux d’émancipation

....... nous au contraire vivons dans un monde où la culture est toujours donnée en excédent, et c’est ce trop de biens culturels (…) qui nous fatigue et nous dégoûte, car nous ne savons plus dire ce qui importe vraiment parmi la multitude de ces biens. Le grand dégoût, c’est celui qui a saisi une société obèse de culture. Dans le temps de la culture plus aucune relation ne s’établit entre niveau culturel (…) et capacité critique »

« Le dégoût culturel » donc, Alain Brossat.

Apprécions-nous, l’espace du Café Philo, qui contrairement à la culture précuite qui nous impose cette société de consommation nous permet d’explorer autres formes de discuter ensemble, de débattre, de nous exprimer comme citoyens libres et élaborer, peut-être, des points communs de résistance alternatifs ?
Allons-nous céder cet espace privilégié de débat philosophique et civique ? À profit de qui, et de quoi ?

Vouloir avoir beaucoup de public, est-il un critère valable pour la sorte de réunions qui doit inspirer le Café Philo ? Le succès de l’Agora se trouve il dans le fait d’avoir la salle pleine ? 

Allons-nous déserter le (seule) espace qui nous impose le tout culturel précuit ? Minable retrait, dirais-je.

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