Un café philo, à quoi ça sert ?
D’après la définition classique, un café
philosophique est une discussion philosophique ouverte à tous qui se tiennent
généralement dans un café.
Depuis leur création en décembre 1992 à Paris par le
philosophe Marc Sautet, les Cafés Philo se sont répandu un peu partout, connus
un grand succès, suivis des crises de toutes sortes qui se sont soldées parfois
par leur arrêts dans certains endroits.
À quoi tenait le succès phénoménal qu’il a eu
pendant la première décennie ? Il est évident que ça correspondait à
priori aux désirs (et aux demandes) d’un public souhaitant avoir un espace
privilégié où l’on pouvait s’exprimer en liberté. Cette motivation première
continue d’exister ?
Ça serait intéressant d’explorer justement, les
motivations du public, agent principal de leur existence. En voici
quelques-unes :
- Avoir la certitude que c’est L’Endroit, à nul autre
pareil, où l’on peut côtoyer nos opinions singulières en rapport aux sujets qui
« comptent » en les livrant en toute confiance au groupe dont
l’écoute objectif et le débat qui s'en suit pourrait peser sur l’appréciation
que nous avons.
Donc, approfondir la réflexion avec l’apport
d’autres et découvrir d’autres modes de penser.
- Faire l’effort d’interpréter des sujets avec une
orientation (dite « philosophique ») qui échappe à des préjugés qui
nous ont été transmis par des voies qui nous n’avons pas choisi (famille,
école, médias).
Donc, faire l’effort de vaincre notre paresse
quotidienne pour aller visiter des sources philosophiques.
- Prendre la parole en public, si nous en avons
l’envie, dans un milieu à priori de respect et d’accueil.
Donc, et surtout pour les jeunes, le café philo est
formateur à la confiance en soi.
- Faire l’expérience courageuse d’ouverture d’esprit
à d’autres formes d’appréciation du monde, au point de risquer l’abandon
salutaire de nos convictions.
Donc, appel à l’esprit de dialogue et au débat.
J’ai la conviction que le vrai succès du café-philo
c’est d’être l’endroit privilégié accessible à tout public pour faire surgir
une pensée critique et de liberté.
Ce surtout dans ce dernier sens qu’il faudrait à mon
avis, approfondir le pourquoi du Café Philo. Je dirais surtout à Montpellier où
la diversion intellectuelle fait rage. À juger : les innombrables
conférences, des « Cafés » de toutes sortes et autres Agoras de
savoirs qui attirent les bons esprits avides de culture.
Et c’est cela le mot clé (culture) où il faudra se
pencher pour comprendre cette agitation d’offres. Puisque n’est-ce pas la
culture une des formes modernes et ô combien redoutable pour accrocher des
esprits quand il s’agit de formater de gens consentant à un ordre
établie ?
Culture » est à priori un mot à connotation
(très) positive. Quoi de mieux pour se sentir épanouie, intelligent,
« différent » ?.
D’après le philosophe Alain Brossard, nous sommes à
notre époque des « obèses de culture », on assimile sans esprit
critique des tonnes de culture qui alourdissent notre clarté d’esprit et nous
empêche de réfléchir par nous-mêmes.
Voici quelques extraits du livre de Brossat dont je
vous recommande la lecture (les mots gras pour aider la réflexion).
« ... le mode « culturel » est indexé sur un
idéal de rassemblement, un paradigme consensualiste. ... La philosophie
n’échappe pas à cette dynamique réunifiant. »
.... Nous serions passés d’une société politique à
une société culturelle, projet de démolition de l’idée des Lumières
(comme savoir émancipateur), destruction des significations
... Dans ce grand déballage d’un tout-venant
culturel, les idées sont ringardes, les images sont parlantes, les sentiments
abondent. Les opinions se transforment en goûts ; les commentaires dégoulinent
de sensations. »
L’optimisme des lumières se manifeste dans
cette confiance en la faculté populaire d’assimiler des savoirs, d’apprendre
à disputer avec les maîtres et à leur tenir la dragée haute, d’une manière
telle que ces aptitudes nouvelles suscitent sans interruption des flux
d’émancipation
....... nous au contraire vivons dans un monde où la
culture est toujours donnée en excédent, et c’est ce trop de biens culturels
(…) qui nous fatigue et nous dégoûte, car nous ne savons plus dire ce qui
importe vraiment parmi la multitude de ces biens. Le grand dégoût, c’est
celui qui a saisi une société obèse de culture. Dans le temps de la culture
plus aucune relation ne s’établit entre niveau culturel (…) et capacité
critique »
« Le dégoût culturel » donc, Alain
Brossat.
Apprécions-nous, l’espace du Café Philo, qui
contrairement à la culture précuite qui nous impose cette société de
consommation nous permet d’explorer autres formes de discuter ensemble, de
débattre, de nous exprimer comme citoyens libres et élaborer, peut-être, des
points communs de résistance alternatifs ?
Allons-nous céder cet espace privilégié de
débat philosophique et civique ? À profit de qui, et de quoi ?
Vouloir avoir beaucoup de public, est-il un critère
valable pour la sorte de réunions qui doit inspirer le Café Philo ? Le
succès de l’Agora se trouve il dans le fait d’avoir la salle
pleine ?
Allons-nous déserter le (seule) espace qui nous
impose le tout culturel précuit ? Minable retrait, dirais-je.
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