« Croire
n’est pas une chose libre » D’Holbach
Paul Henri Dietrich, baron d'Holbach (1723 - 1789) est, grâce au salon qu'il anime, l'une
des grandes personnalités de la vie parisienne. Sa formation aux sciences
naturelles lui permet de collaborer à l'Encyclopédie pour des articles de
chimie et de minéralogie. Paul Henri Dietrich, baron d'Holbach est sans aucun
doute le philosophe le plus hardi de l'athéisme, usant de tout ce que la
science de l'époque peut apporter comme arguments au matérialisme et au
déterminisme.
La citation qui sert, ce soir, de sujet est tirée de « Le philosophe militaire » 1768. Cet ouvrage va circuler sous le manteau car la censure est redoutable.
La citation qui sert, ce soir, de sujet est tirée de « Le philosophe militaire » 1768. Cet ouvrage va circuler sous le manteau car la censure est redoutable.
Au-delà
de la critique du religieux et de ses invraisemblances, la portée de l’œuvre de
d’Holbach est immense en Europe et pas seulement à cause de ce texte.
D’Holbach, membre éminent des Lumières,
met en avant la nécessite de l’argumentation fondée sur la raison et les
faits.
Il
est le premier (depuis Epicure et les matérialistes antiques) à reprendre le
flambeau de la critique des illusions, et pas seulement religieuses, qui
assurent la domination des puissants. Ainsi écrira-t-il :
«Celui qui dès son enfance s'est fait une habitude de trembler toutes les fois qu'il entend prononcer certains mots, a besoin de ces mots et a besoin de trembler; par là même il est plus disposé à écouter celui qui l'entretient dans ses craintes, que celui qui tenterait de le rassurer ». (in le bon sens puisé dans la nature).
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«Celui qui dès son enfance s'est fait une habitude de trembler toutes les fois qu'il entend prononcer certains mots, a besoin de ces mots et a besoin de trembler; par là même il est plus disposé à écouter celui qui l'entretient dans ses craintes, que celui qui tenterait de le rassurer ». (in le bon sens puisé dans la nature).
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« Si ayant l'honneur de vous voir,
mon Révérend Père, je me plaignais d'avoir trouvé un grand embarras sur le pont
Notre-Dame, vous me croiriez aisément. Si je disais qu'il y a eu vingt
personnes de blessées, vous pourriez me croire, malgré votre étonnement. Si
j'ajoutais que de ces vingt personnes cinq ont eu l'exil droit crevé, cinq l'oeil
gauche, cinq le bras cassé, et cinq la jambe, vous commenceriez alors à ne
point me croire du tout. Mais que serait-ce donc si j'ajoutais encore que j'ai
soufflé sur tous ces gens-là et qu'ils ont été guéris ?
Que serait-ce si je vous disais que j'ai
pris un carrosse d'une main et que je l'ai enlevé pour laisser passer les
autres, et si je concluais de là que vous me devez du respect, de la
considération, une obéissance aveugle, à moi et à tous ceux qui porteront un
tel habit ?
Acquiesceriez-vous à mes lois ? Vous
rendriez-vous à mon témoignage, sous le faux et vain prétexte que vous m'avez
bien cru lorsque je vous ai parlé de l'embarras que j'avais rencontré ?
Certainement vous me traiteriez de fou. Et si votre patience allait jusqu'à me
répondre, vous me diriez que vous avez cru ce qui était croyable et non ce qui
est une fable, que vous avez cru ce que vous n'aviez aucun intérêt de
soupçonner de faux, et non ce qu'il vous serait onéreux de croire sans
fondement et sans profit pour vous.
Lorsque les raisons de croire ne
compensent point par leur poids et par leur nombre la difficulté, l'obscurité
et l'invraisemblance de la chose qui est l'objet actuel de la foi, on ne croit
point du tout. Quand la différence entre les raisons de réjection et
d'admission est légère, elle fait naître le doute et le soupçon. Quand les
motifs de crédibilité égalent, par leur force et leur solidité, la difficulté
de la chose que l'on propose à croire, il
en résulte la simple opinion. »
Et quand ces motifs l'emportent déterminément
sur ceux d'incrédulité, ils produisent
alors la croyance ….
On me dit qu'on vient de voir chez un
curieux un tableau d'Appelle : je n'en crois rien. Un autre dit qu'il est de
Raphaël et qu'il a coûté cent mille francs : je reste en quelque façon en
suspens, parce qu'il est plus aisé que celui qui me parle mente ou se trompe,
qu'il n'est aisé que cela soit. Un troisième me dit qu'il l'a vu et qu'il n'a
coûté que deux mille écus ; j'acquiesce et je ne nie point le fait, parce qu'il
est aisé que cela soit.
Mais si cinquante personnes me disent la
même chose, si celui qui possède le tableau m'en assure, si celui qui l'a vendu
me le confirme, alors je le croirai pleinement. J'en serai même encore plus
fortement convaincu si je vais chez le curieux, si je trouve ce tableau très
beau, et si les connaisseurs estiment ce prix, parce qu'il y a plus d'apparence
que cela est ainsi qu'il y en a que les gens mentent et se trompent.
Mais après tout je n'en suis pas
absolument sûr, très peu de chose pourrait m'en faire douter et me porter même
à le nier : si, par exemple, après tout cela le curieux voulait m'engager à
l'acheter, et que les gens qui m'ont assuré son prix fussent de ses amis ou
liés d'intérêt avec lui.
Mais quand cent mille personnes et cent millions
de livres m'assureraient que le Louvre a été bâti en une heure, je le nierais
nettement, parce qu'il est plus aisé que tous ces gens-là se trompent qu'il
n'est aisé que cela soit ainsi.
Quelque dépense qu'on ait voulu faire,
quelque grand que soit le nombre d'ouvriers qu'on ait voulu y mettre, il y a
une impossibilité physique; mais je nierais bien plus absolument encore si ceux
qui veulent me persuader avaient intérêt à le faire, et si de mon côté j'en
avais à ne m'en pas rapporter à eux.
L'application de tout ceci aux religions
est très facile : les suppôts de ces religions n'ont aucune preuve qui égale la
difficulté des faits qu'ils proposent à croire. Bien loin de là, les contes
qu'ils font sont plus improbables que le bâtiment du Louvre en une heure, et
même en une minute. Il est donc bien plus sûr qu'ils mentent ou qu'ils se
trompent, qu'il n'est aisé ou possible que ces choses soient réelles ; outre
cela : en le faisant croire ils se font souverains, et moi en les croyant je deviens leur esclave. » (Le philosophe militaire, extrait).
L’enjeu
de la pensée de d’Holbach sur les religions est considérable. Pour lui, la
croyance suppose la foi, elle déteste la philosophie. Elle se caractérise par la haine de la raison et une obéissance
aveugle.
La vraie philosophie doit donc nécessairement exclure de son champ
d’investigation toutes considérations d’ordre théologique. Aux yeux de d’Holbach,
la croyance est le contraire de la philosophie, elle incite l’esprit à la
soumission et non à l’autonomie. La croyance est indéfendable quand on est
philosophe. La foi est également tout le contraire de la raison. En effet, la
foi est aveugle, elle ne s’interroge pas,
elle ne cherche pas à argumenter,
elle est bornée et dogmatique.
La philosophie, au contraire, doit se
caractériser par une interrogation permanente, elle se doit de considérer
toutes idées avec un regard critique
afin de décider après de la validité
éventuelle de celles-ci d’après le critère de l’examen des faits par la raison.
Paradoxe, peut-être, la philosophie présuppose l’activité de
l’esprit, en revanche, la religion encourage l’esprit à être passif.
C’est sur la base des analyses de d’Holbach que Marx étendra et développera ses thèses sur l’aliénation, forme « laïque » des croyances modernes.
« La philosophie ne s'en cache pas. Elle fait sienne la profession de foi de Prométhée : "En un mot, je hais tous les dieux » » (Marx, thèse de doctorat 1841).
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