Peut-on dire les ou La Civilisation ?
IL semble que ce soit Mirabeau qui ait été le premier à employer le terme
« civilisation ». C'est dans l'Ami des homes ou Traité sur
la population (paru en 1756) que Mirabeau l'a utilisé. Le mot a été ensuite
repris par les sociologues, anthropologues et philosophes.
Pour le Robert pour tous, la civilisation : ensemble des caractères
communs aux sociétés les plus complexes ; ensembles des acquisitions des
sociétés humains (progrès). Une (des) civilisation : ensemble
des phénomènes sociaux : religieux, moraux, esthétiques, scientifiques
techniques d'une grande société (culture).
Pour le Larousse c'est l’état de
développement économique, social, politique, culturel auquel sont parvenues
certaines sociétés et qui est considéré comme idéal à atteindre par les autres.
Ensemble des caractères propres à la vie intellectuelle, artistique,
morale, sociale et matérielle d'un pays ou d'une société. Ensemble de
phénomènes sociaux religieux intellectuels, artistiques, scientifiques et
techniques d'une société. De manière plus neutre, la civilisation comprend
« l’ensemble de phénomènes sociaux (religieux, moraux, esthétiques,
scientifiques, techniques) communs à une grande société ou à un groupe de sociétés ».
Pour Anatole France, ce que les hommes appellent civilisation, c'est l'état
actuel des mœurs et ce qu'ils appellent barbarie, ce sont les états antérieurs,
les mœurs présentes on les appelle barbares quand elles sont des mœurs passées.
Pour Pierre-Joseph Proudhon, « La civilisation est le fait social de
l’accroissement des richesses ». François Guizot, dans son Histoire de la
Civilisation, considère lui-même que l’accroissement des besoins et des
richesses différencie une société qui se civilise d’une société stagnante, qui
n’évolue pas. Ainsi juge-t-il les populations nomades comme en-dehors de la
civilisation, car peu raffinées, au contraire des populations sédentaires,
agricoles. Ce qui sépare le sauvage de l’homme civilisé, c’est la relation à la
terre. A l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867, Michel Chevalier,
président du jury international et responsable du rapport qui en résulta,
soutint que « la civilisation parut un épi à la main ». L’homme sort
de l’état de nature par la culture, c’est-à-dire par la maîtrise de son
environnement immédiat. Il établit alors un lien entre l’accroissement des
rendements agricoles et le développement d’autres fonctions pour répondre à
d’autres besoins ou à d’éventuels conflits entre individus. Ainsi retrouve-t-on
la définition de la cité d’Aristote : la civilisation commence par la
fondation de la cité, c’est-à-dire un groupement de familles et de village
autour d’une même localité. La division du travail favorise le rendement
agricole, et dégage l’espace pour d’autres activités. Ainsi, le déjà très
controversé Arthur de Gobineau (auteur de l’inégalité des races, 1855)
voit la civilisation comme « un état de stabilité relative, où des
multitudes s’efforcent de chercher pacifiquement la satisfaction de leurs
besoins, et raffinent leur intelligence et leurs mœurs ».
Le mot provient étymologiquement de civitas c'est à dire cité en
latin. Dans La politique, Aristote voit dans l'être humain un
animal politique, Pour Aristote la vie dans la cité implique l'existence de
lois, c'est à dire le respect de règles de vie en communauté. Mais les systèmes
antiques, en grande majorité, exclut les métèques ; les esclaves et les
femmes.
Six régions du globe ont connu, les premiers, des développements pouvant
être qualifiés de civilisationnels : la Mésopotamie, L'Egypte, la vallée
de l'Indus, la Chine, le Pérou et le Mexique.
La question qui se pose est : pourquoi ces développements civilisationnels se sont
produits en ces lieux. Ce qui est commun aux quatre premiers lieux, c'est la concentration des populations dans les
vallées fertiles, le long des fleuves pérennes. Ceci montre la pertinence de la
définition d'Aristote : les développements civilisationnels ont eu lieu
quand des populations se sont regroupées (souvent contraintes par des
changements climatiques), à l'exemple de l'Egypte et de la Mésopotamie.
Dans tous les développements civilisationnels antiques on retrouve des
constantes : de grands ensembles où se mêlent des génies architecturaux,
le développement des arts figuratifs, la maîtrise de l'agriculture, une
concentration urbaine.
En résumé, les caractéristiques principales sont: le développement de ville
par la sédentarisation ; la spécialisation du travail à temps plein
(artisanat, commerce, clergé) ; apparition de classes sociales ;
organisation des Etats ; grands travaux ; échanges commerciaux sur de
longues distances ; Réalisations artistiques (monuments peintures
sculptures) ; écritures (comptabilité, registres... ) ; connaissances
scientifiques et techniques (mathématiques, astronomie, cadastre).
Il semble que ce sont les développements civilisationnels de la Haute
Antiquité qui ont posé les bases de ce que l'on peut appeler civilisation.
A titre d’exemple, l’Egypte pharaonique (plus de 3 millénaires) et Sumer.
On attribue l'invention de l'écriture,
presque en même temps aux environ de 3000 ans avant notre ère, à ces deux
développements civilisationnels.
Les Grecs, dont l'Occident contemporain réclame la filiation furent féconds
mais savons-nous que l'influence de l 'Egypte et de la Mésopotamie ont été
déterminantes. Les Egyptiens avaient inventé la géométrie, l'astronomie, le
cadastre. Les Grecs se sont inspirés des réalisations égyptiennes et ont eu le
génie de les théoriser. Donc sans les Egyptiens et les Sumériens, la Grèce
antique n'aurait probablement pas été ce qu'elle a été. De plus, les savants
grecs se reconnaissaient comme les héritiers des savoirs égyptiens et
orientaux.
Rome aurait-elle eu un tel développement sans la Grèce ?
Après la chute de Rome, le développement civilisationnel arabo-musulman
s'est inspiré principalement de l'héritage grec et romain pour développer les
mathématiques (algèbre algorithmes, adoption de chiffres décimaux,
« sifre » 0, a donné le mot « chiffre »), l'astronomie et
surtout la médecine scientifique. Avicenne (Ibn Sinà, 980-1037), a fondé les
ancêtres des CHU, pratiqué la dissection. Il commença à exercer à l'âge de 16
ans et on lui doit les descriptions de
la méningite, de la pleurésie et plus de 100 ouvrages médicaux et
philosophiques. Son ouvrage, le Canon (loi) de la médecine, est encore enseigné
dans les facultés de médecine. Que dire du fait que les développements
civilisationnels arabo-musulmans n'ont pas eu lieu dans la zone qui donna
naissance à l'islam ?
Les Arabes (???? Non_pas vraiment les Arabes) furent
les authentiques continuateurs des apports grecs. Sans eux, la science et la
philosophie européennes ne se seraient pas développées à l'époque de la
Renaissance puis des Lumières, comme elles l'ont fait. La grande figure du
génie médical, l'Andalou, Ibn Rushd, latinisé en Averroès, a laissé une
profonde marque sur la pensée humaine. Il était médecin, administrateur,
astronome, philosophe.
Et le choc des civilisations ? Ce concept est apparu
dans un article, The clash,of civilizations (1987), publié
en été 1993 par la revue Foreign Affairs. Il fut en fait inspiré de
l'ouvrage « Grammaire des civilisations » de l'historien français
Fernand Braudel. Cet article permis à Samuel Huntington d'accéder à la notoriété,
suite aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont projeté sa vision géopolitique
sur la scène internationale.
Considérer la thèse du choc des civilisations implique que les
valeurs universelles pourraient être le propre de certaines civilisations. Cette
considération est similaire à la notion qui considérait l'existence de races
humaines, donc à la hiérarchisation des humains. La thèse d'Huntington
n'est-elle, pas un axe simplificateur et réducteur du monde moderne ?
Selon lui, sept à huit civilisations se partagent le monde, quoiqu'il n'en
nomme que cinq, la chinoise, la japonaise, l'hindoue, la musulmane et
l'occidentale. Il ne voit pas l'Afrique comme une civilisation en soi. À
l'égard de l'Amérique latine, il adopte une position ambivalente. Tantôt il la
considère comme une sous-civilisation de l'Occident, tantôt il y voit une
civilisation distincte, menaçante pour les États-Unis.
Le découpage des aires civilisationnelles qu'il donne est arbitraire, quant
à la civilisation dite musulmane qu'il cible en priorité, elle masque
l'extrême complexité des différentes tendances de cette religion et ses
nombreux conflits internes. Le choix du facteur religieux comme facteur
déterminant occulte complètement les motivations géopolitiques des conflits
majeurs du 20e siècles ( 1914- 1918 et 1939- 1945 ; la guerre des Balkans etc.). En outre, la
thèse est contredite par le libéralisme économique et capitaliste au moyen de
la mondialisation des échanges et la financiarisation qui montre que chaque
aire échange avec les autres et tend à s’uniformiser avec le reste du monde.
Cette thèse de choc de
civilisations ne conduit-elle pas à semer la confusion entre civilisation,
conflits géopolitiques, fanatismes religieux et rivalités économiques
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