dimanche 26 juin 2016

Sujet du Merc. 29/06/2016 : « La perte du passé collective ou individuelle est la plus grande tragédie humaine. » S. Weil



« La perte du passé collective ou individuelle 
est la plus grande tragédie humaine. » S. Weil



Sans une conscience intelligible et sensible du passé,
avec prudence et modestie, sans une volonté d'apprendre concernant l'histoire de ces femmes, ces hommes, leurs vécus, individuels et collectifs,
notre présent ne manque-t-il pas d'éclairages et, quelque part, d'intensité ?

Collectivement, sans la conscience du passé, qui ne s'oppose en rien à la densité du présent, peut-on concevoir un avenir ?
Les erreurs du passé, elles-mêmes (qui plus est repérées, analysées...) pourraient nous enseigner, nous permettre d'éviter certains pièges tendus par les pouvoirs et l'ordre établi.
Karl Marx (1818-1883) « Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre »

« La perte du passé, collective ou individuelle, est la plus grande tragédie humaine et nous avons jeté le nôtre comme un enfant déchire une rose. »
Simone Weil (1909-1943)


Non-loin du Pic Saint Loup, nous évoluons, -entre- les chemins, nous longeons le lit d'une rivière, traversons deux vallées... Quelques parts, des traces visibles, subtiles, plus ou moins cachées, témoignent d'une réalité :
celle où des êtres humains ont intensément vécu.
Traces de ces femmes, ces hommes, vers la fin du Néolithique.
Ici les vestiges d'importants ateliers où l'on taillait le silex.
Là, des racloirs pour travailler la peau de quelques gibiers, le bout d'une « petite flèche à pédoncule et à ailerons en silex », une autre « flèche déjetée ou asymétrique », un fragment de céramique, façonnés par les mains de l'Homme, abandonnés dans cet espace, puis retrouvés par ce regard attentif, entre quelques résidus miniers, sur ces terres, ces étendues, ces roches si lumineuses...
En face du Pic Saint-Loup, sur les Hauteurs de l’Hortus, nous apercevons, le Château de Viviourès...Un drone, son pilote, nous permettent, avec émotions, de percevoir l'acuité d'un espace, à la fois, réel et fantastique. Témoignage prenant, touchant d'un vécu criant de sens...

Sans nostalgie, nos pas, nos sens, l'éclairage érudit d'un ami, interrogent notre capacité à percevoir, la présence d'une vie, dans un « passé-présent ».
Selon Jean-Paul Sartre, dans l’Être et le Néant « le passé est en-soi, le présent est pour-soi. ».
Le passé offre-t-il des signes uniquement en soi ? Plus nous le découvrons, sur des traces extérieures à nous-mêmes, plus il est capable de nous surprendre. 

Sur des photos dites « du passé », qu'elle, qu'il le veuille ou non, chacune ou chacun n'est-il pas, secrètement ému, par la mémoire de ses racines ?

Chacune et chacun, dans son histoire familiale, pourrait mesurer l'importance du lien entre les générations.  Quelque part, la mémoire, à une plus petite échelle, d'une nécessité vitale et collective, où l'autre, les autres sont composantes de soi.

Cela, en dépit d'un monde de plus en plus formaté par un système malade. Il cultive principalement l'amnésie programmée (comme une obsolescence).
Système basé sur une forme de -croyance-. Son but : contrôler l'individu dans un « présent » électrisé, magnétisé, en fuite, parfois même déraciné ?
Jean Fourastié (1905-1990) : « L'homme du XXième siècle est comme une abeille dans un train en marche ».

Qu'en est-il du XXI ième naissant, avec son jeunisme obsessionnel.
Les jeunes générations, elles-mêmes, ont-elles la possibilité d'un passé ? Leur présent n'est-il pas spolié ? Qu'en est-il de leur futur ?
Tendance « jeuniste » qui façonne, à tous les âges, des comportements prétendument auto-engendrés.
Elle nie les racines du passé, tout comme des correspondances, (encore possibles?) entre les générations.
Elle nie tout autant, les liens qui touchent à l'histoire -des- civilisations.


Ce que Simone Weil percevait au début du XX ième siècle, amplifié en ce début de XXI ième siécle ?

Qu'en est-il de ces enfants, trop jeunes, trop longtemps exposés à leur tablette numérique, leur perception déformée par ces outils à la « faveur » d'un monde virtuel ?
Quelles incidences concernant la structuration de leur cerveau ?
Au point tel, que l'on peut s'interroger sur leur perception de la nature, leurs capacités d'ouverture sur le monde réel. L'histoire de l'humanité ne pourrait-elle pas en être troublées, altérées ?
Les gourous pervers d'apple et microsoft, interdisaient à leurs propres enfants d'utiliser ces tablettes. Pour quelles raisons ?

Tendance prétendument « contemporaine » où le dit « sujet » se positionne en nombril du monde, seul unique.
« bien » seul au final ?
« Pourquoi ces rivières soudain, sur les joues qui coulent ?
Dans la fourmilière, c'est l'ultra moderne solitude » Alain Souchon
Réflexes de ce sujet, qui, la plupart du temps, se considère quasi, auto-engendré ? Comportement, de plus en plus courant, dans un monde malade de son individualisme chronique ?

Drame d'une époque noyée dans un conditionnement médiatique, où chacun, bien avant de travailler sur lui (au sens d'étudier, d'assumer le « principe de réalité »), -veut faire sa star-.
A quelques exceptions près, tant d'individus auto proclamés « stars » dans leurs villes, même leurs villages, leurs quartiers...
Conséquences d'un conditionnement trop répandu, sous le prétexte d'une -communication médiatique-, son mainstream (« courant dominant », par définition, aussi obscurantiste que révoltant), sa « société du spectacle » qui abrutissent tant de cerveaux, infiltrent bien des fondements de la « vie » publique et sociale.

Pourtant, un certain nombre d'êtres humains
- anonymes (pour exemples, Combattants de la Commune de 1791 / Résistants d'un maquis que l'histoire ne retient pas...),
- plus célèbres de notre histoire,
ont tenté, volontairement (et involontairement parfois même), de nous donner ces bases, les racines et les sources de notre civilisation.
Cela interroge aujourd'hui, nos capacités, nos responsabilités en résonances historiques, afin de poursuivre le travail, afin de partager, entreprendre, créer ensemble...

«L'enracinement » (1943) de Simone Weil
L'opposition entre l'avenir et le passé est absurde. l'avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien : c'est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons qu'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. »

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