La conscience est-elle une
spécificité humaine ?
Actuellement,
il est fréquemment discuté de la conscience animale, et de la considération que
nous devons avoir envers les animaux. Il est aussi de plus en plus évoqué
l’éventualité de la « conscience des robots », et des potentiels dangers que
les humains pourraient courir de ce fait.
Le
terme de « conscience » est un mot-valise mal défini. En latin, il signifie «
savoir avec », soit un savoir achevé, soit un savoir partagé.
Est-ce
uniquement le fonctionnement biologique du cerveau qui donne le recul
nécessaire à la réflexion, sur nous-mêmes et notre environnement ?
Est-ce
surtout une notion morale et métaphysique sur le bien et le mal ?
Est-il
possible d’en donner une définition correcte et globale en dehors de
l’expérience individuelle - forcément teintée de subjectivité – et donc
d’objectiver scientifiquement ce concept et ce qu’il recouvre ?
Quelques points
de repère
Dans
les temps anciens, les réflexions sur ce sujet ne portent quasiment que sur
l’aspect moral et spirituel.
La
philosophie des grecs porte principalement sur l’éthique, (notions de vertu et
de bonheur), et sur la connaissance de la nature.
Avec
Galien, au 2ème siècle de l’ère commune, commence le long chemin qui va nous
faire mieux comprendre le terme de conscience. En médecin, praticien de la
dissection, il théorise le siège de la pensée dans le cerveau.
Avec
Descartes, au 17ème siècle, la conscience de soi est considérée comme un fait.
Il la situe dans l’âme, (au sens de siège de la pensée), entièrement indépendante
du corps, bien que considérant l’union de l’âme et du corps. On perçoit déjà le
casse-tête philosophico-scientifique qui s’annonce : en effet, comment démêler
le rapport intime de l’observant et du sujet de l’observation, puisqu’il s’agit
du même.
Avec
Spinoza, toujours au 17ème siècle, corps et esprit sont une seule et même chose
perçue sous deux attributs différents.
Les
neurosciences cognitives
Les
neurosciences cognitives apparaissent au milieu des années 50, et désignent
l’étude des mécanismes neurobiologiques (perception, motricité, langage,
mémoire, raisonnement, émotions...).
L’origine
des neurosciences cognitives c’est l’étude des lésions cérébrales et la
recherche des liens entre anatomie du cerveau et fonctionnement de l'esprit. En cela on
retrouve, presque 20 siècles plus tard, les préoccupations de Galien !
L’imagerie
cérébrale, (IRM fonctionnel), permet de visualiser en temps réel les champs
cérébraux actifs.
Pour
Jean-Pierre Changeux, il existe « un espace de travail neuronal », constitué de
neurones momentanément coactivés, et qui forment le siège de la conscience.
Pour
Antonio Damasio, les émotions jouent un rôle crucial dans nos prises de
décision. Plus précisément, la conscience ne commence pas dans le cortex
cérébral mais dans le tronc cérébral, (qui relie les hémisphères cérébraux et
la moelle épinière).
Le
tronc cérébral « établit des cartes, en fonction des données envoyées par le
corps », conscience spontanée, et le cortex cérébral, conscience réfléchie,
élabore cette information sensorielle de façon précise et complexe.
Les
conséquences en seraient mémorisation et anticipation. Le cortex, seul,
permettrait de se situer sur l’échelle du temps et de tout mettre en langage.
Pour Damasio, les animaux, même les plus évolués, n’ont pas un grand sens du
futur, (c’est une chose de ressentir de la douleur, c’en est une autre
d’anticiper sur sa durée).
En
cela réside la fascination du film Blade Runner, (tiré d’un roman de Philip K.
Dick), sorte d’uchronie qui nous laisse entendre que des robots sophistiqués
puissent arriver à la pleine conscience de la finitude, et aussi éprouver des
émotions.
Les animaux
Il
semble bien, d’après les éthologues qui les ont longuement observés, que les
animaux ont intelligence et caractère, et des relations sociales complexes.
A
minima, l’expression de la douleur ou du plaisir ressenti nous fait comprendre
spontanément la qualité d’être sensible. Y a-t-il pensée abstraite, et si oui,
à quel degré de sophistication ?
La
barrière de l’espèce nous empêche t’elle de mieux comprendre leur degré de
conscience ?
Nous
sommes actuellement devant un certain mur d’incompréhension par l’absence de
méthode nous permettant d’avoir des certitudes. C’est peut-être pourquoi nous
retournons aux concepts éthiques de la philosophie des anciens.
Est-ce
là la limitation de la science devant la réflexion philosophique, on peut le
penser.
Les robots
Le
mot robot vient du tchèque, et évoque l’activité besogneuse.
Les
robots, pas nécessairement dotés d’apparence humaine, deviennent de plus en
plus sophistiqués par leur autonomie, vitesse de réaction, adaptation à
l’environnement.
Jusqu’à
présent, ils sont tous conçus pour un champ d’application spécialisé. Là, ils
excellent, mais là seulement. C’est bien là que réside le problème : comment
doter une entité synthétique autonome des fonctions cognitives humaines, de
combinatoire quasi infinie et marquée par les aléas de l’empreinte
émotionnelle.
Pour
le chercheur en intelligence artificielle Yann Lecun, considéré comme l'un des inventeurs du deep
learning, les progrès futurs nécessaires pour le développement de
l'intelligence artificielle passent par le développement d'une méthode efficace
« d'apprentissage non supervisé », (c.a.d.
Apprendre à apprendre). Il estimait récemment qu’on ne puisse
éventuellement y réussir que dans un siècle au mieux !
Conclusion
provocante et très provisoire
Je
vous propose d’analyser tous ces concepts en ajoutant le filtre de
l’utilitarisme libéral, (ou néo-libéral, comme souvent dit).
Les
animaux sont, depuis 100 à 150 ans, utilisés à des fins froidement mercantiles,
et considérés uniquement comme de la matière productive.
Les
humains, et nous en avons l’expérience commune, sont de plus en plus considérés
sous le seul aspect du rendement financier.
L’évocation
de la notion de conscience, avec les raffinements qui s’y rattachent, sont-ils
seulement le cache-misère de l’abrasion néo-libérale, et de son absence de
contenu moral ?
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