NI DIEU(X), NI
MAITRE(S) ? (Bakounine)
« Le
grand livre de la vie et de la nature » serait la compréhension la plus
complète qu’on puisse avoir des processus du vivant végétal et animal. Et donc
des hommes. Or nos maîtres et s(a)eigneurs nous ont produit d’autres livres,
composés de fatras si imaginaires et de fictions si échevelées que la vie
réelle ne s’y trouve pas. Ils les ont appelés « Le Livre ». Celui des
vérités absolues révélées aux hommes par un dieu, indubitables et
imprescriptibles. C’est Le Livre des trois religions monothéistes. La science
infuse et absolue l’habite de part en part même si, ironiquement, elle y est
auto-contradictoire. Ce qui est un comble.
D’autres
recueils concernent d’autres dieux, multiples cette fois mais tout autant
« maîtres de vérités infuses ». Le monde que nous habitons fut créé
de toute pièce, tel qu’en lui-même une fois pour toutes. Parfois il repose sur
le dos d’une sage tortue ou d’un éléphant, c’est selon. Ou encore tourne-t-il
par la main motrice d’un dieu, logé hors du cosmos en une symphonie harmonique de
sphères amandines concentriques et solides que traverse pourtant le vol d’anges
éthérés et dont les hommes, créés à l’image de leur « Seigneur Dieu et
Maître », occupent le centre immobile et éternel. Narcisse,
dédis-toi !
Ces « Contes et légendes de grand-mères »
animent des mythes abandonnés il y a 25 siècles par les premiers philosophes
grecs. Mais ils sont aujourd’hui encore promus par les « chiens de
garde » de dogmes religieux qui brûlent vifs ou égorgent comme pourceaux
en ferme les hérétiques, infidèles, apostats, athées et laïcs qui refusent
depuis des millénaires de se soumettre à leurs sornettes. Le pouvoir de vie et de mort des maîtres et
de leurs dieux est si grand qu’il imprime dans les esprits, les cœurs et les
corps un quelconque ordre du monde factice de leur choix, assorti des vérités
foutraques qu’ils imposent.
Il s’agit
bien d’ordre, pour éviter le chaos. Cela est bien. Car sans point de
comparaison ni unité de mesure rien n’est intelligible, les hommes sont
désarmés. Mais il s’agit ici de l’ordre d’idéologies hors sol et éloignées du
réel, à l’instar de celle de Platon et de ses innombrables héritiers spirituels
répartis sur des millénaires jusqu’à ce jour. Un sacré tour de maîtres !
Ce ne sont pourtant que métaphysiques bien prégnantes qui soumettent toutes
choses par la force, ou par une persuasion manipulatrice et mille mécanismes
liberticides. Ce sont dénis d’humanité.
Un déni
majeur, tout neuf et d’ampleur potentiellement infinie dans le temps et l’espace, apparut au détour de la Renaissance.
Moyen d’une fin omni-liberticide, ce fut une monnaie fictive bien que réelle et
qui se reproduit alors qu’elle est inerte ! Un miracle comme venu du
« rien divin », mais perpétré de « mains de maîtres »
humains bien réels. Sur cette base apparaissait en Angleterre en 1694 la
première banque centrale dont les notables s’étaient institués « Dieu et
Maître » de tous les hommes, de la totalité du vivant et de la nature par
le mécanisme occulte de la réserve
fractionnaire assurant la création monétaire « ex nihilo et ad infinitum »
par interposition de dettes à intérêts composés. Hum, revoyons notre
arithmétique. C’est le principe directeur originel du capitalisme. Cette
imposture perdure, arnaque omnipotente utile à certains, meurtrière des autres.
Elle tend in fine à épuiser le
vivant, l’espace et le temps. Examinons-la ensemble à fond (si vous me le
demandez).
Une fois
écartés ces dénis d’humanité (ce qui nous est presque impossible après des
millénaires d’endoctrinement), reste à savoir si la destruction anarchiste du « ni dieux, ni
maîtres » peut être une solution, sauf celle du chaos entraînant la
dissolution de la société. Or les hommes sont « des animaux
politiques » (Aristote) qui ne peuvent vivre qu’en société. Ils
établissent nécessairement des relations d’interdépendance fonctionnelle entre
eux qui les conduisent à les régler selon un accord sur des valeurs élaborées
en commun ; ou alors imposées et finalement « acceptées » de gré
ou de force. Avant l’éclat d’une révolution.
Allons-nous
dès lors accepter l’une de deux choses ? Ou aucune ? Et alors devoir
rechercher une quatrième voie ? D’abord l’une de deux choses : 1. Soit opter pour la facilité des
écarts dommageables pour tous de la démesure, de l’hubris et du flot des
passions non contenues ; tous éléments également dissipateurs de tout
ordre qui forcent au chaos ?
2. Soit, à l’opposé, cristalliser
des valeurs - - sans doute hâtivement
retenues dans l’ignorance des débuts - - en un ordre pétri d’apriori
présomptueux, ou alors intentionnellement inique parce qu’il promeut des
intérêts particuliers opposés au bien commun de la société dans son
ensemble ?
Les
troisième et quatrième choix : 3.
La réponse aux deux premières voies est négative. En effet, il est nécessaire
d’éviter la destruction tant 1) par la démesure de l’anarchie ou des passions
débridées, que 2) par un ordre fixe exploiteur ou arcbouté sur ses
erreurs et imperfections. 4. L’usage d’une saine maîtrise rationnelle du réel – hors des ordres métaphysiques de
« maîtres et de dieux » ou plus ordinairement de simples quidams,
aujourd’hui si nombreux et outrageusement narcissiques dans le culte exclusif
du soi « petit maître-dieu --
n’est-il pas le chemin de liberté qui institue un ordre humain bénéfique
à tous ? Même s’il reste révisable et perfectible afin de préserver la
diversité des hommes.
La liberté
de pensée et l’esprit critique, seuls principes qui vaillent, s’opposent aux
métaphysiques de dieux irréels et au recours à des maîtres abusifs éloignés de
la recherche du bien général. Quant au « grand livre de la vie »
évoqué en introduction, n’est-il pas dans la nature elle-même qui recèle
l’ordre qui la sous-tend à la manière progressive qu’Epicure, Galilée, Bacon et
Spinoza l’ont proposé ? A nous de continuer à essayer de le dévoiler.
Pour nous
finalement, ne serait-ce pas seule la démarche rationnelle
philosophico-scientifique et matérialiste qui autoriserait à dévoiler
progressivement des parties significatives du réel, permettant de
progresser plutôt que de régresser ? Pour autant, faut-il encore que nous
en ayons, ensemble, la volonté. Ce qui n’est vraiment pas donné parce que cela
demande en continu efforts et exigence, envers soi et en commun.
En fait, seule la nature de nos actes de
chaque instant peut en être le garant. C’est une dure réalité à laquelle se
confronter : une réalité éloignée de l’habituel abandon de
« l’être en devenir » pour un « faire » déterminé par
« la mauvaise foi » (Sartre).
Blog du café philo
http://philopistes.blogspot.fr/
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