lundi 16 février 2015

Sujet du Merc. 18/02 : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » Rabelais




 ATTENTION LE MERCREDI 4 MARS 2015 SE TIENDRA LA MILLIÈME RENCONTRE DU CAFÉ PHILO DE MONTPELLIER - 

DES PRÉCISONS SERONT FOURNIES ULTÉRIEUREMENT SUR LE DÉROULEMENT DE CET ANNIVERSAIRE.





 « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » Rabelais


On pourrait essayer de définir les mots de cette pensée de Rabelais pour en extraire le sens. Surtout que le jeu de la définition est un préalable indispensable au juriste que je suis. L’exerce permet de savoir de quoi l’on parle car le droit comme  la philosophie est inséparable du langage. Ils s’expriment toujours dans un univers linguistique.  «  On sait que pour Aristote, la définition est la condition nécessaire à toute démonstration et à l'origine de toute science ( J. BRUN, Aristote et le lycée, PUF, Que sais-je? 7Ème édition 1979 )
Mais  il nous faut d’abord situer la pensée dans son  contexte. 
En effet, Rabelais nous prévient des dérives d’une éducation scientifique sans borne. Pour lui, l’éducation qui a transformé Gargantua ( père de Pantagruel le cancre, né avec beaucoup de défaut) en érudit est basée sur une solide pratique sportive et de grandes études en toute matière. Pour arriver à construire  « un esprit saint dans un corps saint » chez Gargantua, la religion a aussi joué un rôle très important parce que «  Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Une science non éclairée peut conduire à l’autodestruction de l’homme.
Voilà que la science ne suffit plus à protéger l’homme. Qu’est ce que la science ? Qu’est ce que la conscience ? Qu’est ce que l’âme ?
La notion de science et de conscience s’oppose en principe. La frontière entre les deux est claire.
la science c’est l’ensemble des connaissances d’une valeur universelle, caractérisé par un objet et une méthode déterminée et fondé sur des relations objectives vérifiables.
La science se veut toute objective et cherche des explications universellement valables sur la compréhension du monde.
La conscience, elle nous fait réfléchir sur nous même et nos actions. Elle permet d’appréhender son existence de façon subjective.
Rabelais évoque la nécessité de concilier deux choses contradictoires à priori : une maitrise objective des choses,donc le progrès technique avec la réflexion sur soi qui ne peut se faire sans les sciences sociales, la morale, la religion, une certaine éthique. 
Le résultat c’est que Maitre Ponocrate a fait acquérir à Gargantua par des méthodes ludiques une éducation humaniste et religieuse qui l’a transformé en érudit.
L’idée que la science doit être soumise à la moralité pour éviter des débordements est aujourd’hui d’une actualité brulante. La question est souvent abordée ici et suscite de vifs débats.
Nous sommes dans une civilisation qui a fondé tous les espoirs sur le progrès scientifique. En France la culture du progrès prend une connotation particulière. Elle est la chose du monde la mieux partagée.
De Condorcet à Malraux en passant par Hugo, tous partage cette culture du progrès..
La France a une culture de l’amélioration de l’humanité par l’avancement des arts et des sciences.
Mais la science aveugle peut conduire à des désastres. L’exemple de l’industrie nucléaire a souvent été donné. Nous sommes capables de multiplier par dix millions notre taux de radioactivité. Nous sommes capables de faire naitre un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée ? En quoi tout cela rend service à l’humanité ? Les exemples de dérapage de la science sont de plus en plus  nombreux et rend la pensée de Rabelais intemporelle et universelle.  La question qui se pose est de savoir : comment continuer de croire au progrès sans s’attacher  à une science divinisée et mortifère ? ( I)  Que voulons nous au final ? Le progrès des choses uniquement ou celui des hommes ou encore les deux ? ( II)
I- La science divinisée
L’être humain a un génie créatif inimaginable qui le distingue des autres animaux. Cette capacité fantastique à inventer, innover, à percer des mystères et à mieux comprendre le monde est la science. Elle a conduit à de fulgurantes avancées technologiques qui ont rendu service à l’homme. Mais Rabelais craignait que  ce  gout de la science ne néglige la conscience. C’est ce qui est arrivé.
Ainsi lorsque Albert Einstein, empereur de la relativité, découvrit qu’on pouvait obtenir de la fission des atomes une énergie inégalable, il s’empressa de divulguer l’information au commun des mortels. Alors même que cette information allait s’avérer être extrêmement dangereuse puisqu’elle fût très vite utilisé à des fins militaires. Lorsque quelques années plus tard monsieur Einstein découvrit avec horreur que son invention avait tué des millions de personnes, il en fût bouleversé et ne se remit jamais de son erreur. Il avait divulgué des informations que le peuple n’était pas prêt à recevoir, il avait fait une découverte qui avait en réalité bien plus de dangers que de bienfait. Dans sa hardiesse, son élan scientifique, il avait publié des résultats qui étaient capables de détruire toute forme de vie en quelques secondes. Il l’avait fait sans même s’en rendre compte. A vouloir trop chercher il avait finit pour oublier de faire appel à sa conscience, il avait oublié de réfléchir posément à sa découverte. Notre société moderne ne semble pourtant pas avoir vraiment retenu la leçon puisqu’elle utilise aujourd’hui encore la science sans conscience. Ce qu’il l’amène aux pires dérapages comme les OGM, le clonage ou la bombe biologique.
Plus que la science en elle même, c’est sa diffusion qui est dangereuse. L’accès autrefois réservé aux plus éminentes recherches est aujourd'hui mis à la portée du premier venu. L’Internet et les médias diffusent l’information à la vitesse de la lumière, ne permettant même plus à l’homme de réfléchir de façon plus abstraite, plus philosophique à sa découverte. Notre société va trop vite si bien qu’à chaque virage c’est le dérapage qui l’attend. L’homme passe aujourd’hui la plus grande partie de son temps à s’instruire des dernières nouvelles, des dernières découvertes. Il est friand de nouveautés, il veut tout savoir. Il devient donc tellement surchargé par l’information qu’il en oublie parfois le sens profond. L’homme reste aujourd’hui dans le monde du sensible, un monde fermé qui ne lui permet pas de voir la face cachée de chaque chose. Platon se retournerait dans sa tombe, s’il réalisait à quel point l’homme sur-informé, et le scientifique oublient tous deux de se poser l’ultime question à l’heure d’utiliser leur génie créatif : « cela est-il Bon , cela est-il Juste ? ». Lorsqu’on ne pense pas on agit mal, lorsque l’on crée ou que l’on utilise la science sans faire appel à notre conscience on agit donc forcément mal.
Le fait d’utiliser notre connaissance dans le but seul du profit maximum et de la popularité nous amène vers les pires déluges. Ainsi nous construisons, sans en prendre conscience, nos pires ennemis. La maladie de la vache folle, la bombe H, le transgénique et le clonage, sont le miroir des dérapages trop fréquents de notre société qui ne sait plus que penser dans les basses sphères du concret, sans essayer de voir un peu plus loin ce qu’il pourrait en découler.
L’actualité oblige, la fabrication des extrémistes religieux fait partie du même processus. Une partie de la population est névrosée ( donc malade) et facilement récupérable par des extrémistes religieux. On ne parle jamais de leur souffrance, des effets négatifs de la colonisation ( qui a abâtardi les peuples colonisés )par exemple qu’ont tait exprès pour le confort de quelques uns.
Sans être l’homme d’une église ( c’est tout le passé et le présent  du monde qui m’intéresse) je trouve intéressant de parler un peu de l’évolution de la situation en Afrique.
Je m’appuie pour le faire sur ces parties du livre mes étoiles noires de Lilian Thuram :
«Le monde des puissants est entrain de recoloniser, au prix des guerres auxquelles on assiste en Irak, en Afghanistan, on assiste en même temps à la régression des droits des migrants, de plus en plus brutalement contrôlés et sélectionnés. Et l'on constate une véritable razzia sur les terres agricoles notamment en Afrique et à Madagascar où pays riches et grandes sociétés négocient des millions d'hectares. » p.270
Je partage l’idée que les migrants fuient la guerre qu’on leur a imposé ( exemple des chalutiers de la cote d’ivoire)
….Dans toute l'Afrique Australe, le système néocolonial établi n'encourage que la prédation absolue. Les grandes plantations de bananes du Sud du Cameroun sont la propriété de capitaux français.
Quant aux bois, il n'est pas transformé sur place pour éviter toute plus-value. Une industrie interne de transformation de bois ruinerait les marchands de meubles européens. Les bénéfices vont à des multinationales étrangères, qui ne payent pas d'impots. Sans compter le pétrole. Comme le disait LoicLe Floch Prigent, ancien PDG d'Elf, s'il y a des dictatures, c'est que la fourniture du pétrole ne tolère aucune « incertitude » décrit Mongo Béti dans son ouvrage La France contre l'Afrique, retour au Cameroun.
… Et sur cette misère veillent les instances mondiales et financières. Dans la grande désillusion, 2002, Joseph Stiglitz, prix nobel d'économie, explique comment la politique de la banque mondiale  et surtout du FMI favorisent l'oppression qui sert les intérêts d'un certains nombres de pays dominants. «  Le FMI est toujours dirigé par un Européen, la banque mondiale par un américain. Les dirigeants sont choisis à huit clos, et l'on a jamais jugé nécessaire la moindre expérience préalable du monde en développement. » . L'un des pires obstacles auxquels se heurtent les pays en développement réside dans les politiques actuelles du FMI;... «  On pourra toujours aider au développement ou faire semblant. Toutes les aides cumulées de l'Etat, des ONG et des immigrés sont 6 fois moins importantes que les capitaux qui sont volés à l'Afrique par les multinationales. p.308
Stephane Hessel qui participa à la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dit : «  Il faut un nouveau militantisme pour que le XXIème siècle remplisse les promesses de droit de l'homme, de juste développement, d'Etat souverains qui ont été faites et non tenus au cours du Xxèmesiècle. Les intérêts nationaux sont importants, mais si on continue à se focaliser sur eux, on va passer notre vie à être des sapeurs pompiers » p.373
-Parler des problèmes relatifs au réchauffement climatique, Fukushima et la sécurité de l’industrie nucléaire française etc.


II-Une science à dimension humaine
Même dans la recherche et l’innovation il faut choisir une cause.  Frantz Fanon disait peu de temps avant sa mort à un ami: «  Nous ne sommes rien sur terre, si nous ne sommes d'abord les esclaves d'une cause, de la cause des peuples, la cause de la justice et de la liberté ». Et à Albert Einstein de dire : « Le monde est dangereux à vivre! Non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui  regardent et laissent faire. ». Engageons nous donc chacun à sa façon.
L’attentat de Charlie Hebdo nous pousse à la réflexion. Ce qui s’est passé doit créer un électro choc, des émotions desquelles doivent sortir la raison. Il faut refonder une citoyenneté aujourd’hui délabrée. Il s’agit avant tout de l’accès à l’éducation, la culture pour tous. C’est le problème d’appropriation et de partage des valeurs, des connaissances et de la culture qui est posé.
Croire en Dieu permet-il de rendre plus humaine la passion ou le gout de la science ? 
J’ai souvent entendu dire ici que ce n’était pas nécessaire. Et les arguments évoqués sont les unes plus justes et rationnels que les autres.
Mais moi je pense que grandir dans la foi est important. Pourtant je suis anticlérical. Je suis contre toute forme d’organisation de la foi par les hommes. Oui on peut croire en Dieu sans passer par les églises, les  synagogues et les mosquées à l’image de Socrate qui pourtant nous conseillait comme Ponocrate conseillait Gargantua la nécessité d’une foi  encadrée par le doute :
« Il vaut mieux une ignorance qui se connait qu'une ignorance qui s'ignore. Socrate vénérait les Dieux tout en avouant son ignorance à leur égard. C'est la manifestation de son désir de vérité. Ce serait une double ignorance le fait de ne pas savoir et de vivre dans l'illusion de son savoir: « Non seulement tu ignores les choses les plus importante mais tu crois les savoir »...La vertu n'est pas souvent accompagnée de bonheur mais il est évident que le mal, le vice qui si souvent nos  désirs de jouissance entrainent le malheur... Connais toi toi même de socrate.
On peut croire tout en restant éveillé sans se faire manipuler par les religions si le doute et la spiritualité accompagne sa foi.

                Blog du café philo  http://philopistes.blogspot.fr/

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