Un philosophe religieux est-il un
philosophe ?
«Peut-on croire à une religion quand on
est philosophe?…
… Et, par
extension : le vrai philosophe n’est-il pas forcément athée ? »
Question de
Philippe BARBON, et réponse de Charles PÉPIN, professeur au lycée d’État de la
Légion d’honneur.
« Cette
opposition automatique entre la religion et la philosophie repose probablement
sur des idées préconçues au sujet de la religion comme de la philosophie.
Croire n’est pas nécessairement synonyme de foi mystérieuse, absolue et
indubitable. Philosopher ne renvoie pas nécessairement à une analyse
exclusivement rationnelle du réel. On peut croire en Dieu « de manière
philosophique », par exemple en sachant incorporer dans sa croyance une part de
ce doute qui, de SOCRATE à DESCARTES, signe l’attitude philosophique. Il y
aurait même là, comme l’explique Gianni VATIMMO dans Après la Chrétienté (Calmann-Lévy, 2004), un garde-fou contre le
fanatisme, l’intolérance de celui qui ne supporte pas le doute des autres parce
qu’il ne supporte d’abord pas le doute en lui.
On peut aussi,
à l’inverse, philosopher « de manière religieuse », par exemple en croyant en
certaines idées qu’il n’est pas possible de démontrer rationnellement. Ainsi
trouve-t-on dans la philosophie de KANT trois idées (le moi, le monde, Dieu),
paradoxalement appelées « idées de la raison », en lesquelles nous pouvons
croire, auxquelles nous pouvons accorder du crédit malgré leur caractère
hypothétique, et qui ont un usage régulateur positif sur notre effort pour
connaître, pour agir, pour vivre. Bien sûr, KANT explique qu’il faut savoir
toujours distinguer le savoir de la croyance, mais il propose néanmoins une
philosophie dans laquelle on a besoin de (bien) croire pour (mieux) savoir. Il
n’y a donc pas opposition entre religion et philosophie ; ce n’est donc pas
« un progrès de ne plus croire ». Chez HEGEL, de même, on trouve cette idée que
la religion nous révèle ce que la philosophie nous démontrera ensuite (et que
l’art d’ailleurs a commencé par nous montrer) : il n’y a donc pas non plus
opposition du religieux et du philosophique, mais le même Esprit du monde s’exprimant
sous des formes différentes.
La meilleure
façon de vous répondre reste toutefois de faire référence à tous ces
philosophes qui ont voulu démontrer rationnellement l’existence de Dieu :
LEIBNIZ, DESCARTES, SPINOZA, SAINT ANSELME, SAINT THOMAS. On peut bien sûr
critiquer cette démarche, objecter par exemple à DESCARTES qu’il croit
démontrer Dieu alors qu’il l’a simplement d’abord postulé, parce qu’il est
d’abord croyant, ou à SPINOZA qu’il a tout simplement redéfini Dieu par la
puissance de sa philosophie. Mais dans tous les cas on ne peut pas réduire la
philosophie à l’athéisme. On commence à philosopher parce que le monde fait
problème. C’est probablement pour cette même raison qu’il y a des religions.
L’une comme l’autre prouvent que nous ne sommes pas des bêtes ».
« Alors,
alors », aurait encore écrit Anatole FRANCE, devant toutes ces belles
vérités…
Oui…
La
problématique philosophique de cet article invite encore trop à distinguer les
croyants des croyances sans remettre en question la problématique principale.
Le souci de
« croire » pour vivre est-il « vital » et l’existence d’un
dieu indubitable ?
Pouvons-nous
être et créer sans idée de dieu ?
Il y a
certainement de bons juifs, de bons chrétiens, et de bons musulmans, comme de
bons hindous et de bons bouddhistes, et d’autres bons croyants de sectes en
devenir, issus des centaines et des centaines de courants religieux différents
que l’on ne découvre que lorsqu’il y a un massacre inter ou intra
religieux !
Mais si des
femmes et des hommes prônent la paix et l’amour, leurs maîtres sont au nom de
leurs dieux — par l’usage des textes sacrés et de leurs interprétations — des
bourreaux sanguinaires.
À preuve du
contraire :
— Aucune
religion n’accepte honnêtement la véracité d’une autre religion.
— Aucune
religion n’accepte qu’un croyant change de religion ou abandonne sa croyance.
— Aucune
religion n’accepte de dissidence ou de contradiction, d’humour ou de remise en
question.
L’hérésie,
l’apostasie comme le blasphème, sont toujours punis de mort… après, on module
selon les pays et les époques !
— Aucune
religion ne considère honnêtement TOUS les humains égaux entre eux !
Aussi :
— L’athéisme
est une forme de « croyance en une non croyance »… et pourrait être
aussi une forme de religion, avec de multiples courants.
— L’idée de
dieux serait-elle universelle et nécessaire à distinguer l’humain de
l’animal ?
L’arme de
propagande des religions se construit sur la peur de la mort.
La philosophie
s’intéresse au sens de la vie…
Les religions
s’échafaudent sur l’autorité et la morale.
La philosophie
semble s’édifier sur la considération et les valeurs.
La philosophie
commencerait dans notre civilisation avec les présocratiques…
N’est-il pas
étudié alors que Socrate, lui-même, fut condamné à mort par le tribunal de
l'Héliée, à Athènes, pour corruption de la jeunesse, négation des dieux
ancestraux et proposition de divinités nouvelles ?
Et Diogène de
SINOPLE par ses propos et ses actes libérés fit triompher l’École Cynique…
Oui, sans
religion, la vie devient jubilatoire…
Avec la
religion, tout semble subversif !
Un philosophe
religieux est-il encore philosophe puisqu’il perd la jouissance de chercher la
sagesse en s’enfermant dans des certitudes, des vérités illusoires ?
Anatole FRANCE
excelle dans sa quête sur la vérité par ces propos contradictoires qu’il
attribut à VOLTAIRE, ce combattant des croyances, qui fut enterré en parfait
religieux :
« — Qu’est-ce
que la vérité ?…
— D’abord
mon ami, je crois que s’il s’agissait de la Vérité absolue, nous pourrions en
dire ce que ce diable de VOLTAIRE faisait dire à SPINOZA, s’adressant à Dieu :
“Je crois,
entre nous, que vous n’existez pas” ».
Sujet du MERCREDI 04 Février
996 Quelle est l’utilité des riches ?
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