samedi 24 janvier 2015

Sujet du Merc. 28/01/2015 : Un philosophe religieux est-il un philosophe ?



            Un philosophe religieux est-il un philosophe ?
                               «Peut-on croire à une religion quand on est philosophe?…

… Et, par extension : le vrai philosophe n’est-il pas forcément athée ?  »
Question de Philippe BARBON, et réponse de Charles PÉPIN, professeur au lycée d’État de la Légion d’honneur.

« Cette opposition automatique entre la religion et la philosophie repose probablement sur des idées préconçues au sujet de la religion comme de la philosophie. Croire n’est pas nécessairement synonyme de foi mystérieuse, absolue et indubitable. Philosopher ne renvoie pas nécessairement à une analyse exclusivement rationnelle du réel. On peut croire en Dieu « de manière philosophique », par exemple en sachant incorporer dans sa croyance une part de ce doute qui, de SOCRATE à DESCARTES, signe l’attitude philosophique. Il y aurait même là, comme l’explique Gianni VATIMMO dans Après la Chrétienté (Calmann-Lévy, 2004), un garde-fou contre le fanatisme, l’intolérance de celui qui ne supporte pas le doute des autres parce qu’il ne supporte d’abord pas le doute en lui.
On peut aussi, à l’inverse, philosopher « de manière religieuse », par exemple en croyant en certaines idées qu’il n’est pas possible de démontrer rationnellement. Ainsi trouve-t-on dans la philosophie de KANT trois idées (le moi, le monde, Dieu), paradoxalement appelées « idées de la raison », en lesquelles nous pouvons croire, auxquelles nous pouvons accorder du crédit malgré leur caractère hypothétique, et qui ont un usage régulateur positif sur notre effort pour connaître, pour agir, pour vivre. Bien sûr, KANT explique qu’il faut savoir toujours distinguer le savoir de la croyance, mais il propose néanmoins une philosophie dans laquelle on a besoin de (bien) croire pour (mieux) savoir. Il n’y a donc pas opposition entre religion et philosophie ; ce n’est donc pas « un progrès de ne plus croire ». Chez HEGEL, de même, on trouve cette idée que la religion nous révèle ce que la philosophie nous démontrera ensuite (et que l’art d’ailleurs a commencé par nous montrer) : il n’y a donc pas non plus opposition du religieux et du philosophique, mais le même Esprit du monde s’exprimant sous des formes différentes.
La meilleure façon de vous répondre reste toutefois de faire référence à tous ces philosophes qui ont voulu démontrer rationnellement l’existence de Dieu : LEIBNIZ, DESCARTES, SPINOZA, SAINT ANSELME, SAINT THOMAS. On peut bien sûr critiquer cette démarche, objecter par exemple à DESCARTES qu’il croit démontrer Dieu alors qu’il l’a simplement d’abord postulé, parce qu’il est d’abord croyant, ou à SPINOZA qu’il a tout simplement redéfini Dieu par la puissance de sa philosophie. Mais dans tous les cas on ne peut pas réduire la philosophie à l’athéisme. On commence à philosopher parce que le monde fait problème. C’est probablement pour cette même raison qu’il y a des religions. L’une comme l’autre prouvent que nous ne sommes pas des bêtes ».


« Alors, alors », aurait encore écrit Anatole FRANCE, devant toutes ces belles vérités…
Oui…
La problématique philosophique de cet article invite encore trop à distinguer les croyants des croyances sans remettre en question la problématique principale.
Le souci de « croire » pour vivre est-il « vital » et l’existence d’un dieu indubitable ?
Pouvons-nous être et créer sans idée de dieu ?
Il y a certainement de bons juifs, de bons chrétiens, et de bons musulmans, comme de bons hindous et de bons bouddhistes, et d’autres bons croyants de sectes en devenir, issus des centaines et des centaines de courants religieux différents que l’on ne découvre que lorsqu’il y a un massacre inter ou intra religieux !
Mais si des femmes et des hommes prônent la paix et l’amour, leurs maîtres sont au nom de leurs dieux — par l’usage des textes sacrés et de leurs interprétations — des bourreaux sanguinaires.
À preuve du contraire :
— Aucune religion n’accepte honnêtement la véracité d’une autre religion.
— Aucune religion n’accepte qu’un croyant change de religion ou abandonne sa croyance.
— Aucune religion n’accepte de dissidence ou de contradiction, d’humour ou de remise en question.
L’hérésie, l’apostasie comme le blasphème, sont toujours punis de mort… après, on module selon les pays et les époques !
— Aucune religion ne considère honnêtement TOUS les humains égaux entre eux !

Aussi :
— L’athéisme est une forme de « croyance en une non croyance »… et pourrait être aussi une forme de religion, avec de multiples courants.
— L’idée de dieux serait-elle universelle et nécessaire à distinguer l’humain de l’animal ?

L’arme de propagande des religions se construit sur la peur de la mort.
La philosophie s’intéresse au sens de la vie…
Les religions s’échafaudent sur l’autorité et la morale.
La philosophie semble s’édifier sur la considération et les valeurs.
La philosophie commencerait dans notre civilisation avec les présocratiques…
N’est-il pas étudié alors que Socrate, lui-même, fut condamné à mort par le tribunal de l'Héliée, à Athènes, pour corruption de la jeunesse, négation des dieux ancestraux et proposition de divinités nouvelles ?
Et Diogène de SINOPLE par ses propos et ses actes libérés fit triompher l’École Cynique…

Oui, sans religion, la vie devient jubilatoire…
Avec la religion, tout semble subversif !

Un philosophe religieux est-il encore philosophe puisqu’il perd la jouissance de chercher la sagesse en s’enfermant dans des certitudes, des vérités illusoires ?
Anatole FRANCE excelle dans sa quête sur la vérité par ces propos contradictoires qu’il attribut à VOLTAIRE, ce combattant des croyances, qui fut enterré en parfait religieux :
« — Qu’est-ce que la vérité ?…
— D’abord mon ami, je crois que s’il s’agissait de la Vérité absolue, nous pourrions en dire ce que ce diable de VOLTAIRE faisait dire à SPINOZA, s’adressant à Dieu :
“Je crois, entre nous, que vous n’existez pas” ».

                                     
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