samedi 26 octobre 2024

Sujet du Mercredi 30/10/2024 : APRES QUOI TU COURS ?

 

                        APRES QUOI TU COURS ?

Si l’équipage du navire de nos vies, tant particulières que collectives, dispose de toutes les informations annonçant qu’il va à sa perte comme un poulet aveugle et sans tête court vers nulle part, persistera-t-il à foncer droit devant ? L’argent-dette et la financiarisation capitaliste mondiale sont-ils la cause majeure de cette impasse ? Et comment pourrions-nous y remédier ?

 Au lieu de cette course folle vers l’abysse, l’équipage ne réunirait-il pas plutôt toutes ces données pour en tirer l’explication de ce vers quoi il court de la sorte ? Faisant appel à cet effet au « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison » de Descartes. Se donnera-t-il ces degrés de liberté humaine authentique limités aux possibilités du réel (Spinoza)? Définira-t-il avec pertinence diverses options d’action correctrice, le meilleur projet à retenir et la stratégie de sa réalisation ; précisant les moyens à mettre en œuvre et concevant les outils nécessaires à cet effet ?

 N’en sommes-nous pas là, chacun et tous ensemble, courant sans cesse pour la première option ? Nous travaillons de plus en plus pour n’avancer que peu, tel un écureuil courant en vain et sans but dans sa cage en roue libre ? Alors que la richesse se concentre toujours plus en moins d’hyper fortunés. N’est-ce donc pas là la définition même du capitalisme ? Et qu’ultime conséquence de cette cause qui le détermine (Spinoza), l’écosystème de la vie sur terre se déglingue toujours plus vite, un hyperconflit mondial se prépare et l’artificialisation des hommes, de leur vie en société et de la nature elle-même s’accélère de façon exponentielle. Et cela bien que le vivant reste notre bien le plus précieux…

Comme obsédés, drogués à une pseudo abondance matérielle illimitée et donc suicidaire et, de surcroît, nous croyant dotés d’un libre-arbitre absolu, allons-nous persévérer dans le déni de faits avérés annonçant un cataclysme pour la vie sur terre ? Ou allons-nous plutôt nous mobiliser en pleine conscience des causes d’une situation (Spinoza) qui s’aggravera rapidement dans un avenir proche si nous n’agissons pas ensemble dès maintenant de façon concertée, avec vigueur et raison ?

 Doutons-nous encore de faits majeurs annoncés ? Voici quelques tendances déjà bien établies dans l’extrême démesure et l’hubris qui obligent à de nouveaux principes d’action.

 –-  A plus ou moins brève échéance nous courons à une extinction de masse de la biodiversité et à une artificialisation explosive de la vie dans la mer et sur les terres émergées. Dans nos enfances nous voyions les hippocampes et les « poissons d’aquarium » le long des falaises provençales, les insectes jaillissaient de partout quand nous foulions l’herbe des prés et souillaient les pare-brises des voitures après 50 km. Nos parents s’affairaient à les nettoyer. Aujourd’hui après 1000 km de route, rien. La vitre reste limpide.

  Nous courons vers bientôt 10 milliards de Sapiens sur terre produisant, consommant et rejetant des déchets polluants à foison. Les « progrès » techniques bénéfiques sont sidérants. Mais ils sont néanmoins très peu partagés. Ce qui est éthiquement indéfendable. D’autant que souvent ils ont aussi des conséquences délétères voire mortelles. Au vu de la démographie, dans le quart de siècle qui vient la production alimentaire devrait doubler grâce à une pisciculture et une agriculture industrielles. Ce serait un désastre pour la vie dans les océans et les sols, déjà largement épuisés. En outre, bientôt un homme sur deux aura du mal à accéder à l’eau.

  Parallèlement les ordinateurs devraient multiplier deux millions de fois leur puissance (Loi de Moore) et les robots occuper tous les secteurs de la vie ; la fusion nucléaire produirait avec du deutérium plus de 10 millions de fois plus d’énergie qu’une même masse de charbon ou de pétrole ; la disponibilité de ressources telles que le bois et le sable sera la première à manquer, etc, etc. Ne prévoit-on pas que l’accumulation de déchets plastiques s’emballera, attaquant massivement le phytoplancton ? Ce qui tuerait toute vie dans les océans et, par voie de conséquence, aussi ailleurs.

  L’histoire nous a appris que l’envol de la dette, mondiale cette fois-ci, ne peut être stoppée que par la croissance (désormais presque impossible au niveau nécessaire pour la purger), par l’inflation qui ruinerait les classes « moyennes », et par la guerre (y sommes-nous ?) qui détruirait tout. L’hyperconflit montre ses prémisses. Mais bien avant les écueils existentiels juste mentionnés, on se battra pour l’eau, la nourriture, des matières premières ; et pour un partage plus juste des richesses, pour s’approprier ou envahir un territoire ou pour le quitter, pour s’isoler du monde et faire régner des valeurs. Epicure et ses amis en firent autant, loin de la cité, dans la sobriété et l’ascèse, tandis que la domination romaine s’imposait par la guerre. Aujourd’hui le monde n’entre-t-il pas dans l’hyperconflit des civilisations, religions, mafias ? Des armes nouvelles effroyables sont issues des prouesses techniques de l’artificialisation : épidémies (ban d’essai du Covid), cyberguerres, soldats augmentés accompagnés d’essaims de drones tueurs, le canon laser tirant 50.000 fois plus vite que les missiles, etc. La fureur froide du mécanisme capitaliste de super profits n’y contribue-t-elle pas grandement ?

  Depuis la taille de silex chaque phase de l’histoire a produit de nouveaux artefacts qui fournissent davantage de moyens. On est arrivé au moment où c’est la nature, les animaux, les plantes et les hommes qui sont en voie d’être artificialisés. L’humanité deviendra-t-elle bientôt une collection d’artefacts fabricant des artefacts ? Cela se fait actuellement de manière bénigne mais envahira tout ensuite : 1) toute l’organisation de la santé est en passe d’être bouleversée, sans qu’on s’y prépare, par nos équipements d’autosurveillance, la génomique, l’artificialisation du cerveau. On fabriquera des humains dociles, peut-être des chimères hybrides voire des clones humains capables de recevoir et de transmettre des éléments de la conscience de soi. On en fera des êtres sans désir de faire le moindre « mal ». Ou, au contraire, d’être des tueurs invincibles et impitoyables ; 2) l’éducation et l’information seront bouleversées jusqu’à la « version 007 » de ChatGpt. Des prothèses de l’intelligence humaine seront capables de prendre des décisions autonomes, sans aucun concours humain ; 3) les relations humaines seront-elles sublimées par la communication virtuelle jusqu’à l’oblitération de l’humain? Des êtres virtuels, des hologrammes joueront-ils un jour un rôle dans le travail, les amitiés, les amours, la politique ? Des robots ont déjà des hommes comme employés...

  Des autosurveilleurs sont en train de créer nos doubles virtuels. La transparence totale deviendra inéluctable, capturée par un pouvoir artificialisé totalitaire.

  Deux conséquences majeures émergeront : 1) la fusion du réel et du virtuel fera que le premier sera considéré suspect face à la puissance et à la crédibilité du virtuel et des artefacts, et 2) la fusion du vivant (notre bien le plus précieux !) et des artefacts conduira à l’artificialisation progressive du vivant lui-même. On fabriquera des humains hors du corps des femmes. On pourra faire revivre tout être sous forme d’hologramme, puis génétiquement à partir de toutes les données collectées sur lui. Nous aurons des esclaves de toute nature.

 Ces tendances factuelles concernant l’artificialisation de la vie seraient-elles une absurde dystopie...? Pas du tout. Les forces en marche du profit y pousseront massivement jusqu’à ce que l’humain ne soit plus qu’un artefact comme les autres. Si l’humanité échappait à son meurtre de la biodiversité et donc à son propre suicide, ou encore à son oblitération par la guerre, disparaîtra-t-elle comme espèce ? Tandis que chaque individu cherchera à devenir immortel. A l’instar des Musk, Gates, Zuckerberg...

Epicure, au secours : depuis ‘68 « Il est interdit d’interdire », tous les désirs et tous les plaisirs sont encouragés qui doivent être satisfaits dans l’instant comme une drogue, décervelant les hommes et les poussant à toutes les pulsions, démesures et hubris. Spinoza, reviens : nous ignorons la réalité qui nous détermine et croyons sottement disposer d’un libre-arbitre absolu. Pure illusion. La mesure est comble, l’ignorance crasse. La paresse intellectuelle, le déni et le laisser-faire laisser-aller sont criminels.

 Si la raison ne suffit pas pour convaincre d’agir dès maintenant avec force pour la sobriété (Epicure) afin de renverser les tendances pulsionnelles actuelles et l’addiction à tous les plaisirs, faut-il passer à une manipulation mensongère qui puisse emporter l’adhésion par l’émotion ? Un Platon contemporain ne s’y opposerait pas. D’ailleurs certains ne s’en privent pas, gardant sous le coude et s’y préparant activement l’alternative d’une diminution drastique de la population mondiale. Tout en s’excluant eux-mêmes du processus. Bien sûr.

 Une autre voie serait d’organiser, avant toute chose et à tous les niveaux, des échanges dialectiques sur nos conceptions, philosophies de la vie, visions du monde et comportements actuels qui conduisent aux impasses discutées plus avant. Nous en dégagerions les solutions opportunes ainsi que les institutions et les moyens qui les soutiendraient à l’échelle du monde. En effet, on ne peut plus, à cause de l’envolée de la démographie, se retirer à l’écart, loin de la cité comme le fit Epicure pour tenter d’y vivre sobrement dans l’ataraxie. De toute manière, l’utopie prometteuse juste proposée d’« alliance mondiale des hommes de bonne volonté » pourrait-elle faire l’affaire dans le bref espace de temps encore disponible ? C’est plus que douteux. Le processus risque de durer. En plus d’être manipulé. Cela conduirait au chaos.

Face à l’urgence ne resterait-il plus alors que la dystopie de l’imposition autoritaire d’une dictature ? « Eclairée » ou pas. Y allons-nous tout droit ?

Dès lors, une ou plusieurs autres utopies existent-elles ? Lesquelles ? Vite, vos propositions, svp...

 Quoi qu’il en soit il demeure que le principe directeur de nos comportements reptilo-limbiques est l’intérêt personnel, l’égoïsme. En conséquence, notre liberté individuelle bien comprise ne repose-t-elle pas sur l’intérêt que nous avons à ce que la terre reste vivable pour ceux qui viendront nous aider quand nous n’aurons plus la force de faire fonctionner le monde...? Voilà une parole d’avenir. C’est l’altruisme rationnel parfaitement égoïste mais incontournable pour diriger nos actions. Montesquieu disait des troglodytes dans ses Lettres persanes que « L’intérêt des particuliers se trouve dans l’intérêt commun. ». Sauf que, cette fois-ci, c’est la survie des hommes comme espèce qui est en jeu.

Allez, à l’abordage ! L’utopie ou la mort de tous.

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