"En certaines heures, en certains lieux,
dormir, c'est mourir" V. Hugo
"La
France ne doit pas même adhérer à ce gouvernement par le consentement de la
léthargie: à de certaines heures, en de certains lieux, à de certaines ombres,
dormir, c'est mourir" ( V Hugo - in Napoléon le petit).
Le 2 décembre 1851 louis Napoléon
Bonaparte prend le pouvoir en France par un coup d'Etat. V Hugo est expulsé en
Belgique.
Dans un ouvrage publié en 2010 la
philosophe, Cynthia Fleury, propose une lecture
passionnante de la notion de courage. (les extraits qui suivent
proviennent de cet ouvrage : " La fin du courage").
"Victor
Hugo cerne parfaitement les procédés falsificateurs des petits maîtres qui
vivent de la soumission trop soudaine des peuples. Car ces régimes où s'épuise
le courage du peuple ne sont même pas des tyrannies. Ils se nourrissent des
asservissements passagers et des bienveillances populaires. Et là les
faussaires sont victorieux."
Fin descripteur du chef politique contre-exemplaire,
éhonté, obscène, déplorable, Victor Hugo est également le fin analyste des
régimes électoralistes. Ou quand l'électoralisme signe la fin de la vitalité
démocratique. Ou quand la cristallisation sur le scrutin, ce moment de
non-intelligence, fait dépérir la rationalité publique. Bien qu'élément important
de la vie procédurale démocratique, le vote n'en est pas moins un instrument
tout à fait ambivalent, ne relevant en aucune manière de ce qui fait la vérité
et l'essence de la démocratie, à savoir sa culture son contexte sociétal, le
sens et la valeur qu'elle donne aux principes et aux choses. Le vote ne dit
rien.
L'électoralisme promeut
une démocratie sans qualités qui réduit le peuple à sa forme statistique.
« Je
dois vous dire, écrit Alain Badiou, que je ne respecte absolument pas le
suffrage universel en soi ; cela dépend de ce qu'il fait. Le suffrage universel
serait la seule chose qu'on aurait à respecter indépendamment de ce qu'il
produit. Et pourquoi donc ? " (Badiou in "de quoi Sarkosy est il
le nom ?")
Et là encore, Victor Hugo est en pleine résonance
avec Alexis de Tocqueville: « Des chaînes
et des bourreaux, ce sont là les instrument grossiers qu'employait jadis la
tyrannie; mais de nos jours la civilisation
a perfectionné jusqu'au despotisme lui-même qui semblait pourtant avoir
plus rien à apprendre ...
Les princes avaient pour ainsi dire
matérialisé la violence ; les républiques démocratique de nos jours , l'ont
rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu'elle veut
contraindre. Sous le gouvernement absolu d'un seul, le despotisme, pour arriver
à l'âme, frappait grossièrement le corps ; et l'âme, échappant à ces coups,
s'élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques
ce n'est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit
à l'âme. Le maître n'y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il
dit : Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens,
tout vous reste; mais de ce jour vous êtes
un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous
deviendront inutiles; car si vous
briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l'accorderont point, et si
vous ne demandez que leur estime ils feindront encore de vous la refuser.
Vous resterez parmi les hommes, mais vous,
perdrez vos droits à l'humanité.
Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être
impur; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là mêmes vous abandonneront,
car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je
vous la laisse pire que la mort » (A de Tocqueville - De la démocratie en
Amérique).
Si courage individuel et collectif semblent
ainsi pouvoir être matés à la source, c’est à dire dans la vie sociale moderne,
où trouver les ressorts pour faire émerger une morale politique, une éthique du
pouvoir.
Nulle
part diront les tenants de la "nature humaine" soi-disant
universelle. Nulle part diront les partisans de l'absence d'Etat.
Mais
si balayant ces présupposés qui fonctionnent comme des mythes, des fables
" la tyrannie.... laisse le corps et va droit à l'âme", incorporés à
dictature démocratique, nous voulons rester éveillés, vigilants.
Comment faire ? La léthargie (Léthé en grec = oubli, sommeil pathologique) est
tellement agréable lorsqu'on a le ventre plein !
Nous avons dormi pour les quarante dernières années. Dormi pour la Yougoslavie,
l'Irak, les retraites, la sécu, la Lybie, Gaza, le liban, le code du travail,
la "dette"....... et le Prince nous dit " Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que
la mort".
« Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini
d’hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être
tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants, ni leur vie même qui
soient à eux ? De les voir souffrir les rapines, les paillardises, les
cruautés, non d’une armée, non d’un camp barbare contre lesquels chacun devrait
défendre son sang et sa vie, mais d’un seul ! Non d’un Hercule ou d’un Samson,
mais d’un hommelet souvent le plus lâche, le plus efféminé de la nation, qui
n’a jamais flairé la poudre des batailles ni guère foulé le sable des tournois,
qui n’est pas seulement inapte à commander aux hommes, mais encore à satisfaire
la moindre femmelette ! » E de
la Boétie – De la servitude volontaire -1574
Alors
avons-nous oublié l'avertissement de Hugo ? Sommes-nous dans des temps, des
heures, des lieux ou dormir c'est mourir ? Le courage n'est il pas de vivre,
d'être éveillés. Et pas simplement, posture morale bien trop facile ! de
s’indigner comme le préconisait un certain S. Hessel.
"Le
sommeil de la raison engendre des monstres » Goya . Sommes-nous devenus des
monstres ?
Dernier avertissement d’un connaisseur, Bertolt Brecht : « Celui
qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
1 - Tout commentaire anonyme (sans mail valide) sera refusé.
2 - Avant éventuelle publication votre message devra être validé par un modérateur.