La gauche déteste-t-elle
les pauvres ?
Quand
la gauche abandonne les ouvriers et les employés
Ce
document a déchiré la gauche française. En 2011, Terra Nova, un
laboratoire d’idées proche du PS, fait paraître une note qui préconise de dire
« adieu » aux ouvriers et employés afin de se tourner vers une
nouvelle majorité électorale urbaine dans le but de conquérir le pouvoir.
Une décennie plus tard, le document charrie toujours un parfum de scandale,
tandis que beaucoup y voient la matrice originelle du macronisme. Enquête sur
un document maudit.
C’est une note de 82 pages rédigée en Times New Roman et
sobrement intitulée : « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012
? » Œuvre du think tank Terra Nova, elle est publiée le 10 mai
2011 sur son site internet au format PDF. Entre les analyses de fond et les
graphiques compassés, un mythe fondateur de la gauche française est brisé. Au
fil des lignes, le divorce entre le Parti socialiste et la classe
ouvrière « en déclin » est en effet prononcé.
Pour que la gauche l’emporte en 2012, ses signataires préconisent
de se tourner vers un nouvel électorat urbain comprenant « les
diplômés », « les jeunes », « les
minorités des quartiers populaires » et « les
femmes » : tous unifiés par « des valeurs
culturelles, progressistes ».
Cela n’a l’air de rien, mais, une décennie plus tard, un parfum de soufre et de
scandale entoure toujours le fameux document. Rien qu’à son évocation, les mots
tranchants remontent à la surface : « suicide »« tragédie »,
« erreur ontologique ». Au-delà du réquisitoire, une
question reste en suspens : cette note a-t-elle acté l’abandon des classes
populaires ou l’a-t-elle accéléré ?
Retour au 10 mai 2011.
Jupiter est encore en sommeil, et c’est un autre « économiste » que
le Parti socialiste s’apprête à mettre sur orbite, à savoir Dominique
Strauss-Kahn. Proche du patron du FMI, le laboratoire d’idées Terra Nova publie
sa note explosive en milieu de journée.
C’est le résultat d’une année de conciliabules. Depuis onze mois, un groupe de
travail se réunit tous les quinze jours dans les bureaux du think tank sur les
Champs-Élysées.
L’objectif ? Dessiner une nouvelle majorité électorale qui
permettra à la gauche de renouer avec le pouvoir. Cet exercice de sociologie
électorale est mené en parallèle dans neuf autres pays, comme les États-Unis,
le Royaume-Uni, ou bien encore la Suède.
« Il y avait un affaiblissement des partis sociaux-démocrates dans
l’ensemble des pays occidentaux qui était lié à la baisse du vote ouvrier et à
la mutation de l’électorat de gauche, c’est le point de départ de notre
note » raconte Bruno Jeanbart, qui a cosigné le rapport avec
Olivier Ferrand, le président fondateur de Terra Nova.
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