Averroès (Ibn Rushd) est né à Cordoue en 1126 ( 520 de
l’ Hégire). Il est successivement Cadi de Séville puis de Cordoue. En 1195 il
est banni de cette ville par les autorités royales car des soupçons pèsent sur
sa pratique religieuse.
Ses fonctions politiques dans les
cités de l’Espagne conquise par les arabes ne sont qu’un des aspects de son
œuvre et de sa curiosité. Il étudiera la médecine et surtout la philosophie. Il
ne faut toutefois pas se méprendre ou faire des contresens historiques. Ibn
Rushd est un penseur de son temps,
c'est-à-dire un homme qui utilise les outils intellectuels et conceptuels de
son époque.
Mais il reste intransigeant sur
une chose la primauté de la philosophie sur toute interprétation littérale des
textes sacrés, révélés et en particulier le Coran.
Il est connu pour, en qualité de
Cadi, avoir rendu des jugements au nom du Coran mais en se déprenant de
l’interprétation littérale du texte.
Cette méthode qu’il érigea contre
des théologiens classiques qui traitaient son œuvre « d’incohérente »
( ce qui aurait pu lui couter la vie !) elle lui vient de l’héritage
antique. Ibn Rushd (Averroès) est essentiellement le grand commentateur
d’Aristote, c’est lui aussi qui fit connaître Platon dans le monde
arabo-musulman.
« Nous disons donc : quant aux philosophes, ils s'attachent à la
connaissance des êtres en faisant usage de leur intellect, sans s'appuyer sur
les discours de ceux qui les invitent à y adhérer sans démonstration. Ils vont
parfois même à l'encontre des choses sensibles. Car ils se sont aperçus que les
choses sensibles qui se trouvent sous la sphère [de la lune] se répartissent en
deux sortes : les choses animées et les choses inanimées. Et ils ont trouvé que
toutes celles d'entre ces choses qui sont générées l'étaient par quelque
chose, qu'ils ont nommé « forme », qui est l'entité par laquelle [la chose] devient
existante après qu'elle a été non existante ; et de quelque chose qu'ils ont nommé « matière », qui
est ce de quoi [la chose] est
constituée. Car s'étant aperçus que tout ce qui est généré ici-bas est généré
d'autre chose, ils ont appelé cela « matière », et s'étant aperçu aussi que
[tout ce qui est généré] l'est par
l'action de quelque chose, ils l'ont appelé « agent » ; et en vue de quelque chose, ils l'ont
appelé « fin ». Ils ont donc ainsi prouvé qu'il y avait quatre causes. Et ils ont trouvé que ce par quoi se constitue la chose, à savoir sa forme, et ce par l'action de quoi elle se
constitue, à savoir son agent prochain, étaient une seule et même chose, soit
en espèce, soit en genre : en espèce, comme dans le cas où un homme engendre un
homme, ou un cheval un cheval ; en genre, comme lorsqu’un mulet est
engendré à partir d’un cheval et d’un âne. » Grand Commentaire de la
Métaphysique d’Aristote.
Naturellement, le message d'Ibn
Rushd, la relégitimation de la Lettre contre l'abus interprétatif (l'«
innovation blâmable »), ne saurait, sans contradiction, être directement
adressé à la foule : celle-ci en est la bénéficiaire, non le premier
destinataire, autrement dit l'agent ou l'instrument. Le message ne
peut être adressé qu'au souverain politique, capable de l'imposer aux théologiens
sectaires ou, du moins, d'agir désormais contre eux en pleine
connaissance de cause, les réduisant au silence pour de bonnes raisons,
s'il ne peut les contraindre à opter intimement pour la « voie
moyenne ».
La justification théorique de la
croyance est une justification politique de la réforme. L'objectif du
philosophe intervenant en théologie, une fois posé le diagnostic selon lequel,
interprétant ce qu'il n'y a pas lieu d'interpréter, la
théologie sectaire éloigne les masses de la croyance et les pervertit – ce qui,
bien sûr, n'est pas son seul défaut, puisqu'elle
interprète aussi ce qu'il y a lieu d'interpréter, mais sans avoir les
moyens de l'interpréter correctement, ne peut être que, du même geste,
politique et religieux. En exposant et en argumentant une théologie de la «
voie moyenne », Ibn Rushd réalise le tour de force dont son œuvre avait
proclamé l'urgence et la possibilité. En ce sens, la théologie proposée
par Averroès est, dans la tradition musulmane, le prototype d'une
théologie qu'on pourrait dire aussi bien « forte » que
« réformée ».
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