" Jaime ceux qui vêtent la raison des fleurs éparpillées de leurs rêves » J. Vallés"
Quelles
sont nos espérances, quels sont nos rêves terrestres ? Depuis quelques
semaines nous traitons, dans notre café philo de graves sujets sur la liberté,
l’avenir …. Et toujours des constats : « nous » sombrons, nous
voyons la maison qui brûle et nous sommes comme impuissants à éteindre
l’incendie. Au paroxysme de l’angoisse et de l’interrogation nous nous
regardons nous-mêmes vivre des vies qui nous semblent ne pas « coller »
avec nos désirs de paix, de justice, de bonheur, de sérénité.
Car, il ne faut pas en douter, nous sommes « bons ». Toute une éducation, a enlevé Satan de notre horizon de sujet moderne et fondamentalement nous savons, désormais, que tout dépend de « nous », de notre volonté et rares sont ceux qui voudraient le mal.
Et
pourtant les vielles rengaines ont la vie dure. L’homme serait foncièrement
mauvais. L’homme serait un loup pour l’homme. Ce serait un égoïste. En quatre
ou cinq propositions l’être humain se trouve déterminé, incarcéré dans une
enveloppe qui de « tout temps » aurait été la sienne.
Alors il devient très difficile (et quasiment inutile pour certains
contempteurs de la « fin de l’histoire » de penser l’utopie, de
penser qu’un jour nos rêves, nos espoirs, puissent se réaliser, se concrétiser.
Au demeurant ne serait il pas préférable de subir ? Un peu de sucre, un
peu de Prozac, un soupçon de Loft Story, et le tour est joué.
L’avertissement
avait été porté à notre connaissance voici plus de 150 ans par
Tocqueville observateur avisé de cette société américaine (étazunienne) qui allait devenir notre modèle :
« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le
despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable
d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se
procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme.
Chacun
d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres :
ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine ;
quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit
pas; il les touche et ne les sent point , il n'existe qu'en lui-même et pour
lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il
n'a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et
tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur
sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à
la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les
hommes à l'âge viril; mais il ne cherche au contraire, qu'à les fixer
irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu
qu'ils ne songent qu'à se réjouir.
Il travaille volontiers à leur bonheur, mais
il veut en être l'unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur
sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit
leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions,
divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser
et la peine de vivre ? ».
Si nous vivons cette époque « des formes extérieures de la
liberté » (Tocqueville) il nous est alors totalement inutile, ou alors et
c’est notre propos, de mettre exergue l’urgence de poser la question Kantienne «
que puis je connaître ? Que dois je faire, Que m’est il permis
d’espérer ? ».
La mort des dieux et celle des mythes n’a rien résolu. On peut avoir cru
dépasser par le haut l’assujettissement symbolique alors qu’on en est sorti par
le bas. Nous avons abattu des idoles et des rois et nous nous sommes donnés des
tuteurs, et de pâles ersatz de récits fondateurs ( langues et états-régions,
sectes, bande, gang … )
Alors si passant du sujet antique, au sujet moderne pour en arriver au sujet
post-moderne ( voir l’ouvrage de Dany-Robert Dufour : « l’art de
réduire les têtes » ), assujetti ni un dieu tutélaire, ni à un état-nation
fondant son identité, mais psychotiquement replié sur lui-même comme le sont
les flux financiers désincarnés qui virevoltent sur les ordinateurs de la
« world company », il ne nous reste plus qu’à faire appel une fois de
plus à cette bonne vieille Raison, bien éloignée de cette
« rationalité » dans laquelle on prétend nous faire vivre pour notre
bien …. En attendant des jours meilleurs ( ceux ou nous mourrons en douce – et
seul - de quelque cancer contracté en
respirant l’air de nos villes ou en sirotant une boisson synthétique avec du
E253 !)
Il nous faudra aussi rire au nez de certains comme Deleuze et Guattari pour
lesquels : » où allez vous ? D’où partez vous ? Où voulez
vous en venir ? Sont des questions devenues bien inutiles » ( Mille
plateaux, capitalisme et schizophrénie ).
Rire, car n’appartient-il pas aux philosophes de ne pas priver l’homme de
ses « vaines questions » ? Ne nous privons pas de ces questions soi-disant
« inutiles ». Parions sur l’au-delà de soi contre l’affirmation du
moi et ses choix ; sur le poème contre l’information ; sur ce qui se
donne dans un geste héroïque contre toute forme d’utilités….
« J’ai assez des cruautés que j’ai vues, des bêtises auxquelles j’ai
assisté, des tristesses qui ont passé prés de moi, pour savoir que le monde est
mal fait….Jaime ceux qui habillent leur rage et leur dégoût du manteau glacé de
la raison. Ceux là n’ont pas besoin de chance pour l’emporter » J. Vallés.
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