RELIRE PLATON OU ALLER A DELPHES ?
" Nous croyons notre époque
profondément différente de celle de Socrate parce que notre démocratie ne
repose pas sur l'esclavage et que l'histoire ne se déroule l'échelle des cités.
Nous
nous croyons à l'abri d'une décadence identique à celle de la civilisation
grecque parce que le procès de production inclut depuis la révolution
industrielle une très grande part de travail mécanique, alors que l'essentiel
du travail en Grèce était effectué par des hommes, ce qui nous permet
d'envisager des solutions techniques qui
étaient hors de leur portée.
Mais,
en réalité, qu'est-ce que cela change? Avons-nous vraiment de si bonnes raisons de croire que
l'histoire ne se répète pas et que les démocraties modernes ne sont pas ravagées
par les mêmes fléaux que les cités grecques ?
Je crains que nous ne fassions erreur. Nous, les
modernes, pouvons lire notre avenir dans le passé des anciens, Car ce qui est
arrivé à la démocratie grecque, en particulier à Athènes, nous commençons à le
vivre.
La
prospérité des démocraties modernes tient au tribut qu'elles lèvent
sur les nations qu'elles "protègent".. Quant à la
paupérisation qui sévit au sein des pays riches, elle n'est pas liée à la
subordination de l'homme a la machine,
mais à son remplacement par la machine.
Or c'est exactement
ce scénario qu'a connu la Grèce antique : c'est l'hégémonie scandaleuse de substitution généralisée du travail
servile au travail libre, qui a poussé la démocratie grecque à sa perte, au
terme des décennies de guerre civile. Démocratie grecque qui est issue d'un
processus analogue à celui de la démocratie moderne : elle provient, comme
celle dont nous sommes héritiers, d'une décomposition d'un édifice féodal
fondé sur l'appropriation des forces
productives par des hordes de guerriers conquérants d'origine indo-européenne
au terme de siècles d'invasions barbare.
Cette décomposition est elle-même est le résultat
d'un renversement des rapports de service seigneur/serf en rapports marchands
vendeur/acheteur. Ce processus révolutionnaire. a permis
l'apparition de « lumières » nouvelles sur l'Univers et la place que l'espèce
humaine y occupe : il a conduit une foule de « penseurs » à rompre avec
l'approche mythologique de la réalité (comme en Europe à partir de la
Renaissance), même si la masse elle-même le,
le démos, préférait quant à elle remonter en deçà des mythes de ses anciens
maîtres pour donner un sens communautaire aux promesses de prospérité contenues
dans l'avènement de la démocratie….
…
L'heure est au bilan. Et il est lourd.
Le
progrès de la société marchande se paie très cher. Rien ne garantit qu'il
poursuive sa marche en avant au profit de tous, bien au contraire. Plus les
choses « progressent», plus les menaces se précisent: inutile de reprendre ici
la liste.
Comme
à l'époque de la prospérité des
anciens Grecs, un mal est à l'oeuvre qui ressemble furieusement au fléau invisible
dont ils étaient frappés. Emus par les plaintes qui s'élèvent de toutes parts,
les chefs d'Etat des pays riches, qui répondent du destin de leurs peuples, promettent de prendre les mesures qui
s'imposent, dès qu'ils tireront au clair la cause première du fléau.
Mais
il semble qu'ils aient beaucoup de mal à trouver le bon oracle.
D'où
la dernière suggestion, à leur intention : s'ils
n'ont pas le temps de relire Platon, qu'ils envoient leurs émissaires à
Delphes … pour y consulter
la pythie. "
In : Marc Sautet : un café pour
Socrate - 1995 (extraits )
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