samedi 1 août 2020

Sujet du Merc. 05 Aout 2020 : Que valent les hommes ?

                                   QUE VALENT LES HOMMES?

 

Poser la question de la valeur, c'est adopter un point de vue normatif et comparatif. L'objet en question est alors envisagé par rapport à un ou plusieurs autres. A cet effet, il faut se doter de critères de choix. Cela n'est pas objectif, mais toujours arbitraire. A contrario, ne peut-on aussi considérer que les hommes ne valent que ce qu'ils font dans une situation donnée?

 

Concernant les hommes, il s'agit donc de savoir si l'on considère qu'ils sont la valeur ultime ou si la valeur qu'on leur attribue est relative et fonction des circonstances du moment. En bref, va-t-on adopter des valeurs humanistes ou d'autres, au choix ? Et dans quelle mesure cela pourrait-il se justifier ? La question relève de la morale ou de l'éthique. Poser le problème revient à poser l'Homme en premier puisque c'est lui qui s'autorise le droit, implicitement absolu, de le faire. C'est considérer l'Homme comme valeur ultime au-dessus de toutes les autres. Est-ce le prendre pour Dieu, remplacer ce dernier par l'humanisme comme culte de l'Homme ?

 

Ou faut-il considérer les hommes dans et par leurs actes ? Y a-t-il autre choix qui vaille, pour les hommes ? En tout cas, ce n'est pas là la pratique devenue conception qui a prévalu depuis des millénaires, quand certains sapiens ont progressivement pu considérer que d'abord certains hommes puis la majorité d'entre eux ne leur étaient pas égaux mais inférieurs. Et qu'ils devaient en quelque sorte leur être soumis de gré ou de force. Une force qui sera douce, persuasive ou violente. Cela signifiait que la majorité des hommes devenait inférieure même à des objets dont elle n'était considérée que comme le moyen de les réaliser. Cela ne signifie-t-il pas qu'à partir d'un certain moment de l'histoire des hommes ont pu être utilisés à des fins autres que leur existence librement vécue ? Et même être sacrifiés à ces fins. Quitte à ce qu'on les tue pour la réalisation de celles-ci.

 

Dès lors, comment comprendre la situation que nous vivons aujourd'hui ?  Considérons la question à partir de quelques philosophes pour aboutir in fine à Marx. Mais d'abord, il faut un peu préciser la situation révolutionnaire qui semble aujourd'hui se dessiner. Les peuples sont considérés comme des entités devant être obéissantes et soumises par le moyen de terreurs sanitaire et écologique. Ceci n'empêchant pas pourtant qu'on les pousse à l'hubris de pulsions consommatrices, renforcées à nouveau sans limite par le spectre tout aussi terrifiant de centaines et de milliers de milliards de dettes subrepticement créées ex abrupto, dans l'urgence. En outre, ces dettes sont soumises à des taux d'intérêt, faibles pour l'instant mais variables dans le temps, et par-dessus le marché à échéances mal définies...

 

La solution envisagée reposerait à terme sur des technologies combinées moléculaires, vertes, numériques et sociétales ; tous ingrédients à propension majoritairement peu humanistes. On pense aux possibilités de dérives d'eugénisme renouvelé, de despotisme environnemental considérant les hommes comme prédateurs ultimes de la divinité nature, de transhumanisme de l' « Homme amélioré » et de celles de l'usure et de l'hubris financiers à outrance. Ce mix détonnant prend place dans le port apeuré et universel du masque chirurgical par l'humanité tout entière dans un rapport d'oblitération du visage d'homme et d'éloignement social à l'autre. Tout à coup, le commandement est que l'autre devienne mon ennemi. Le rapport humain est jeté à bas. Les hommes sont précipités dans un statut de monades individualistes, par là devenant impuissantes.

 

Le philosophe Jean Bodin, humaniste de la Renaissance, affirmait : « Il n'y a de richesse que d'hommes ». Ce pluriel indique déjà qu'un homme seul, parfaitement isolé n'est pas viable, n'a jamais existé et n'aurait jamais pu l'être. Bodin rejoint Aristote : « L'homme est un animal politique ». Pour Aristote, il s'agissait bien sûr des hommes car il ne saurait y avoir de politique sans polis ou société des hommes, précisément. De plus, la nature étant irrémédiablement indifférente aux hommes bien qu'ils en fassent partie, toute richesse qui y est contenue dont ils peuvent faire usage ne peut venir que de leur inventivité et de leur industrie. C'est bien pourquoi, pour les hommes, il n'y a de richesse que d'eux-mêmes. Et d'aucun dieu, entité imaginaire ou groupement d'hommes de pouvoir s'insurgeant comme tel.

 

Quant aux supposés droits de la nature, celle-ci étant indifférente aux hommes, seuls les hommes peuvent lui accorder ces droits et cela nécessairement en accord avec leurs intérêts. Dans cette ligne, Descartes avançait que les hommes sont « comme maîtres de la nature ».

 

Quant à Kant, philosophe de la fin des Lumières et humaniste, son éthique propose 1) que tout homme ne doit jamais être considéré uniquement comme un moyen mais toujours comme une fin, comme le but ou la valeur ultime et 2) qu'un homme a soit un prix, soit une dignité. Ces deux propositions apparaissent en rapport avec le capitalisme industriel naissant. Mais sont-elles réellement justifiées ? Si c'est le cas, suivant quels principes ? Et sont-elles même le moins du monde pratiquées depuis des millénaires ? Et dans quelles circonstances précises ? Ont-elles même été pratiquées depuis les Grecs anciens ?


Et ont-elles même jamais été pratiquées depuis la Renaissance européenne ?  Protestant du début du 16ème siècle, Jean Calvin fait admettre le prêt à intérêt en monnaie. S'il s'était agi de prêt d'une substance organique vivante, par définition capable de se reproduire par elle-même, telle que des semences agricoles qui chacune donne plusieurs fois plus de grains que la mise, les intérêts sur les semences prêtées seraient aisément honorés en une seule saison. Mais la substance inerte de la monnaie, telles des pièces  d'or, ne peut s'inventer ni se créer à partir de plomb. Sauf à remplacer l'or par un métal commun (Solon d'Athènes), des billets de papier ou, mieux, des bits numériques virtuels reproductibles à souhait suivant des règles admises mais toujours transgressables.

 

Mais ce ne sont là que richesses symboliques que des hommes de pouvoir peuvent reproduire à volonté d'un claquement de doigts. Mais alors cette richesse perd de sa valeur. Sauf à extraire toujours plus du travail des hommes, alors majoritairement considérés comme le moyen d'autres fins qu'eux-mêmes. A ce stade, que valent encore les hommes ? Ils valent le produit de leur activité usurpé par une minorité toujours plus restreinte qui accumule le capital-richesse ainsi pompé de la vie même de la majorité.

 

Cette activité sera commandée avec doigté par ces hommes de pouvoir, majoritairement à leur profit et sans limite, selon leur guise. Est-ce le cas aujourd'hui ? 

Oui, c'est le cas ; Il se construit rapidement ces semaines-ci et à très grande échelle. Cela ne peut se combattre qu'ensemble, en connaissance de cause. C'est cette connaissance qu'apporte la philosophie. Si nous le voulons bien. 

Bref, chacun devrait s'y mettre avec tous les autres. Car savoir seul et combattre seul, c'est essentiellement vain. Seuls les hommes sont responsables. Pas les pierres ni les dieux.


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