JUSTIFIER L'ABSOLU ?
Absolu, relatif, relativisme, relativité, finalisme et
finalité traversent toute la philosophie et l'éthique depuis leur commencement.
Ces concepts sont d'une application radicale dans le monde réel.
Justifier l'Absolu, peut-être ? Mais
lequel ? Justifier l'Absolu, c'est envisager sa relation à l'éthique.
Lorsque l'on pense que l'objet auquel l'on donne son adhésion est absolu, on le
sacralise. C'est un choix : il s'agit plus de morale que d'éthique. Des
exemples anciens toujours d'actualité pressante ainsi que d'autres plus récents
incluent : Dieu, la Nation, la Patrie, la Liberté, l'Egalité, la
Démocratie, les Valeurs humanitaires, etc.
Certaines jeunesses utilisent tous les moyens du
terrorisme pour accomplir l'Idéal absolu de la divinité. Il y a aussi la valeur
de la dignité pensée en dehors de la situation concrète d'un moment particulier
de l'histoire. Kant est absolu lorsqu'il considère que de ne pas en toutes
circonstances dire la vérité, c'est ne pas respecter la dignité humaine. A ce
compte-là, mentir pour sauver de la SS un tzigane ou un juif aurait manqué de
cette Dignité idéalisée.
De plus, une conception absolue porte souvent à des
actions extrêmes : les guerres pour la Religion, la Nation, la Patrie, des
Valeurs humanitaires, ou les guerres « justes » (Kosovo, Afghanistan,
Irak, Mali, Libye, Syrie, ...), les actions terroristes. Tout aussi extrême
dans son principe est de tout simplement approuver de telles actions. Cela
est-il actuellement reconnu ?
L'Absolu éternel au ciel des Idées et le transitoire,
l'Essence ou l'Etre et l'évolutif, la fixité-stabilité et le mouvement ou le
changement ont été envisagés comme des concepts antinomiques par les
philosophes présocratiques de la nature. Avec les idéalistes, de Platon à
aujourd'hui en passant par les diverses idéologies et les religions
principalement monothéistes, les visions d'Absolu persistent.
Des preuves récentes en témoignent : la
prééminence absolue de la science pharmaco-médicale sur le soin et toutes
autres considérations humaines, ou le règne de l'écologie qui se veut science
du Tout. Pour que rien de tout ce qui existe sous le soleil, dans la Voie
lactée ou l'univers n'échappe aux totales et absolues emprise et puissance de
l'écologie. Cela n'a littéralement pas de sens et confine à l'absurde. Ces
conceptions ne sont qu'extension de la vision du Tout de l'Etre et du Rien
jusqu'au Néant des Eléates. Héraclite pensait précisément le contraire. Ce qui,
en fait de vision d'Absolu, ne vaut sans doute pas mieux : « on ne se
baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Cette confrontation des
extrêmes conduit à une impasse. Il faut dépasser cette aporie.
1.
Une première issue possible n'en est néanmoins pas une
parce qu'elle est tout aussi absolue dans son impossibilité de principe à toute
focalisation sur une position déterminée. Cela la met dans une opposition
radicale à la conception absolue de tout objet particulier. C'est croire que
l'objet auquel on donne son adhésion n'est que purement relatif. Pour le
relativisme, tout et n'importe quoi se valent concomitamment. C'est comme
« à la fois ceci et son contraire ». A ce compte, plus rien ne tient,
aucune valeur n'est plus possible. Cela conduit au défaitisme, au désarroi, au
grand n'importe quoi du tout est possible, tout est permis. C'est
l'auto-contradiction des Absolus libertaire et égalitaire du « il est
interdit d'interdire » en cours depuis mai 68. Le nihilisme est au bout du
chemin. Comme tout se vaut, rien ne vaut et il n'y a plus loi qui vaille. Sauf
celle du plus fort. On le voit tous les jours. La criminalité règne et prospère
accompagnée de la corruption omniprésente des particuliers, des mafias légales
ou pas, et des Etats. La pantomime médiatique du Covid le montre à foison.
L'origine du relativisme philosophique remonte aux
alentours de 1820. Jusqu'à Newton compris, philosophie et science étaient
confondues. La loi de la gravitation universelle constitua l'apothéose
fulgurante d'une démarche initiée à la Renaissance et inspirée des Grecs
antiques. Il parut alors faussement évident que la science ne pouvait concerner
que la matière et que la philosophie en serait dorénavant radicalement séparée
comme ne pouvant concerner que les affaires de l' « esprit ». En
quelque sorte la philosophie serait la métaphysique, le domaine de l'imaginaire
en roue libre.
Avec Hegel au début du 19ème siècle, le retour à
l'idéalisme de l'esprit à la Platon et propre aux religions a crescendo saisi
la philosophie jusqu'à ce jour. Tous les imaginaires philosophiques devenaient
ainsi possibles. Et, dès lors, l'un valait bien tous les autres et
réciproquement. Cette mouvance a intégralement diffusé dans les mentalités.
Depuis des décennies, chacun plonge dans les profondeurs de son âme et y
découvre la vérité. Qui vaut bien celle des autres. Les manifestations
tangibles de cette dramatique dérive philosophique apparaissent dans les
atrocités du 20ème siècle et du début du 21ème. Mais aussi dans des dérives de
la science qui, contrairement à la démarche explicite de Newton, émet toutes
sortes d'hypothèses et s'y tient jusqu'à preuve matérielle de leur inanité.
2.
Une autre
solution intermédiaire entre ces deux extrêmes est possible pour lever
l'impasse de la dualité entre Absolu-fixité-éternité et
mouvement-changement-évolution. Il nous est possible de dissocier
l'affirmation de l'absolu d'un objet de celle du contenu de cet objet.
Qu'est-ce à dire ? Débrouiller la chose fait un peu mal aux méninges même
si ça reste quand même assez simple. Il s'agit tout simplement de faire en
sorte que ce ne soit pas le contenu d'un objet qui soit absolu, mais que
seule l'affirmation de l'objet le soit. Pensons à la liberté, la dignité
d'homme, etc. On peut ainsi surmonter l'alternative « soit ceci, soit
cela », la dualité du « soit l'Absolu, soit le relatif ».
On peut maintenir les deux à la fois, les combiner,
permettre de les faire interagir l'un avec l'autre. C'est assurer une relation
dialectique entre eux. C'est faire place à la raison, à la mesure dynamique et
mouvante des choses en présence dans des situations particulières toujours en
évolution. Raison, ratio ou mesure de situations concrètes permet
d'évaluer, d'ajuster le contenu de l'objet (relativité) auquel nous accordons
notre adhésion de principe (Absolu). Et, à partir de là, d'aussi évaluer les meilleurs
moyens de réaliser cet objet (relativité). Il s'agit de le faire en
fonction de la situation précise et toujours évolutive dans laquelle nous nous
trouvons. C'est, contrairement à l'Absolu et au relativisme, la relativité
propre à une situation concrète.
Cela n'a donc rien à voir avec le relativisme
pour lequel toute décision et toute action de réalisation de l'objet sont
possibles et équivalentes entre elles. Dès lors tout et n'importe quoi
deviennent possibles, tout se vaut, tout a une valeur équivalente à toute autre
et finalement rien ne vaut plus rien. C'est le défaitisme qui conduit au
nihilisme. Rien ne vaut plus sauf la valeur prônée et l'action du plus fort. On
baigne dans la criminalité.
Prenons la valeur absolue que la société mondiale
vient d'accorder pendant la « pandémie » du Covid à toute vie
d'homme, quel qu'il soit. Qu'il soit sain ou jeune ou, au contraire, qu'il soit
un vieillard atteint de polypathologies et de co-morbidités. C'est l'Absolu de
l'Egalité et l'absence de Liberté. (Celles qui ne sont jamais pratiquées entre
les blessés lors des guerres pendant lesquelles est pratiqué le triage en
fonction de la situation et des moyens disponibles.)
Admettons en outre que la situation concrète du moment
soit celle de l'absence avérée par la science de moyens matériels (médicaments,
etc.) de lutte contre la maladie. Si nous considérons que la valeur de la Santé
pour tous (l'objet) à laquelle nous donnons notre adhésion est absolue, alors
nous la sacralisons. Elle acquiert un pouvoir absolu d'application partout, en
tout lieu et à tout instant, quelle que puisse être la situation particulière
en cours. Ce sont là les caractéristiques de Dieu. Instantanément chacun se
confine dans une docilité et une obéissance pathétiques, impulsées par une peur
oblitérant la raison et toute mesure (ratio).
Pour cette valeur absolue de Santé médicale
scientifiquement avérée, l'ensemble de la population se met à l'arrêt à tous
égards, à l'exception bien sûr de la minorité des dirigeants et de celle des
petites mains et gros bras indispensables (les moyens) pour assurer
« coûte que coûte » (Absolu) la réalisation de cette Valeur absolue.
La maladie et son remède sont ainsi divinisés, l'une comme le Mal absolu,
l'autre comme le Bien. Logiquement, on héroïsera et rendra absolue la valeur de
ces moyens de l'Alpha et de l'Oméga (de l'Origine et de la Fin : le
finalisme, attribut divin). La masse des soignants et manutentionnaires
nécessaires à la survie de la population confinée sera la main de cette Fin
(les hommes, créatures de Dieu, ainsi mis en pâture).
Pour justifier la guerre de 14, la Valeur absolue fut
« La Patrie », quoi qu'il en coûte. Chacun fut conditionné
(propagande) à démoniser « le Boche » ou le « Franzose » au
prix de sa vie pour « sauver la Patrie », tant au front qu'à
l'arrière. Les dirigeants rejetaient de prendre en compte que 1) c'est
l'affirmation de la patrie qu'il faut maintenir absolue, mais 2) qu'il faut en
même temps donner un contenu relatif à la notion de patrie qui tienne compte
des conséquences qu'une sacralisation absolue de sa valeur entraînerait pour la
patrie elle-même et sa population (relativité). Plutôt que le fanatisme
jusqu'au boutiste, la mesure de la raison aurait dû permettre d'évaluer et de
mettre en œuvre les meilleurs moyens de réaliser la préservation bien
comprise de la patrie et de sa population.
La clé est d'adhérer simultanément :
1) tant à la valeur que nous maintenons absolue – celle de la science médicale, de la liberté, de la patrie, etc. – plutôt qu'au contenu absolu que nous voudrions lui prêter, et
2) qu'à la réalité de la situation (les faits) évaluée à la lumière de la raison, ce qui permet de dégager une connaissance authentique. C'est penser juste (philosophie) que d'articuler (dialectique) éthique et connaissance du réel. Plutôt que seulement l'un des deux : soit rien que les faits comme le conçoit Hume, soit rien que la raison et l'éthique comme l'affirme Kant. L'un et l'autre sont calés dans leur Idéal d'Absolu respectif.
1) tant à la valeur que nous maintenons absolue – celle de la science médicale, de la liberté, de la patrie, etc. – plutôt qu'au contenu absolu que nous voudrions lui prêter, et
2) qu'à la réalité de la situation (les faits) évaluée à la lumière de la raison, ce qui permet de dégager une connaissance authentique. C'est penser juste (philosophie) que d'articuler (dialectique) éthique et connaissance du réel. Plutôt que seulement l'un des deux : soit rien que les faits comme le conçoit Hume, soit rien que la raison et l'éthique comme l'affirme Kant. L'un et l'autre sont calés dans leur Idéal d'Absolu respectif.
Notre situation actuelle montre combien nous sommes
toujours enchaînés à Platon après 24 siècles d'idéalisme et de religions
monothéistes (Absolu). Et, en même temps, portés à un relativisme à tout
crin où rien ne tient plus. Ce qui est l'Absolu du Rien. Les Lumières combinées
des faits et de la raison s'estompent.
L'éthique s'y oppose.
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