Sujet du LUNDI 23 Décembre 2019
(date exceptionnelle en raison des jours fériés)
"Même le plus petit homme peut être grand" Goethe
Est-ce la pauvreté de la langue
française ou la maladresse du traducteur qui nous fait lire cette phrase comme
sibylline ?
« Petit homme », sous
la plume de Goethe aurait pu être traduit par « humble »,
« méprisé ». « Petit » désigne ici une position sociale.
Quant à « être
complet », cela renvoie à la pensée humaniste dans laquelle tous les
savoirs doivent s’inter-pénétrer, se répondre l’un à l’autre pour accéder à un
e connaissance supérieure et à une maîtrise de soi..
La méthode de Goethe est claire.
Elle s’exprime dans son Faust lorsque ce dernier commente les versets mystiques
de saint Jean , l'évangéliste disait
:
« Au commencement était la parole » ; le poète, nous livrant le secret de sa philosophie, répond : « Au commencement était l'action ».
« Au commencement était la parole » ; le poète, nous livrant le secret de sa philosophie, répond : « Au commencement était l'action ».
Goethe fait à chaque instant
l'application pratique de cette vérité : Agissez, dit-il, et vous deviendrez
meilleurs ; faites agir les enfants, et vous corrigerez en eux leurs défauts
par l'exercice qu'ils feront de leurs facultés supérieures, bien mieux que par
des défenses et des réprimandes. « Dans
l'éducation des enfants comme dans le gouvernement des peuples, rien n'est plus
maladroit et plus barbare que les défenses, que les lois purement prohibitives
et restrictives.
L'homme est un être naturellement actif, et, si l'on sait lui
commander, il s'empressera d'exécuter : ouvrez une voie à son besoin d'action,
et il vous suivra. L'homme accomplit volontiers ce qui est bon et raisonnable,
pourvu qu'il en ait la possibilité : il fera le bien si vous l'y invitez, parce
qu'il a besoin de faire quelque chose. »
Et ailleurs : « Il ne faudrait jamais interdire à un jeune
homme une occupation à laquelle il prend plaisir, de quelque nature qu'elle
soit, à moins qu'on n'ait une autre occupation à substituer à celle-là ».
La discipline négative est impuissante ; seule celle qui fera appel aux
sentiments élevés, pour les développer et les fortifier par l'action, sera
efficace : « Si nous prenons les hommes
seulement pour ce qu'ils sont, nous les rendons plus mauvais ; traitons-les
comme s'ils étaient ce qu'ils devraient être, et nous les rapprocherons du but
qu'ils doivent atteindre. »
Goethe s'est élevé contre la
tendance, déjà commune de son temps, à diminuer dans l'éducation la part faite
aux humanités au profit des études dites positives et pratiques. « L'utile n'est qu'une portion de ce qu'il
importe de connaître ; pour posséder un sujet en son entier, il faut l'étudier
pour lui-même. »
Plus tard, même, sans méconnaître jamais d'ailleurs la
nécessité de l'éducation générale, il a recommandé de commencer de bonne heure
l'éducation professionnelle : mais cette préparation technique est associée à
la plus large culture humaine.
Dans ce 19 ième siècle si agité
et fertile ces propositions pour l’avenir de l’homme tranchent avec un autre
auteur allemand. : Nietzsche.
« Périssent les faibles et les ratés, et il faut même les y aider »,
« Dans tout ce darwinisme anglais,
il flotte une odeur de petites gens, de la misère et de l’étroitesse d’esprit »,
et d’ajouter : « les classes
dominantes en décomposition ont gâté l’image du chef. L’Etat agissant comme un
tribunal, représente une forme de lâcheté, car il manque le grand homme qui
peut servir de mesure. En fin de compte l’insécurité est si grande que les
hommes plient le genou devant tout volonté, tant qu’elle ordonne ».
La morale de Nietzsche car il
s’agit bien de morale au sens strict, est bien éloignée du propos de Goethe.
D’un coté un élitisme qui répond aux velléités d’une Allemagne que Nietzsche
veut grande et puissante ( « la bête
blonde » dira t il), de l’autre une éthique de l’action, dans laquelle
chaque homme, par l’éducation, doit arriver à surmonter son statut social ou
intellectuel du moment pour le dépassement.
D’un coté une morale du
renoncement, du dressage et de l’obéissance. De l’autre un éloge des
potentialités de chacun, fondées sur la volonté et un système éducatif qui
prend en compte une aspiration à fonder une humanité.
On retrouverait ces mêmes
oppositions entre Marx et Schopenhauer. Mais il s’agit ici de comprendre que
dans ce siècle ou l’Europe digère peu à peu la Révolution française, des
penseurs, philosophes, poètes, écrivains traduisent à leur manière les
tendances qui de nos jours s’affrontent encore entre humanisme et dictature,
élitisme et démocratie.
Le philosophe Alain, reprenant au
début du 20 ième siècle la phrase de Goethe dira « Nul n’est aussi intelligent qu’il veut ».
Entre
l’irrationalisme de Nietzsche et l’humanisme de Goethe à nous de choisir si
nous voulons rester « petits », ou,
comme le disait Marx à propos des communards nous sommes prêts à « conquérir le ciel ».
Et je dis
bien : SI NOUS VOULONS !
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