Rien ne nous semble plus
« naturel » que » la limite. Frontières, limitations de vitesse,
murs, haies, la peau de notre corps ; la limite est partout. Elle est
séparation et identification.
Il y a un en-deça et au-delà qui
permettent de se positionner. Sur le plan purement philosophique Kant nous a
habitués à limiter l’usage de la raison aux phénomènes et aux idées. Mais
peut-on imposer une limite à la raison ? On pourrait considérer que la
raison peut enchaîner, sans limites, un infini d’idées, de conceptions. Les
œuvres des hommes sont là pour nous prouver ce foisonnement extraordinaire qui
semble témoigner de la puissance créatrice de l’homme : arts, sciences ….
Kant aurait-il tort ?
Placer des limites à la raison
est ce que cela ne sous entendrait il pas qu’elle n’a que des pouvoirs limités.
A ce moment là les autres facultés humaines (foi, sentiment, intuition,
sensation…..) pourraient être considérées comme des outils de connaissance.
Mais c’est justement ce que, prenant le relais de la métaphysique, les
philosophes « modernes » mettent en avant dans ce grand mouvement de
la « destruction de la raison » (déconstructionnisme,
relativisme, …).
relativisme, …).
Ne faut-il pas ici poser les
grands axes d’une réflexion possible ? :
- D’un coté une pensée illimitée
qui se traduit dans le domaine de l’art en général, ou loin des
« canons » du passé l’artiste peut tout imaginer, y compris se
dispenser de la raison ou d’un discours rationnel. Mais quelle portée
opératoire dans le domaine de la connaissance et de la vie concrète des
hommes ?
- D’un autre coté tout ce qui
concerne le champ des sciences, où, avec Descartes nous pourrions dire : « Toutes
les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes [...], il n'y en
peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées
qu'on ne découvre" (Discours de la méthode). Là aussi pas de limitations
dans le champ de la connaissance. La seule limitation que pose Descartes étant
celle de la finitude de l’homme.
La différence : l’homme
« doit se rendre maître et possesseur de la nature ». La raison
appliquée à la connaissance doit avoir une dimension opératoire pour l’homme.
Dans le cadre de ce bref
philopiste nous n’aborderons pas les problèmes que soulèvent le scepticisme ou
la Position de Pascal. La discussion reste donc ouverte sur ces grands thèmes.
Toutefois il nous semble
important d’ouvrir une autre piste. En effet la notion de limite, appliquée à
la raison ou pas, introduit des catégories figées. Noir/ blanc, France /
Espagne, mon corps / ce qui est autour, terre /air, chaud /froid….. Ces
catégories posent les questions en termes mécanistes. La vie serait par exemple
distincte de la mort.
Si nous essayons d’envisager la
limite non plus comme une barrière, mais comme un moment, c'est-à-dire qu’on la
ramène à un temps donné dans un espace donné, alors on s’approche des
conceptions dialectiques de Hegel et Marx. Les contraires peuvent être
antagonistes (ou non antagonistes) et générer un troisième moment qui est le
célèbre l'Aufhebung de Hegel (intégration-dépassement), lui-même
contradictoire.
Pour reprendre l’exemple
vie/mort, nous savons que, dès notre naissance les processus vitaux et ceux qui
visent à détruire certaines cellules sont en action, Notre vie est une lutte interne permanente entre
deux processus biologiques dont l’un l’emportera sur l’autre tôt ou tard,
restituant les quelques atomes fondamentaux dont nos sommes formés à la nature
qui les utilisera sous une autre forme ( Cf. Epicure).
Autre exemple : lorsque nous
marchons, nous ne faisons que compenser un déséquilibre de notre corps. Il faut
que notre corps sorte de son polygone de
sustentation pour que le réflexe de mettre un autre pied en avant se produise,
nous évitant ainsi de tomber (ce qui pourrait être un des résultats de la contradiction)
et nous permettant d’avancer.
La limite, considérée à la
lumière de la dialectique n’apparaît donc plus si figée que cela. Moment d’un
processus elle peut en marquer le point de rupture, le lieu d’un changement
qualitatif après une accumulation quantitative. Point et lieux mouvants.
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