dimanche 28 juillet 2019

Sujet du Mercredi 31 juillet 2019 : La science est-elle libre ?


                              La science est-elle libre ?


La science consiste en savoirs, connaissances claires et certaines, fondés sur des principes évidents et des démonstrations, des raisonnements expérimentaux, ou sur l'analyse des sociétés et des faits humains. On distingue les sciences exactes comme les mathématiques ou la physique théorique, les sciences expérimentales de la nature, de la matière, de la vie (biologie) , et les sciences humaines contenant un discours théorique avisé explicatif concernant l’homme, son histoire, son comportement linguistique, psychologique, social ou politique. La science, dans son sens général,  s’oppose à l’opinion par nature arbitraire. La science ainsi définie a donc partie liée avec la liberté et cette dernière a parfois été payée au prix fort.

En 1543 Copernic lance la terre dans les cieux et, en plaçant le soleil au centre du monde, impose de repenser la nature de l’homme, sa situation et son rapport à Dieu, Ainsi de repenser la science, l’ordre social et la conduite de la vie de chacun.

Giordano Bruno, dont la vie tumultueuse s’acheva sur le bûcher en 1600, ouvrit sur l’infini le monde clos des anciens, mais aussi celui de Copernic. Une nouvelle vision de l‘univers s’impose où l’infini n’est ni tragique ni angoissant, signifiant la venue d’une nouvelle liberté, la reconnaissance de l’étonnante richesse de la réalité et finalement du pouvoir sans limite de la pensée humaine.

Un monde nouveau est alors à construire. Longue et rude tâche accomplie, entre autres, par Galilée, Descartes, Newton. Au siècle des Lumières, le champ de la rationalité s’est ouvert et avec lui de nouvelles libertés et de nouveaux droits se sont imposés progressivement dans la société. Des Lumières, pour hier comme pour aujourd’hui, afin que la raison triomphe contre les clôtures dressées par les intérêts et les pouvoirs. Tout comprendre parce que tout peut être questionné et que tout doit être questionné.

Bénéficiaire de la science, l'homme ne devrait pas en être l'objet. D’où de multiples oppositions à toute tentative de procréation humaine par clonage : l'Eglise catholique, l'Unesco, le Conseil de l'Europe, le G8, etc. Mais, insensiblement, sont apparues des failles dans la belle unanimité des condamnations officielles. Des pasteurs protestants, des personnalités juives ou musulmanes ont plaidé en faveur de ces recherches. Jusqu’au Congrès américain qui obtint de repousser un projet de loi conservateur contre le clonage humain.

Ce débat montre que l’éthique diffère d'une culture à l’autre. D'un côté, l'empirisme anglo-saxon, influencé par David Hume ou John Stuart Mill refuse toute interdiction a priori. De l'autre, les latins, attachés à une vision d'intérêt général, à un impératif supérieur du bien public. Elle a du mal à trouver sa voie. Et selon l'expression du professeur Jean Bernard, Il est important, dans tous les cas, « de garder le sens de l'humain » pour éviter les expériences de type Mengele dans les camps nazis, ou celles des japonais sur les Chinois !

«Le XXe siècle a montré que nous ne maîtrisons plus de façon certaine les conséquences lointaines de nos actions » (Etienne Klein). Considérée jadis comme neutre, c’est à-dire apportant autant de bien que de mal, la science avec ses applications détient désormais la capacité de compromettre le devenir de l'humanité.

Le génie génétique est une des sciences qui, avec la biologie et le nucléaire, provoque le plus de craintes dans le public. Ainsi est apparue la bioéthique. La référence à la notion de survie et donc à l'idée d'une possible fin de l'humanité donne la nature des enjeux qui lui sont assignés? la suspicion s’étant étendue sur la communauté scientifique après divers accidents : Tchernobyl, sang contaminé, hormones de croissance, amiante,etc..

La science a permis beaucoup de progrès (allongement de la durée de vie, éradication des famines. Mais cette liberté doit s'exercer à quelques conditions que les lois imposent : utilité des recherches, consentement éclairé des individus, limitation de la souffrance des animaux, etc.

Un chercheur a d’abord une idée. Il fait ensuite des tentatives dans tous les sens parce qu'il pense pouvoir en tirer un élément intéressant. Enfin, dès qu'il a besoin de financements pour la poursuite de sa recherche, puis, au stade de l'application, il essaie d'obtenir des aides de l’industrie loin d’être neutre.

En 1990, l'Europe a édicté une directive sur les plantes transgéniques avant qu'aucun accident ne se soit produit. Le principe de précaution était né, préconisant de s'abstenir d'un acte dont on ne connaît pas avec certitude les conséquences. ”La seule certitude, oppose le philosophe JJ. Salomon, c'est que, comme naguère pour l'atome, les scientifiques peuvent dès maintenant utiliser le génie génétique, sans en avoir compris tous les ressorts”

Les gouvernants ont à trancher entre l'expertise des scientifiques et l'acceptabilité de l'opinion. Mais les experts sont rarement totalement indépendants, et les citoyens peu cultivés en matière scientifique.  C'est donc auprès de comités d’éthique qu'ils cherchent des conseils éclairés.  Ces comités sont eux-mêmes l’objet de critiques et de la part des scientifiques et de la part de la société civile, qui les trouvent tour à tour trop lents, frileux, plutôt scientistes, ou encore acceptant des compromis avec les groupes de pression.

Bien souvent l’idée que l’on se fait de la recherche dépend pour une large part de son propre champ de compétences. Le concept de science, loin d’être défini comme le suggère, par exemple, René Descartes, par l’idée de la « connaissance de toute chose » semble bien plutôt, de nos jours, accommodé à toutes les sauces.

On ne sait plus très bien ce qu’il faut en penser, sauf que, sans doute, il y a de la science lorsqu’il y a des mathématiques, des laboratoires, des ordinateurs, une bonne rasade d’Internet, masquant souvent d’énormes profits économiques. Il est peu de découvertes scientifiques qui ne se monnaient aujourd’hui presque aussitôt en spectaculaires retombées technologiques (le laser), peu de découvertes scientifiques qui n’empruntent à une technologie leurs conditions mêmes de possibilité (le génie génétique). On parle ainsi de technosciences.

”Ce ne sont pas les hommes qui ont besoin de la technologie mais l’inverse. La médecine a besoin de grands malades, les industries de la culture ont besoin d’imbéciles, les banquiers ont besoin des addictions consuméristes.  Le système fonctionne en exploitant les faiblesses et la misère de l’homme” (Dugué Philosophe et docteur en pharmacologie).

Quant à la politique,  « Il est prouvé que… », « du point de vue scientifique… », « objectivement, les faits montrent que »... Combien de fois de telles expressions ne scandent-elles pas le discours de ceux qui nous gouvernent ? Car depuis que nos sociétés se veulent démocratiques, le seul argument d’autorité quant à ce qui est possible et ce qui ne l’est pas provient de la science.

Mais ce n’est pas par décrets et discours que l’on construit de nouvelles théories, mais par un travail de réflexion, de pensée, par un travail de vagabondage à travers d’autres champs théoriques et conceptuels, par un travail continu et assidu, parfois méditatif, par un travail qui demande du temps, de la concentration et de la liberté.

En voulant trop imposer les exigences de la société marchande à la vie des laboratoires, la poule aux œufs d’or sera tuée. (Michel Blay Philosophe et physicien)

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