lundi 26 août 2019

Sujet du Merc 28/08/2019 : COMMENT ENGENDRER DES MONSTRES ?


COMMENT ENGENDRER DES MONSTRES ?

Tentons une argumentation philosophique fondée sur les faits, que tous peuvent suivre jusqu'à son terme.

Qu'est-ce qu'un monstre si ce n'est le produit d'une chimère humaine, une vue de l'esprit, un fantôme ? En effet, on n'en a jamais constaté de « naturel », indépendant des hommes. Toute chimère n'est-elle pas le produit de l'imagination humaine ? Précisément, ce que certains décrètent être le propre du fameux « esprit de l'Homme » qu'ils s'inventent. C'est là une expression hors-sol, abstraite ou irréelle dans ses deux composantes. Car n'existent pas plus l'« esprit » que cet « Homme » fantomatique. C'est une expression par laquelle les hommes reconnaissent qu'ils sont seuls au monde capables d'inventer des entités n'existant pas dans le réel mais seulement dans les mondes illusoires qu'ils s'inventent de toute pièce.

C'est là qu’opinions et émotions créent par la métaphysique, la religion ou les croyances ce que les hommes imaginent constituer leur ultime qualité : cette aptitude ineffable de la spiritualité comme  essence d'une nature humaine fabulée. La matière – dont les hommes sont constitués comme tout objet réel – et les phénomènes qui l'ont accompagnée tout au long de son évolution par une structuration croissante, sont les deux éléments constitutifs du réel que cet imaginaire fantasmagorique considère comme des épiphénomènes de l'« esprit ». Ce qui fait de cette notion d'« esprit autonome » une invention vide de réalité. Nous avons là la chimère la plus proprement humaine : une substance spirituelle autonome imaginée par les hommes et propre à engendrer des monstres ou des fantômes parmi eux (les « fantômes » dénoncés par Spinoza).

Expliquons cela et rien d'autre. Qui serait sinon pure chimère.

  Non la science – comme moyen de recherche incessante menée par les hommes dans et sur le monde réel – ne peut donc logiquement créer celui-ci... Non, au contraire, la science permet la meilleure représentation actuellement possible du réel, en perpétuelle amélioration.
  Non, la philosophie n'est pas la création de mondes illusoires issus d'ineffables fantasmes de la métaphysique. Non, elle est la recherche continue et rationnelle de connaissances authentiques du réel fondées sur une observation pertinente et juste suffisante de celui-ci.
  Non, l'éthique n'est pas un sous-produit des événements qui surviennent sans cesse dans l'existence des hommes dans des sociétés toutes singulières. Non, l'éthique repose sur l'universel de la dignité de tout être humain qui doit toujours être considéré comme une fin et jamais uniquement comme un moyen (Kant). Quels que soient les « événements » particuliers qui se présentent à nous.
  En bref, non la science, la philosophie et l'éthique ne sont pas des entités spiritualo-chimériques abstraites et « hors-sol » propres à engendrer des monstres parmi les hommes. Tout au contraire. Mais, oui, ces trois démarches de même nature sont précisément ce qui évite aux hommes de devenir des monstres. A cet égard, rappelons les conséquences liées à tous dictateur, idéologie, religion ou toutes autres croyances fausses à travers l'histoire jusqu'à ce jour ...

Mais au juste, comment ces trois démarches procèdent-elles ? Argumentons la chose de façon concrète à partir des faits. Loin donc des chimères de l'ignorance propres aux opinions et présupposés. Et loin aussi des fantasmes issus de pulsions animales et d'émotions en roues libres. L'abandon actuel de la pensée rationnelle – entraînée vers l'égout de la doxa et des troubles du pathos, de la démesure ou de l'hubris – conduit à un désarroi psycho-cérébral généralisé, répercuté dans le délabrement des relations en société. Une décérébration s'installe par la déstructuration de la démarche rationnelle des Lumières ancrée dans le réel. Celle-ci est à l'opposé de l'ignorance et du pathétique, des vues chimériques et monstrueuses de l'esprit ainsi que des dérives pulsionnelles constamment instillés par les pouvoirs instigateurs d'idéologies et d'utopies servant leurs intérêts par la déstructuration de la rationalité parmi les hommes.

Mais si nous souhaitons perdurer dans cette servitude largement inconsciente bien que volontaire (La Boëtie), il suffit de persister et d'accroître « l'ignorance des causes qui nous déterminent » et de continuer à nous illusionner d'une liberté factice (Spinoza). A cet effet, il suffit de se laisser porter par le « laisser faire, laisser aller » des sirènes de l'exubérance des plaisirs vains et factices (Epicure) qu'offre le contexte idéologique actuel qui sature les existences.

Faut-il, par veulerie, se laisser transformer en monstres ?

Les éthiques de philosophes tels qu’Epicure, Lucrèce, Spinoza ou Kant fondées sur la nature peuvent-elles guérir la chose afin d'éviter de perdurer dans les monstruosités actuelles comme avatars des enseignements oubliés de l'histoire ? Plus précisément, il s'agit au départ des monstruosités relatives à l'invention platonicienne des démiurges comme « dieux créateurs de l'univers ». Le judaïsme, le christianisme et l'islam ont aggravé cette notion pendant les millénaires d'aliénation de masse qui nous ont construits jusqu'à ce jour par la croyance métaphysique au « Dieu Unique ». Ces utopiques idéologies ont conduit à nombre de monstruosités de « l'esprit », d'ignominies et de massacres de masse. Aujourd'hui même, la notion de démiurge* se poursuit par les utopies de déstructuration et de manipulation mentales, particulièrement avérées dans la propension au consumérisme hédoniste et narcissique, et à la croyance en la mort climatique d'origine humaine. Et, annoncée partout chaque jour, l'évidente nécessité de guerres contre les gens pour détruire les liens qu'ils tissent entre eux car ils freinent la domination et les exactions des puissants.

Ceci dit, les classes moyennes aisées semblent encore s'illusionner un temps de pouvoir échapper à la déstructuration en cours et à ses conséquences.  A nous tous, dès lors, d'avoir le front d'appréhender concrètement cette conjoncture historico-philosophique. Pour la renverser.

Reste à construire le comment de cette entreprise.

Par exemple, pouvons-nous la mener à partir de la connaissance tant de la subtilité que du niveau très élevés des multiples forces enchevêtrées déterminant une profonde aliénation des gens ? Il est temps de passer à l'action sur ces deux points : la connaissance des causes et celle de l'aliénation qui en résulte, ainsi que des moyens pratiques pour les combattre.

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*  Par extension, est démiurge tout créateur d'une œuvre humaine, qui peut avoir un caractère négatif ou destructeur, ou encore constructif.

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