Pourquoi perdre sa vie à la gagner ?
L’idéologie du travail :
Il faut « gagner » sa vie. Terrible et intraduisible formule française signifiant que la vie est un cadeau, un surcroît. Celle-ci est gagnée en échange de notre « force de travail » qui permet d’avoir de l’argent comme valeur d’échange générale et neutralisante pour cette chose si singulière qu’est une vie.
Cette
expropriation de la vie consiste en ce que celle-ci n’est plus à la personne la
supportant, elle est à celui auquel on vend son travail. Le propriétaire des
outils est aussi propriétaire de toutes les vies de ses employés.
L’emploi
n’est pas le travail, il est une invention de l’industrialisation qui en
offrant la sécurité offre aussi la plus grande précarité : chaque mois ceci
peut être la fin, en perdant son travail on perd sa vie, sa famille, sa maison,
etc.
On
peut être exclu de l’emploi ce qui lie de façon très forte la force de travail
et la possibilité même de la vie. Il ne s’agit pas de gagner son existence (le
sens de sa vie), mais la vie en son sens le plus général et indéterminé, la vie
en tant qu’organique et matériel.
La
vie on ne l’a pas, on doit la gagner. Le chômeur n’a pas de vie, il ne lui
reste plus que l’existence, que le sens donc, mais sans ce à quoi cela doit
donner un sens, la vie, il lui reste donc un trou béant, l’angoisse du sens
sans objet.
Gagner
sa vie est structurellement attaché à
l’emploi et à l’industrialisation créant un lien de dépendance au rythme
mensuel et donc rapide entre le propriétaire et le travailleur.
Comme
le déclare l’industriel américain Taylor : « l’une des toutes premières aptitudes requises d’un homme capable de
faire de la manutention (...) est d’être si bête et flegmatique que sa tournure
d’esprit le rapproche davantage du bœuf que de tout autre chose. Un homme qui a
un esprit alerte et intelligent est pour cette raison même totalement inapte à
assumer l’écrasante monotonie de ce genre de travail ». L’économiste
J. Ellul notera justement ce qui caractérise la dissociation qui se produit
entre les hommes du passé et ceux du monde industriel : "cet homme, qui a toujours travaillé pour
laisser derrière lui une œuvre éternelle, marquant son passage sur la terre,
voici que dans une étrange abnégation, il travaille aujourd’hui pour le plus
futile et le plus fugace".
Le
travail salarié est lié à la nécessité de se procurer de l’argent. Mais se
procurer de l’argent, est lui-même est un moyen détourné pour satisfaire nos
besoins (dormir, manger, boire, etc).
Ce
détournement du processus de satisfaction de nos besoins, par l’acquisition
d’argent grâce au salariat, nous dépossède (toujours plus) de notre propre
autonomie, de cette maîtrise de nos propres conditions de vie et de notre
subjectivité radicale.
En
ce sens nous perdons notre vie en la « gagnant », car dans le jeu du
maître est de l’esclave, de l’ouvrier et du patron nous voyons bien qui est le
gagnant du jeu !
Et
il n’y a pas d’accord gagnant-gagnant dans ce jeu-là.
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