dimanche 31 décembre 2017

Sut du Merc. 03 Janvier 2018 : C’était mieux avant ! Sauf ailleurs ….



                           
                                 C’était mieux avant ! Sauf ailleurs ….

Tout fout le camp. La famille, la patrie, le travail. Les « valeurs » explosent et sont remplacées par des tripatouillages qui permettent la valorisation des egos narcissiques. On ne change rien on « customise ». La crasse s’installe, seul l’emballage compte. Comme le disait une pub voici quelques années : « à fond la forme ».

Est-ce un nouvel esprit pour des temps nouveaux ? Ou une décadence irrémédiable ? Etait-ce mieux « avant » (avant quoi ? faudrait-il demander !) ?

Y a-t-il des critères pour juger du mieux, du bien, du bon, du mauvais ? En effectuant quelques recherches sur ce sujet avec mon google préféré qu’elle ne fut pas ma surprise de voir apparaitre des milliers d’occurrences. A la question « c’était mieux avant » des milliers de liens renvoyaient vers cette sentence : « Non, ce n’était pas mieux avant, je peux en témoigner ». Mais quel était cet outrecuidant qui, du haut de ses 87 ans, (« argument » d’autorité imparable !!), pouvait ainsi poser une sentence aussi radicale ? Mon sujet était-il donc clos ?

J’appris que c’était un philosophe, qui plus est académicien, l’ineffable Michel Serres, le gascon préféré de France Info et invité chéri des médias. En 2013 il publie un opuscule « Petite poucette » et c’est dans ce texte que Michel nous assène SA vérité : « La différence entre le monde où nous vivons et celui d’aujourd’hui est spectaculaire. 70 ans de paix, ça n’est jamais arrivé. L’homme qui vit 80 ans en moyenne, ça n’est jamais arrivé. Les paysans qui ne représentent plus que 3% l’humanité, ça n’est jamais arrivé. Non, ce n’étais pas mieux avant, je peux en témoigner. Avant, nous étions gouvernés par Hitler, Mussolini ou Franco : rien que de braves gens… Nous avons aussi vécu la guerre mondiale avec 45 millions de morts….. »

Comment ! 70 ans de paix, mais Où ? Dans le Gers, à Stanford, à la Sorbonne ?  ….. et celui qui énonce cela de déclarer : «  j’ai même servi comme officier de marine sur divers vaisseaux de la Marine nationale, notamment lors de la réouverture du canal de Suez et durant la guerre d’Algérie »  (à noter pour les connaisseurs le mot « réouverture du canal » qui signifie guerre contre un état souverain l’Egypte).    
 
C’est que notre « témoin » a fait l’école navale, puis l’agrégation de philo à la rue d’Ulm, APRES QUOI il devint officier de la marine française.

Les philosophes - ou ceux qui se disent tels -  doivent être jugés à leur vie concrète. Il ne faut pas se laisser séduire par leurs mots doucereux et leur supériorité bienveillante. Et il en est de Serres comme de tous les hommes. Leurs diplômes, leur langage lentement ouvragé, leurs titres ne doivent pas impressionner ceux « d’en bas ». Les clercs de l’optimisme post moderne, restent des clercs et remplissent leurs fonctions de prédicateurs.

Et le clerc Serres salue notre époque un peu comme J. Attali : « les dernières pages du livre de Serres, célèbrent la « pensée algorithmique », appellent à l’avènement de « l’idée de l’homme comme code » et à la mise au point d’un « passeport universel codé », relèvent d’une prophétie très ambivalente : « Dans des ordinateurs, dispersés ailleurs ou ici, chacun introduira son passeport, son Ka, image anonyme et individuée, son identité codée, de sorte qu’une lumière laser, jaillissante et colorée, sortant du sol et reproduisant la somme innombrable de ces cartes, montrera l’image foisonnante de la collectivité, ainsi virtuellement formée. De soi-même, chacun entrera en cette équipe virtuelle et authentique qui unira, en une image unique et multiple, tous les individus appartenant au collectif disséminé, avec leurs qualités concrètes et codées. » 
On ne sait pas trop si c’est un rêve ou plutôt un cauchemar qui est ici annoncé avec une telle emphase : car ce « collectif connecté » d’individus résumés à leurs données chiffrées, évoluant selon des « procédures » dans une société « volatile », vouée à l’échange rapide et incessant d’informations, ressemble davantage pour nous à une fourmilière – ou à l’activité d’un call center - qu’à une communauté humaine telle qu’on peut la désirer. Ce risque d’un tel devenir-insecte, c’est ce que le philosophe académicien ne veut pas voir, entrainé par l’euphorie lyrique de son propos » J. Gautier in  http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres  (lire l’intégralité de l’article).

Laissons –entre autres- M Serres à son insularité insolente et dévoilons ce que le passé peut avoir d’enrichissant. En dehors de la Sorbonne et de l’école navale, du pays gascon et de Stanford il existe un vaste monde ou s’affrontent et se sont affrontés diverses conceptions du monde, divers rapports entre êtres humains.

Alors les indiens pensent-ils que c’était mieux avant Colomb, les conquistadors, les cow-boys  et les colons ? Les Irakiens pensent-ils que c’est mieux depuis que le U$A ont fait table rase de leur pays ? Les vietnamiens pensent-ils que c’était mieux avant que le napalm ne tue ? Les chinois pensent-ils que c’était mieux avant 1949, quand leur pays subissait 22 années d’occupations japonaises et occidentales ? Les maliens, les nigérians, pensent-ils que c’était mieux avant …. L’arrivée des compagnies minières qui leur ont volées leurs terres pour l’uranium ou le coltan ? Etc …..

Pourquoi dénierions-nous à ces pays et ces peuples le droit de penser que, oui, c’était mieux avant !

Est-il passéiste de regarder dans le passé pour construire l’avenir au lieu de s’extasier, béats, devant une histoire qui semble aller directement vers le progrès humain ? 

 Il y 50 ans, en France, la plupart des maisons dans les villes moyennes disposaient d’un jardin potager qui permettait d’avoir, outre une activité, des petites récoltes pour la famille. La folie des métropoles et le bétonnage de l’espace ont fait disparaitre tout cela. Nous ne savons plus faire pousser une salade et sommes tributaires de l’industrie agroalimentaire. 
Nous avons perdu en indépendance et en savoir-faire et ce ne sont pas les tablettes interconnectées de Mr Serres qui pondront des œufs.
           
Une part du passé est morte. Mais nous sommes des êtres historiques et nous ne pourrons pas envisager le futur sans garder en nous, non pas la nostalgie, mais l’apport et les leçons de modes de penser et de vie qui forment notre devenir. 

Nous ne devons pas nous prosterner devant une idée de l‘histoire envisagée comme circulaire ou achevée dans laquelle nous ne serions que des « chiens heureux » (F. Fukuyama – La fin de l’histoire – 1992). 

Sachons préserver ce qui « était mieux avant ».

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